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Mercredi 10 mai 2023, SMART IMPACT reçoit Stanislas Milcent (Directeur Environnement, Recherche et Développement, Moët & Chandon)

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00:00 [Musique]
00:06 L'invité de Smart Impact est avec nous en visioconférence en duplex.
00:10 Bonjour Stanislas Milsan, vous êtes directeur Environnement, Recherche et Développement de Mouette et Chandon.
00:16 Vous dévoilez un programme d'agroécologie qui a été lancé il y a un peu plus d'un an, c'est ça ? De quoi s'agit-il ?
00:24 Bonjour Thomas-Hugues, effectivement oui, je viens vous parler de Natura Nostra, un programme qui a été lancé en 2021.
00:30 Alors que cette année nous fêtons les 280 ans de la maison, la maison a souhaité mettre en avant l'agroécologie
00:38 au travers d'un programme ambitieux de restauration de corridors écologiques.
00:43 Si vous avez la chance de traverser la Champagne, d'y venir, vous verrez que souvent on a des forêts sur les plateaux,
00:49 on a nos vignes qui sont sur les coteaux et puis dans la plaine on a des grandes cultures et il nous est apparu important
00:55 de restaurer une continuité entre ces forêts qui sont des réservoirs écologiques et puis la plaine champenoise
01:00 et donc de remettre des arbres au cœur de nos vignes.
01:03 Et alors ça a commencé donc il y a près de deux ans, où sont déployés les premiers kilomètres de corridors écologiques ?
01:12 Alors on a commencé par travailler avec les collectivités, en l'occurrence la mairie d'Épernay,
01:17 qui avait identifié dans un atlas de la biodiversité un certain nombre de trames vertes à restaurer
01:22 et il se trouve qu'une de ces trames vertes traversait une propriété de la maison qui s'appelle le Fort Chabrol au cœur d'Épernay,
01:28 entre la forêt d'Épernay et la vallée de la Marne.
01:30 Et donc c'est là, dans ce lieu historique, puisque c'était là qu'a été établie la première école de viticulture
01:35 de Moët et Chandon à la fin du 19ème siècle pour mettre en place la technique du greffage,
01:40 pour lutter à l'époque contre le phylloxéra.
01:42 C'est donc à Fort Chabrol qu'on a planté 1743 arbres en hommage à l'année de fondation de la maison,
01:48 avec nos collègues, pour pouvoir restaurer ce corridor entre la forêt d'Épernay et la vallée de la Marne.
01:55 Et ces 1743 arbres plantés par nos collègues, ils bénéficient à l'ensemble des riverains,
01:59 puisqu'on est pratiquement en ville, à proximité d'un collège,
02:03 et donc on est content de voir la biodiversité revenir au cœur de la ville.
02:07 Et donc chaque année, je crois, il y a ces journées biodiverses.
02:10 Ensuite, ça a été à Romont. Il y a beaucoup d'actions d'ailleurs en faveur d'une agriculture régénératrice qui y sont menées.
02:17 Vous pouvez nous en citer quelques-unes ?
02:19 Oui, bien sûr. Donc l'agriculture régénératrice, c'est une agriculture qui veut prendre soin des sols.
02:25 Et pour nous, le sol, c'est un patrimoine important.
02:27 On a la chance d'avoir des vignes qui sont là depuis quelques dizaines, voire des centaines d'années.
02:31 Et néanmoins, il faut que nos sols et nos terroirs fonctionnent bien.
02:35 Donc on veut prendre soin des sols.
02:37 C'est pour ça qu'en 2020, on a décidé d'arrêter les herbicides
02:40 et que ça faisait suite à une longue démarche de certification viticulture durable en Champagne dès 2014, par exemple.
02:46 Donc on a arrêté les herbicides et on veut retrouver une vie des sols.
02:49 Et donc, outre les haies dont on a parlé, les arbres qu'on remet au cœur des vignes,
02:54 on veut aussi remettre avec de l'herbe, quelquefois des couverts végétaux.
02:59 Donc on a aujourd'hui 50 hectares de couverts végétaux qui sont plantés entre les rangs de vignes,
03:03 de manière à ramener d'autres formes de vie au sein du vignoble.
03:08 Et puis, on a aussi des programmes d'éco-pâturage.
03:11 Les moutons sont de retour dans les vignes après les vendanges et avant que la végétation ne redémarre au printemps.
03:17 On a aujourd'hui 220 moutons qui pâturent à peu près une centaine d'hectares de vignes
03:21 pour éviter là aussi le passage de tracteurs, l'utilisation du travail du sol,
03:27 qui certes est une méthode intéressante, mais qui provoque à long terme le tassement de nos sols,
03:33 parce que malheureusement, les tracteurs, pour certains, sont électriques,
03:36 mais ces tracteurs sont relativement lourds, et donc on a des phénomènes de compaction des sols.
03:40 Donc on a une nouvelle boîte à outils qui se met en place progressivement.
03:44 On a effectivement des haies, des arbres, on a ces couverts végétaux qu'on essaie d'instaurer
03:49 et qu'on vient détruire juste avant le printemps pour qu'il n'y ait pas de concurrence entre le plan de vignes et ces couverts végétaux.
03:56 Ça forme une sorte de paillage et du coup ça permet d'économiser de l'eau,
04:00 ça permet d'éviter une température au sol trop importante.
04:03 Et puis enfin, on a nos fameux moutons qui nous permettent au cas par cas de venir en hiver
04:09 traiter des herbes désadvantages qui seraient restées en nombre trop important à proximité des vignes.
04:14 – En termes de rentabilité, parce que quand on est une maison de champagne aussi mondialement célèbre que la vôtre,
04:20 est-ce qu'on cherche à, c'est peut-être une question à côté de la plaque, mais je l'assume,
04:24 on cherche à étendre les hectares de vignes pour pouvoir produire encore plus,
04:28 est-ce que c'est limité, réglementé, comment ça se passe ?
04:32 Parce qu'on va vous dire, vous créez des corridors écologiques, c'est moins d'espace pour les vignes.
04:36 – Alors oui, effectivement c'est un peu moins d'espace pour les vignes.
04:39 Aujourd'hui on a la chance d'être à la tête du premier vignoble de Champagne
04:42 avec à peu près 1200 hectares de vignes, ce qui est aussi une responsabilité
04:46 et on travaille avec des partenaires vignerons.
04:49 Pour nous l'enjeu de cette viticulture plus durable, de cette agroécologie,
04:54 c'est d'abord de garantir la quantité et la qualité des raisins, très clairement,
04:57 puisqu'on a besoin de nourrir la croissance de nos marques avec des vins toujours de très grande qualité,
05:02 donc ça c'est notre objectif premier, mais néanmoins on est persuadé que face au changement climatique
05:07 qui est une réalité en Champagne, la biodiversité est une des réponses les plus adaptées
05:12 à ce défi qu'est le changement climatique.
05:14 Le changement climatique, il est d'actualité parce qu'on voit par exemple les dates de vendanges avancées,
05:18 on sait qu'on a des raisins qui sont aujourd'hui un peu plus sucrés,
05:21 on était à la limite nord de la culture de la vigne,
05:23 donc c'est plutôt pour nous à ce stade garant de qualité,
05:27 mais néanmoins on voit aussi arriver de nouvelles maladies par exemple,
05:30 et on se dit que si on a des haies à proximité de nos vignes,
05:34 on vient cloisonner un peu notre vignoble, on va avoir des auxiliaires,
05:37 par exemple des oiseaux, qui pourraient demain nous aider à lutter contre des nouveaux porteurs de maladies,
05:44 des nouveaux insectes, qu'aujourd'hui on n'a pas encore dans le vignoble champenois,
05:47 mais quand on voit la progression de certaines maladies,
05:50 et je pense à la flavescence dorée par exemple dans le sud de la France,
05:53 qui remonte progressivement, on se dit qu'avoir de la biodiversité,
05:57 ça peut être un bon moyen de lutter contre ces nouveaux ravageurs potentiels.
06:01 – Alors vous avez un petit peu répondu à la question,
06:03 mais vous décidez d'arrêter les herbicides, je crois que c'est 2020,
06:06 c'est ça vous nous l'avez dit tout à l'heure,
06:08 par quoi vous le remplacez ?
06:10 Par un dispositif un peu global que vous venez de nous décrire, comment ça se passe ?
06:15 – Alors en fait, quand on arrête les herbicides, d'abord c'est le fruit de 10 ans de travail,
06:19 on ne fait pas du jour au lendemain en se réveillant un beau matin,
06:21 en se disant "ah les herbicides ce n'est pas bien, on va arrêter", non.
06:24 On se rend compte qu'effectivement on peut peut-être travailler différemment,
06:28 que nos grands-parents travaillaient sans herbicides
06:30 et que néanmoins ils faisaient des vins de grande qualité,
06:32 donc on doit pouvoir y arriver, y compris en Champagne.
06:34 Et donc là on tâtonne, on fait des essais, et vous savez qu'on a différentes situations,
06:40 on peut avoir des vignes en coteau, avec des pentes qui sont quelques fois fortes,
06:43 des vignes sur des terroirs un peu moins exposés, et donc on tâtonne,
06:49 et au bout d'une dizaine d'années on a les solutions techniques,
06:53 avec en particulier du travail du sol, c'est-à-dire qu'on vient gratter superficiellement le sol
06:58 entre 5, 6 ou 7 fois par an selon les années,
07:01 pour arriver à maîtriser l'herbe qui vient en concurrence avec la vigne.
07:04 Au passage, on a effectivement une concurrence accrue de l'herbe avec la vigne,
07:09 donc on a une petite perte de rendement qui a pu atteindre 15% pendant quelques années,
07:14 le temps qu'il y ait un nouvel équilibre qui se crée,
07:16 parce que la vigne va plonger ses racines un peu plus profondes,
07:19 et elle va aller chercher les nutriments en profondeur,
07:23 là où elle avait tendance à les chercher en surface, puisqu'il n'y avait pas de concurrence.
07:27 Donc il y a un équilibre à retrouver, et cet équilibre se refait au bout de quelques années,
07:31 quelques saisons, et donc on arrive à maîtriser l'enherbement
07:36 en passant régulièrement avec des engins mécaniques.
07:38 Le souci de ces engins, c'est que ce sont des tracteurs enjambeurs,
07:41 puisqu'on a des vignes assez étroites en Champagne,
07:43 donc ils passent par-dessus les rangs de vigne, ils sont relativement lourds,
07:46 et même si on a investi dans des tracteurs électriques,
07:48 aujourd'hui on en a une douzaine, qui représentent une partie de notre parc,
07:51 ces tracteurs lourds, à force de passer plus fréquemment dans les vignes,
07:55 finissent par tasser les sols, d'où une impasse un peu technique,
07:58 et d'où l'idée de se dire, peut-être qu'on pourrait limiter le nombre de passages de tracteurs,
08:03 en par exemple imaginant de mettre en place des couverts végétaux
08:07 entre les rangs de vigne, entre le mois d'octobre et le mois d'avril,
08:10 et les détruire au mois d'avril, de manière à faire ce paillage que j'évoquais tout à l'heure,
08:14 de faire passer peut-être des moutons, et puis aussi d'innover avec des matériels un peu plus légers,
08:20 des engins autonomes, accompagnés par nos collègues vignerons,
08:23 pour pouvoir traiter le sol de manière efficace, en étant beaucoup moins lourd,
08:28 et donc en ayant moins d'impact sur la vie des sols.
08:30 - Parlons des interrompes, donc ça veut dire que vous continuez,
08:32 on le comprend bien, vous êtes également en charge de la recherche et du développement,
08:35 vous continuez d'innover et de chercher, est-ce que ça veut dire que,
08:38 parce qu'il y a encore des produits phytosanitaires,
08:41 est-ce qu'on pourrait imaginer faire du champagne, là on parle de champagne,
08:45 sans aucun produit phytosanitaire, ou est-ce que ça c'est illusoire ?
08:49 - Alors les produits phytosanitaires, il y en a trois grandes familles.
08:52 Il y a les insecticides, et là on a la chance d'avoir des solutions dites de biocontrôle
08:56 qui nous permettent de nous en passer.
08:58 Biocontrôle c'est par exemple ce qu'on appelle la confusion sexuelle,
09:02 ce sont des capsules de phéromones qui diffusent et qui empêchent les papillons mâles
09:05 et les papillons femelles d'une espèce bien spécifique de se rencontrer
09:08 et du coup de produire des larves qui viennent s'attaquer aux raisins.
09:11 Donc ça, on a une solution écologiquement favorable.
09:16 Les herbicides, je vous ai dit, on s'en passe maintenant,
09:19 donc ça pareil, on a décidé d'arrêter, on y arrive,
09:23 on a quelques enjeux de R&D mais on continue d'avancer.
09:27 Le gros enjeu ensuite, ce sont les fongicides,
09:29 qui permettent de lutter contre des maladies dont on a peut-être entendu parler,
09:32 qui sont le myldium et le hygiène par exemple.
09:34 En bio, il y a des solutions qui existent avec par exemple la bouille bordelaise,
09:39 néanmoins ça reste des produits, certes qui ne sont pas d'origine chimique,
09:44 mais ça reste des produits de traitement de la vigne.
09:46 La solution ultime serait éventuellement d'avoir des plants de vigne résistants aux maladies
09:50 et là il y en a certains qui commencent à arriver grâce au travail de la recherche
09:55 et en particulier en Champagne, on a un premier cépage qui pourrait être proposé,
10:00 qui s'appelle le Voltis, qui est en cours d'expérimentation,
10:03 qui a été autorisé au quai des charges de l'appellation il y a quelques mois
10:06 et les premiers plants de Voltis ont été plantés cette année.
10:09 Mais ça veut dire qu'on renoncerait,
10:12 aujourd'hui on ne peut pas mettre 100% de Voltis sur l'appellation,
10:15 vous imaginez bien qu'une vigne quand on la met en place,
10:18 elle reste quelques dizaines d'années,
10:21 donc il va falloir faire un changement progressif
10:24 et puis surtout on cherche d'autres cépages résistants
10:27 de manière à garder le style propre au vin de Champagne.
10:30 Donc là il y a encore beaucoup de travail.
10:32 Merci beaucoup, merci pour tous ces détails Stanislas Milsan,
10:35 à bientôt sur Bismarck.
10:37 On parle production de fruits,
10:39 quels seront, quels sont les effets du réchauffement en France ?

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