SONGLINES - La visite immersive

  • l’année dernière

C’est une invitation au voyage, au dépaysement : avec l’exposition "Songlines - Chant des pistes du désert australien", le musée du Quai Branly-Jacques Chirac vous propose une plongée au cœur de la culture des peuples autochtones d’Australie. Créée en étroite collaboration avec les communautés aborigènes, "Songlines" a été un succès en Australie avant d’être encensée par la presse internationale. Aujourd’hui, un podcast vous emmène à la découverte de cette exposition-évènement !

Suivez Marie Gicquel pour une véritable visite immersive ! Vous partirez sur les traces des Sept Sœurs, les héroïnes de l’un des récits légendaires les plus importants d’Australie, et le fil rouge de l’exposition. Vous déambulerez au milieu des toiles colorées qui, selon leurs créateurs, expriment la vibration du territoire. Et vous profiterez des éclairages de Stéphanie Leclerc-Caffarel, la référente scientifique de l’expo : elle vous révélera les secrets de certaines œuvres et vous donnera les clés pour mieux comprendre l’art aborigène.

Crédits :
Journaliste : Marie Gicquel
Prises de son et réalisation : Victor Naulleau
Production : Marc O. Grünfeld


Retrouvez "SONGLINES - La visite immersive" sur : http://www.europe1.fr/emissions/podcast-quai-branly
Transcript
00:00 Et si on partait ?
00:02 Si on partait loin, très loin, à plus de 15 000 km de la France ?
00:08 Si on partait pour le désert australien ?
00:12 Bonjour monsieur !
00:14 Juste un petit contrôle des sacs, s'il vous plaît, vous déposez vos objets métalliques.
00:18 C'est pour aller tout droit en Australie.
00:20 Et pour rejoindre l'Australie, descendre à Pont de l'Alma.
00:24 Merci, bonne journée !
00:25 Bonjour, je suis Marie Gickel et aujourd'hui je vous emmène au musée du Quai Branly Jacques Chirac, à Paris,
00:31 pour visiter l'exposition Songlines, champ des pistes du désert australien,
00:36 et pour découvrir les richesses de l'art aborigène.
00:40 Et là, on arrive à l'exposition.
00:44 Alors là, on est dans une salle entre miroirs et projections vidéo, avec beaucoup d'effets.
00:52 On est happé par ce champ, ce champ aborigène.
00:57 Et donc on a cette sorte de sasse avec des miroirs.
01:01 Ça donne un peu le vertige, toutes ces installations, cette bande-son.
01:06 On a l'impression qu'on est en train de perdre nos repères,
01:10 et qu'on est en train de quitter notre quotidien, notre réalité,
01:14 pour aller à la rencontre du peuple aborigène, et surtout de leur art.
01:20 Et pour découvrir ça, j'ai une super guide, la référente scientifique de l'exposition,
01:24 Stéphanie Leclerc-Capparell, qui m'attend, et qui est là.
01:28 Bonjour Stéphanie, tu m'avais promis que j'allais être déboussolée.
01:34 Alors là, avec cette espèce de passage qui donne le vertige, ça a été le cas.
01:38 Et là, tu m'accueilles avec des étranges, on peut dire quoi, des poupées, c'est ça ?
01:42 Des sculptures, des sculptures qui sont faites en herbe, en matériaux de récupération.
01:47 En particulier des herbes du désert, qu'on appelle des "champir",
01:51 et qui permettent aux artistes, aujourd'hui, ce sont des œuvres très contemporaines,
01:55 de créer comme ça de très grandes installations qui donnent un peu vie à l'histoire
01:59 qu'on va découvrir dans cette exposition.
02:01 Et justement, ces personnages sont très importants,
02:04 puisqu'en fait ce sont les héros de cette histoire et donc de cette exposition.
02:08 Plutôt des héroïnes d'ailleurs.
02:10 Plutôt des héroïnes, surtout des héroïnes, qu'on va suivre tout au long du parcours.
02:14 Donc je te présente les sept sœurs,
02:17 qui ont des noms collectifs qui changent en fonction des déserts qu'on va traverser.
02:21 Donc elles s'appellent les "minipourous", les "koumkara kalpa".
02:24 Elles sont très importantes, en particulier celle qui se tient ici,
02:28 assise au milieu avec ses cheveux verts et oranges, et son joli collier.
02:32 Elle, c'est la sœur aînée, c'est celle qui sait,
02:35 c'est celle qui connaît toutes les petites astuces de la survie dans le désert.
02:39 Et c'est elle qui a la charge d'expliquer à ces jeunes sœurs
02:42 comment survivre dans le désert.
02:45 Et puis évidemment, il y a un autre personnage qui est lui...
02:48 Il a l'air pas très sympathique, celui-là.
02:51 Non, c'est un personnage à multiples facettes,
02:54 notamment parce qu'il a la capacité de se métamorphoser en permanence.
02:57 Et comme tu le dis, il a quelque chose de très effrayant.
03:00 Il est toujours là, tu vas voir, tout au long de l'exposition.
03:04 Il est un peu en retrait, il attend son heure pour passer à l'action.
03:08 Et on se doute que ses intentions ne sont pas très généreuses.
03:12 Il s'agit d'un sorcier, c'est un personnage masculin.
03:15 Et il convoite les sœurs, il a envie de les épouser,
03:18 mais de la mauvaise manière.
03:20 Il ne sait pas comment bien s'adresser à ces dames.
03:22 Et ça, c'est un immense problème pour toutes les sociétés du monde.
03:25 Alors Stéphanie, c'est important que ces sept sœurs nous accueillent,
03:29 que ces sculptures nous accueillent,
03:30 puisque ce sont elles qui vont nous guider durant l'exposition.
03:33 Elles et les aînés.
03:37 Les aînés, ce sont toutes celles et tous ceux
03:39 qui ont une autorité culturelle au sein de la communauté autochtone.
03:43 Ce sont souvent, mais pas toujours, les plus âgés de la communauté,
03:47 ceux qui ont acquis leur connaissance au fil du temps.
03:51 Ils sont les détenterices et détenteurs des savoirs présents dans l'exposition,
03:55 et des installations vidéo permettent aux visiteurs,
03:58 tout au long du parcours, de rencontrer ces aînés
04:01 et d'écouter leurs paroles.
04:05 Les aînés, ce sont évidemment aussi les artistes
04:07 dont on peut admirer les œuvres dans l'exposition Songlines.
04:10 L'une des premières œuvres d'ailleurs qui accueille le visiteur
04:14 est une représentation de l'Australie,
04:16 un tableau qui a la forme de l'île-continent
04:19 et qui permet de suivre le chemin que prennent les sept sœurs dans ces territoires,
04:23 elles qui doivent traverser l'Australie
04:26 pour fuir le sorcier qui les pourchasse.
04:28 Ce tableau de Josephine Meek, qui a la forme du continent australien,
04:34 ce que ce tableau nous montre, c'est les parcours suivis par les sept sœurs.
04:39 La carte peinte que nous avons sous les yeux,
04:42 tu vois apparaître des pointillés, des chemins, des empreintes de pas
04:46 qui traversent tout le territoire australien.
04:49 Et puis si tu te rapproches, viens voir,
04:51 tu vas voir en fait que tu vois des demi-cercles
04:55 sur la carte, sur ce tableau, des petits demi-cercles.
04:58 On dirait presque des fers à cheval en fait.
05:00 Oui, tu as raison, on dirait des fers à cheval.
05:02 C'est une des façons de représenter les personnages
05:04 dans les peintures autochtones d'Australie.
05:07 Et en fait, tu vois ici, tout en bas de la carte,
05:11 dans le grand cercle, tout de suite on peut identifier les personnages.
05:14 Tu en as ici un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept.
05:19 Ok, j'ai compris.
05:20 Elles sont les sept sœurs.
05:22 Ce sont les sept sœurs.
05:23 Mais si tu regardes le dernier fer à cheval, comme tu l'as appelé.
05:28 Il est plus épais.
05:29 Il est plus épais, il est plus isolé, il est tout seul.
05:31 Donc, qui est là ?
05:32 Le sorcier.
05:33 Alors, dos à nous, on est face à deux grands tableaux assez hauts.
05:39 À gauche et à droite, ce sont deux tableaux très différents,
05:42 mais on retrouve les mêmes motifs.
05:43 On a des petits cercles, des ronds bleus,
05:47 toujours ces pointillés ou ces lignes,
05:49 des teintes plutôt brunes, orangées.
05:51 À droite, des teintes plutôt brunes,
05:54 avec ces cercles bleus qui font une ligne médiane,
05:57 en fait, qui coupe la toile en deux.
05:59 À gauche, des tons plutôt chauds, rouges.
06:03 À droite, une toile qui, en fait, est faite par un collectif masculin.
06:08 Et à gauche, une toile qui a été produite par un collectif féminin.
06:13 Ces deux toiles sont très importantes,
06:14 parce que ce qu'elles nous disent, justement,
06:16 c'est la complémentarité entre les savoirs féminins et les savoirs masculins.
06:20 Et ça nous permet aussi de rappeler que l'art aborigène est aussi un art très collectif.
06:25 C'est un art très collectif, surtout quand il est féminin,
06:28 je dois dire.
06:29 Ce qui est vraiment important avec ces toiles,
06:31 c'est qu'effectivement, elles ont le même sujet,
06:33 mais deux façons différentes de le représenter.
06:37 Ce sujet, ce sont les "songlines".
06:40 Ce sont ces lignes, en fait, qui sont des lignes de survie,
06:43 des corridors de savoirs qui articulent la vie dans le désert.
06:47 Puisque l'enjeu qu'il y a derrière ces œuvres d'art,
06:50 c'est la survie dans le désert pour ces communautés
06:52 qui, il y a encore quelques années,
06:54 étaient des communautés nomades qui se déplaçaient sur les territoires
06:58 en exploitant les ressources disponibles dans le désert.
07:02 Ce qu'il faut absolument pour survivre dans le désert,
07:04 comme partout, c'est de l'eau.
07:06 D'où ces ronds bleus ?
07:08 Exactement, qui sont des points d'eau.
07:10 Donc c'est une sorte de carte aussi, on retombe dans ce...
07:13 C'est une carte, mais alors pas exactement une carte
07:16 comme on a l'habitude de les trouver dans le monde occidental.
07:19 C'est pas exactement une représentation du territoire.
07:22 C'est plutôt un peu comme une carte de métro.
07:25 La carte de métro, si tu la places sur Paris,
07:28 elle n'est pas très juste d'un point de vue géographique.
07:30 Par contre, elle t'explique comment aller d'un endroit à l'autre.
07:33 L'idée est un peu la même.
07:34 L'idée, c'est d'aller d'un point d'eau à l'autre,
07:37 y compris quand ces points d'eau ne sont pas visibles à la surface du sol,
07:41 et de parcourir les territoires selon des chemins
07:44 qui sont en fait mémorisés à travers des champs,
07:47 à travers des histoires qui sont réaudites
07:50 génération après génération,
07:52 et qui permettent de retrouver son chemin dans le désert.
07:55 On parlait d'art collaboratif avec ces deux œuvres.
08:09 Là, on va arriver devant le joyau de l'exposition,
08:12 qui est une œuvre collaborative aussi,
08:16 qui a été créée en 2013,
08:18 et qui est en fait l'affiche de l'exposition,
08:21 et qui est cette immense toile
08:23 qui fait plusieurs mètres de hauteur, plusieurs mètres de largeur.
08:26 Alors oui, elle fait 3 mètres de haut, 5 mètres de large.
08:30 Alors il faut vraiment, on arrive dans cette salle, c'est vraiment...
08:33 Elle te saute aux yeux.
08:34 Bien sûr.
08:35 Alors en fait, quand on arrive dans cette salle,
08:37 on arrive dans un des trois déserts
08:40 qui est représenté dans l'exposition.
08:42 Donc c'est le pays Mardou,
08:44 et en fait, qu'est-ce que tu vois ?
08:46 Tu parlais de cartes tout à l'heure.
08:49 Moi, j'ai l'impression de voir une autre carte,
08:51 faite aussi de petits sillons, de chemins.
08:55 Il y a des pointillés.
08:56 On a l'impression de voir un champ.
08:57 On a l'impression d'être dans un avion
08:58 et d'avoir une vue aérienne dans le paysage.
09:00 Alors c'est exactement ça.
09:01 C'est une vue du territoire Mardou
09:04 autour d'une communauté qui s'appelle Pangour,
09:07 que tu vois apparaître en fait
09:09 sous forme d'une petite grille rouge ici.
09:12 Et la toile est structurée autour de cette communauté
09:16 avec des lignes blanches qui traversent la toile.
09:20 Ces lignes, ce sont les cours d'eau souterrains,
09:22 les rivières souterraines qui irriguent.
09:25 Il nous perd toujours puisqu'on a l'impression
09:26 qu'en fait, ce sont des routes, mais pas du tout.
09:28 Il faut vraiment se placer dans la nature,
09:30 avec la nature.
09:32 Exactement.
09:33 Et puis, il y a autre chose qui change
09:35 par rapport à notre imaginaire,
09:37 à l'imaginaire qu'on pourrait avoir dans le désert,
09:39 c'est quand même, cette toile, elle est foisonnante de vie.
09:42 Elle est pleine de vie.
09:43 Exactement.
09:44 Ça nous dit quelque chose en fait
09:45 de ces connaissances qu'ont les populations aborigènes
09:48 qui sont liées à la faune et à la flore
09:52 qui existent dans le désert.
09:54 Ce tableau, il s'appelle Yarkalpa, Hunting Ground.
09:58 Donc c'est le terrain de chasse.
10:00 Pourquoi ?
10:01 Parce qu'en fait, c'est une sorte de calendrier perpétuel,
10:04 si tu veux.
10:05 C'est une explication de à quel moment faire quelle action
10:08 pour pouvoir exploiter les ressources du désert,
10:10 les plantes, mais aussi les animaux.
10:13 Si vous allez au musée du Quai Branly Jacques Chirac
10:19 pour visiter l'exposition Songlines,
10:21 vous aurez accès tout au long de votre visite
10:24 à de nombreuses explications,
10:26 que ce soit via des cartels à côté des œuvres,
10:28 des dispositifs interactifs ou via des vidéos instructives.
10:32 Par exemple, juste en face de cette œuvre spectaculaire,
10:36 Yarkalpa, il y a une salle dans laquelle
10:39 il projetait une vidéo en timelapse,
10:41 en accéléré, une vidéo qui montre la conception du tableau.
10:45 On le voit venir au monde sous les mains de huit femmes artistes,
10:49 chacune s'étant placée autour de la toile vierge
10:52 pour peindre sa partie, son territoire.
10:55 On les voit commencer par les cours d'eau
10:58 et puis, touche après touche,
11:00 elles ajoutent les différents éléments,
11:02 les plaines et les dunes,
11:04 les plateaux et les montagnes
11:06 qui finalement composent ce désert pourtant si coloré,
11:09 cette terre vue du ciel.
11:11 Je voudrais quand même que,
11:14 tu vois ce passage là en haut,
11:16 il y a quelque chose de très différent,
11:18 on voit apparaître des fleurs,
11:20 tu les as vues aussi dans l'installation
11:22 qui ouvre l'exposition,
11:24 et puis regarde, il y a un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept ronds.
11:28 Elles sont là.
11:30 Elles sont là, les sept sœurs.
11:32 Elles sont dans la toile.
11:34 Ces tableaux, pour les artistes qui les ont peintes,
11:38 sont figuratifs.
11:39 Pour nous, c'est très abstrait,
11:40 mais pour eux, c'est tout à fait figuratif.
11:42 Et ce qui se passe,
11:44 c'est qu'on nous donne en fait,
11:46 les clés de compréhension.
11:47 La grille de lecture est juste à côté du tableau.
11:49 Voilà, avec ce petit schéma qui t'explique en fait,
11:52 effectivement, tu as bien reconnu,
11:54 donc les sept sœurs,
11:55 les sept sœurs endormies,
11:57 les sept sœurs assises en train de camper.
11:59 C'est comme une bande dessinée en fait.
12:01 C'est vraiment une version peinte de l'histoire,
12:05 des histoires.
12:07 C'est plus qu'une représentation,
12:08 qu'une illustration.
12:10 C'est que le process de création de ces toiles,
12:13 c'est une façon de raconter l'histoire.
12:15 Et quand on voit,
12:16 on perçoit cette histoire.
12:19 Donc là, on continue dans notre traversée du désert,
12:29 si je puis dire.
12:30 Exactement.
12:31 Donc là, Stéphanie,
12:32 on retrouve nos personnages principaux,
12:36 les sept sœurs,
12:37 en arrivant dans ce territoire
12:39 que je vais te laisser dire.
12:41 Donc effectivement, ça y est,
12:43 on change de désert,
12:44 on passe dans le second désert,
12:46 les territoires Anangu, Pijanjara, Yakunanjara.
12:50 Et on retrouve donc nos sœurs,
12:52 qui cette fois-ci,
12:54 n'ont pas la même forme qu'au début.
12:56 Elles se sont transformées.
12:57 Alors ça, c'est très intéressant.
12:59 En fait, elles ont la forme d'arbres.
13:02 Alors, c'est les mêmes types de sculptures qu'au début,
13:04 c'est-à-dire que c'est des sculptures
13:05 réalisées en matériaux de récupération.
13:08 Les herbes, champi, la laine, des plumes,
13:11 notamment des plumes d'émeu,
13:13 et puis du bois,
13:14 évidemment, pour en faire des arbres.
13:16 Et pourquoi elles se sont transformées en arbres ?
13:18 Alors, c'est ça qui est intéressant,
13:19 puisque pour une fois,
13:20 alors que normalement dans l'histoire,
13:22 celui qui a la capacité de se transformer,
13:24 c'est le sorcier.
13:25 C'est le sorcier.
13:26 Et là, le sorcier, il est là.
13:27 Il est très effrayant.
13:29 Et lui, il est sous forme humaine.
13:31 Mais ce qui est intéressant, en fait, ici,
13:33 c'est que c'est vraiment les artistes,
13:35 et en particulier des jeunes artistes,
13:37 qui ont eu envie de représenter les sœurs différemment.
13:41 Les aînés, les artistes plus âgés,
13:43 étaient très embêtés avec ça.
13:44 En fait, elles disaient, non, mais
13:45 est-ce qu'on a vraiment le droit
13:46 de représenter les sept sœurs sous forme d'arbre ?
13:50 Et les jeunes artistes plaidaient en faveur
13:53 d'une représentation des sept sœurs sous forme d'arbre
13:55 en disant, à quoi servent ces histoires
13:57 si ce n'est pas à apprendre ?
13:59 Et donc, les sœurs, évidemment,
14:00 à force d'être confrontées aux sorciers
14:02 qui changent de forme sans arrêt,
14:04 elles aussi peuvent acquérir une capacité
14:06 à se métamorphoser, à se transformer.
14:09 Il y a une expression dans leur regard.
14:12 Il y en a qui sont plus effrayées que d'autres.
14:14 Exactement.
14:15 Alors, en fait, ça, c'est la sœur aînée,
14:17 qui est, elle, séparée des autres,
14:19 et qui est assise,
14:20 qu'on voit très bien quand on arrive.
14:22 La sœur aînée, malheureusement,
14:24 dans ce passage de l'histoire,
14:26 elle a été attrapée par le sorcier
14:28 qui s'appelle maintenant Watiniru,
14:30 et elle a été blessée par Watiniru.
14:33 Là, tu vois un arbre avec une figure humaine au-dessus.
14:37 Bien sûr.
14:38 Eh bien, ça, c'est la figure de la sœur
14:39 qui a des capacités de guérisseuse.
14:41 C'est la guérisseuse.
14:42 Elle la regarde.
14:43 Exactement.
14:44 Elle la protège,
14:45 elle a la capacité de la soigner.
14:48 [Musique]
14:51 Bon, alors là, je suis attirée, Stéphanie,
15:09 par cette...
15:10 C'est quoi, c'est une coupole ?
15:12 Alors, en fait, tu vois, c'est marqué ici,
15:14 l'expérience Walininga.
15:16 Walininga, c'est une grotte.
15:18 C'est un site d'art rupestre
15:20 qui date d'au moins 3500 ans.
15:22 Évidemment, c'est un site qui n'est pas très facile à accéder.
15:24 Oui, j'imagine.
15:25 Les aînés ont souhaité rendre accessible,
15:28 dans l'exposition, ce site
15:30 qui est le seul site d'art rupestre
15:32 explicitement associé à l'histoire des sept sœurs en Australie,
15:35 pour autant qu'on sache.
15:37 Et puis, ce qui est extraordinaire,
15:39 c'est que tu t'allonges là, sous l'écran.
15:43 L'idée étant de laisser ton corps se détendre
15:45 et ton esprit voyager avec les sept sœurs.
15:48 Et en fait, il y a deux installations.
15:50 Il y a l'installation vidéo qui consiste en des captations vidéos
15:53 en très très haute définition du site d'art rupestre.
15:57 Ce que nous disaient les aînés quand ils ont vu le rendu dans le domme,
16:00 c'est qu'en fait, on voit mieux que dans la caverne.
16:03 La lumière est meilleure, c'est en hyper HD, etc.
16:07 Donc, c'est plutôt plateur.
16:08 Et eux aussi ont redécouvert le site,
16:10 ce qui est quand même extraordinaire
16:12 comme histoire d'association entre plusieurs branches du savoir.
16:17 Bon Marie, je te propose de te laisser découvrir calmement
16:22 le dôme, la grotte et puis les peintures qui se soignent.
16:24 - Avec plaisir.
16:25 - Tu détends ton corps, tu laisses ton esprit voyager avec les sept sœurs
16:28 et je te retrouve dans la salle rouge.
16:30 - Allez, c'est parti.
16:32 Donc là, j'arrive dans cette fameuse grotte sous un dôme.
16:38 On est en immersion totale avec cette vidéo
16:42 au-dessus de nos têtes du paysage australien.
16:44 C'est absolument fantastique parce qu'on a vraiment l'impression d'y être.
16:48 Et autour de cette grotte, il y a des banquettes.
16:52 Alors, je vais m'asseoir.
16:53 Je vais peut-être même m'allonger pour mieux profiter du spectacle.
16:57 Et alors là, on a l'impression d'être vraiment au cœur de l'Australie,
17:02 sous le soleil et on pénètre dans cette grotte avec toutes ces peintures.
17:07 Et c'est assez fabuleux de voir que les couleurs sont toujours aussi vives.
17:11 Les sœurs s'enfuient jusqu'à Walininya, la colline de la grotte.
17:17 Dans la grotte, se trouvent les spectaculaires peintures rupestres des Kunkalung Kalpa.
17:23 Watiniru est surexcité que les sœurs soient bloquées dans la grotte.
17:29 Une partie de son corps se détache et pourchasse les sœurs
17:33 par un petit orifice au fond de la grotte.
17:36 Les sœurs traversent les dunes, les plaines herbeuses du bush
17:40 et poursuivent leur route vers Kuruwala.
17:43 Bon alors là, je suis complètement allongée.
17:46 Je pourrais rester des heures, mais il y a Stéphanie qui m'attend quand même
17:49 pour continuer la visite et elle m'a dit que la prochaine salle,
17:52 c'est la toute autre chose.
17:54 Donc, il faut que je me prépare psychologiquement à quitter ce havre de paix.
17:57 Changement d'ambiance complet.
18:03 Je retrouve Stéphanie dans une salle rouge pétant.
18:07 Je vois des serpents, des lances et même des boucliers.
18:09 Alors cette salle, c'est la salle de Watiniru.
18:12 C'est la salle du sorcier.
18:13 C'est une salle qui est dédiée à cette personnalité du sorcier.
18:16 Le rouge a été choisi parce que c'est la couleur de plein de choses
18:19 qui concernent ce personnage de sorcier.
18:21 C'est la couleur de la violence, c'est la couleur du désir,
18:24 c'est la couleur de la passion.
18:25 Et au fur et à mesure qu'on progresse dans les territoires,
18:28 on arrive dans des moments de l'histoire qui sont un peu plus dramatiques.
18:31 Il attrape la sœur aînée.
18:33 Une partie de son corps prend la forme du serpent
18:36 pour continuer à poursuivre les sœurs inlassablement.
18:39 Il perd patience.
18:41 Il se rend compte aussi de sa véritable nature.
18:43 Il découvre en regardant ses empreintes de pieds qu'il est un sorcier
18:46 parce qu'il n'a pas le bon nombre d'orteils.
18:48 C'est un indice très important sur les toiles.
18:50 Tu vas voir, très souvent, il y a des empreintes de pieds
18:53 qui n'ont pas le bon nombre d'orteils.
18:54 Et ça, c'est les empreintes du sorcier.
18:56 C'est un des points de ligne.
18:57 On continue notre petit parcours et notre traversée.
19:22 Et là, ce sont des vases.
19:23 J'imagine qu'il y a un vase pour chaque sœur.
19:25 Alors, il y a un vase pour chaque sœur disposé en cercle autour d'un point d'eau.
19:30 Et puis, on a toujours notre protagoniste masculin
19:33 qui surveille les sœurs, qui est là en prédateur.
19:36 Ces vases sont importants puisqu'ils transmettent aussi le savoir.
19:39 Voilà, exactement.
19:40 Alors, en fait, ici, on a cette vase pour cette sœur
19:44 mais qui correspond pour la plupart à des nourritures
19:47 ou des ressources du bouche, du désert.
19:50 En fait, l'histoire que racontent les aînés
19:53 qui sont à l'origine de la création de ces vases,
19:55 c'est qu'un jour, une des aînés a demandé à une de ses petites filles
19:59 d'aller chercher une plante médicinale dans le désert
20:01 en lui donnant le nom de la plante.
20:03 S'est rendu compte que sa petite fille ne connaissait pas le nom de la plante,
20:06 à quoi elle ressemble, ses vertus, comment on s'en sert, etc.
20:10 Donc, sur ce vase orange, marron, il y a plusieurs couleurs,
20:15 on voit des petites bêtes.
20:16 Voilà, des insectes qui sont en fait des fourmis à miel.
20:19 C'est une sorte de friandise du désert
20:21 puisque leur abdomen est égorgé de miel,
20:25 d'une sorte de miel qui est comestible.
20:28 Donc, il faut partie de ces ressources,
20:29 comme ça, complètement inattendues pour nous.
20:31 Et après, tu as différentes nourritures du bouche,
20:34 le figuier du bouche, les tomates du bouche,
20:37 des petites larves.
20:38 On mange aussi des petites larves dans le désert.
20:40 Alors ça, je laisserai ce vase.
20:41 Je prendrais plutôt le figuier pour ma part.
20:43 Et puis, des pêches du bouche quand même.
20:47 Les sœurs volent au-dessus des terres de Spinifex vers l'horizon
20:51 pour devenir des étoiles.
21:15 Leur histoire se poursuit la nuit, dans le ciel.
21:19 Regardez-les briller, là,
21:22 les constellations d'Orion et d'Écleiade.
21:25 On se retrouve dans une nouvelle grande salle.
21:33 Et ça faisait longtemps qu'on n'avait pas retrouvé nos sculptures
21:37 des sœurs qui, maintenant, sont suspendues dans les airs.
21:41 C'est assez impressionnant, cette installation.
21:43 Oui, alors effectivement, on a ici les sœurs qui s'envolent.
21:46 Elles parcourent les territoires de toutes les façons possibles,
21:49 au fur et à mesure qu'elles sont poursuivies par le sorcier.
21:52 Et là, on est sur le moment où, vraiment,
21:55 elles sont très fatiguées de cette poursuite
21:57 et elles décident de rejoindre le ciel,
22:00 de se transformer en étoiles,
22:02 espérant fuir définitivement Watiniru,
22:05 qui, en fait, lui, les rejoint dans le ciel,
22:08 se transforme dans la constellation d'Orion
22:10 et donc continue à les suivre nuit après nuit.
22:13 Comme des sirènes, volantes et colorées,
22:17 les sculptures des sept sœurs flottent au-dessus de la tête des visiteurs.
22:21 Et le sorcier dans tout ça ?
22:24 Dans cette salle, c'est une grande photographie qui rappelle sa présence.
22:28 La photo d'une grotte avec de larges cavités
22:31 qui font penser à deux yeux sombres,
22:34 regardant fixement les sept sœurs.
22:37 - Regarde, si tu t'avances vers la vitrine qui est sous leurs pieds,
22:40 tu vas découvrir des choses à l'intérieur de cette vitrine.
22:43 Dans cette vitrine, au pied de l'installation
22:46 représentant l'envol des sept sœurs,
22:48 on reconnaît des bâtons à fouir pour creuser la terre,
22:51 des plats et puis des larves et des lézards
22:54 fabriqués dans les mêmes matériaux de récupération que les sculptures.
22:58 Des objets laissés là comme des offrandes,
23:01 comme les preuves du passage sur terre des sept sœurs.
23:05 - Dans l'histoire, les personnages ancestraux
23:08 laissent derrière eux des choses pour les hommes,
23:11 pour leur permettre de survivre dans le désert.
23:14 C'est aussi comme ça qu'on apprend à connaître
23:17 les différentes ressources qui sont disponibles dans le désert.
23:20 C'est par ces histoires. En fait, ces histoires,
23:23 il y a de l'aventure, il y a de l'amour, il y a beaucoup d'humour.
23:26 - C'est une grande épopée. - C'est une très grande épopée.
23:29 Et ça, ça a vraiment un rôle mnémotechnique.
23:32 Ça permet à la terre à retenir les informations importantes
23:35 pour la survie dans le désert.
23:38 (chant)
23:41 - Donc, on a quitté nos sœurs en hauteur.
23:59 Elles vont se transformer en étoiles puisqu'elles en ont marre
24:02 de toute cette poursuite avec le sorcier.
24:05 Donc, ça marque la fin de l'histoire, mais ça ne marque pas la fin de l'exposition.
24:08 - Alors, ce n'est pas encore la fin de l'exposition, effectivement.
24:11 On arrive à la dernière songline, la songline de Wanarn,
24:14 pour le payer Nganyadjara.
24:17 C'est le dernier chemin. On touche au bout de l'exposition.
24:20 - On a l'impression que les couloirs deviennent plus exigus.
24:23 - Exactement. Les murs sont plus sombres.
24:26 Les étoiles sont beaucoup plus petites dans cette section aussi.
24:29 Alors, en fait, on quitte le désert flamboyant de cette sœur.
24:34 On quitte une façon de raconter l'histoire
24:37 qui est une façon grandiloquente, très...
24:40 - Très intervoltante, avec de l'action, de la métamorphose.
24:44 - Exactement. Tous ces péripéties prennent fin maintenant.
24:48 On suit maintenant le chemin d'artistes qui sont en fin de vie.
24:52 Et en fait, on a autour de nous ici, dans une salle qui est plus sombre,
24:56 des toiles plus petites qui sont les toiles réalisées par des artistes
25:01 qui vivent dans le centre de soins aux personnes âgées de Wanarn.
25:05 Donc, à ce moment de leur vie, les artistes arrêtent de déclamer
25:10 le Djukurpa, le rêve, les histoires. Ils le murmurent.
25:14 (Chant)
25:17 Ces artistes, jusqu'à la fin de leur vie,
25:33 continuent à raconter les histoires, à les transmettre
25:36 avec effectivement un répertoire de motifs qui est beaucoup plus restreint.
25:39 Mais c'est ça que voulait donner à voir et à comprendre aussi
25:43 les commissaires de l'exposition, que jusqu'au bout de leur vie,
25:47 les artistes continuent à transmettre et qu'ils continuent à peindre.
25:52 Donc, les gens qui travaillent dans ce centre de soins pour personnes âgées
25:55 leur fournissent des matériaux pour qu'ils puissent continuer à peindre,
25:58 mais elles peignent sur toutes les surfaces possibles.
26:00 - Ah oui, là, il y a cette espèce de thé d'oreiller, c'est ça ?
26:03 - Voilà, il y a une thé d'oreiller. Sur la photo qui est ici,
26:06 tu vois un plateau de table qui est peint.
26:09 Et puis, au fond, évidemment, la dernière œuvre de cette exposition,
26:14 c'est un fauteuil roulant, peint aussi par les artistes.
26:17 En fait, ils ont cette espèce de folie créatrice,
26:20 jusqu'à la fin de leur vie, ils peignent, ils créent.
26:23 - Tout devient un support pour créer.
26:25 - Tout est un support à la création et à la transmission des histoires.
26:28 Et puis, au-dessus du fauteuil roulant, on a mis un assemblage
26:31 de tout petits formats avec quelques motifs isolés
26:35 qui, comme ça, s'envolent, un peu comme les sept sœurs tout à l'heure.
26:38 Et en fait, c'est aussi une métaphore du fait que les aînés, eux aussi,
26:42 se changent en étoiles, une nouvelle génération
26:45 naît dans les paysages, prend le relais et continue à transmettre les histoires.
26:49 (Chant)
27:11 - Alors Stéphanie, c'est quoi la morale de cette histoire des sept sœurs ?
27:14 - La morale de cette histoire, je te remercie pour cette question, Marie.
27:17 La morale de cette histoire, c'est qu'il faut bien se comporter avec les femmes.
27:21 Et se méfier de certains serpents, oui.
27:23 - Merci beaucoup Stéphanie pour cette visite.
27:26 - Avec plaisir.
27:28 - Avant de se quitter, Stéphanie me rappelle la raison d'être de cette exposition
27:33 créée sous l'impulsion et en étroite collaboration avec les communautés autochtones.
27:38 Son but ultime, son ambition, c'est de transmettre,
27:42 notamment aux jeunes générations, la mémoire des populations aborigènes d'Australie.
27:48 De chérir leurs histoires, leurs savoirs, de continuer à prendre soin de leur territoire
27:54 et de ne jamais cesser d'écouter la voix de celles et ceux qui savent, la voix des aînés.
28:00 (Chant)
28:24 Ainsi s'achève notre visite immersive de l'exposition
28:28 "Songlines, chants des pistes du désert australien".
28:32 Il y a bien sûr encore plein de choses à voir dans cette exposition.
28:36 Des peintures, des objets, des vidéos, des dispositifs interactifs
28:40 qui vont vous permettre d'en apprendre davantage sur l'art aborigène
28:44 et sur ce récit légendaire des sept sœurs.
28:47 Vous verrez que l'art aborigène est un art ancien, mais pas hors du temps.
28:51 Il évolue, il accompagne les changements de l'époque
28:54 et que la raison d'être de ces œuvres, c'est de transmettre ce savoir,
28:59 ces traditions aux jeunes générations.
29:02 Les songlines peuvent vous aider à survivre dans le désert,
29:06 mais elles aident aussi à sauvegarder, à perpétuer la culture des peuples autochtones d'Australie.
29:13 Songlines, vous l'aurez compris, c'est une expo à ne pas manquer
29:17 et une expo qu'on peut tout à fait faire en famille.
29:20 C'est donc au musée du Quai Branly-Jacques-Chirac à Paris jusqu'au 2 juillet
29:25 et vous retrouverez toutes les informations nécessaires sur le site du musée.
29:29 J'en profite pour remercier toute l'équipe du musée
29:33 et les personnes qui ont travaillé à cette exposition,
29:36 à commencer par Margot Niel, la commissaire générale de l'expo.
29:40 Merci évidemment à Stéphanie Leclerc-Cafarel, la référente scientifique,
29:44 de nous avoir accompagnées et éclairées tout au long de cette visite immersive.
29:49 Et enfin, merci à vous de nous avoir suivis et à très bientôt pour un nouveau podcast.
29:55 [Musique]

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