Mobilisation du 1er-mai : "J'ai eu peur, c'est très violent, ça tape très fort de tous les côtés", témoigne un sénateur qui a suivi la Brav

  • l’année dernière
Jérôme Durain, sénateur socialiste de Saône-et-Loire, était l'invité de franceinfo le 2 mai 2023.

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00:00 et pas moins de 291 personnes interpellées au total partout en France.
00:04 - Et des dégâts matériels importants aussi avec des vitrines brisées,
00:07 des arrêts de bus, des commerces vandalisés.
00:10 Jérôme Durin, vous étiez donc, je le disais, en immersion avec la police.
00:14 Hier, vous étiez où exactement ?
00:16 - Écoutez, je n'ai pas vu beaucoup de manifestants
00:19 puisque l'unité, la compagnie d'intervention avec laquelle j'étais,
00:23 était finalement à la périphérie du cortège
00:25 pour essayer d'éviter les dégâts que vous avez décrits,
00:30 les violences que vous avez décrites.
00:32 - Donc vous étiez à Paris plutôt à l'arrière du cortège, c'est ça ?
00:35 - Plutôt à l'avant d'ailleurs,
00:37 puisque c'est en tête de cortège qu'il y avait l'essentiel des casseurs.
00:40 - Alors vous avez observé quoi justement ?
00:43 - Beaucoup de violence.
00:45 Moi, la mission qui était la mienne,
00:48 c'est Gérard Darmanin qui est venu devant la commission des lois du Sénat,
00:51 dont je suis vice-président, et qui nous a dit
00:53 "Vous critiquez les forces de l'ordre, chiche, venez !"
00:56 Donc je me suis dit "Oui, allons voir".
00:58 Et du coup, j'ai pu regarder un peu comment ils se positionnaient,
01:02 quels étaient les moyens qu'ils utilisent, les techniques employées.
01:06 C'est un travail de fond,
01:07 ça n'a pas vocation à documenter les violences policières,
01:09 c'est plutôt pour essayer de comprendre au fond comment tout ça s'organise.
01:12 - Vous aviez quel matériel ?
01:13 Vous étiez équipé comme les policiers de la MRAV ?
01:15 - Un casque, des protections jambières,
01:17 des protections sur le torse.
01:19 - Vous avez filmé, vous avez pris des notes ?
01:21 - J'ai filmé, j'ai essayé de prendre des vidéos,
01:23 il y avait une équipe de public Sénat qui me suivait
01:26 pour un documentaire pour juillet.
01:28 Donc c'est plutôt pour faire un travail de fond
01:30 sur la question du maintien de l'ordre après Sainte-Seline,
01:32 et puis après cette séquence de manifestation
01:34 qui a été parfois très critiquée en matière de domaine de l'ordre.
01:38 - Et donc vous n'avez pas vu beaucoup de manifestants,
01:40 mais qu'est-ce que vous avez vu hier tout au long de cette mission avec la MRAV ?
01:45 - J'ai vu, je pense, une forme de retenue dans le dispositif policier,
01:51 pas dans la façon d'intervenir, mais en tout cas dans le positionnement.
01:55 J'ai le sentiment qu'on en a fini avec la NAS, et c'est une bonne chose.
01:58 J'ai vu que tout pouvait voler,
02:00 parce que le nombre de projectiles était assez hallucinant,
02:04 et moi j'ai vu les choses depuis les forces de l'ordre,
02:06 puisque j'étais avec elles.
02:08 Donc ce que j'ai vu essentiellement, c'est tout ce qui arrivait sur les forces de l'ordre.
02:10 Donc je ne suis pas en mesure de documenter
02:12 ce qui s'est passé de leur côté quand elles intervenaient.
02:15 - Mais vous avez été surpris par cette violence ?
02:18 - Oui, c'est éprouvant.
02:20 J'ai vu quelques commentaires qui s'amusent,
02:23 qu'un sénateur puisse être avec les forces de l'ordre.
02:25 C'est tout sauf amusant,
02:27 parce qu'on peut parler de la qualité de la foulée pour suivre les charges,
02:31 mais ce qui est impressionnant, c'est la violence qui s'exerce
02:34 par des gens qui sont là, et qui n'ont rien à voir
02:37 ni avec le mouvement syndical, ni avec des aspirations politiques
02:41 liées aux retraites.
02:42 - On vous a vu courir sur les réseaux sociaux dans quelques vidéos.
02:46 On vous a vu aussi montrer un marteau.
02:49 Ça c'est quelque chose qui a été jeté sur les policiers avec qui vous étiez ?
02:52 - Oui, c'est le responsable de l'unité avec laquelle j'étais
02:55 qui a reçu le marteau.
02:57 Après on a reçu un pommeau avec une tige filetée,
02:59 toutes sortes de pavés.
03:01 Moi j'ai eu peur, je vous le dis.
03:03 C'est très violent.
03:05 Et effectivement,
03:07 ça tape très fort de tous les côtés.
03:10 J'ai vu des policiers blessés,
03:12 j'ai vu des gens blessés,
03:14 des gens qui étaient traînés par terre.
03:16 Ce sont des circonstances très violentes.
03:18 Moi je suis un militant politique,
03:20 mon rôle est plutôt d'aller du côté de ceux qui tapent sur les casseroles,
03:23 parce que je suis très hostile à cette réforme des retraites.
03:26 Mais c'est très intéressant pour fabriquer la loi,
03:29 pour essayer de comprendre comment le maintien de l'ordre s'effectue dans notre pays,
03:32 d'être aussi de ce côté-là, et de voir les techniques qui sont employées.
03:35 - Est-ce que ça a changé votre regard ?
03:37 Évidemment cette brave M a été très critiquée,
03:39 certains élus, notamment de gauche, demandent sa suppression.
03:42 - Moi c'était pas la brave M,
03:44 c'est-à-dire que c'était pas motorisé, c'est la brave à pied.
03:46 Donc c'est une unité qui intervenait à pied.
03:49 Et ce qui a changé mon regard en tout cas,
03:52 c'est que je comprends bien les contraintes qui sont faites
03:55 aux policiers qui effectuent le maintien de l'ordre,
03:58 et le niveau de violence auquel ils ont à faire face.
04:00 - Et vous diriez que cette brigade est utile ?
04:03 - Écoutez, il y avait sur place des gendarmes, des CRS,
04:08 quand vous êtes observateur avec une unité, vous voyez le bout de la rue.
04:11 Vous avancez, vous reculez, vous êtes dans les gaz,
04:14 il y a du bruit, il y a des bombes agricoles, des projectiles,
04:18 donc j'ai pas vocation à vous dire tout ce qui s'est passé dans la manifestation.
04:21 En revanche, comme parlementaire, pour un travail de fond,
04:24 pour une réflexion sur les techniques du maintien de l'ordre, j'ai appris plein de choses.
04:27 - Gérald Darmanin hier a réagi aux violences, le ministre de l'Intérieur,
04:30 en parlant de ces casseurs extrêmement violents,
04:33 venus avec un objectif, dit-il, de tuer du flic et s'en prendre au bien des autres.
04:37 C'est ce que vous avez constaté ? Vous utiliseriez les mêmes mots ?
04:41 - Moi ce que j'ai vu, c'est qu'il y a des gens qui sont extrêmement violents.
04:44 Alors, est-ce qu'ils viennent tuer du flic quand on vient pour jeter des pavés,
04:48 ou des bombes incendiaires, ou des cocktails molotov, on n'est visiblement pas là,
04:51 pour aller chercher du muguet, c'est évident.
04:53 En revanche, je pense que si le débat parlementaire, c'est d'un côté
04:56 les méchants policiers, de l'autre les casseurs qui veulent tuer du flic,
05:00 on n'en sortira pas. La question c'est pourquoi, de manière récurrente dans ce pays,
05:04 on a un problème et systématiquement après les manifestations,
05:07 on constate que des manifestants sont blessés, qu'on a le sentiment
05:12 qu'il y a des techniques d'interpellation qui sont excessives.
05:15 C'est ça notre travail, c'est essayer de dépassionner le débat,
05:19 de comprendre ce qui est mis en œuvre, de savoir quels sont les bons outils,
05:22 de comprendre parfois pourquoi ça se fait mieux,
05:24 et dans d'autres conditions, dans d'autres pays étrangers.
05:27 Donc, casser du flic à des gens qui sont mal intentionnés, c'est évident.
05:31 En tout cas, ce n'est pas avec ces déclarations-là qu'on peut trouver
05:34 des solutions pérennes pour assurer le maintien de l'ordre de façon correcte.
05:37 Un débat et des propositions qu'il faut, j'imagine, encore mûrir.
05:39 Merci à vous Jérôme Durin, sénateur PS de Paris.

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