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Transcription
00:00 honoré par le président de la République, Denis Péchanski.
00:02 Bonjour. - Bonjour.
00:04 - Vous êtes historien, directeur de recherche au CNRS.
00:06 Vous avez écrit de nombreux livres sur la Seconde Guerre mondiale.
00:09 L'un d'eux s'intitule "Les étrangers dans la résistance",
00:11 paru aux éditions L'Atelier.
00:13 L'action de Jean Boulin a été bien sûr décisive
00:19 pour la victoire des Alliés ?
00:21 - Décisive parce qu'il avait été envoyé par le général de Gaulle
00:25 avec une double mission.
00:28 Donc, il est parti, il est arrivé au territoire métropolitain
00:32 parce qu'il avait rejoint l'Angleterre en septembre 1941.
00:36 Double mission en deux temps, retour en janvier avec deux objectifs.
00:40 Constituer une armée secrète, une armée clandestine, unifiée,
00:45 et ce sera sous la direction de Lestrain, on pourra y revenir,
00:49 du général de Lestrain, et puis unifier les mouvements de résistance,
00:54 les mouvements de zone sud.
00:55 Il était le délégué du général de Gaulle en zone sud.
00:58 Délégué civil et militaire.
01:00 Donc, il a eu un rôle absolument décisif.
01:03 Et ce qui est intéressant, c'est que,
01:05 alors même que c'était,
01:09 effectivement, l'un des plus hauts responsables de la résistance,
01:14 qu'il a eu le sort qu'on a connu et dont on a conscience,
01:19 comme est mort aujourd'hui,
01:23 il avait disparu, en quelque sorte, de la mémoire collective.
01:26 Il n'a émergé qu'un jour...
01:30 -Au sortir de la Seconde Guerre mondiale ?
01:32 -Oui, c'est-à-dire que, bien sûr, son nom émergeait,
01:35 mais, aujourd'hui,
01:37 il y a plus de 450 collèges, lycées, écoles Jean Moulin.
01:44 Il n'y en avait aucune, ou presque, avant le 19 décembre 64,
01:49 date de la panthéonisation.
01:51 C'est la seule panthéonisation décidée par le général de Gaulle.
01:54 Et, en quelque sorte,
01:56 Jean Moulin entre dans la mémoire collective en 1964.
02:01 -Et pourquoi ce "silence" pendant une vingtaine d'années, alors ?
02:07 -Parce qu'il n'y avait personne, en quelque sorte,
02:09 pour porter cette mémoire.
02:11 -Mais d'autres résistants étaient plus connus ?
02:13 -D'abord, le général de Gaulle, bien entendu,
02:16 mais lui était revenu au pouvoir en 58,
02:19 donc c'est dans la foulée.
02:21 Encore une fois, ça sera la seule panthéonisation
02:23 de ces dix ans
02:25 à la tête de l'Etat.
02:29 On connaissait Freinet,
02:32 on connaissait mieux, sans doute, Aubrac.
02:34 Bon, c'était les survivants.
02:37 Lui était mort.
02:38 Donc, effectivement, pour porter cette mémoire,
02:41 ça devenait plus compliqué.
02:42 Et puis, essayons de nous mettre dans le contexte des années 50.
02:48 Il y a un agenda qui est marqué par deux choses
02:51 qui n'ont rien à voir avec la Seconde Guerre mondiale.
02:53 Indirectement, de fait, oui, c'est la guerre froide,
02:57 le nouvel ennemi absolu, c'est le bloc soviétique,
03:00 l'Union soviétique et ses antennes de l'empire soviétique,
03:05 et puis les guerres coloniales.
03:07 Donc, il y a une sorte d'effondrement
03:11 de la mémoire de la résistance dans les années 50.
03:16 - Peut-être commenter l'image qui nous parvient en direct,
03:18 l'image d'Emmanuel Macron,
03:20 donc au mémorial de la prison de Montluçon à Lyon.
03:24 - Montluque.
03:25 - Oui, pardon, Montluque à Lyon.
03:27 Emmanuel Macron, là, visiblement, dans l'une des cellules.
03:31 C'est là, donc, que Jean Boulin a été détenu
03:36 après avoir été arrêté par la Gestapo en 1943 ?
03:38 - Oui, il est arrêté le 21 juin 1943,
03:43 à l'issue d'une réunion avec les principaux chefs
03:46 de la résidence de la zone sud,
03:48 justement parce que le général de l'Estraing, dont j'ai parlé,
03:51 avait été arrêté quelques semaines plus tôt, le 9 juin.
03:55 C'était le chef de l'armée secrète,
03:58 donc le chef militaire de tous les mouvements en zone sud.
04:03 Il avait été arrêté, il a fallu lui trouver un successeur.
04:05 Réunion à Caluire,
04:07 pour des raisons sur lesquelles on pourra revenir, bien évidemment.
04:12 Barbie, le chef de la ZIPO-SD,
04:15 Klaus Barbie, de la ZIPO-SD,
04:17 on va dire plus vite de la Gestapo, même si c'est plus large,
04:21 est au courant
04:25 parce que soit
04:27 un de ceux qui est censé y aller,
04:31 enfin, qui ne devait pas y aller, mais qui finalement y va,
04:34 René Hardy a parlé,
04:37 soit
04:40 il l'a suivi.
04:42 - On ne sait toujours pas qui avait inventé ce rendez-vous ?
04:44 - On pense que si, on sait à peu près quand même.
04:46 C'est à peu près clair que c'est par lui.
04:49 Après, est-ce que ça a été volontaire
04:52 ou bien simplement, ils l'ont laissé filer ?
04:55 Mais comme
04:58 là où Jean Moulin s'est fait arrêter, ils se sont tous fait arrêter,
05:02 il y en a un qui a réussi finalement à s'échapper,
05:07 c'était René Hardy, disons que ça pose quelques questions,
05:10 pour le moins.
05:11 Mais bon,
05:12 c'est assez classique dans la résistance,
05:16 sauf que là, ça a des conséquences absolument majeures.
05:19 C'est vraiment l'état majeur de la résistance
05:22 de zone sud qui est arrêté là,
05:26 dont Jean Moulin. Et Jean Moulin va être enfermé à la prison de Montluc
05:30 et va être
05:31 à la fois torturé, mais pas sur place,
05:35 parce que Barbie le sort, l'amène dans les geôles de la Gestapo,
05:41 Rubert Lowe, à Lyon, peu importe.
05:44 Et là, le torture, puis le ramène.
05:48 Et il était dans un état, mais...
05:52 terrifiant. Il a été torturé, on ne peut pas l'imaginer.
05:57 -Mais il n'a jamais parlé ?
05:58 -Il n'a jamais parlé. -Qu'est-ce que dit l'histoire ?
06:00 -Oui, puis sinon, il y aura eu d'autres chutes au-dessus.
06:05 Donc, moi, je me... Attention.
06:08 Parce que je veux dire...
06:10 Pour parler, il faut avoir des choses à dire.
06:14 Les résistants avaient des choses à dire.
06:17 Donc, il y en a qui ont parlé, il y en a qui n'ont pas parlé.
06:21 Mon problème, c'est pas de savoir comment des gens ont pu parler,
06:25 mais comment certains ont fait pour ne pas parler.
06:29 Voilà, c'est la seule interruption.
06:30 J'ai... Je ne vais jamais dire...
06:33 "Mais comment il a parlé sous la torture ?"
06:37 Oui, lui, il n'a pas parlé, en l'occurrence, sous la torture,
06:40 ce qui était d'autant plus exceptionnel,
06:42 compte tenu du fait que Barbie savait parfaitement
06:45 qu'il avait en face.
06:47 -D'autant qu'il avait été torturé une première fois, en 1942,
06:50 puis relâché. -En 1942.
06:51 Alors, il avait été arrêté une première fois,
06:55 en 40, parce que quand il était...
06:59 Quand il était préfet,
07:01 puis, finalement, par un biais, il va rejoindre...
07:04 Il n'était pas retorturé, mais il a essayé de se suicider.
07:07 Bon, finalement, heureusement, on l'a remis...
07:11 On l'a sauvé, et puis, au bout de quelques temps,
07:14 il va rejoindre Londres.
07:16 Mais c'est...
07:17 Voilà, cet itinéraire est tout à fait exceptionnel,
07:22 le personnage est tout à fait exceptionnel.
07:24 Et là, ce sont les 80 ans.
07:28 -Oui, bientôt. -Oui.
07:30 Mais même très tôt, là. -De son arrestation à sa mort.
07:33 -Parce que quand je vous dis...
07:35 Il a été chargé par De Gaulle d'unifier la Résistance.
07:39 Il va créer le CNR.
07:40 C'est le 27 mai.
07:42 -Le Conseil national de la Résistance.
07:44 -Le Conseil national de la Résistance.
07:46 Tout le monde va se retrouver dans le Conseil national.
07:49 Et c'est aussi 80 ans après son arrestation et sa mort.
07:54 -Sa mort et son arrestation,
07:56 ça a apporté un coût à la Résistance ?
07:59 Ou est-ce que ça l'a galvanisé ?
08:01 -Quand on atteint la Résistance à ce niveau-là,
08:05 que ce soit celui de Jean Moulin ou des autres
08:08 qui ont été arrêtés avec lui,
08:10 bien entendu que...
08:12 que ça porte un coût très dur.
08:14 Et en même temps, on est dans une période de...
08:18 de reconquête, en quelque sorte, sur le plan international.
08:23 Et...
08:25 Et que des hommes, des femmes sont de plus en plus nombreux
08:30 à rejoindre la Résistance.
08:32 Et il va...
08:33 Il va y avoir de nouveaux cadres, bien sûr.
08:37 Mais c'est un coût très dur.
08:39 C'est un coût très dur.
08:41 -On n'en sait plus sur les circonstances de sa mort,
08:44 après son arrestation ?
08:45 -Ca reste toujours un point d'interrogation.
08:48 Il était, en fait, amené vers Berlin,
08:50 après avoir été torturé pendant des jours et des jours.
08:55 Et au moment où il passe sa messe, il serait...
08:58 Il serait mort.
08:59 Il serait mort, tout simplement, d'avoir été tant torturé.
09:03 On est le 8 juillet...
09:05 Le 8 juillet 43.
09:09 Et y compris, on ne sait pas si...
09:13 les cendres qui se trouvent actuellement au Panthéon
09:17 sont vraiment les cendres de Jean Moulin,
09:20 puisque, bon, on va ramener son corps, son corps à Paris.
09:24 Il va être incinéré tout de suite.
09:26 Et on pense que l'urne
09:29 qu'on a ensuite trouvée
09:34 était l'urne où se trouvaient les cendres de Jean Moulin.
09:37 Mais à la limite, peu importe.
09:39 Ce point d'arrivée est d'une horreur absolue,
09:45 parce que tous ceux qui l'ont vu à Montluc
09:48 et puis en juillet, ce 8 juillet, à Metz, quand il va mourir,
09:54 ont vu un homme, mais complètement défiguré par les tortures.
09:58 Et il n'a pas parlé.
10:01 -Vous attendez un mot,
10:06 quelque chose du président de la République ?
10:09 Qu'attendez-vous de ce discours et de cet hommage ?
10:12 En quoi est-il central ?
10:14 -Je pense qu'il s'inscrit dans la continuité
10:16 de la geste mémorielle gaullienne.
10:19 C'est-à-dire que...
10:21 Il...
10:23 Il va sans doute rendre hommage à la fois
10:25 au grand résistant, Jean Moulin, et à l'esprit de résistance.
10:29 -Aux sacrifices.
10:31 -Aux sacrifices, mais aux sacrifices d'un résistant.
10:34 Il ne va pas, à mon avis, s'inscrire dans un discours victimaire.
10:38 Ce n'est pas dans l'agenda mémoriel.
10:42 Là, il s'agit de rendre hommage à l'unificateur aussi.
10:47 -Cet esprit de résistance qui est propre au peuple français,
10:51 dit le communiqué d'Elysée.
10:53 -Ca, c'est symptomatique.
10:54 Vous savez, il y a quelque chose qui me vient à l'esprit.
10:58 Vous vous souvenez sans doute de ce discours aux Invalides
11:01 en l'honneur du lieutenant-colonel Beltrame.
11:05 Il fait ensuite...
11:06 -Qui s'est sacrifié pour sauver un otage.
11:09 -Pour sauver un otage.
11:10 À Trèbes, un otage, et lui-même,
11:14 va être, Beltrame, tué par un terroriste islamiste.
11:18 -Bon. -Et dans son discours,
11:21 aux Invalides, le président dit
11:25 "je ne veux pas qu'on se souvienne du nom du terroriste,
11:30 "du meurtrier, je veux qu'on se souvienne du nom du héros".
11:35 Et tout le monde se souvient du nom du héros.
11:37 Personne ne se souvient du nom du terroriste.
11:40 Voilà.
11:41 Et ça, c'est sans doute par référence négative
11:44 à ce qui s'était passé avec Meyra.
11:47 Et dans ce discours-là,
11:50 à deux moments, il va parler de la résistance.
11:53 Un premier temps, référence,
11:55 Brossolette, Le Vercort.
11:58 Bon.
11:59 Et un deuxième temps,
12:02 où vont revenir les mêmes références,
12:04 il va rajouter Tregaulien, Jeanne d'Arc,
12:08 et parler de l'esprit de résistance.
12:10 Et ça, c'est quand même une continuité dans son discours.
12:15 Et puis, dans la...
12:17 Je dirais, dans le geste mémoriel qui remonte à De Gaulle.
12:22 - Merci, Denis Pershanski.
12:24 On va suivre le discours d'Emmanuel Macron,
12:27 qui devrait intervenir dans quelques minutes.

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