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Un trip à la kétamine pour traiter la dépression, c'est l'étonnante thérapie proposée par l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière. Le psychiatre Hugo Bottemanne raconte comment le "syndrome d'Alice au pays des merveilles" provoqué par cette drogue psychotrope peut aider les patients.

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Transcription
00:00 La quétamine, c'est une molécule qu'on dit anesthésique.
00:02 Ce qu'elle crée, c'est une dissociation.
00:04 C'est-à-dire la communication entre le cerveau et le corps, elle devient un peu fragile.
00:08 Les sujets, par exemple, vont avoir la sensation de sortir de leur corps,
00:10 la sensation que leurs membres s'allongent ou rétrécissent.
00:13 C'est ce qu'on appelle le syndrome d'Alice au Pays des Merveilles.
00:15 La pitié salpétrière, par exemple, on utilise...
00:26 Nous, on fait des thérapies par quétamine, avec de la psychothérapie assistée par quétamine.
00:29 Mais uniquement dans les cas de dépression très sévère.
00:32 Elle provoque une sorte de trip, un trip qui est médicalisé,
00:35 qui est entouré, il y a un médecin, il y a une équipe qui est autour du patient.
00:38 Et ce trip, il a une valeur énorme pour les patients,
00:41 parce qu'ils revivent des expériences qui peuvent être très fortes.
00:44 Ils ont des images très fortes, ils ont une perspective sur leur passé,
00:47 sur le futur, sur le présent, qui est un peu modifiée.
00:49 Certains patients ont même une expérience qui est quasiment un peu mystique,
00:52 avec la sensation de toucher quelque chose de très puissant sur le plan métaphysique,
00:56 qu'ils ont du mal à expliquer, qu'ils comprennent pas vraiment.
00:59 Et finalement, d'un point de vue médical, nous, on monite, on contrôle un peu ces réactions,
01:03 pour permettre de leur donner un sens qui soit un sens thérapeutique.
01:06 Contrairement à ce qu'on croit, la dépression c'est pas uniquement de la tristesse,
01:08 c'est pas "je me sens triste".
01:09 C'est l'association de plein de trucs qui peuvent comporter de la tristesse,
01:12 mais aussi un manque de plaisir, un manque d'envie de faire les choses,
01:14 et puis finalement, ce qu'on appelle un ralentissement psychomoteur,
01:17 c'est-à-dire un ralentissement de la pensée, de l'action, des mouvements,
01:21 et qui finalement figent le sujet dans quelque chose,
01:23 comme s'il était englué dans du plomb.
01:25 Donc c'est pas uniquement quelque chose qui se passe dans le cerveau,
01:27 c'est pas uniquement de la psychologie de la dépression.
01:28 C'est un ensemble de choses qui sont très corporelles,
01:30 et de choses qui sont très psychologiques.
01:32 Ce qu'on sait, c'est que nous, on a tendance à encoder préférentiellement
01:35 des informations qui nous sont favorables, qui sont positives pour nous.
01:38 On a l'impression qu'on est des meilleurs conducteurs, qu'on est des meilleurs amants,
01:41 qu'on est meilleurs cuisiniers que les autres,
01:43 parce qu'en fait, on a plein d'informations qui nous viennent,
01:44 et on garde les informations qui nous sont favorables.
01:46 Les sujets déprimés, ce biais, qu'on appelle le biais affectif, il disparaît.
01:50 Et même, il va parfois s'inverser.
01:52 Ils vont être très très très sensibles aux informations négatives qui les concernent.
01:55 Les antidépresseurs classiques, en fait, ils vont avoir un effet justement sur ces biais affectifs,
01:59 mais un effet qui va être très long.
02:00 C'est-à-dire qu'ils vont modifier la façon dont on perçoit les informations,
02:03 mais sur une temporalité très longue,
02:05 ce qui fait qu'ils ont des effets en général au bout d'un mois,
02:07 un mois et demi après leur introduction.
02:09 Les antidépresseurs d'action rapide, comme la kétamine,
02:11 ou comme les psychédéliques, la psilocybine par exemple,
02:13 ils vont être extrêmement rapides sur les symptômes,
02:16 et en quelques heures, parfois pour la kétamine,
02:18 ils vont permettre d'améliorer l'humeur, la sensation de se sentir bien,
02:21 la sensation d'être à nouveau en possession de ses moyens,
02:24 de être capable de contrôler son corps, de contrôler ses pensées.
02:27 Ça peut venir beaucoup plus rapidement qu'avec les antidépresseurs classiques.
02:30 Le patient est accompagné pendant toute l'administration,
02:32 qui dure 45 minutes à peu près.
02:34 Pendant ces 45 minutes, il va avoir tous les effets dissociatifs dont on a parlé.
02:37 Il y a quelqu'un à côté qui l'accompagne,
02:39 qui lui permet de vivre cette expérience de façon positive.
02:41 Et pendant toute la durée du traitement,
02:43 il y a une psychothérapie qui est associée à cette thérapie psychédélique,
02:46 et qui permet justement de travailler en profondeur
02:49 sur l'ensemble des choses très difficiles,
02:51 des symptômes très difficiles pour ce patient.
02:53 La médecine psychédélique, face à ce grand mystère
02:55 qu'est le fonctionnement du cerveau,
02:56 elle ouvre quand même de nouvelles portes
02:58 pour comprendre un peu ce qu'on ressent,
03:00 pour comprendre ce qu'on perçoit du monde,
03:02 et puis pour comprendre l'ensemble de la richesse de notre vie intellectuelle,
03:05 affective, et même peut-être un peu spirituelle.
03:07 [Générique]
03:09 [SILENCE]

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