• l’année dernière
Jonas a commencé à écrire très jeune, mais c'est la maladie de sa sœur qui l'a inspiré à écrire pour la première fois sur des sujets difficiles. Souffrant d'une tumeur au cerveau, Jonas a pris soin d’elle, bien qu'il ait été terrifié par la maladie. Malheureusement, elle est décédée à l'âge de 18 ans, alors que Jonas n'en avait que 15. Après sa mort, il a continué à écrire pour se libérer de ses émotions et a été diagnostiqué à son tour d'un cancer à l'âge de 21 ans. Il a refusé de laisser la maladie dicter sa vie et a continué à sortir et à vivre normalement, même si cela a parfois été dangereux pour sa santé. Malgré tout, il a réussi à guérir de son cancer.

Plus tard, Jonas a commencé à écrire des chansons et a écrit "Miroir" en hommage à sa sœur dont tous les bénéfices sont reversés à l'association Princesse Margot, créée par sa mère pour aider les enfants atteints de cancer et leur famille. A travers son expérience, Jonas a appris à exprimer ses émotions à travers l'écriture et la musique, et utilise maintenant son art pour aider ceux qui vivent des situations similaires.

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Retrouvez également l'association Princesse Margot : https://www.instagram.com/princessemargot_officiel/

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Graphisme miniature : Studio Amico

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😹
Amusant
Transcription
00:00 J'avais 12 ans quand j'ai appris que ma sœur était malade.
00:01 À l'époque, je faisais tout le temps rire mes sœurs
00:03 et j'ai pris cette habitude de faire des conneries et de faire sourire.
00:06 Et quand la mauvaise nouvelle est tombée,
00:08 j'ai eu tout de suite ce réflexe de conserver mon rôle.
00:11 Ça m'a paru essentiel.
00:12 Donc on savait pas dans quoi on s'embarquait,
00:13 on savait pas encore à quel point c'était grave.
00:15 Mais déjà, il y avait quand même une notion de gravité
00:18 que j'ai tout de suite voulu briser, en fait.
00:19 Le mot "cancer", pour moi, c'était étranger.
00:21 C'était un truc que je connaissais pas.
00:22 On me l'a pas dit, mais j'ai compris que c'était grave.
00:29 Et en fait, il n'y a rien de grave pour moi à cet âge-là dans ma tête.
00:32 À mesure que les choses devenaient vraiment graves,
00:35 je continuais de plus en plus à réagir comme si c'était pas grave.
00:38 Et je me suis confronté à des réactions de ma mère, par exemple,
00:42 même si elle essayait d'être forte, par moments, on s'effondrait.
00:44 Et moi, j'étais outré qu'on s'effondre devant elle.
00:47 Je voulais pas du tout.
00:48 C'était quelque chose que je refusais absolument.
00:50 En fait, plus le temps passait, ma sœur avait beaucoup de migraines,
00:53 des migraines très fortes.
00:54 Du coup, elle s'est fait diagnostiquer comme ça.
00:56 Les migraines s'intensifiaient, parce que c'était une tumeur au cerveau,
00:59 un truc vraiment, vraiment vénère.
01:00 Et donc, elle a eu besoin de faire de la chignot,
01:03 et petit à petit, elle perdait ses cheveux.
01:05 Mais, mis à part sa perte de cheveux, et elle portait une perruque,
01:08 il y a pas eu beaucoup de symptômes.
01:09 Les traitements ont fini par être assez efficaces, assez rapidement.
01:12 Et elle a eu une période de rémission ensuite,
01:14 où du coup, tout le monde était content.
01:16 Et moi, j'avais l'impression d'avoir eu raison de réagir comme ça.
01:19 Après sa période de rémission, elle est retombée malade,
01:23 et le cancer est revenu de plus belle.
01:24 La tumeur au cerveau était ultra agressive.
01:27 Elle a dû retourner au front de manière assez violente.
01:30 Et moi, je me suis tout de suite dit, bon, elle s'en est remise une fois,
01:34 on me refait le même coup.
01:35 À ce moment-là, je me suis dit, bon, j'ai jamais bougé,
01:37 je vais pas bouger maintenant, et elle va s'en sortir, en fait.
01:40 Je refusais de croire qu'elle allait mourir.
01:41 Je ressentais rien de plus qu'une flemme pour elle, en fait.
01:46 J'avais la flemme pour elle de devoir recombattre,
01:48 parce que c'était fatigant et qu'elle le méritait pas,
01:49 en tant que jeune fille insouciante qui a plein de rêves
01:55 et qui rêve d'être maman, et elle le méritait pas,
01:57 et c'était ultra douloureux.
01:58 Ça, je le voyais, qu'elle trinquait pas mal.
02:00 Mais je refusais de croire qu'elle allait mourir.
02:02 D'ailleurs, je le dis dans une des chansons de l'EP,
02:04 où je lui parle directement.
02:05 Je lui dis, "J'aurais voulu t'aider plus tôt,
02:08 plutôt que de te sauver trop tard.
02:10 Pardonne-moi pour toutes les fois où j'étais mauvais",
02:13 parce que je l'embêtais beaucoup.
02:14 "Je pensais pas que tu partirais,
02:16 et je refusais de voir qu'il fallait te sauver."
02:17 Et c'est vraiment comme ça que je l'ai vécu, en fait.
02:19 Je pensais pas que je refusais.
02:21 C'était inconcevable pour moi d'admettre que ma grande sœur, jeune,
02:26 en plus avec ma mentalité de petit con que j'étais,
02:30 qu'elle allait mourir, c'était hors de question.
02:32 Elle s'est complètement dégradée.
02:33 Alors là, c'était d'une violence...
02:36 J'avais 15 ans, parce qu'elle est partie, j'avais 15-16 ans,
02:40 et le moment le plus violent...
02:43 T'as pas envie de voir ta sœur dans cet état.
02:45 Elle s'est mise à se dégrader physiquement et mentalement.
02:48 C'est quelque chose qui m'a beaucoup marqué.
02:50 À ce moment-là, j'ai eu cette réaction de me dire
02:52 "OK, y a ma sœur derrière", alors qu'on la voyait même plus.
02:55 C'est ouf, parce que je sais pas comment un cancer peut atteindre...
02:58 qui se situe au niveau du crâne,
02:59 peut atteindre les parties du corps les plus opposées.
03:01 Parce que ses pieds se sont mis à se déformer, à gonfler beaucoup.
03:05 Elle boitait, elle boitait, elle arrivait plus à marcher.
03:08 Son visage se déformait, elle était très gonflée, elle était courbée.
03:13 Elle était complètement atteinte, elle voulait pas qu'on la voit dans cet état-là.
03:16 Je ressentais en elle... Je la voyais, en fait, elle parlait plus.
03:19 Elle riait, elle riait.
03:21 Je sais pas si c'était les traitements qui la défonçaient.
03:23 Et parfois, elle hurlait de douleur.
03:25 Elle hurlait de douleur.
03:26 D'ailleurs, c'est dans un de ces moments où ma mère a fini par craquer et s'effondrer.
03:29 Et ça m'a rendu ouf. J'ai pété un plomb.
03:31 Parce que j'ai vu le visage de Margot s'inquiéter.
03:33 Je refusais qu'on fasse ça.
03:34 C'est comme quelque chose de compréhensible, mais de pas autorisé.
03:38 Il fallait pas qu'on s'effondre devant elle, c'est hors de question.
03:41 Elle a le droit de s'effondrer, elle est en combat.
03:43 Elle se bat, elle a le droit.
03:45 Nous, on n'a pas le droit. C'est hors de question.
03:47 Elle a besoin de voir que ça va autour d'elle.
03:49 Ça va déjà suffisamment pas en elle pour que ça aille pas autour d'elle.
03:52 Sa mère, sa propre mère qui s'effondre, c'est trop inquiétant.
03:56 Et moi, j'avais besoin de la voir, j'avais besoin de la ressentir.
03:58 J'avais besoin de la capter derrière cette souffrance.
04:01 Et c'était plus difficile à la capter.
04:03 Et comme c'était plus difficile, ça a été un choc pour moi
04:06 de voir que cette difformité physique et mentale m'a éloigné,
04:10 même de ma relation avec elle.
04:12 Elle a été brisée à ce moment-là aussi.
04:14 Après que son état soit beaucoup dégradé,
04:16 elle a fini par rentrer dans le coma.
04:19 Donc, elle dormait à l'hôpital.
04:21 J'avais pas conscience que c'était un coma, même si le mot m'a été employé.
04:24 Pour moi, elle dormait à l'hôpital, même si elle dormait beaucoup.
04:27 Je me disais tant mieux, limite, qu'elle se repose.
04:29 Parce que ces journées étaient dures.
04:31 Quand elle était éveillée, elle souffrait, elle criait.
04:33 J'étais limite soulagé, à ce moment-là.
04:35 Déjà, je la voyais plus souffrir,
04:36 mais j'étais pas beaucoup avec elle à l'hôpital pendant ce coma.
04:39 Mais je suis allé la voir, justement.
04:40 Je suis allé la voir une fois.
04:41 C'était à durer quelques jours.
04:42 Je suis allé la voir une fois.
04:44 En fait, la maison était vide.
04:45 Donc, je dormais chez des potes.
04:46 Parfois, je passais récupérer des affaires à la maison.
04:47 C'était chelou, en fait.
04:49 Tu rentres chez toi et tous les volets sont fermés, y a personne.
04:51 Très bizarre, mais à ce moment-là, je vais vite.
04:55 Je prends mes affaires, je repars.
04:57 Je fuis, en fait, le fait qu'il y a personne, que c'est vide chez moi.
05:00 Et que, en fait, ils sont tous à l'hôpital.
05:02 J'y vais une fois et je fais n'importe quoi.
05:04 Je fais n'importe quoi.
05:05 Tout le monde est là.
05:06 Il y a beaucoup de monde qui est là.
05:07 Tout le monde est grave.
05:09 Tout le monde a un regard très grave que je supporte pas.
05:11 Je me dis, encore une fois, "Imagine, elle vous entend.
05:15 Imaginez qu'elle se réveille et qu'elle vous voit avec cette tête.
05:18 Soyez optimistes. Elle va se réveiller, quoi."
05:21 Ça, c'est ce que je me disais. Je l'aurais pas dit.
05:24 Et je fais n'importe quoi.
05:25 Je rentre dans la chambre, je la vois endormie.
05:27 Je suis content de la voir endormie, soulagée.
05:29 Et je fais n'importe quoi.
05:31 Je prends des trucs, je les mets dans la main,
05:35 des trucs sur la tête.
05:36 Je la déguise, en fait.
05:38 Je la déguise complètement.
05:40 On adorait se déguiser.
05:42 Je me dis qu'il faut rigoler, quoi.
05:44 Je passe un moment avec elle et ma mère comprenait pas.
05:46 J'ai toujours fait des bêtises.
05:48 Et donc, elle a ce réflexe de "Jonas, tu fais des bêtises."
05:51 Donc, elle est vénère.
05:52 Voilà. Elle est vénère.
05:54 Et moi, je suis en mode "Je m'en fous que tu sois vénère."
05:57 C'est important que là, je joue avec ma sœur.
05:59 Même si elle est passive, elle dort.
06:02 C'est important.
06:03 C'est ce qu'on a toujours fait, en fait, tous les deux.
06:05 C'est notre relation.
06:06 Et c'est la dernière fois que je la vois, mais je le sais pas.
06:09 Et quand je pars, je retourne dormir chez des potes.
06:12 Le lendemain matin, je crois, ou le surlendemain matin, je sais pas.
06:16 Mais je vais à l'école.
06:18 Enfin, je dois aller à l'école.
06:19 Et au moment où je me réveille le matin,
06:23 la mère de mon pote me dit...
06:26 "Je vais pas à l'école. Tu dois aller à l'hôpital voir tes parents."
06:29 Moi, je comprends qu'il y a un truc.
06:30 Je vois sa tête, sa tronche, et je comprends...
06:34 Au fond, je sais.
06:35 Je connais pas encore la nature de cette chose que je découvre ce jour-là.
06:38 Et je vais à l'hôpital, et tout le monde pleure, en fait.
06:40 Et à ce moment-là, je comprends.
06:43 C'est-à-dire que je comprends qu'elle est morte.
06:45 Je comprends qu'elle est partie.
06:46 Mais je sais pas ce que ça veut dire, encore.
06:47 Et j'ai pas su réagir, en fait.
06:50 J'ai tellement été fort et fuyard en même temps
06:55 qu'à ce moment-là, j'ai fait la même chose.
06:58 Je me suis pas effondré avec tout le monde.
06:59 À ce moment-là, j'ai pas pleuré, j'ai pas paniqué.
07:03 J'ai mis beaucoup de temps à réaliser...
07:05 à comprendre ce que ça voulait dire
07:07 et à réaliser ce que c'était et ce qui s'était passé.
07:09 Qu'elle était vraiment partie, en fait.
07:11 J'ai accepté l'idée que j'allais pas la revoir sur le moment.
07:14 Mais pas la revoir...
07:15 Je savais pas que ça allait durer si longtemps, en fait.
07:17 Mais je savais pas ce que c'était que la mort, en fait.
07:19 C'est pas à ce moment-là que j'ai pris ma plus grosse claque.
07:21 Le deuil a été hyper colérique.
07:24 J'étais en colère parce que j'écrivais, je prenais conscience.
07:26 J'étais en conflit même avec Dieu.
07:28 Contrairement à mes parents, j'ai pas cessé de croire en Dieu.
07:31 J'ai juste considéré que...
07:34 J'étais juste pas d'accord, en fait.
07:37 C'est ouf parce que, en fait, pour la plupart des gens,
07:40 Dieu, pour moi, c'est pas un bonhomme sur un nuage.
07:42 C'est juste une force qui met les choses en mouvement,
07:45 mais une sorte d'intelligence qui transcende tout.
07:47 Et on est tellement une fourmi à l'échelle de l'univers
07:50 qu'on a pas de recul pour savoir
07:51 s'il y a une intelligence comme ça qui transcende tout.
07:54 Et moi, je me dis que ça me paraît pas illogique,
07:57 donc j'ai pas cessé d'y croire.
07:59 J'étais juste en désaccord total avec le projet de la nature, en fait.
08:04 C'était injuste, en fait.
08:05 Et je comprenais pas pourquoi les meilleurs...
08:08 Enfin, cette phrase tellement niaise et tellement vraie en même temps,
08:12 "Les meilleurs partent en premier", mais pourquoi, en fait ?
08:14 J'aurais voulu que ce soit moi, en fait, à ce moment-là.
08:16 Et donc, j'étais en conflit.
08:18 Je parlais à Dieu, j'écrivais aussi.
08:20 J'écrivais pour moi, mais aussi pour elle
08:23 et aussi pour tout ce qui puisse m'entendre.
08:25 Et au bout d'un moment, j'ai eu besoin d'accepter.
08:26 Et à ce moment-là, ce relâchement que j'ai eu, j'avais 18, 19 ans.
08:29 J'ai compris qu'en fait, de toute façon, tout le monde part,
08:33 et le fait qu'elle soit partie,
08:34 cette introspection que j'ai faite par l'écriture,
08:36 ça m'a tellement rapproché d'elle,
08:37 et j'ai compris le sens de la mort, en fait,
08:40 le sens du départ pour les vivants.
08:43 J'ai compris ça. J'ai mis du temps à le comprendre.
08:45 C'est une lumière qui continue de briller, mais en toi.
08:47 Et à ce moment-là, j'ai accepté, et du coup, sur sa tombe,
08:50 sur cette colline, je me suis effondré parce que j'ai accepté.
08:53 Et à ce moment-là, je me suis effondré en larmes.
08:55 J'ai pleuré toutes les larmes de mon corps.
08:57 Et j'étais bien, parce que j'étais proche d'elle, en fait.
09:00 J'avais envie de lui montrer que je vivais pour elle.
09:04 Il y avait beaucoup cette idée de "je vis pour deux" maintenant,
09:07 qui... Tu vis toujours.
09:08 En fait, j'avais besoin qu'elle vive, parce qu'elle ne vivait plus.
09:10 Et du coup, le deuil est passé par un "tu vis en moi", en fait.
09:14 Dans ma colère et dans tout ce que j'écrivais,
09:16 il y avait beaucoup l'idée de vengeance.
09:18 Je réclamais, en fait.
09:19 C'est tordu, mais pour moi, ça me paraissait naturel.
09:22 Je réclamais un cancer.
09:24 J'avais pour volonté de me confronter...
09:27 En fait, ma sœur, qui était fragile et qui a vécu ça,
09:30 j'avais besoin de la venger en vivant la chose autrement,
09:34 en affrontant le même adversaire et en le mettant au tapis.
09:37 Et qu'à ce moment-là, toute ma famille se sentira mieux
09:40 et qu'elle reposera en paix, parce que je l'aurais vengée,
09:44 et que ma famille se sentira mieux de voir que, en fait,
09:47 parfois, il y a des happy ends.
09:49 J'étais à Milan chez un pote.
09:52 On passe le week-end ensemble, et une fois là-bas,
09:55 j'ai des vertiges, des sensations de...
09:58 Et je suis en mode "Ouh là là, Jonas !"
10:00 Moi, j'ai mis ça sur le compte de...
10:02 Peut-être que je suis fatigué, j'ai un manque de fer, de magnésium,
10:04 j'en sais rien, j'ai trop bu...
10:06 Je me suis, au final, effondré, perdu connaissance, à un moment,
10:11 deux minutes, en rentrant de soirée à Milan.
10:13 Bon, j'en parlais à mon pote,
10:14 et mon pote, il sait que je suis quelqu'un de solide,
10:17 et qu'on est fatigué, il s'inquiétait pas, moi non plus, je m'inquiétais pas.
10:21 Je suis rentré de ce week-end, et je me suis mis à voir des PTJ,
10:24 donc en fait, c'est des petites traces...
10:26 En fait, c'est des vesseaux sanguins qui pètent,
10:27 donc ça fait des marques bleues sur la bras,
10:29 comme si t'avais plein de bleus.
10:31 Je me dis "Ouh là là, c'est quand même chelou, ça !"
10:32 Je panique pas, mais je me dis "Bon, j'ai un truc pas normal,
10:35 j'ai des marques, quoi !"
10:36 Donc je fais un bilan sanguin,
10:37 et il s'avère que j'ai plus de plaquettes,
10:39 donc en gros, j'ai mon sang qui...
10:43 Alors, je sais pas s'il coagule trop ou pas assez,
10:45 je sais plus comment on dit, mais quand t'as pas de plaquettes,
10:47 en gros, tu peux faire une hémorragie interne,
10:48 si tu te coagules trop fort, et t'as les vesseaux sanguins qui peuvent péter.
10:52 Donc y a un truc qui a détruit mes plaquettes dans mon sang.
10:54 On fonce à l'hôpital, on fait des bilans plus approfondis,
10:57 détection d'une leucémie,
10:59 donc cellules cancéreuses qui circulent dans le sang.
11:02 C'est pas une tumeur comme ce qu'avait ma sœur,
11:03 parce qu'une tumeur, c'est un agglutinement de cellules.
11:06 Moi, elles circulaient vraiment...
11:08 C'est des cellules similaires, mais qui circulent partout dans le corps, dans le sang.
11:11 Donc on m'a diagnostiqué d'un cancer.
11:12 À ce moment-là, j'ai eu moins peur que...
11:16 Quand je suis rentré et que j'ai vu ma sœur difforme,
11:19 moins peur que le jour où j'ai pris conscience qu'elle était partie.
11:23 À ce moment-là, ce que j'ai ressenti, c'est étrange,
11:25 mais c'était de la détermination.
11:28 J'étais... À ce moment-là, je me suis dit "c'est maintenant",
11:31 comme une annonce d'un destin que j'attendais et qui était important.
11:35 Comme un combat.
11:36 J'ai eu 20 ans, je sors d'une adolescence pleine d'effervescence artistique et culturelle,
11:40 de recherche, d'acceptation, de deuil.
11:42 Et à ce moment-là, je suis en mode "j'ai plein de projets".
11:44 J'avais pas du tout prévu de passer le prochain mois à l'hôpital.
11:48 Mais très vite, en quelques secondes, j'en ai rien à foutre.
11:52 Et je me dis "OK, c'est juste maintenant que ça se joue,
11:57 et il faut que je le fasse".
11:59 Mes parents, au début, ils ont voulu agir comme moi,
12:05 me montrer que ça va.
12:06 Ils ont voulu créer de la vie autour de moi,
12:09 encourager mes dynamiques, mes potes qui viennent me voir.
12:12 Y a mon univers qui débarque à l'hosto, en fait.
12:15 Et mes parents se sont pas opposés à ça.
12:17 Ils ont dit "OK, je pense qu'ils étaient choqués de revivre ça,
12:21 mais comme c'était moi, ils ont peut-être encouragé mon...
12:24 Ils m'ont laissé faire".
12:26 J'ai réussi à contaminer tout le monde, en fait.
12:28 J'ai passé deux mois à l'hôpital, les deux premiers mois,
12:32 sans sortir et sans respirer l'air extérieur.
12:34 Parce que t'es en aplasie, la chimio te met en aplasie,
12:36 et aplasie, t'as pas de défense immunitaire.
12:38 Tout est un risque, donc t'as pas le droit de sortir.
12:40 Ceux qui viennent te voir, ils ont un masque.
12:42 Et j'ai bien réagi au traitement.
12:43 Tu passes deux mois relié à une perf.
12:45 T'as un cathéter ici, donc un petit truc sous la peau.
12:47 Donc ça te fait une petite boule, là, au niveau de la...
12:50 Sous la peau.
12:52 Et en fait, t'es constamment attaché, t'es comme un chien en laisse.
12:54 Même quand il va te doucher, la douche est dans les couloirs,
12:57 donc tu dois traverser le couloir de ta chambre,
12:59 t'es dans la douche, tu laisses la perf dehors,
13:01 le fil passe sous la porte et tu te retrouves dans la douche
13:05 à faire attention à pas trop mouiller pour pas que ça s'infecte.
13:08 Et quand, au bout de deux mois, on m'a débranché,
13:11 on m'a enlevé cette corde,
13:12 et que je suis sorti, que j'ai respiré l'air de l'extérieur,
13:15 j'ai eu un sentiment de liberté.
13:17 Aujourd'hui, je me retrouve à savourer la vie, mais encore plus.
13:20 Et je vivais pour deux,
13:22 et j'avais l'impression de vivre pour deux, mais fois deux.
13:24 C'est comme ça que j'ai vécu la maladie, c'est comme ça que je l'ai vaincu.
13:27 C'est passé par des moments durs.
13:29 Il y a eu des moments intenses.
13:30 Je m'en suis pris plein la gueule.
13:32 J'ai eu... Alors là, je peux te faire une liste de trucs...
13:35 Je peux te faire une liste de trucs de ouf que je me suis mangé,
13:39 de trucs que tu vis pas au quotidien, normalement,
13:41 quand t'es jeune, quand t'as la vingtaine.
13:43 Mais, par exemple, t'es dans ta salle de bain, t'es chez toi,
13:47 d'un coup, tu te mets à pisser le sang du nez.
13:49 C'est une fontaine.
13:50 T'as l'impression que tu vas te vider de ton sang,
13:52 et tu te dis "Waouh, waouh, waouh !"
13:53 Si je me vide de mon sang, c'est chaud.
13:55 Il peut y avoir tout et n'importe quoi. Ton corps est vulnérable à la mort.
13:58 Je te donne un autre exemple. C'est pas sexy,
14:00 mais la chignose, ça sèche les muqueuses.
14:03 Du coup, t'as plein de galères, t'as des aftes, plein la bouche, parfois.
14:07 "Les gars, je veux plus parler !"
14:09 On reçoit des notes vocales comme ça, mais on rigole, tu vois.
14:11 Ou je vais aux toilettes et tu saignes,
14:13 parce que tu peux avoir des déchirures, parce que t'as des muqueuses asséchées.
14:16 Et tu te dis "Putain, les gars, je saigne du huc !"
14:19 Et c'est rigolo, en fait. On le vivait comme ça.
14:21 Et dès qu'on avait une occasion, on partait en week-end,
14:24 j'avais besoin de continuer de vivre. C'est comme ça que je vivais le truc.
14:26 Je partais à Londres, en Normandie, alors que normalement, il fallait pas voyager.
14:29 D'ailleurs, ça s'est mal passé.
14:31 Je pense que le moment où je suis tombé le plus bas,
14:34 où ça a été vraiment, vraiment chaud,
14:37 c'est quand je suis parti en week-end en Normandie pour le Nouvel An avec des potes,
14:40 parce que j'avais besoin, en fait.
14:42 Et là, encore plus, en fait. Vu ce que je vivais, j'avais besoin de souffler.
14:46 Donc on part en week-end avec des potes et forcément, c'est pas recommandé.
14:50 En fait, je fais des tests pour savoir si t'es en anaplasie ou pas.
14:53 J'étais pas en anaplasie, mais pas loin.
14:54 Et du jour au lendemain, avec les traitements que tu prends, tu peux l'être.
14:57 Donc en fait, tu sais pas.
14:59 Même quand la veille, t'as vu que tu l'étais pas, tu l'es peut-être.
15:01 J'ai chopé une pneumocystose.
15:03 Freddie Mercury, en fait, il est mort de ça.
15:04 Les sidaïques, ils en ont beaucoup, parce qu'ils sont vulnérables, forcément.
15:08 Et moi, c'est la chignot qui a créé ma vulnérabilité.
15:12 En fait, c'est un champignon.
15:14 Ça a été une dégénérescence totale.
15:16 En fait, j'ai commencé à plus pouvoir... à moins bien respirer, à avoir de la fièvre.
15:20 Je me suis retrouvé en salle de réanimation avec un masque à oxygène,
15:24 sous adrénaline à haute dose, pour me maintenir en vie, quoi.
15:30 À ce moment-là, en réanimation, j'ai encore une fois pas eu peur.
15:34 Et c'est pas du tout pour faire semblant, en fait.
15:36 J'ai pas eu peur parce que c'était moi, et pas ma sœur, et pas quelqu'un d'autre.
15:39 En fait, j'ai rarement peur pour moi. J'ai rarement.
15:42 J'ai parfois mal, j'ai eu mal.
15:43 Je souffrais le martyr, à ce moment-là, parce que j'avais cette optique, en fait.
15:47 J'étais dans une dynamique de "je dois venger ma sœur",
15:49 "je dois vivre le truc à ma façon".
15:50 J'avais déjà vécu des expériences assez intenses par le passé,
15:53 donc j'étais encore plus consolidé que je l'étais dans l'expérience précédente,
15:57 sachant que j'avais déjà des réactions assez particulières et atypiques pour un gamin.
16:00 Donc là, encore plus, vu que j'étais déterminé.
16:03 Avec beaucoup de chance aussi, je m'en suis sorti.
16:05 Faut savoir que c'est extrêmement rare,
16:08 deux membres d'une fratrie aussi jeunes qui ont un grand cerf,
16:12 c'est tellement rare qu'ils ont fait des tests génétiques
16:14 pour découvrir potentiellement quelque chose.
16:17 Ils voulaient faire une découverte, parce que c'est pas génétique, le cancer.
16:19 Et non, y a rien, c'est juste un coup du sort,
16:22 un coup du destin que j'avais provoqué, que j'ai écrit.
16:24 C'est un truc de ouf.
16:25 Soit on croit au pouvoir du cerveau,
16:26 et du coup, je l'ai tellement pensé fort que je l'ai généré.
16:29 Il y a peut-être un peu de ça.
16:30 Soit on croit juste à l'interaction qu'on peut avoir avec la nature et à sa intelligence.
16:35 Soit on croit au hasard, mais dans tous les cas, c'est d'une probabilité infime.
16:39 Aujourd'hui, je suis guérireux.
16:40 On peut dire que j'ai gagné et que je l'ai vengé.
16:42 Et d'ailleurs, ça m'a rapproché d'elle.
16:45 Je savais à ce moment-là que je venais de mettre un point à une longue histoire.
16:49 Et je sais que c'est le début d'une autre histoire.
16:51 Et j'ai envie de transmettre.
16:52 Et c'est pour ça aussi que je sors des chansons,
16:54 et notamment "Miroir", que j'ai écrit pour l'association Princess Margot.
16:57 Et Princess Margot, c'est une association qui accompagne les enfants,
17:00 le cancer pédiatrique, donc les enfants atteints de cancer.
17:03 C'est une association qui existe depuis plus de 10 ans,
17:05 qui a été créée par ma mère en la mémoire de Margot.
17:07 J'ai écrit un livre, "Souvenir d'une princesse", il y a quelques temps.
17:12 C'est important de faire briller la flamme qui brûle en nous.
17:16 On peut tous être des soleils pour les autres.
17:19 Et moi, c'est ce que j'ai fait pour ma famille,
17:21 c'est ce que j'essaie de faire aujourd'hui pour le plus grand nombre par mon écriture.
17:24 C'est ce que j'en retiens.
17:25 Avec Margot en moi, qui brûle avec cette flamme en moi,
17:28 que je fais brûler d'autant plus par la victoire et par la vengeance que je lui ai offert.
17:33 Et que j'offre aujourd'hui au monde en racontant des histoires, d'autres histoires aussi.
17:38 Sous-titrage Société Radio-Canada
17:41 Au gaijin.
17:43 [Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org]

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