Chroniqueuse : Maud Deschamps
Maud Deschamps reçoit Marina Ovsiannikova. Cette journaliste russe est celle qu'on surnomme « la journaliste à la pancarte ». En plein direct du journal télévisé, cette dernière avant brandit une affiche « No war », c'est-à-dire « Pas de guerre ». Depuis, elle a dû fuir la Russie avec sa fille de 11 ans. Aujourd'hui, elle publie « No war », chez L'Archipel.
Maud Deschamps reçoit Marina Ovsiannikova. Cette journaliste russe est celle qu'on surnomme « la journaliste à la pancarte ». En plein direct du journal télévisé, cette dernière avant brandit une affiche « No war », c'est-à-dire « Pas de guerre ». Depuis, elle a dû fuir la Russie avec sa fille de 11 ans. Aujourd'hui, elle publie « No war », chez L'Archipel.
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00:00 Bonjour Marina Ovtianikova, bienvenue sur le plateau de Télématin.
00:03 Vous êtes celle qu'on surnomme la journaliste à la pancarte.
00:07 Vous êtes russe mais vous avez dû fuir votre pays après ce geste qu'on va voir.
00:11 On est à la télévision russe et vous êtes apparue en plein milieu du journal télévisé
00:19 avec une pancarte anti-guerre pour dénoncer la propagande de Vladimir Poutine.
00:23 C'était le 14 mars 2022 et aujourd'hui vous publiez ce livre "No War",
00:28 l'incroyable histoire de la femme qui a osé s'opposer à Poutine.
00:31 Depuis vous avez fui votre pays avec votre fille de 11 ans.
00:35 On va revenir d'abord sur ce geste.
00:37 Ce sont 6 secondes qui ont vraiment changé le cours de votre vie.
00:41 Pourquoi vous avez brandi cette pancarte en direct à la télévision ?
00:44 Quand la guerre a commencé, je ne pouvais ni manger ni boire
00:52 parce que je comprenais que devant nos yeux se déroule une erreur historique
00:57 et Poutine essaie de nous rendre complices de ce crime.
01:00 J'ai conçu ce plan.
01:03 Je me suis dit que je vais être plus efficace en faisant ma protestation à la télévision
01:08 parce que la propagande c'est le réseau des vaisseaux qui alimente ce système,
01:14 qui a mené à cette guerre et ma protestation a mûri pendant des années.
01:19 Vous écrivez dans votre livre que toute forme de protestation en Russie aujourd'hui est suicidaire.
01:24 Que s'est-il passé dans les minutes qui ont suivi ce geste lorsque vous êtes sortie du studio télé ?
01:30 On m'a arrêtée immédiatement.
01:37 J'ai passé presque 24 heures en garde à vue.
01:41 J'ai été interrogée par divers enquêteurs policiers de divers services de sécurité du pays
01:49 et j'étais encore en cours de l'interrogatoire quand j'ai su qu'Emmanuel Macron
01:55 m'a proposé une protection consulaire et un asile politique.
02:00 Et immédiatement après, je l'ai écrit dans mon livre, le déroulement de mon interrogatoire a changé.
02:08 Il y a eu une réaction de la communauté internationale vis-à-vis de cet acte
02:16 et l'interrogatoire est devenu beaucoup plus favorable pour moi, beaucoup plus loyal.
02:23 Et c'est la première fois quand la France a sauvé ma vie.
02:27 Et la deuxième fois, la France a sauvé ma vie quand les reporters sans frontières
02:31 m'ont aidée à quitter le lieu où j'étais gardée à vue.
02:34 Vous racontez dans votre livre que la manière dont l'information est manipulée,
02:39 vous nous parliez justement de la propagande.
02:40 Est-ce que vous pouvez nous expliquer concrètement comment ça se passait dans votre rédaction ?
02:44 Est-ce qu'il y a des images qu'on n'avait pas le droit de montrer ?
02:47 Est-ce qu'il fallait faire passer certains messages ?
02:49 Commençons plutôt par la question.
02:58 Est-ce que votre responsable de chaîne sera toutes les semaines à l'Élysée
03:06 pour prendre des consignes de la part d'Emmanuel Macron ?
03:09 Non, évidemment que non.
03:10 En Russie, c'est comme ça que ça fonctionne.
03:14 Les chefs de toutes les chaînes, les responsables de toutes les chaînes vont au Kremlin.
03:18 Ils prennent consignes de savoir ce qu'ils peuvent montrer, ce qu'ils ne peuvent pas montrer,
03:22 quels mots peuvent-ils utiliser, quels termes remplacer par quels autres.
03:26 Donc, à la télévision russe, on sélectionne uniquement les faits
03:31 qui peuvent être utilisés contre l'Ukraine, contre l'Occident.
03:36 Donc, il y a toute une liste des sujets à ne pas aborder, qui sont interdits.
03:40 On ne peut pas parler de l'opposition, de Navalny.
03:42 Tout cela est sous interdiction.
03:47 La télévision russe, c'est une sorte d'armée de guerre d'informations
03:54 menée par Kremlin et qui joue selon des règles bien déterminées.
04:00 Aucune autre information ne peut être évoquée ou infiltrée.
04:06 Ce flot, dans chaque chaîne, il y a une section qui ne travaille qu'à alimenter l'image de Poutine
04:15 et qui éclaire les informations liées à Poutine.
04:18 Cette propagande, est-ce qu'elle fonctionne encore auprès de la population russe
04:21 ou est-ce que les regards sont en train de changer quand même sur cette guerre
04:24 que mène Vladimir Poutine en Ukraine ?
04:26 Cette propagande est bâtie d'une manière très intelligente.
04:36 Elle est basée sur toutes sortes de théories conspirologiques,
04:40 des manipulations, des buzz.
04:44 On fait tout pour embrouiller le spectateur russe
04:47 pour qu'il ne puisse pas comprendre réellement ce qui se passe.
04:51 C'est une propagande très efficace et la position de la plupart des Russes est ambivalente.
04:58 Ils ne sont pas certains de ce qui se passe.
05:02 Ils se disent peut-être que c'est vrai que l'Occident essaie de détruire la Russie
05:07 et essaie de nous détruire.
05:09 Cette information est diffusée partout en Russie
05:14 et tu entends de partout ce genre de faits.
05:17 Donc tu commences à douter de la réalité de ce qui se passe.
05:21 Il y a des ennemis extérieurs, il y a des ennemis intérieurs.
05:25 L'ennemi extérieur, c'est l'Occident qui essaie tout le temps de discréditer la Russie
05:29 dont l'objectif est de détruire la puissance de la Russie.
05:32 C'est diffusé sur toutes les chaînes.
05:35 Hier, Vladimir Poutine a affirmé que deux drones ukrainiens
05:39 avaient été abattus au-dessus du Kremlin.
05:41 Est-ce que ça, ça fait partie de la propagande russe ?
05:44 Certains experts disent que l'opération aurait pu être montée de toutes pièces.
05:47 Qu'est-ce que vous en pensez ?
05:48 Je peux dire que l'attaque des drones sur le Kremlin
05:59 a jeté une honte sur le système de défense antiaérienne russe
06:04 de la même façon qu'en 1997,
06:10 Matias Rust a atterri sur la Place Rouge.
06:13 Je ne pense pas que cela ait été monté de toutes pièces par le Kremlin
06:16 parce que c'est honteux.
06:18 C'est une honte de Poutine pour le monde entier.
06:21 La fameuse puissance militaire russe,
06:24 le fameux système de défense antiaérienne ne fonctionne pas.
06:28 Donc je ne pense pas que cela soit une mise en scène.
06:35 J'ai un peu suivi les chaînes russes pour voir
06:39 quel éclairage ils font à cet événement.
06:41 Et ils n'ont jamais montré les images qui ont été dévissées partout sur Youtube.
06:46 Ils ont remplacé les vraies images par les images d'archives
06:50 qu'ils ont retrouvées à chaque chaîne.
06:53 Donc comme il n'y avait pas de consignes sur comment réagir,
06:58 comment éclairer ce genre d'événements,
07:00 les chaînes ne savaient pas comment gérer.
07:02 Je ne pense pas que c'est une provocation.
07:04 Je pense que cela a été fait soit par les partisans ukrainiens,
07:08 soit par les partisans russes qui essayent de mettre fin à cette guerre.
07:14 Dernière question Marina, rapidement.
07:16 Est-ce que vous avez peur aujourd'hui pour votre sécurité ?
07:23 Il est impossible de vivre en permanence dans la peur.
07:28 Cela fait déjà plus de nans que ma vie est mise en danger en continu.
07:35 Je suis contre cette guerre et en protestant contre la guerre,
07:40 je me suis littéralement jetée sous le char.
07:43 Donc à partir de ce moment, il y a commencé un point de non-retour.
07:48 Donc je profite de ma vie pour expliquer les mécanismes de la propagande russe.
07:53 Je pense que la France est quand même un lieu assez sûr pour moi.
07:56 Spasibo bol shoy, merci beaucoup Marina Ovsianikova.
07:59 Je rappelle le titre de votre livre "No war, l'incroyable histoire de la femme qui a osé s'opposer à Poutine".