Sécurité, croissance, gouvernance… Grand invité RFI-Jeune Afrique, Mamadou Sinsy Coulibaly, l’ancien patron des patrons maliens, fondateur du groupe Kledu, est très critique envers la junte dirigée par Assimi Goïta.
Son entretien à découvrir en intégralité ici : https://www.jeuneafrique.com/1442448/economie/mamadou-sinsy-coulibaly-au-mali-la-corruption-fait-partie-du-business-plan/
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00:00 Eco d'ici, Eco d'ailleurs, le grand invité RFI Jeune Afrique, Bruno Fort.
00:08 Eco d'ici, Eco d'ailleurs, dans sa version, grand invité de l'économie, bienvenue dans
00:16 le studio 51 de RFI.
00:18 Bonjour à tous, à mes côtés, cette fois encore, mon camarade de Jeune Afrique.
00:22 Bonjour Julien Clémenceau.
00:24 Bonjour Bruno, bonjour à tous.
00:26 Ensemble Julien, nous recevons un chef d'entreprise, entreprise au pluriel, qui compte beaucoup
00:32 dans son pays, le Mali, Koulou, c'est son surnom.
00:35 Bonjour Mamadou Sinsi-Koulibaly.
00:37 Bonjour.
00:38 Merci d'être venu parler des sujets qui vous tiennent à cœur et ils sont nombreux.
00:43 Vous êtes un éclectique, un touche-à-tout, monté sur des ressorts.
00:47 Justement, Julien a préparé, ce n'est pas une mince affaire d'ailleurs, un résumé
00:51 de votre long parcours.
00:53 C'est vrai.
00:54 Mamadou Sinsi-Koulibaly a 67 ans, vous êtes à la tête du groupe Clédoo, du nom de votre
01:00 maire.
01:01 Ce groupe, il est présent dans de nombreux secteurs d'activité, le commerce, les assurances,
01:05 l'agriculture et notamment l'élevage d'autruches, le tourisme aussi, les services de communication,
01:12 l'industrie et les médias, qu'il s'agisse de la radio ou de bouquets de télévision,
01:16 avec le groupe Malivision, un conglomérat qui a employé jusqu'à 3000 personnes.
01:21 Aujourd'hui mis en difficulté par la crise politique, sécuritaire et économique que
01:26 traverse votre pays, ces derniers mois vous avez arrêté et ralenti l'activité de plusieurs
01:32 entreprises, dissensiant et mettant au repos forcé plusieurs centaines de salariés.
01:36 Une décision difficile Mamadou Sinsi-Koulibaly ?
01:39 Oui, une décision très très difficile parce qu'il y a certains qui travaillent avec moi
01:45 depuis plus de 20 ans.
01:46 Ces entreprises étaient obligées de les fermer à cause de la crise qui s'est vivue
01:53 dans mon pays depuis un certain temps.
01:55 De 2015 à 2020, vous avez été président du Conseil National du Patronat du Mali.
02:02 L'aventure ne s'est pas très bien terminée.
02:04 En 2020, vous avez contesté la validité de l'élection emportée par Amadou Sankaré
02:10 qui entendait vous succéder, vous prévalant vous-même d'avoir obtenu un second mandat.
02:14 La crise a paralysé le patronat pendant près de deux ans jusqu'à l'élection à sa tête
02:19 en 2022 de Mossadegh Bali, le fondateur du groupe hôtelier Azalai.
02:23 Ce parcours très riche, vous l'avez débuté en étudiant à Mopti et à Bamako avant de
02:28 partir en France, des études d'abord sur la structure de la matière à l'université
02:34 de Jussieu avant de prendre la direction du Mans pour suivre les cours cette fois d'une
02:39 école de commerce spécialisée dans l'automobile.
02:41 Et j'en profite pour le dire, vous n'avez pas étudié en Russie comme c'est parfois
02:47 écrit dans certains articles.
02:49 De retour à Paris au milieu des années 70, vous créez votre première entreprise pour
02:54 assurer la sécurité d'un supermarché.
02:56 Quand ce contrat n'est pas reconduit, vous vous envolez pour les Etats-Unis où vous
03:00 avez l'idée de fonder une société de services funéraires à destination des diasporas
03:04 africaines.
03:05 Là encore, vous ne tenez pas en place et vous revendez rapidement votre société pour
03:09 investir dans une compagnie aérienne reliant Miami à Haïti avant de revenir définitivement
03:16 au Mali en 1979.
03:18 Pourquoi est-ce que vous êtes rentré à ce moment-là dans votre pays qui fonctionnait
03:23 ? C'était le régime de Moussa Traoré, un régime autoritaire après un coup d'État
03:30 militaire.
03:31 Et Moussa Traoré va faire à ce moment-là de son principal partenaire l'URSS.
03:36 Pour vous, le libéral convaincu, il n'y a pas eu une maldonne ?
03:40 Non, pas du tout.
03:43 Moi, je pense que c'était le moment idéal.
03:46 Il y avait une opportunité, je l'ai saisie.
03:48 D'ailleurs, j'ai participé beaucoup à la chute de Moussa Traoré aussi.
03:52 Partout où je vais, il y a un coup d'État.
03:54 C'est un coup d'État qui m'a fait sortir d'Haïti aussi.
03:57 De quelle opportunité s'agissait-il ?
04:04 C'était pour créer une agence de voyage.
04:09 Et puis du coup, j'ai représenté Aeroflot dont la plupart de mes contemporains disent
04:15 que j'ai fait mes études en Union soviétique.
04:18 Donc, vous avez un petit lien avec ce pays.
04:20 Oui, j'ai jamais étudié là-bas.
04:22 J'ai un lien avec eux.
04:25 J'ai représenté Aeroflot au Mali, au Libéria et en Côte d'Ivoire, j'étais le représentant
04:37 résident à Bamako.
04:39 De votre expérience à l'étranger, vous avez ramené un style vestimentaire unique,
04:45 unique au Mali, avec une casquette vissée sur la tête et le plus souvent des jeans
04:50 et des polos plutôt que des costumes ou des boubous.
04:54 L'entreprenariat, c'est votre véritable credo.
04:56 Dans un portrait qui vous est consacré par le monde il y a quelques années, vous indiquiez
05:00 faire davantage confiance à votre flair qu'au suivi des résultats financiers de vos entreprises,
05:06 un penchant qui vous amène régulièrement à soutenir de jeunes entrepreneurs à la
05:10 recherche d'un coup de pouce.
05:11 Dans un contexte aujourd'hui où beaucoup renoncent à s'exprimer, vous gardez votre
05:16 liberté de parole et continuez de dénoncer la corruption, mais aussi ce que vous considérez
05:22 comme un manque d'ardeur au travail de vos concitoyens.
05:25 Est-ce que la critique n'est pas un peu trop sévère avec les Maliens parce qu'une
05:32 grande partie de la population doit avant tout lutter pour survivre ?
05:36 C'est ma vision des choses.
05:38 C'est comme ça que je conçois la vie, c'est comme ça que je conçois le secteur privé
05:45 parce que autant les autres ont une ferveur religieuse ou une spiritualité religieuse,
05:54 moi j'ai une spiritualité économique.
05:57 Donc tous au travail, c'est ça votre credo.
06:00 Mamadou Koulibaly, patron sans frontières, éleveur d'autruches, nous le verrons, et
06:06 dénicheur de talent, il est le grand invité de l'économie RFI Jeune Afrique.
06:10 Entretien à voir, à partager, à commenter sur notre chaîne YouTube, rubrique "Grand
06:16 invité de l'économie, les meilleurs moments à lire" dès maintenant dans les colonnes
06:20 de Jeune Afrique.
06:21 A partager aussi sur nos réseaux sociaux la page Facebook de l'émission RFI ECO,
06:27 en deux mots RFI ECO.
06:29 Bonne émission à toutes et à tous.
06:31 Mamadou Saint-Denis Koulibaly, l'armée malienne mène une guerre sans merci contre
06:39 les groupes terroristes dans le nord de votre pays.
06:41 Il y a encore une opération extrêmement meurtrière au mois d'avril.
06:45 Est-ce que cette situation vous inquiète, y compris pour vos entreprises, vos affaires ?
06:52 La situation m'inquiète énormément parce que quand on est pauvre, la guerre c'est
07:00 pas fait pour les pauvres.
07:03 Il faut le faire autrement.
07:06 C'est pas dans la guerre qu'on va résoudre.
07:09 Il faut aller vers le dialogue.
07:11 Il faut aller vers l'économie.
07:14 Pourquoi nous sommes là aujourd'hui ? Il faut savoir ces causes-là d'abord au
07:20 lieu de se lancer dans la guerre.
07:22 Un pays qui n'a même pas, qui ne fabrique même pas de chaussettes pour mettre au pied
07:27 de ses soldats, on importe tout et vous voulez faire la guerre à tout le monde.
07:34 C'est impossible.
07:35 Ça ne marchera pas.
07:36 Là, vous mettez en cause les objectifs de l'armée malienne et du gouvernement ?
07:43 Ils devraient penser autrement.
07:45 C'est pas ça, c'est pas dans l'amateurisme qu'on doit gérer une guerre.
07:51 Quand on est pauvre, il faut penser qu'il y a 25 millions ou 23 millions de maliens derrière
07:58 vous qui n'ont même pas à manger tous les jours.
08:02 Donc on ne se lance pas dans la guerre comme ça.
08:05 Mamadou Sinsikoulibali, les racines de cette guerre pour vous sont des racines économiques ?
08:11 C'est le manque d'argent, le manque de perspective ?
08:14 C'est avant tout ça l'origine du conflit ?
08:17 L'origine du conflit, je ne peux mettre que le manque d'argent.
08:22 C'est économique.
08:24 Si ce n'était pas économique, on n'allait pas s'entretuer entre nous avant même l'arrivée
08:29 des djihadistes.
08:31 Il y a des djihadistes chez nous, ce ne sont pas des gens qui quittent à 1000 kilomètres.
08:35 Vous faites référence au conflit qu'il y avait avec les Touareg au début des années 90 ?
08:39 Oui, tout à fait.
08:41 Même dans les années 60, ça a commencé.
08:43 Dans les années 63-64, voilà les premiers trucs qui se sont faits.
08:47 Donc c'est une décentralisation qui est mal faite avec de l'argent qui reste bloqué
08:51 à Bamako et qui n'irrigue pas tout le territoire malien ?
08:54 Ce n'est pas ça. Il faut avoir une vision économique et financière de la situation du Mali.
09:02 Ce n'est pas que l'argent est bloqué à Bamako ou l'argent part au centre ou au nord du Mali.
09:11 C'est une autre gestion politique de l'argent qu'on doit faire.
09:15 Et avant ça, il faut qu'on dialogue.
09:18 Il faut que tous les pans de la société malienne discutent entre eux d'abord
09:24 avant de prendre une décision d'aller en guerre.
09:27 Est-ce qu'il faut dialoguer avec les terroristes quand on veut faire des affaires ?
09:32 Il faut dialoguer avec tout le monde.
09:35 Vos entreprises ont déjà été ciblées par les terroristes ?
09:39 Non.
09:40 Est-ce que vous avez dû avoir à discuter directement ?
09:43 Pas directement avec les djihadistes.
09:46 Depuis le début du mois de mars, la frontière entre le Mali et le Niger est fermée.
09:52 Ce n'est pas la première fois d'ailleurs.
09:54 Est-ce qu'il y a des conséquences pour votre pays et pour vos entreprises ?
09:59 Il y a des conséquences.
10:02 Tout le monde l'approuve. J'ai fermé quelques entreprises que je gérais,
10:07 que mes collaborateurs géraient. J'ai tout fermé.
10:12 La frontière est fermée. Les gens avec qui je travaillais, la plupart, c'était les ONG.
10:19 Ils ne sont plus là-bas.
10:21 Du coup, cette fermeture de frontière est très néfaste pour l'économie malienne
10:29 et pour la population du Nord.
10:31 Est-ce que vous avez un peu de visibilité sur une possible réouverture ?
10:36 Tant que la situation est mal gérée, tant qu'il y a de l'amateurisme
10:41 dans la gestion politique et économique du pays, ce n'est pas pour maintenant.
10:46 Est-ce que la situation actuelle, en tant qu'investisseur,
10:51 ça vous invite à vous intéresser à d'autres pays, à d'autres marchés,
10:55 pour y placer votre argent ?
10:57 Ce n'est pas ma nature. Il y a plusieurs personnes qui ont fait ça,
11:00 mais moi, je préfère toujours investir dans mon pays, quelle que soit la situation,
11:06 quel que soit le moment que je traverse. Je continuerai à rester au Mali et à investir.
11:14 Les autorités maliennes ont décidé de coopérer avec certains de leurs voisins
11:19 dans cette lutte contre le terrorisme, notamment avec le Burkina Faso,
11:23 en partageant de l'expérience, des moyens.
11:26 Mais en fait, c'est une coopération bien plus large que le Mali veut mener
11:31 avec le Burkina Faso et la Guinée, deux autres pays qui ont été le théâtre de coups d'État.
11:36 Écoutez ce que disait le Premier ministre malien, Shogel Maïga,
11:40 c'était fin février, lors d'un dîner d'amitié à Ouagadougou, avec son homologue.
11:45 Territorialement, et surtout en termes d'activité économique,
11:49 et le nombre de la population, ça ne permet pas de réunir dans tout le monde.
11:55 Mais quand on est ensemble là, on est très fort. Au Mali, on est déjà 20 millions.
11:59 Au Burkina, ça doit être environ 22 millions.
12:03 Au Mali, d'ailleurs, je ne sais pas, 20, on dit 20, mais je suis sûr que si on va aller à 25.
12:08 Donc déjà, ça fait près de 45 millions.
12:11 Si on ajoute un pays qui sort sur la mer, ça va nous faire déjà les 110 millions, 80 millions.
12:20 Avec l'activité économique, les ressources qu'il y a dans nos pays, on peut amorcer un décollage direct
12:28 avec des dirigeants déterminés qui n'ont d'autre souci que la réussite de leur population.
12:35 Parce que le peuple croit beaucoup.
12:37 Le Premier ministre malien qui espère amorcer un décollage de l'économie grâce à ses voisins, amis.
12:44 Est-ce que vous êtes convaincu, Mamadou Sinsikounibali ?
12:49 Je ne suis pas du tout convaincu de ce qu'il dit.
12:52 Parce que si on veut faire le décollage, ce n'est pas dans les paroles, c'est dans les actes.
12:57 C'est dans l'économie qu'on veut faire bouger les choses.
13:01 C'est ce qu'il a dit. Il a dit qu'économiquement, il faut qu'on coopère.
13:06 Économiquement, on va coopérer comment ? Ce n'est pas dans l'économie publique, c'est l'économie privée.
13:13 Ce sont les investissements privés qui peuvent décoller un pays.
13:16 Ce n'est pas l'investissement public qui peut faire décoller un pays.
13:20 L'investissement public, en tout cas les politiques publiques, permettent de donner un cadre.
13:26 Lors de sa visite à Bamako, le Premier ministre Burkinabe a parlé, il est allé plus avant, il a parlé de fédération.
13:33 L'idée n'a pas ensuite été reprise, mais elle a fait beaucoup parler sur les réseaux sociaux.
13:39 Est-ce qu'une coopération à trois États, ce n'est pas plus facile à mettre en place qu'une Zlekav,
13:47 qui est le projet de l'Union africaine, une zone économique de libre-échange continentale africaine ?
13:53 On a ouvert une plaie avec le Burkina Faso. Ce n'est même pas cicatrisé encore.
14:01 On a fait la guerre avec le Burkina. Et cette plaie est ouverte encore.
14:06 Donc moi, je pense que pour pouvoir développer notre économie, il faut qu'on collabore avec tout le monde.
14:16 Le fédéralisme, ça c'est autre chose. On n'a même pas réussi à créer ce fédéralisme entre le sud, le centre et le nord du Mali,
14:26 créer même des relations contractuelles. Il a fallu l'intervention des Nations unies, de la communauté internationale
14:35 pour que nous puissions signer un accord de paix qui n'est toujours pas respecté de l'autre côté.
14:42 Vous regrettez le départ des forces étrangères et des organisations aussi étrangères présentes sur place au Mali
14:50 qui pouvaient peut-être aider justement vers ce que vous demandez ?
14:54 Il faut dialoguer avec tout le monde. Tout le monde est important. Nous sommes dans un monde universel.
15:01 Il faut avoir un esprit universel des choses. Il ne faut pas qu'on se concentre sur soi-même pour dire des choses.
15:10 Mais de manière concrète, les Guinéens souhaitent développer la coopération avec le Mali.
15:18 Et ils ont entrepris des travaux sur leur corridor pour que la partie guinéenne du corridor entre Conakry et Bamako
15:27 soit améliorée et permette le passage de davantage de camions. Est-ce que ça, ce n'est pas une réalisation concrète ?
15:34 Est-ce que ça fonctionne mieux, le corridor entre le Mali et la Guinée ?
15:39 Ce n'est pas une décision politique qu'il faut prendre pour faire ça. C'est une décision économique.
15:45 Est-ce que ce corridor est rentable ou pas ? Est-ce que ce corridor convient à nos transporteurs ?
15:51 Est-ce que ce corridor convient à nos importateurs ? Est-ce qu'on leur a posé cette question ?
15:58 Et vous, il vous convient ?
16:00 Moi, personnellement, ça ne me convient pas parce que le port est tellement petit, c'est long et ça grève les prix de revient.
16:09 D'accord, parce que c'est le plus court, c'est 900 kilomètres. C'est la route la plus courte pour aller vers l'océan.
16:14 Oui, mais c'est une route qui est difficile. On peut être court et long, c'est-à-dire au lieu de mettre trois jours, vous mettez une semaine par exemple.
16:23 Je donne un exemple. Mais moi, personnellement, je ne vais pas utiliser ce corridor. Je préfère le corridor de Dakar qu'on maîtrise bien.
16:35 Avec un port qui est aussi encombré, qui connaît aussi des difficultés.
16:40 Oui, qui connaît des difficultés, mais 80% du flux de marchandises au Sénégal sont des flux qui viennent du Mali.
16:53 Nous représentons pratiquement 95% du flux.
16:58 Mais est-ce qu'à la suite de l'abandon des sanctions, la levée des sanctions en juillet 2022, est-ce que le corridor de Dakar est redevenu le premier lien du Mali avec l'extérieur et avec la côte ?
17:14 C'est toujours le premier lien.
17:16 Avec la côte d'Ivoire, la côte d'Ivoire qui a soutenu les sanctions.
17:19 Bien sûr.
17:20 Le Mali peut-il se passer de se déboucher sur la mer et de se marcher ?
17:26 Est-ce que les opérateurs économiques peuvent ?
17:30 Ce n'est pas le gouvernement qui décide là où on doit passer, c'est nous-mêmes qui devrons décider.
17:38 Le port d'Abidjan est un peu plus cher que le port de Dakar.
17:44 C'est ça la différence.
17:47 Et la route, on maîtrise mieux ce corridor.
17:53 Vous savez, il y a tellement de tracasseries administratives sur la route qu'on impose à nos transporteurs.
18:07 C'est compliqué.
18:08 Vous parliez de l'importance des décisions économiques.
18:11 Est-ce que les communautés d'affaires d'Afrique de l'Ouest travaillent bien ensemble ?
18:18 Est-ce que les Maliens travaillent bien avec les Ivoiriens, avec les Guinéens, avec les Burkinabés ?
18:24 Au-delà des gouvernements, puisque vous appelez à des décisions économiques, ça fonctionne ?
18:29 Ça fonctionne bien avec la côte d'Ivoire parce qu'il y a beaucoup de Maliens qui investissent en côte d'Ivoire.
18:37 La plupart des industriels vendent au Mali, que ce soit des produits de première nécessité
18:47 et aussi quelques produits qui rentrent dans le BTP qui sont fabriqués en côte d'Ivoire.
18:55 Au mois de novembre, Mamadou Sinsi-Koulibaly, vous disiez que l'économie malienne était en déclin.
19:01 Mais le FMI, le Fonds Monétaire International, est manifestement beaucoup moins pessimiste.
19:07 Le FMI qui a envoyé récemment une mission à Bamako menée par le Guinéen, Fassiné Sylla.
19:13 Écoutez ce qu'il a dit après sa rencontre avec le Premier ministre malien, Shogel Maïga.
19:18 J'ai aussi profité de la visite de courtoisie pour féliciter les autorités.
19:24 La résilience dont ils ont fait montre, malgré les événements, les sanctions,
19:32 que le Mali a tenu bon et je me réjouis beaucoup de ça.
19:37 Ils méritent des félicitations dans ce sens.
19:39 Bravo le Mali, nous dit le représentant du FMI qui prévoit même 5% de croissance du PIB cette année.
19:46 Est-ce que la situation s'est quand même améliorée selon vous ?
19:49 Ou est-ce que vous estimez que le FMI fait une mauvaise lecture de la réalité ?
19:53 Je ne sais pas comment il a trouvé ces chiffres de 5%, mais comme il parle de résilience,
19:59 c'est quelque chose que je ne prononcerai jamais en tant qu'opérateur économique.
20:04 Pourquoi ?
20:05 Le monde économique est régi par des règles et des lois.
20:09 Vous investissez, vous gagnez. Ou vous perdez.
20:14 La résilience ça veut dire quoi ? Je me remets à Dieu. Non, l'économie c'est pas ça.
20:21 L'économie va au-delà de ça. Je fais mes calculs, je regarde si ça marche, si ça marche pas, je m'en vais.
20:27 Vous ne trouvez pas que les opérateurs économiques maliens ont globalement bien résisté aux sanctions, aux restrictions ?
20:33 On a résisté parce qu'on sait comment travailler dans notre pays.
20:39 Mais cela ne veut pas dire qu'aujourd'hui tout va bien.
20:45 50% des entreprises industrielles ont fermé.
20:49 Ça c'est important.
20:51 Mamadou, l'amortisseur finalement, est-ce que ce n'est pas l'État qui permet la résilience du pays ?
21:00 Qu'est-ce qu'en dit le libéral que vous êtes ?
21:04 Pas résilience. L'État ne permet rien chez nous. L'État ne fait rien chez nous.
21:10 Vous me dites quelque chose où l'État a fait pour le secteur privé.
21:13 Demandez à la Banque mondiale ou à l'IFMI de nous faire sortir un décret.
21:18 Quelque chose de ce genre qui fait que les entreprises ont soufflé un peu.
21:23 Il n'y en a pas.
21:25 Il y a des subventions faites sur certains produits.
21:28 Quelles subventions ?
21:29 Il y a des subventions sur le carburant, des choses comme ça.
21:32 Ça, ça sert aussi aux entreprises.
21:34 Ah non, ça sert à eux. Ce n'est pas aux entreprises.
21:38 La subvention, ils la font, ils la font.
21:41 Comment est faite la subvention ? Il faut regarder ça aussi.
21:44 Comment est gérée cette subvention ?
21:47 Est-ce que ça arrive aux entreprises ?
21:50 Il n'y a pas eu de subvention sur le carburant.
21:53 Ils ont enlevé les taxes. C'est pour eux-mêmes. Ce n'est pas pour nos entreprises.
21:58 Aujourd'hui, on est obligé de mettre nos groupes électrogènes en marche
22:04 parce qu'il n'y a même pas d'énergie dans le pays.
22:06 Vos entreprises fonctionnent avec des groupes ?
22:08 Oui.
22:10 Le réseau ne fonctionne pas ?
22:12 Ça ne fonctionne pas.
22:14 Le prix du baril a baissé ces derniers mois.
22:17 Il est revenu à peu près au niveau de septembre 2021.
22:21 Est-ce que vous avez vu un coût de l'énergie baisser un petit peu ?
22:24 Non, pas du tout. Le coût n'a pas baissé depuis quelques mois.
22:28 C'est toujours le même prix.
22:31 Cette année, par exemple, votre coût de l'énergie est supérieur à l'année passée
22:36 et encore supérieur à 2021 ?
22:38 Ça ne fait qu'augmenter ?
22:40 Oui, ça ne fait qu'augmenter.
22:42 J'ai une industrie d'injection plastique.
22:47 Je ne produis avec que des groupes.
22:50 Les autres industries que j'ai sont des industries de pointe.
22:53 Je préfère arrêter parce que l'électricité que je reçois n'est pas de la bonne qualité.
23:01 Si ça vient aussi, ce n'est pas suffisant.
23:06 Donc, je suis obligé de fermer parce qu'avec le groupe que je produis,
23:11 ça me revient à 30-40% plus cher.
23:14 Donc, j'ai préféré fermer ces entreprises-là.
23:18 Vous dressez un tableau très sombre de la situation dans votre pays.
23:22 Quels peuvent être les leviers de croissance ?
23:26 Est-ce que les ressources du Mali peuvent l'être ?
23:31 Les mines, l'or, l'aboxythe, le lithium, par exemple ?
23:36 Ce sont des entreprises étrangères qui exploitent tout ça.
23:39 Ce ne sont pas les Maliens qui exploitent.
23:41 Ça pourrait changer.
23:43 Comment ?
23:45 Est-ce que vous, vous avez été invité à investir dans le domaine extractif ?
23:49 Non.
23:51 Il y a quelques mois, le gouvernement a créé une compagnie minière publique
23:56 pour répondre à ce problème de répartition des revenus du secteur minier.
24:02 C'est plutôt une bonne chose de faire en sorte que l'État soit présent dans les projets miniers.
24:07 On a déjà vécu ça.
24:09 On a créé des sociétés minières qui appartiennent à l'État,
24:13 Sogemork, machin, tout ça.
24:15 On a déjà vécu, ce n'est pas comme ça.
24:18 Dans aucun pays, on voit le secteur public créé,
24:23 que ce soit aux États-Unis, que ce soit en Europe.
24:26 Je ne vois pas un pays où c'est l'État qui exploite les ressources minières,
24:31 c'est le secteur privé.
24:33 L'État peut prendre des taxes, favoriser,
24:37 comment faire l'émergence du secteur privé local et du secteur privé international
24:42 pour que les gens viennent investir dans le pays.
24:45 Est-ce que les privés maliens ont la capacité d'investir dans les mines ?
24:48 Ils ont la capacité.
24:50 Mais il faut qu'ils soient soutenus.
24:53 Il faut que l'État, je ne demande pas de soutien financier et autre,
24:59 mais qu'il soit soutenu, qu'on soit compétitif
25:05 et qu'on a du personnel pour faire l'exploitation d'une mine.
25:10 Donc vous nous dites que c'est possible, quand même, dans d'autres conditions.
25:13 Puisque l'on parle du secteur privé, Mamadou Sensi Koulibaly,
25:17 l'un de vos chevaux de bataille, c'est la promotion des entrepreneurs,
25:22 des jeunes entrepreneurs,
25:24 et c'est précisément la spécialité de Nené Keïta Diallo,
25:27 avec qui nous sommes en ligne.
25:29 Bonjour.
25:30 Bonjour.
25:31 Vous êtes à Bamako, à la tête de Yelenma Consulting,
25:34 qui est une société qui accompagne des créateurs d'entreprises.
25:38 Récemment, vous avez parlé, à propos du Mali,
25:41 d'une école de guerre de l'entrepreneuriat.
25:43 Expliquez-nous cette expression.
25:45 Effectivement, j'ai utilisé cette expression,
25:48 qui peut paraître un peu audacieuse,
25:50 de l'école de guerre de l'entrepreneuriat,
25:52 pour décrire ce que le secteur privé malien
25:57 et notamment les petites entreprises vivent depuis ces dernières années.
26:02 Une situation extrêmement éprouvante, par moment,
26:05 mais qui a permis de développer,
26:08 et qui continue de développer,
26:10 une culture de la résilience,
26:12 de la détermination et de la créativité.
26:15 Et donc, on pourra se dire, j'espère,
26:18 dans quelques années,
26:20 que le Mali aura réussi à traverser toutes ces crises,
26:24 en développant justement des nouvelles aptitudes
26:27 qui feront de nous des modèles de résilience
26:30 en matière de développement d'entreprises
26:32 et surtout en matière de posture et de mindset,
26:36 pour pouvoir traverser les crises en tant qu'entrepreneur
26:38 et en tant que chef d'entreprise.
26:40 Nené Keïta Diallo,
26:42 quand on a une petite entreprise,
26:44 quand on est une petite entreprise,
26:46 est-ce qu'il vaut mieux faire son chemin en solitaire,
26:49 ou alors est-ce qu'il vaut mieux s'associer à un grand groupe,
26:52 comme Clédo, le groupe de notre invité ?
26:54 Effectivement, moi je dis souvent que la meilleure stratégie
26:57 que je connais pour se renforcer et traverser les crises,
27:01 c'est le partenariat, la collaboration,
27:04 et encore plus lorsque cette collaboration se fait
27:06 avec de grandes entreprises
27:08 qui ont accumulé une certaine expertise,
27:10 une certaine expérience,
27:12 et qui peuvent justement accélérer la croissance
27:16 d'autres petites entreprises en travaillant avec elles.
27:19 Parce que l'avantage de travailler avec des grands groupes
27:22 pour une PME, c'est que ces grands groupes
27:24 vont les tirer vers le haut très rapidement
27:26 et leur permettre de passer des étapes
27:28 qu'ils n'auraient peut-être pas passées aussi vite
27:31 qu'en travaillant au contact de grands groupes
27:33 qui ont des processus plus structurés
27:35 et qui vont également pousser ces petites entreprises
27:38 à augmenter le niveau et à passer justement
27:41 à une étape supérieure de leur structuration.
27:44 Merci à vous Nené Kahita Diallo,
27:46 en ligne de Bamako, directrice de Yelenma Consulting.
27:50 Merci à vous, à bientôt, au revoir.
27:52 Au revoir.
27:53 Mamadou, Sinsikou Libali,
27:55 une école de guerre de l'entrepreneuriat,
27:58 on va d'abord rebondir sur cette expression,
28:00 est-ce que vous adhérez ?
28:02 J'adhère à cette idée,
28:05 parce qu'aujourd'hui il faut que la jeunesse,
28:09 on a 95% de la jeunesse qui ne travaille pas dans notre pays,
28:14 donc il faudrait qu'on pousse...
28:16 Qui ne travaille pas de manière formelle.
28:18 Formelle, informelle, il n'y a pas de différence.
28:22 Pratiquement, quand on regarde 20 millions d'habitants
28:29 et que jusqu'à présent on est à peu près
28:34 à 200 000, 300 000 employés dans le secteur privé,
28:39 bon, ça laisse à désirer encore où sont les autres,
28:42 qu'est-ce qu'ils font ?
28:44 C'est ça le problème, tout le problème du Mali vient de là-bas.
28:47 Du petit commerce, de l'agriculture, de l'élevage.
28:50 Le petit commerce ça ne rapporte rien,
28:53 ni lui, ni à nos entreprises, ni à l'État,
28:57 ils ne payent pas d'impôts, ils ne font rien,
28:59 ils nous concurrencent, ils baissent les prix, machin.
29:02 Moi je préfère un truc du genre où une grosse entreprise,
29:07 je dirais, entre guillemets bien entendu,
29:10 qui fait de la sous-traitance, la co-traitance,
29:13 l'auto-emploi, l'auto-employeur, c'est ça l'avenir de demain.
29:18 Justement, est-ce qu'une entreprise comme la vôtre
29:21 et quelqu'un qui a beaucoup d'argent comme vous,
29:23 est-ce que c'est son rôle de mettre le pied à l'étrier,
29:26 à des jeunes maliens ou des jeunes étrangers d'ailleurs,
29:30 qui vivent au Mali ?
29:31 Est-ce que c'est ça votre rôle, pour rebondir sur les propos
29:33 de Nené Keïta à Gallop ?
29:35 Oui, je dois faire ça, c'est un rôle que je me suis assigné,
29:40 c'est la morale et l'éthique.
29:42 Et donc qu'est-ce que vous faites concrètement pour ça ?
29:44 J'essaie de pousser certains jeunes,
29:47 j'essaie de faire la co-traitance, la sous-traitance
29:51 avec certains qui sont sérieux, machin, qui en veulent,
29:55 qui veulent pousser, qui veulent avancer.
29:57 Il y a certains jeunes aussi qui veulent se lancer
30:01 dans la politique, je les pousse.
30:03 Est-ce que vous investissez dans l'éducation ?
30:05 Ah bien sûr, j'investis dans l'éducation,
30:08 j'ai un centre de formation professionnel,
30:11 j'ai une école professionnelle, je forme même des gendarmes
30:17 dans le numérique, gratuitement en plus.
30:21 Mais c'est des jeunes femmes qui ont prouvé qu'elles aiment bosser.
30:29 Mamadou Sinsikoulibali, on l'a dit tout à l'heure,
30:34 vous avez licencié plusieurs centaines de salariés,
30:37 l'activité de votre groupe s'est réduite de 40%.
30:41 C'est la diversification du groupe Clédoux
30:44 qui vous permet aujourd'hui de survivre,
30:46 c'est ça la bonne stratégie au Mali ?
30:48 Pour moi ça me réussit, il faut se diversifier beaucoup
30:52 parce que nous sommes dans une économie qui n'est pas stable,
30:55 tous les 5, 6 ans ou 10 ans il y a un coup d'état,
30:59 l'économie s'effondre, on se relève,
31:02 donc il ne faut pas mettre tous ses œufs dans le même panier,
31:05 il faut se diversifier, il faut parfois faire
31:08 même des micro-entreprises qui peuvent te soutenir
31:11 un de ces quatre matins.
31:13 Et ce sont ces micro-entreprises qui me soutiennent
31:16 aujourd'hui pour que je puisse rebondir
31:19 en attendant de trouver la solution politique
31:24 à notre problème au Mali.
31:28 Toutes ces crises font naître des opportunités,
31:31 il y a des secteurs entiers qui sont complètement bouleversés,
31:36 est-ce que vous, vous voyez dans cette crise,
31:39 ou dans ces crises, puisqu'elles sont nombreuses,
31:41 sécuritaires, politiques, sociales, économiques,
31:44 vous voyez des opportunités pour le groupe Clédou ?
31:48 Pour le moment, je ne vois aucune opportunité,
31:51 parce qu'il n'y a même pas d'investisseurs dans le pays
31:54 et ce que nous-mêmes, on a comme ressources financières,
32:02 on préfère payer nos encours dans les banques,
32:05 parce que c'est le secteur privé et le secteur public
32:08 qui ont mis que les banques vont pratiquement aller en faillite,
32:13 parce que les entrepreneurs ne payent pas leurs dettes,
32:17 parce que l'État ne les a pas payées,
32:20 d'autres, ils ont investi et puis l'économie est tombée,
32:24 et c'est les banques qui souffrent aujourd'hui.
32:27 Dans son dernier communiqué, le FMI n'est pas que optimiste
32:31 pour le Mali, il dit qu'il faut améliorer la gouvernance,
32:34 lutter précisément contre la corruption,
32:37 vous êtes très engagé pour dénoncer ce fléau,
32:41 et ça, bien avant l'arrivée des militaires au pouvoir,
32:45 pour vous, ça n'a pas changé depuis le coup d'État ?
32:48 Non, ça n'a pas changé, au contraire, ça a augmenté,
32:52 aujourd'hui...
32:53 Vous trouvez que c'est pire aujourd'hui qu'avant ?
32:55 C'est pire aujourd'hui qu'avant.
32:56 Vraiment ?
32:57 Ah oui, tout ce qu'on...
32:59 Par exemple ?
33:00 Ce harcèlement fiscal douanier qui sévit dans nos entreprises,
33:07 c'est énorme.
33:08 Mais ça, c'est pas de la corruption, ça ?
33:10 C'est du harcèlement, bon...
33:12 Si tu ne dois pas payer quelque chose,
33:15 tu paies ou tu ne paies pas, bon, voilà, c'est des choses...
33:19 Vous voulez dire qu'il y a des taxes, des marchés...
33:22 Il y a des taxes qui ne devraient pas être payées,
33:24 qui sont réclamées ?
33:25 Qui sont réclamées.
33:26 Et tu ne paies rien.
33:28 Sauf qu'il n'y a pas de corruption s'il n'y a pas de corrupteurs.
33:33 Ah bien sûr, les corrupteurs, c'est le secteur privé,
33:36 qu'on le veut ou pas, c'est nous les corrupteurs.
33:40 Et cela, vous leur dites quoi ?
33:42 Ça fait partie du business plan de la majorité de nos investisseurs.
33:50 Vous ne faites pas ça, vous ne démarrerez pas.
33:54 C'est-à-dire que vous-même, vous êtes obligé de recourir à ça ?
33:58 Non.
33:59 Mais vos concurrents, vous dites,
34:02 quasiment tous mes concurrents ont recours à la corruption
34:06 pour faire avancer des dossiers administratifs,
34:08 pour limiter des tracasseries.
34:11 Oui.
34:12 Donc vous êtes prêt à essuyer des refus ou à perdre des marchés ?
34:16 J'essaie de refuser, mais il y a des moments où tu ne peux pas.
34:21 Voilà.
34:22 Comme moi, je ne suis pas dans la gestion quotidienne de mes entreprises,
34:28 je ne suis pas gestionnaire.
34:29 Je suis développeur et je mérite...
34:33 Donc vous ne voyez pas toujours ce qui est fait sur le terrain
34:35 et vous n'écartez pas la possibilité qu'il y ait des faits de corruption ?
34:39 La collaboration, ils le font et tout ça.
34:41 Je suis sûr qu'ils le font.
34:43 Et ça vous est déjà arrivé de les prendre sur le fait ?
34:45 Comment vous réagissez ? Comment vous pouvez réagir,
34:48 sachant que vous le disiez, c'est quasiment impossible ?
34:52 C'est le mal nécessaire.
34:55 Sauf que ça peut effrayer les investisseurs,
34:57 ou en tout cas, ça empêche les investisseurs de venir.
34:59 Si on fait cette lutte et que personne ne vous suit,
35:03 même tes compatriotes du secteur privé te fuient,
35:09 les fonctionnaires te fuient,
35:14 il vaut mieux ne pas être dans la gestion quotidienne.
35:17 On fait la politique de l'autruche.
35:19 C'est pourquoi j'élève les autruches.
35:21 Eh bien justement, on va en parler.
35:23 Je suis Amadou Sinsi-Koulibaly, patron du groupe Clédou,
35:25 grand invité de l'économie RFI Jeune Afrique,
35:28 entretien à partager, à commenter sur nos chaînes YouTube
35:32 et surtout sur nos plateformes.
35:35 On va à présent parler d'agriculture,
35:37 l'une de vos passions,
35:39 et d'abord d'élevage d'autruches,
35:41 en l'occurrence, extrait d'un reportage,
35:44 c'était il y a quelques années,
35:46 par le correspondant Omali de RFI et de France 24.
35:49 Ces petites bêtes un peu curieuses sont des bébés autruches.
35:53 Une dizaine naissent chaque jour dans cet élevage.
35:56 Il y a une semaine, cet autruchon par exemple,
35:59 était encore dans sa coquille.
36:02 Ici, c'est un éclosoir artisanal
36:05 que nous avons fabriqué localement.
36:07 C'est en phase de test.
36:09 Vous voyez, vous avez des bébés qui viennent tout juste de sortir,
36:12 qui sont dans le panier.
36:18 Après trois mois à l'éclosoir,
36:20 ce sont Madou et Amidou qui prennent le relais dans la ferme.
36:24 Les autruches sont devenues bien plus grandes
36:27 et bien plus gourmandes.
36:29 Les deux hommes sont aux petits soins pour ces oiseaux
36:32 qui peuvent vite devenir très rentables.
36:35 Dans l'autruche, rien ne se perd.
36:37 Tout est récupérable.
36:39 La viande, il y a moins de corsero.
36:41 Les plumes, on les utilise comme on veut.
36:43 La peau, c'est plus chère que la peau de caïman
36:46 ou bien des serpents, si on les fait façonner.
36:50 Dans l'autruche, tout est bon et tout se vend.
36:53 Plus de 3000 oiseaux grandissent ici.
36:56 Et pour former les éleveurs maliens,
36:58 ce sont des spécialistes venus de Corée du Nord
37:01 qui ont posé leurs bagages et leur musique
37:04 dans la ferme Clédoux.
37:06 Les autruches, elles font peur.
37:13 Elles font effrayer.
37:15 Une fois effrayée, c'est un animal.
37:18 Ils courent. Ils courent comme ça, du tête.
37:21 Ils peuvent se casser les pieds.
37:23 Donc chaque fois qu'il y a des cassures des pieds,
37:26 on peut fermer la boutique.
37:28 Mais s'il y a de la musique et que ça les attrape,
37:31 ils préparent la musique.
37:33 Ça provoque la diminution de l'accident.
37:35 De ces spécialistes nord-coréens, nous n'en saurons pas plus.
37:39 Le grand patron, lui, vient visiter tous les dimanches sa ferme
37:42 et espère pouvoir lâcher dans la nature
37:45 les premières autruches d'ici quatre ans.
37:48 - Comment elles vont, vos autruches?
37:50 - Les autruches vont mal parce qu'elles ont faim.
37:54 Elles ont faim aujourd'hui parce que la situation économique
37:59 ne me permet pas trop de les nourrir comme il le faut.
38:05 Autant les Maliens ne mangent pas tous les jours,
38:09 autant aussi les Autruches, la qualité de leur nourriture a baissé.
38:14 - Qu'est-ce que ça mange une Autruche?
38:17 - L'Autruche est d'abord herbivore.
38:20 Après, ça mange des céréales, des complexes vitaminés.
38:24 Comme elles ne sont pas dans la nature,
38:27 elles sont domestiquées dans un enclos.
38:30 Donc il faut ajouter tous les produits phytosanitaires,
38:34 de la crème, de la crème de soja, de la crème de céréales,
38:38 qu'on rajoute dans leur alimentation.
38:41 - Où en est l'approvisionnement en céréales du pays?
38:45 Les autorités russes avaient dit qu'elles répondraient
38:49 aux besoins des pays si jamais l'approvisionnement,
38:53 par exemple venant d'Ukraine ou d'ailleurs, devait faire défaut.
38:57 Est-ce qu'il y a des difficultés d'approvisionnement en céréales au Mali?
39:02 - Il y a des difficultés aujourd'hui.
39:05 Et puis les prix ont flambé.
39:08 Ce n'est pas tous les Maliens qui peuvent acheter des céréales,
39:12 mais on en trouve des céréales dans le pays actuellement.
39:16 - Ça ne s'est pas calmé depuis un an, depuis le début de la guerre?
39:20 - Non, c'est toujours pareil.
39:22 Les prix n'ont pas autant baissé.
39:24 Les prix sont restés intacts.
39:26 Tout le monde n'a pas accès à ça.
39:29 - Est-ce qu'il y a un retour vers les céréales plus locales,
39:33 le millet, le mille?
39:35 Est-ce que ça s'est plus consommé ou ça l'a toujours été?
39:38 Est-ce qu'on dépend moins aujourd'hui des importations qu'avant?
39:42 - Les céréales qu'on consomme d'habitude,
39:45 c'est le millet, le petit mille qu'on appelle chez nous,
39:50 le sorgho, le maïs, le riz.
39:53 Et puis on a quelques graines de millet aussi, le fournillon.
39:58 - Et donc ça permet quand même de compenser la situation globale?
40:02 - Ce n'est pas à la portée de la majorité des maliers.
40:06 - Mamadou Sinsikoudibali, vous vouliez aussi développer le tourisme.
40:12 Est-ce que ça, ça peut encore être d'actualité,
40:16 compte tenu de la situation du pays, ou il faut complètement l'oublier?
40:19 - Il faut l'oublier pour le moment.
40:21 Tant qu'on n'a pas de bons dirigeants dans le pays
40:26 qui réfléchissent économiquement, qui réfléchissent
40:29 comment on peut créer un certain nombre de secteurs,
40:32 aujourd'hui on a un bon ministre de l'art et de la culture
40:36 qui se défend très bien.
40:38 Malheureusement, il est dans un gouvernement
40:42 où l'argent se fera, donc il ne peut pas aller au-delà de...
40:47 - Tous vos projets dans ce domaine sont abandonnés?
40:50 - Tout a arrêté pour le moment.
40:52 - Puisqu'on a commencé à parler d'agriculture et des céréales,
40:55 certaines sont très gourmandes en eau,
40:58 le réchauffement climatique, c'est un enjeu majeur
41:01 pour votre pays en particulier.
41:03 Vous qui pratiquez l'agriculture, est-ce que vous en ressentez
41:07 les effets, est-ce que vous avez modifié vos pratiques?
41:10 - Bien sûr, on a... Tout le monde a...
41:13 Il n'y en a pas, donc on est obligé de modifier nos pratiques,
41:18 mais il y a un fleuve qui traverse le Mali
41:22 sur plus de 1 000 kilomètres.
41:25 Donc on n'a pas exploité l'eau du fleuve.
41:28 Et puis il y a le fleuve sénégal aussi qui traverse le sud,
41:33 le sud-est vers la frontière sénégalaise.
41:36 Donc voilà, on a...
41:38 - Vous voulez dire qu'il y a beaucoup d'aménagements agricoles
41:41 encore à faire pour exploiter ces ressources naturelles en eau?
41:45 Cultiver les bafons?
41:47 - Oui, cultiver les bafons, faire de l'irrigation,
41:50 utiliser des canons.
41:52 - Le stockage de l'eau?
41:54 - Le stockage, parce qu'il n'y a rien sur le fleuve...
41:58 Sur le fleuve nidger de Bamako jusqu'au Niger,
42:04 on n'a pas de barrage, à part le barrage de Segu.
42:09 Tout va se verser dans le fleuve, dans la mer au Nigeria.
42:14 Donc pourquoi ne pas faire, même si c'est des petits barrages...
42:19 - Vous disiez, quand vous disiez "le manque d'une vision",
42:23 c'est ce type de vision-là que vous appelez?
42:25 Comment aménager le territoire, développer l'agriculture?
42:29 - Oui, c'est bien ça.
42:32 Mais c'est pas à eux de le faire.
42:35 C'est l'argent du secteur.
42:37 Moi, je ne paie pas mes impôts pour faire ça.
42:40 Je paie mes impôts pour qu'ils puissent faire d'autres infrastructures.
42:44 Ça, ce sont des investissements qui doivent revenir au secteur privé.
42:49 Et c'est le secteur privé qui doit investir dans ces infrastructures.
42:53 Et il se fait payer en ce moment par des redévenances d'eaux,
42:57 par d'autres machins, ou l'État rembourse, je ne sais pas.
43:00 Mais c'est comme ça. L'État ne peut pas tout faire.
43:03 L'État peut faire des infrastructures où tout le monde a accès à ça.
43:09 Il ne peut pas se mettre dans des infrastructures
43:12 où il n'y a que les privilégiés qui ont accès à ces investissements-là,
43:17 à ces infrastructures.
43:19 - On a beaucoup parlé de ce qui se passe à l'intérieur du Mali.
43:22 Est-ce que la diaspora malienne peut apporter son aide dans ce domaine agricole?
43:27 Nous avons joint Mamadou Khomey, qui est en France, en région parisienne.
43:31 C'est le président de l'Inagrim, l'initiative agricole pour le Mali,
43:35 que vous connaissez peut-être.
43:37 C'est une association qui accompagne,
43:39 qui oriente la diaspora dans ses projets agricoles.
43:42 Son but, son credo, sortir de l'agriculture familiale et être plus ambitieux.
43:48 - L'apport de l'agriculture familiale est considérable au Mali,
43:52 mais il faut l'organiser, puisque c'est pratiqué sur de l'opin de terre,
43:56 de 1,5 hectare, ça ne suffit pas.
43:59 Avec les aléas climatiques, la rarité de pluviométrie,
44:02 vraiment, il faut sensibiliser la diaspora
44:05 afin que cette diaspora s'investisse de façon productive dans le secteur,
44:10 en aidant les jeunes sur place, en aidant la famille sur place,
44:13 ou même en préparant un projet de retour vers le Mali,
44:17 puisque vraiment, le secteur est florissant.
44:20 Rien qu'à l'office du Nizar, il y a un million d'hectares irrigables,
44:23 et aussi le Mali est le premier pays d'élévation de la zone IEMO,
44:28 et le deuxième de la zone CEDAW après le Nizaria.
44:31 Donc l'agriculture est un secteur vraiment hautement stratégique pour cette diaspora-là.
44:36 - Mamadou Sinsi-Koulibaly, comment vous réagissez à ces propos du président de l'INAGRIM,
44:42 Mamadou Kome, dans une situation de crise comme actuellement au Mali,
44:47 est-ce que la diaspora peut jouer un rôle déterminant,
44:50 par exemple pour développer l'agriculture ?
44:53 - Tous les Maliens ont un rôle déterminant pour développer l'agriculture,
44:57 mais pas l'agriculture familiale, un hectare, deux hectares, ça ne rime à rien.
45:03 C'est pour nourrir sa famille, surtout quand on a des familles de 10, 15 personnes aujourd'hui,
45:10 donc nourrir tout ça avec un hectare.
45:14 - Donc vous lancez un appel aux Maliens qui sont installés en France,
45:18 et pas qu'en France d'ailleurs, il y en a aux Etats-Unis,
45:21 il y en a partout dans le monde et qui ont beaucoup d'argent ?
45:23 - Que ce soit des Maliens, que ce soit d'autres nationalités,
45:26 il faut que le Mali soit...
45:28 - On imagine que ce sont plutôt des Maliens qui vont...
45:30 - Voilà, qui vont venir investir, sinon pas, on a besoin de grands agriculteurs,
45:35 de grands investisseurs, qu'ils soient américains, français,
45:38 qui viennent investir dans l'agriculture dans notre pays.
45:41 Ce n'est pas à la portée de l'agriculture, ça coûte excessivement cher.
45:46 Ce n'est pas comme les autres, comme le commerce,
45:50 on met un million dans sa poche, on va faire un truc, on revient.
45:53 L'agriculture coûte cher, c'est toute une chaîne, il faut que ça se mette en place.
45:59 L'agriculture, il faut voir comment la France a développé son agriculture,
46:04 avant même de rentrer dans le marché commun,
46:07 les dirigeants français ont bien réfléchi, ils ont massifié, densifié et mutualisé,
46:12 en même temps, pour que l'agriculture puisse être lancée.
46:18 C'est pourquoi la France est devenue l'un des pays les plus grands producteurs en Europe,
46:26 aujourd'hui, dans l'Union Européenne.
46:28 Tant qu'on ne met pas cette organisation en place, on ne va pas avancer d'un million d'heures,
46:36 on va faire la même chose depuis le temps colonial jusqu'à aujourd'hui.
46:41 - Le Mali et la France, justement, Julien Clémenceau de Jeune Afrique.
46:44 L'implication des Maliens de France au Mali,
46:49 est-ce que ça joue un rôle négatif en les empêchant peut-être d'agir plus ?
46:54 - Ça dépend d'eux-mêmes, parce qu'entre les États, il y a un rapport de force, c'est tout.
47:05 Il n'y a pas de règle entre les États, c'est la règle qui prévaut aujourd'hui.
47:13 C'est une règle de rapport de force, c'est tout.
47:17 Maintenant, ceux qui veulent investir dans le secteur privé, s'ils veulent, ils sont les bienvenus.
47:22 Et s'ils veulent, mais il ne faut pas qu'on mette ça.
47:26 Quand les dirigeants de deux États ne s'entendent pas, ça c'est éphémère.
47:32 C'est le temps des mandats, c'est tout.
47:35 - L'économie, ce n'est pas de la politique.
47:37 - C'est ça.
47:38 - Vous pensez que ça va revenir, que les relations vont rapidement s'améliorer ?
47:42 - On est condamné.
47:43 La langue véhiculaire dans mon pays, c'est le français.
47:46 Qui gouverne aujourd'hui qui n'a pas étudié en français au Mali ?
47:52 Vous me le dites, tu ne peux pas gouverner sans étudier.
47:55 Tu ne peux pas être chef quelque part sans étudier en français.
48:00 - Ça c'est la langue.
48:02 Mais là, en ce moment, ça n'en prend pas le chemin d'un rapprochement entre Bamako et Paris.
48:09 - On a une culture francophone aujourd'hui.
48:13 - En attendant, c'est de Moscou que Bamako s'est rapprochée.
48:18 On l'a dit, vous avez été représentant...
48:20 - C'est la politique.
48:21 - Les politiques.
48:22 - Les "pouchistes".
48:23 - Mais en tout cas, c'est ce qui se fait actuellement en politique.
48:27 On l'a dit, vous avez été représentant d'Aéroflot en Afrique de l'Ouest, dans plusieurs pays.
48:33 Est-ce que ça vous incite à chercher de nouveaux partenaires, peut-être, avec la Russie ou d'autres pays ?
48:44 La Turquie ? Est-ce que ces changements d'alliances peuvent vous pousser à explorer de nouvelles pistes ?
48:49 Vous l'avez dit, l'économie, ce n'est pas la politique et on doit parler avec tout le monde.
48:54 - J'ai aussi une spiritualité citoyenne.
48:59 Je ne vais jamais collaborer avec un pays totalitaire, un pays qui ne reconnaît pas les droits de l'homme,
49:08 un pays qui ne respecte pas les citoyens.
49:13 Moi, je ne peux pas collaborer avec ce pays, surtout avec les dirigeants de ce pays.
49:19 C'est impossible.
49:20 Ma spiritualité citoyenne ne me permet pas de faire ça.
49:24 - Là, vous parlez de la Russie ?
49:26 - Que ce soit la Russie, que ce soit tous les pays totalitaires, je ne travaille pas.
49:32 - La Chine, par exemple ?
49:34 - La Chine, je ne travaille pas.
49:36 - Vous ne travaillez pas avec des Chinois au Mali ?
49:39 Vous y refusez, quand bien même, ce serait utile pour vos affaires.
49:42 - Oui.
49:44 - Vous en avez parlé tout à l'heure, en parlant des familles de 10 personnes.
49:49 Le Mali a une population extrêmement jeune, qui va encore beaucoup s'accroître.
49:54 Est-ce que cette dynamique démographique est positive, ou elle fait porter un poids sur le pays ?
50:01 Comment vous la voyez ?
50:03 - Ça porte un fardeau au pays, parce qu'on n'a rien prévu pour ça.
50:09 La population a évolué, l'économie regresse.
50:14 Les gens ne sont pas cultivés, et on a fait une concentration de toute la population avec l'insécurité à Bamako.
50:27 On a pratiquement, je pourrais dire, 70% de la population qui vit à Bamako.
50:34 Les infrastructures ne supportent pas tout ce monde à Bamako.
50:39 Et ça gangrène même notre économie.
50:43 Tout le monde vient, tout le monde ne trouve pas du travail.
50:46 C'est un lieu aujourd'hui où on récrute les futurs djihadistes, qu'on récrute à des prix de 75 000 francs chez femme, machin.
50:57 - Limiter l'accroissement démographique du Mali, c'est plus d'éducation ?
51:02 - Pas limiter, parce que nous sommes dans un pays musulman.
51:10 Il faut qu'on travaille pour donner du travail à tout le monde.
51:15 Il faut qu'on développe l'économie.
51:17 Qu'on leve ou pas, dans les 20 prochaines, dans les 10 prochaines années, un Africain sur...
51:25 Enfin, on aura un jeune Africain sur deux, seront Africains.
51:33 - Dans le monde ? Un jeune sur deux ? - Oui.
51:37 - Vous dites que l'économie est une chose, la politique en est une autre.
51:42 Quand bien même vous donnez votre avis sur pas mal de sujets qui touchent à la politique,
51:47 on sait que l'agent militaire en 2024 a prévu d'organiser une élection présidentielle dans le but de rendre le pouvoir à un civil.
51:57 Est-ce que vous y croyez ? Est-ce que vous pensez que ça va se faire ?
52:01 - Moi, je ne crois pas beaucoup, parce qu'en tant que logisticien, quand je regarde l'organisation d'une élection,
52:10 il faut de l'argent, il faut du matériel électoral, il faut la sécurité, il faut tout ça.
52:16 Est-ce que d'ici 2024, on pourra faire tout ça ? Je ne crois pas personnellement.
52:21 Et je le dis en tant que... j'entends les discours anti-libéral d'un certain nombre de gouvernements aujourd'hui,
52:39 ça ne présage pas qu'on va s'en sortir aujourd'hui.
52:46 Et je crains beaucoup que l'économie ne régresse encore davantage.
52:51 - Par le passé, vous avez plusieurs fois dit que vous ne vouliez pas faire de politique.
52:57 Mais c'était il y a quelques années, la situation a encore beaucoup évolué.
53:02 Est-ce que quand ces élections auront lieu, parce qu'elles auront lieu à un moment donné,
53:07 ça pourrait vous intéresser de vous investir davantage dans le...
53:12 - Vous avez envie de changer les choses, en tout cas.
53:14 - Oui, de faire de la politique, d'aller vous aussi, peut-être pas à l'élection, mais de soutenir quelqu'un ?
53:20 - Je ne ferai jamais de politique. Mon âge ne me permet plus de faire de la politique.
53:26 - Vous avez vu aux États-Unis, on peut faire de la politique très tard.
53:29 - Oui, ce n'est pas la même chose que chez nous. Chez nous, on a 70% de la population qui est jeune.
53:35 Il faut que ces jeunes la montent aujourd'hui au pouvoir.
53:38 - Même si vous n'êtes pas le président ou le Premier ministre, est-ce que vous pouvez vous engager différemment en politique ?
53:44 - Non. Je peux accompagner les jeunes, les jeunes qui ont moins de 45 ans.
53:50 Je peux les accompagner, je les pousse, parce qu'on a besoin de ce dynamisme, de leur énergie, aujourd'hui, pour avancer,
53:58 dans l'économie aussi bien que dans les idées nouvelles de gouvernance.
54:04 - Mamadou Sinsikoulibali, votre passion, c'est l'entreprise, bien sûr, mais c'est aussi la culture, le théâtre, le cinéma, c'est ça ?
54:13 - Oui.
54:15 - Vous investissez ? Vous avez investi, vous investissez toujours ?
54:18 - Pourquoi investir ? Je n'investis plus en ce moment, parce que l'art, la culture, sont devenus une activité où beaucoup de...
54:30 Comment on appelle ça ? Beaucoup de gens ont pris en otage ces activités-là.
54:39 Tant qu'on met pas de l'ordre, la discipline, et puis permettre aux gens de vivre de leur art, de leur culture, moi, je n'investirais pas dedans.
54:54 - Alors, tout de même, le Mali...
54:56 - J'ai déjà investi.
54:58 - Le Mali, tout de même, on en parle au niveau international, dans l'industrie cinématographique, le Mali qui était le dernier invité d'honneur du FESPACO.
55:07 Et puis, au prochain festival de Cannes, le Carrozz d'Or, qui est une récompense prestigieuse, qui a déjà été remise dans le passé à des stars,
55:15 comme David Cronenberg, comme Martin Scorsese ou encore John Carpenter, sera décerné au réalisateur malien Suleyman Sissé.
55:23 Il est l'auteur du célèbre film "Yélen", "La lumière". On va en écouter un extrait de la bande-annonce, une tragédie sur les conflits ethniques et sur la sorcellerie.
55:35 (Bruit de flûte)
55:46 (Musique)
55:51 (Parle en mongol)
55:58 (Bruit de flûte)
56:20 - Mamadou, Mamadou Sinsi-Koulibaly, vous vous souvenez de ce film, naturellement ?
56:25 - Oui. Suleyman Sissé, c'est un grand réalisateur. J'ai eu à collaborer avec lui plusieurs fois, dans plusieurs de ses films.
56:36 On s'est accompagnés mutuellement. Et il m'a aussi envoyé un message l'autre jour pour dire qu'il sera imprimé au festival.
56:49 Je lui ai envoyé mes félicitations. A son âge, il continue toujours à faire de très bons films.
56:56 - Sa fille aussi ? - Sa fille aussi, qui est sous sa barre, qui s'est lancée sur ses pas.
57:05 Et d'autres aussi, d'autres filles aussi, essaient d'émerger.
57:09 Je lui souhaite un bon vent. En rentrant d'ailleurs à Bamako, je lui avais promis que dès mon retour, on se verra, avant qu'il n'aille à Cannes.
57:20 - Ça veut dire que c'est possible pour le Mali de briller sur la scène internationale ?
57:24 - C'est possible si on met les outils en place. Parce que lui, c'est un cinéaste, c'est pas un dirigeant politique.
57:34 C'est un cinéaste, il sait faire un film. Mais faire la promotion du pays, ça rentre pas dans ses outils.
57:45 C'est une vision politique, c'est une vision des choses. L'économie d'un pays, ça englobe tout ça.
57:55 Si demain il a ça, et puis voilà que ses filles et d'autres cinéastes voient ça, puis on serait un jour un grand pays de producteurs de cinéma, de films.
58:08 Surtout que notre culture n'est pas bien connue à travers le monde. On pourra faire bien connaître avec des cinéastes comme Suleymane Sissé et les autres.
58:19 Chakmar Sissoko, mon grand frère même, Péa Sonam a été aussi cinéaste. Ils sont pratiquement tous de la même promotion.
58:29 - Faire connaître la culture malienne partout dans le monde. Merci infiniment Mamadou Sinsi-Koulibaly.
58:35 - Merci. - Merci d'être venu dans les studios de RFI. Bon retour à Bamako.
58:41 Merci à Guillaume Buffet, à Robin Cusneau pour la réalisation audio et vidéo de cet entretien.
58:48 Sandrine Strara, Marianne Poissonnier pour la programmation sur la chaîne YouTube de RFI, onglet Grand Invité de l'économie.
58:55 Merci à Jeune Afrique et surtout à vous Julien, Julien Clemenceau.
58:59 - Merci Bruno, merci à tous. - Julien, j'ai été ravi de travailler avec vous ces derniers mois sur cette émission.
59:05 - Plaisir partagé. - Vous allez vous consacrer à d'autres tâches et vous serez très bien remplacé.
59:10 Dès le mois prochain par Auréline Bida de Jeune Afrique, également que nous saluons d'ores et déjà.
59:17 Jeune Afrique où vous pourrez naturellement retrouver les meilleurs passages de cet entretien dans les colonnes de ce journal.
59:24 Merci à tous de nous suivre. A très bientôt sur nos antennes. Bonne journée, bonne soirée et portez-vous bien.
59:31 vous bien.