État de santé - Congé menstruel, bonne ou mauvaise idée ?

  • l’année dernière
Avoir mal au ventre, mais aussi des nausées ou des migraines, avaler des antalgiques pour soulager tant bien que mal les douleurs et ce tout en assurant une journée de travail. C'est le lot de nombreuses femmes, chaque mois, au moment de leurs règles. Longtemps minimisées et perçues comme banales, les douleurs de règles, appelées dysménorrhées, touchent neuf femmes sur dix.
Ces maux si répandus commencent seulement à être pris en compte par les médecins, les employeurs et le législateur. Le 16 février 2023, l'Espagne est devenu le premier pays européen à voter une loi créant un "congé menstruel" pour les femmes qui souffrent de règles douloureuses. En France, la mairie de Saint-Ouen et Carrefour ont fait des annonces similaires. Pour certains, le congé menstruel est une très bonne chose mais pour d'autres, c'est un recul du droit des femmes, ouvrant la voie à de nouvelles discriminations.
Pour ou contre ? La question du congé menstruel a au moins le mérite de mettre en lumière ce sujet longtemps considéré comme tabou. Alors, en l'absence d'une prise en charge adaptée, la France devrait-elle suivre le modèle de l'Espagne ? Comment éviter les possibles effets pervers du congé menstruel ? Nous poserons ces questions à notre invitée Perrine Goussault-Capmas, gynécologue-obstétricienne à l'hôpital Bicêtre AP-HP.

La santé figure au premier rang des préoccupations des Français et au coeur de tous les grands débats politiques et sociétaux.
L'organisation des soins, le service public hospitalier, mais aussi le mal de dos, les allergies, la bioéthique ou encore la nutrition... Sur LCP, Elizabeth Martichoux explore chaque mois un thème de santé publique.
Entre reportages, interviews de professionnels de santé, de personnalités politiques mais aussi de patients, ce rendez-vous aborde tous les maux d'une problématique de santé, ses enjeux, les avancées et les nouveaux défis pour mieux vivre demain !

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Transcript
00:00 LCP Assemblée nationale, en partenariat avec MGEN Mutuelle Santé Prévoyance présente État de Santé
00:09 Musique de générique
00:38 Travailler en souffrant d'une douleur vive, ce n'est souhaitable pour personne.
00:43 Alors, quand cela revient chaque mois, comme les règles douloureuses, c'est invivable.
00:48 L'Espagne et certains employeurs en France, comme la mairie de Saint-Ouen, ont donc décidé de proposer aux femmes une solution, le congé menstruel.
00:58 La parole se libère peu à peu sur ce sujet, qu'on préférait taire jusqu'alors.
01:04 J'espère vraiment que ça puisse rentrer dans la normalité. En soi, c'est nous écouter enfin.
01:09 Car ces douleurs de règles sont rarement prises au sérieux, ni par les médecins, ni par la société en général.
01:16 Dès qu'une femme se plaint, on a tendance à penser à l'exagération.
01:20 Qui dit exagération, dit c'est forcément dans sa tête. Qui dit c'est dans sa tête, c'est hystérique.
01:26 Alors, si le congé menstruel est un signe positif de changement des mentalités, est-il dans les faits une bonne ou une mauvaise idée ?
01:35 C'est le thème de ce nouveau numéro d'État de santé.
01:38 Bonjour à tous et bienvenue dans État de santé.
01:45 Une fois n'est pas coutume, on va aujourd'hui poser un débat pour ou contre le congé menstruel pour les femmes.
01:53 Un congé pour les règles douloureuses. C'est une idée qui fait son chemin en Espagne très officiellement.
01:58 En France aussi, il y a deux employeurs qui ont d'une certaine façon franchi le pas.
02:03 Il y a la grande chaîne de distribution Carrefour qui a annoncé qu'elle allait le faire pour ses employés, ses salariés.
02:09 Et également la mairie de Saint-Ouen. C'est intéressant.
02:13 On va vous donner des éléments évidemment pour vous faire votre opinion grâce au docteur Gousseau-Capmas.
02:18 Bonjour à vous. Merci beaucoup d'être avec nous. En quoi les règles douloureuses sont un handicap au travail ?
02:24 Bonjour. C'est un handicap au travail parce que c'est une douleur permanente qui revient tous les mois,
02:31 qu'on appréhende en plus quelques jours avant qu'elle arrive et qui provoque déjà chez les toutes jeunes filles de l'absentéisme scolaire
02:38 et qui continuent après dans leur vie professionnelle à être handicapantes avec parfois des femmes qui font des malaises,
02:46 qui peuvent avoir des nausées ou des vomissements suite à ces douleurs. Et donc c'est vraiment handicapant.
02:51 Alors dans votre exercice professionnel, vous recevez souvent des femmes qui sont victimes de ce type de douleur.
02:57 Quel est votre parcours ? Quelle est votre fonction, votre poste exactement ? On regarde votre portrait.
03:03 Perrine Gousseau-Capmas est chirurgienne et gynécologue obstétricienne à l'hôpital Bicêtre à PHP.
03:15 Lorsqu'elle n'est pas au bloc, elle enseigne cette spécialité à l'université Paris-Saclay.
03:20 Engagée contre les inégalités d'accès aux soins, elle mène des travaux de recherche à l'Inserm,
03:26 dans le Centre de recherche en épidémiologie et santé des populations.
03:30 Elle se penche notamment sur la prévention, la santé sexuelle et sur la question du genre dans le système de soins.
03:42 Docteur, c'est tabou les règles. Et en particulier, il y a un qualificatif qui est quand même encore très associé aux règles,
03:50 et c'est quand même incroyable, c'est "sale". Mais les règles c'est sale. Pourquoi ? Ça vient d'où ?
03:56 Alors ça vient d'où ? C'est probablement parce qu'il y a du sang, donc quand il y a du sang c'est sale, souvent.
04:01 Après, ce tabou c'est un tabou sur la santé de la femme en général.
04:05 C'est un tabou qui est issu probablement de cette société patriarcale dans laquelle on vit,
04:10 donc en fait tout ce qui est différent du modèle masculin est tabou.
04:15 Les règles, c'est vrai qu'on a du mal à en parler au travail.
04:20 J'ai un exemple criant de témoignage d'une femme dont je tairai le nom,
04:24 mais qui racontait que dans une réunion avec le directeur général, etc.,
04:29 au moment où elle s'élevait de sa chaise, il y avait une tache de sang sur sa chaise.
04:32 Et donc là, elle n'était pas bien, mais l'ensemble des gens de la réunion étaient mal aisés,
04:38 tout le monde est parti sans faire trop de commentaires.
04:41 Alors c'est très privé, c'est vrai, on peut dire c'est tabou parce que c'est aussi l'intimité de la femme.
04:46 En tout cas, c'est vrai que c'est un phénomène complètement natural.
04:49 Je vous posais la question, parfois ces règles sont très douloureuses, pourquoi ? On regarde l'infographie.
04:55 Bouillotte, tisane ou antidouleur, chacune son arme.
05:04 Mais pourquoi les règles peuvent-elles être douloureuses ?
05:07 Ces mots semblent si banals aux yeux de nombreuses femmes qu'elles ne se posent pas la question.
05:12 Et les médecins eux-mêmes n'ont pas encore trouvé de réponse satisfaisante.
05:16 Ce qu'ils soupçonnent, c'est le rôle joué par une hormone.
05:20 Chaque mois, l'utérus se prépare à une éventuelle grossesse.
05:24 La muqueuse utérine s'épaissit pour accueillir un ovule fécondé.
05:28 S'il ne l'est pas, il ne s'implante pas.
05:31 La couche superficielle de la muqueuse se détache alors et est évacuée par le vagin.
05:36 Pour ce faire, des substances libérées dans le sang stimulent la contraction de l'utérus.
05:42 Ce sont ces hormones, appelées prostaglandines, qui peuvent être à l'origine des douleurs.
05:47 Il y aurait même une relation directe entre leur quantité et la sévérité des symptômes.
05:53 Néanmoins, d'autres facteurs pourraient expliquer les douleurs abdominales ressenties pendant les règles
05:59 et même avant, lors de la phase prémenstruelle.
06:02 Une étude de 2016, réalisée auprès de 3000 femmes américaines, mettait ainsi en évidence une forme d'inflammation
06:10 chez celles qui souffraient de symptômes prémenstruels.
06:14 Depuis 2016, la recherche a peu avancé.
06:19 À en croire le nombre d'articles publiés sur le site PubMed en 2022,
06:24 elle s'intéresse davantage aux dysfonctionnements érectiles qu'aux dysménorrhées.
06:31 Les premiers touchent pourtant moins d'un homme sur cinq contre neuf femmes sur dix pour les douleurs de règles.
06:37 "Docteur Gousso-Capmas, un trouble de l'injection, c'est un drame, il faut tout de suite le régler.
06:47 C'est en se tenant. Bon, l'injection douloureuse, c'est pas comme ça.
06:52 Il y a un vrai contraste, là, il est intéressant de s'y arrêter."
06:55 "C'est le contraste d'une société qui a été mise en place de manière très patriarcale
07:00 et un problème qui touche l'homme.
07:02 La recherche va s'en emparer rapidement, alors que les problématiques plus liées aux femmes, c'est différent.
07:07 Puis là, on n'est en plus pas dans n'importe quelle problématique masculine.
07:10 Les troubles de l'érection, c'est en plus le symbole de la virilité.
07:14 Là où les règles, c'est sale et donc, pour le coup, on mettrait bien ça sous le tapis.
07:18 Le trouble de l'érection, c'est un sujet noble et donc, il faut probablement s'en emparer plus rapidement."
07:23 "Vous pensez qu'il y a encore des jeunes filles qui découvrent ce que sont les règles
07:27 sans avoir été prévenus, sans avoir eu d'éducation à cela ?"
07:31 "Malheureusement, oui.
07:33 Aujourd'hui, on est censé avoir de l'enseignement de l'éducation sexuelle dès la maternelle.
07:40 Alors, à chaque âge, c'est problématique, mais c'est censé évoluer au fil des années.
07:44 Normalement, il est censé y avoir trois interventions par an dans le milieu scolaire
07:48 qui sont largement pas faites ou insuffisamment faites."
07:51 "Enfin, c'est pas d'abord dans la cellule familiale que ça doit se faire, franchement."
07:54 "Il y a encore des milieux où on ne parle pas de ça du tout."
07:57 "C'est d'abord là qu'il faut intervenir, non ?"
07:59 "Oui, mais alors là, on a moins de leviers que via l'école.
08:02 C'est-à-dire que via l'école, on a des leviers sociétaux, alors que dans les familles,
08:06 c'est presque de l'ingérence d'avoir ce qui se passe dans les familles."
08:10 "Ah oui, parce que les tabous se transmettent, évidemment.
08:13 Une femme qui a vécu ça comme un traumatisme pour ne pas avoir été prévenue de ce que ça représentait
08:18 peut reproduire le schéma avec sa propre fille."
08:21 "Tout à fait."
08:22 "Ce qui peut contribuer à lever le tabou en général, c'est évidemment que ça soit plus banalisé,
08:27 en tout cas qu'on puisse en parler de façon plus naturelle dans le milieu professionnel,
08:32 justement, donc, dans cette mairie de Saint-Ouen que je citais tout à l'heure,
08:35 où un congé menstruel pour les règles douloureuses va être accordé.
08:40 Comment ça se passe ? Comment ça a été conçu ?
08:43 Reportage Marianne Cazot."
08:51 L'idée de menstruation dans une réunion professionnelle, c'est pour le moins inhabituel.
08:56 Ce sera certainement plus courant dorénavant.
08:59 "Bonjour."
09:01 À la mairie de Saint-Ouen, la municipalité vient tout juste de mettre en place un congé menstruel.
09:09 Les modalités d'application sont encore en débat à la Direction Générale des Ressources Humaines.
09:15 "Donc on avance également sur la question des critères médicaux
09:19 pour pouvoir objectiver au plus le traitement des situations.
09:23 Les collègues qui ont des règles douloureuses associées à une pathologie reconnue sur le plan médical
09:29 peuvent bénéficier des autorisations spéciales d'absence.
09:32 Pour les autres collègues, on a d'autres mesures à proposer
09:36 et il faudra voir quelle coordination est prévue en termes de services de santé au travail,
09:41 c'est-à-dire qui intervient, est-ce que c'est la conseillère de prévention
09:44 ou systématiquement la médecine du travail."
09:46 Ici, personne n'en doute, ce sujet intime a toute sa place dans le monde professionnel.
09:52 "54% des agents menstruel ont des règles dites incapacitantes
10:00 et que ce chiffre-là, à lui seul, il est éclairant pour se dire qu'on ne peut pas passer à côté."
10:06 Il faut dire que le poids du tabou peut être très lourd à porter.
10:10 Cette jeune femme, qui préfère rester anonyme,
10:14 cache autant que possible ses crises d'endométriose au travail,
10:18 dans son entreprise de restauration rapide.
10:21 Pour tenir le rythme, elle prend des antidouleurs,
10:24 mais elle se sent aujourd'hui au pied du mur.
10:26 "J'ai l'impression d'être vraiment un poids pour l'entreprise,
10:30 de toute façon c'est un peu ce qu'on me fait ressentir.
10:33 En fait, je ne peux rien faire, même avec les cachets, la douleur ne passe pas,
10:38 malgré les traitements, la pilule, etc. ça ne passe pas.
10:43 Je sais que je suis comprise par mon gynéco,
10:46 mais je n'ai pas l'impression d'être comprise après de grand monde,
10:49 ne serait-ce que mes collègues et mon patron,
10:52 justement je suis totalement démunie face à la situation."
10:56 Son employeur pourrait la licencier pour inaptitude.
11:01 Alors, en plus de ses symptômes physiques, la jeune femme s'inquiète pour son avenir.
11:06 Une double peine dont la mairie de Saint-Ouen espère libérer ses agentes municipales,
11:11 comme Tanina Houle-Nunes.
11:14 Elle aussi a connu les réunions sous antidouleur.
11:18 Elle aussi a dû poser des jours de congé,
11:21 parce qu'elle ne pouvait tout simplement pas se lever du lit.
11:24 Elle aussi a souffert de ne pas être prise au sérieux.
11:28 "Ce n'est pas des sujets qu'on a forcément envie d'aborder avec tout le monde.
11:31 Donc là, le fait que ça rentre dans le vocabulaire commun
11:35 et dans la liste de jours de congé possibles et de réhabilitation de travail,
11:39 ça libère la parole et on passe à autre chose.
11:43 J'espère vraiment que ça puisse rentrer dans la normalité,
11:48 dans le quotidien, dans la gestion des ressources humaines.
11:51 Ça se fait, ce n'est pas très compliqué.
11:53 Et en soi, c'est nous écouter enfin, parce qu'on ne nous écoute pas beaucoup."
11:58 La mise en place du congé menstruel est pour elle une forme de reconnaissance de ses douleurs,
12:04 si longtemps minimisées.
12:06 Et un bon moyen de lever les tabous qui entourent les menstruations en général.
12:11 "Ce que je disais tout à l'heure, c'est juste la honte d'avoir tes règles.
12:14 Mais c'est ringard, on se sort de ça, quoi, en fait.
12:17 C'est vrai que moi, j'ai connu ça, le truc où tu es là, tu as ton tampon dans une main,
12:20 il n'y a pas de poubelle dans les toilettes, machin.
12:23 Ça fait longtemps que le truc, ça serait un truc de mec.
12:26 Le tampon, il serait biodégradable dans les toilettes, comme le PQ, quoi.
12:29 Tu vois ?
12:30 Non, mais c'est vrai que c'est des trucs où tu ne devrais même plus avoir honte de ça.
12:35 Et tu vois, je pense même que ça va permettre de déconstruire plein de choses,
12:39 le délire de dire qu'est-ce que tu as ? Tu es de mauvaise humeur ? Tu as tes règles ?
12:43 Et ouais, et alors ? "
12:45 Parler plus ouvertement des menstruations au travail pourrait donc profiter à toutes.
12:51 La mairie de Saint-Ouen réfléchit aussi à mettre des protections hygiéniques à disposition
12:56 dans les toilettes des femmes.
13:03 Docteur Gousso-Capmas, est-ce que vous êtes pour la généralisation d'un congé pour les femmes ?
13:09 C'est difficile d'avoir un avis tranché.
13:12 Je pense qu'il y a du bien et du moins bien, comme dans toute nouveauté.
13:16 Le bien, c'est effectivement d'en parler, de lever le tabou,
13:19 d'accepter qu'effectivement, les femmes puissent avoir des moments
13:23 où elles ne sont pas aptes à travailler.
13:26 Mon inquiétude, c'est est-ce qu'il ne va pas y avoir une discrimination à l'emploi ?
13:29 On voit déjà parfois des discriminations sur le risque de grossesse à venir et de congés maternités.
13:34 Est-ce que si maintenant on rajoute cette idée qu'il y aura en plus peut-être un congé menstruel ?
13:38 C'est un peu une inquiétude que j'ai. Après, je ne sais pas si elle est fondée ou pas.
13:43 On conçoit comment ce congé d'ailleurs ? C'est un jour, deux jours, trois jours, quatre jours,
13:47 le temps que la femme dise qu'elle n'a plus mal ?
13:49 C'est toute la question. C'est comment on conçoit ce congé et puis comment il fonctionne ?
13:53 Est-ce qu'il y a des jours de carence ? Parce que si c'est un jour par mois,
13:55 mais qu'il y a un jour de carence, comment ça marche ?
13:57 Ça, il va falloir vraiment se poser la question en termes de mise en place réelle de comment ça marche.
14:03 Est-ce qu'il faut faire quelque chose qui s'appelle le congé menstruel ?
14:05 Ou est-ce qu'il faut donner aux hommes et aux femmes quelques jours par an
14:08 qui peuvent prendre un peu quand ils veulent et que les femmes puissent l'utiliser à ce moment-là
14:12 et que les hommes puissent l'utiliser ?
14:13 Mais sur la base d'un certificat médical, néanmoins ?
14:16 En fait, c'est une vraie question. C'est-à-dire que le certificat médical,
14:19 ça oblige de trouver un médecin qui ne va pas dire "c'est normal d'avoir mal au ventre pendant vos règles".
14:23 Si on est face à un médecin comme ça, finalement le congé menstruel, on n'y aura jamais droit.
14:27 Normalement, un congé pour maladie, c'est cliniquement quand même constaté par un médecin.
14:36 Alors, c'est cliniquement constaté par un médecin. Là, effectivement, c'est rapporté.
14:40 C'est-à-dire qu'on n'a aucun moyen de savoir… il n'y a pas de test,
14:45 il n'y a pas d'examen pour dire que des règles sont douloureuses.
14:47 C'est complètement déclaratif.
14:49 Après, on a un moyen d'évaluer la répercussion sur la vie quotidienne,
14:53 en évaluant notamment l'intensité des douleurs, en évaluant notamment s'il y a des symptômes associés.
14:57 Je vous parlais tout à l'heure de femmes qui font des malaises, qui ont des nausées, des vomissements.
15:01 Ça, on peut le rechercher, mais on n'a aucun test qui nous confirme qu'il y a des douleurs de règles.
15:07 Et puis alors, comment faire ? Toutes les femmes pourraient considérer que parce qu'elles ont des règles,
15:13 même si elles ne sont pas douloureuses, elles peuvent avoir droit à ce congé.
15:18 C'est compliqué, la mise en place.
15:20 Alors, c'est compliqué, mais je pense qu'en France, on a toujours cette angoisse de ceux qui vont l'utiliser à mal.
15:26 Et on ne fait pas confiance, en fait.
15:28 Est-ce qu'on ne peut pas faire confiance aux femmes de se dire que celles qui n'ont pas mal,
15:31 elles vont travailler, et celles qui ont mal, elles vont pouvoir profiter de ce congé-là.
15:34 C'est une vraie question.
15:36 Après, la question des médecins derrière, c'est qu'il y a aussi une nécessité de formation des médecins
15:41 pour qu'ils soient attentifs à ces douleurs et qu'on arrête de les banaliser.
15:45 En tout cas, votre première réserve, votre principale réserve, c'est le risque de discrimination.
15:50 C'est-à-dire qu'effectivement, c'est un caractère un peu intrusif, ce congé.
15:56 Quand on a un congé maladie, on ne doit pas dire pourquoi.
15:59 Ça relève du secret médical.
16:02 Et là, il y a un risque quand même qu'il y ait une forme d'intrusion.
16:06 C'est ce qui m'inquiète, parce qu'effectivement, on rompt le secret médical dans la mesure où on parle de congés menstruels.
16:11 Et puis après, on rentre beaucoup dans l'intimité des femmes.
16:14 C'est-à-dire que quand tous les mois, une femme a son congé mensuel, le jour où elle ne le prend pas,
16:18 ça veut dire quoi ? Qu'elle est enceinte, donc elle n'a plus de règles.
16:20 Donc, ça veut dire que l'employeur, il doit se préparer au congé maternité dans six mois.
16:24 En fait, on entre dans la vie privée des femmes.
16:28 On y entre vraiment. Après, je n'ai pas de meilleure solution à proposer.
16:32 Alors, on ne doit pas discriminer parce qu'on va être enceinte.
16:35 Ça, il faut l'oublier. Mais il y a des abus.
16:37 Tout ça contribue quand même.
16:38 Tous ces débats qu'on a sur la place publique et ces nouveaux
16:41 contribuent quand même à une meilleure prise en charge de ce type de pathologie.
16:46 Encore faut-il arriver à bien les dépister correctement.
16:52 Reportage de Marianne Cazou qui a rencontré des médecins qui cherchent justement à améliorer le dépistage.
16:58 Neuf femmes sur dix ont des règles douloureuses.
17:07 Mais une grande majorité d'entre elles souffre en silence.
17:11 Et c'est à ces femmes qui ne consultent pas que François Marguerite a décidé de s'adresser.
17:17 Mais comment les faire venir jusqu'au cabinet médical ?
17:20 Pour y parvenir, ce gynécologue obstétricien s'est lancé dans une thèse d'épidémiologie
17:25 pour mieux définir le public ciblé.
17:28 Il a découvert que 40% des femmes souffraient de douleurs menstruelles ou dysménorrhées,
17:33 modérées à sévères, une prévalence largement sous-estimée.
17:38 Ces femmes qui présentent des symptômes douloureux, finalement,
17:43 se voient un peu exclues de ce dépistage qu'on a voulu centrer sur l'endométriose,
17:48 qui a été très bien, et qui a un peu éclipsé ce phénomène de dysménorrhée
17:53 alors qu'on a des traitements simples, des traitements qui marchent.
17:57 Les campagnes de prévention contre l'endométriose ont tout de même permis
18:01 d'éroder le mythe des règles douloureuses.
18:04 Mais il faut aller plus loin.
18:06 Quelles douleurs doivent pousser à consulter exactement ?
18:09 Pour le savoir, François Marguerite compile les données,
18:12 car le seul critère de l'intensité ne suffit pas.
18:16 La fréquence des dysménorrhées, les douleurs associées
18:19 et surtout les conséquences sur le quotidien ont elles aussi leur importance.
18:24 Le doctorant a ainsi mis au point un questionnaire détaillé
18:28 pour un dépistage dans les universités notamment.
18:32 Mais encore faut-il que les médecins prennent les douleurs des femmes au sérieux,
18:36 ce qui n'est pas toujours le cas.
18:40 Valéritis en sait quelque chose, après 15 ans d'errance diagnostique.
18:45 Elle a aujourd'hui la chance d'être suivie par une spécialiste de la douleur.
18:50 - Bonjour. - Bonjour.
18:52 - Alors, vous vouliez me voir pour quoi ?
18:54 Delphine Lhuillerie écoute ses plaintes avec attention.
18:57 - Je viens de passer encore une fois une nuit difficile avec une crise très très forte,
19:02 qui s'est déclenchée avec des saignements pour commencer,
19:05 et puis derrière tout un épisode digestif avec le ventre très très gonflé,
19:10 douloureux et dur, et des douleurs derrière,
19:13 et aussi des douleurs comme je vous en avais déjà parlé, du type coup de poignard.
19:17 L'algologue insiste toujours sur un point.
19:20 - Alors avant toute chose, et ça je vous l'avais déjà dit je crois,
19:23 bon votre douleur elle n'est pas dans la tête, on est d'accord.
19:26 Quand une femme se plaint, on a tendance à penser à l'exagération.
19:29 Qui dit exagération dit c'est forcément dans sa tête,
19:32 qui dit c'est dans sa tête c'est hystérique.
19:34 Donc on a ce rapprochement qui a toujours été,
19:37 et qui a même montré sur certaines études que le premier traitement que l'on donne à un homme
19:42 quand il vient aux urgences pour une douleur, c'est un antidouleur,
19:46 et pour une femme c'est un anxiolytique.
19:48 Quand c'est un homme, alors on le croit, quand c'est une femme, on la croit moins.
19:52 Et c'est ça qu'il faut déconstruire essentiellement.
19:55 - D'autant plus que cette idée reçue retarde la prise en charge des patientes,
19:59 comme Valéritis.
20:01 Les douleurs non traitées s'installent et deviennent chroniques.
20:04 - Donc en premier lieu quand on saigne, c'est inflammatoire,
20:07 ça peut nécessiter des anti-inflammatoires.
20:09 Et puis il va y avoir cette conséquence sur les nerfs,
20:11 où vous allez avoir une douleur névralgique qui va se manifester à type de coup de poignard.
20:15 Et puis derrière, on va avoir un cercle vicieux.
20:18 Ce coup de poignard, ce nerf irrité va entraîner une perte de mobilité de vos tissus.
20:23 Digestif, pelvien, même lombaire.
20:27 Et tout tissu élastique qui s'arrête de bouger,
20:29 les muscles, les tendons, les ligaments, vont se rétracter et devenir douloureux.
20:33 D'accord ?
20:34 Et quand ça s'arrête de bouger, ça coince encore plus le nerf.
20:36 Donc on a ce cercle vicieux entre les deux.
20:38 Et puis tout ça va s'envenimer, éventuellement remonter à votre cerveau.
20:42 Puis comme ça se passe la nuit, on est toujours un peu plus anxieux,
20:45 le cerveau va finir de faire exploser le système.
20:48 Il existe pourtant contre ces douleurs des solutions médicamenteuses ou non,
20:53 comme l'ostéopathie ou la sophrologie.
20:55 Absolument. Je vous en prie.
20:58 A bientôt.
21:00 En attendant une meilleure formation des médecins,
21:03 certains professionnels de santé préfèrent prendre les devants
21:07 en sortant le savoir des cabinets médicaux.
21:10 Anne Roy est sage-femme à domicile.
21:12 Afin de viser un public le plus large possible,
21:15 elle troque régulièrement son matériel médical pour son outil favori,
21:20 la vulgarisation scientifique.
21:23 Bienvenue dans "Tout sur L".
21:26 Aujourd'hui, nous allons parler de cet incroyable organe
21:29 qui est l'utérus à tous les âges de la vie,
21:32 de la puberté jusqu'à la ménopause.
21:34 Quand les femmes, ou les hommes d'ailleurs, sont informés de leur propre santé,
21:38 ils deviennent les principaux chefs de leur santé.
21:41 Et c'est à eux de nous driver.
21:43 C'est à eux de driver les professionnels de la santé, pas l'inverse.
21:46 Ce ne sont pas les professionnels de santé qui doivent vous driver.
21:49 J'aime bien avoir des femmes qui ont de la répartie,
21:52 qui me disent "Moi je pense ça, je ne suis pas d'accord avec vous Anna".
21:55 Ok, ça ne me dérange pas, ce n'est pas parce que je détiens à savoir que je suis au-dessus d'elles.
21:58 Ainsi, elle espère que les femmes ne laisseront plus personne minimiser leurs symptômes,
22:02 avec en ligne de mire un meilleur dépistage des douleurs de règles.
22:10 - Docteur Gousso-Quepmas, à quel moment conseillez-vous aux jeunes filles ou jeunes femmes,
22:14 aux femmes de consulter quand elles ont mal ?
22:16 - Dès qu'elles ont mal, parce que ce n'est pas normal d'avoir mal au ventre pendant ces règles.
22:20 - Ce n'est pas normal d'avoir mal au ventre.
22:23 Et quand on est face à un médecin qui considère et qui vous dit "C'est normal,
22:27 tu es une femme, vous êtes une femme, il faut en passer par là", c'est insupportable ?
22:31 - Ah oui, c'est insupportable.
22:33 Il faut chercher des solutions. Après, on n'en a pas toujours, mais il y a aussi un accompagnement.
22:37 Ce n'est pas uniquement de donner un médicament, un antalgique, une pilule,
22:41 c'est aussi d'accompagner les femmes dans ce parcours-là, de les écouter.
22:45 C'est très bien dit dans l'émission par la médecin-algologue,
22:49 qui explique qu'elle prend en compte cette douleur, qu'elle l'écoute et que déjà ça,
22:52 et les femmes le disent, le fait d'être écoutée, c'est déjà une porte qui s'ouvre.
22:57 Donc il y a vraiment cette notion d'accompagnement.
23:00 Il n'y a pas que des médicaments, il y a aussi des médecines dites alternatives
23:04 et qui peuvent tout à fait être prises en compte.
23:08 Je pense que c'est vraiment ensemble qu'on va réussir à soulager ces douleurs,
23:12 mais déjà, ne serait-ce qu'en écoutant les femmes.
23:14 - Ce qui est intéressant aussi dans le reportage, c'est le fait que lorsqu'un homme se plaint d'une douleur,
23:19 on lui donne tout de suite un médicament efficace, un antalgique.
23:22 Lorsque c'est une femme, on lui donne un anxiolytique.
23:25 C'est vrai, ça ? C'est statistiquement établi ?
23:28 - C'est statistiquement établi qu'on donne en tout cas des antalgiques plus forts aux hommes qu'aux femmes.
23:33 Toutes choses égales par ailleurs.
23:35 Les femmes se voient plus souvent prescrire des antalgiques de palier 1,
23:39 là où les hommes vont se voir prescrire des antalgiques plus forts, de palier 2 ou 3.
23:43 Après, effectivement, il a été montré qu'on prescrivait plus facilement des anxiolytiques aux femmes.
23:48 - C'est quoi l'idée ? C'est que c'est dans la tête ? Elles ont mal dans la tête ?
23:51 - Oui, probablement. L'idée, c'est ça. C'est que c'est de l'angoisse.
23:54 Mais ça a été montré dans de nombreux domaines.
23:57 En cardiologie, notamment, par rapport à l'infarctus du myocarde,
23:59 il a été aussi montré qu'une femme, on lui donne des anxiolytiques,
24:02 un ECG pour rechercher un infarctus chez un homme.
24:05 - En 2023, c'est toujours le cas ? C'est toujours vrai ?
24:08 - Il y a de plus en plus de gens qui essayent d'en parler pour que, justement, ça évolue.
24:11 Mais en 2023, c'est toujours vrai.
24:13 - Vous avez voulu poser une question, comme c'est la règle dans cette émission,
24:17 à un élu de l'Assemblée nationale, en l'occurrence Sandrine Rousseau,
24:21 dont on connaît les positions très féministes,
24:24 qui est députée du groupe écologiste NUPS à Paris,
24:28 qui travaille sur une proposition de loi soutenue par Sébastien Pétavy
24:33 pour instaurer un congé menstruel en France.
24:35 Vous lui demandez comment faire en sorte que ce ne soit pas soumis
24:39 à l'appréciation d'un médecin, quand on sait, vous l'avez déjà évoqué,
24:43 que certains médecins considèrent que c'est normal d'avoir mal au ventre pendant ces règles.
24:48 Et vous lui avez fait part de votre peur de la discrimination.
24:51 Voilà sa réponse.
24:57 - Le processus n'est pas arrêté, mais la manière dont ça se présenterait,
25:00 ce serait 14 jours par an, utilisables comme les femmes le souhaitent.
25:07 Et moi, je pense que c'est moins d'être discriminant, au contraire,
25:10 c'est une manière de remettre le corps des femmes au sein du monde du travail.
25:13 Après, il faudra quand même un certificat médical.
25:16 On ne peut pas accorder des jours de congé maladie comme ça, sans certificat médical.
25:21 Mais ça fera partie des négociations de savoir comment faire en sorte
25:24 qu'il n'y ait pas de discrimination vis-à-vis des femmes et des douleurs qu'elles ressentent.
25:28 - Alors Sandrine Rousseau dit, on ne peut pas se passer un certificat médical.
25:36 Et ensuite, il faut trouver effectivement des dispositifs pour qu'il n'y ait pas de discrimination.
25:42 Ça vous va comme réponse ? Pour l'instant, c'est encore flou ?
25:46 - C'est encore flou. Après, la question, c'est de cette idée qu'il faut un certificat médical.
25:51 On l'a dit tout à l'heure, il n'y a pas de test, il n'y a pas d'examen pour dire qu'il y a des douleurs de règle.
25:55 Donc moi, je veux bien écouter les femmes et faire un arrêt maladie en disant,
25:59 il lui faut un congé menstruel parce qu'elle a mal au ventre.
26:02 Mais est-ce qu'on ne pourrait pas se dire que les femmes en autonomie peuvent rapporter leurs douleurs ?
26:07 Peut-être, je ne sais pas, avec des filières directement sur la médecine du travail.
26:12 Il y a probablement des choses à réinventer de ce côté-là.
26:15 Mais de faire confiance finalement aux femmes sur le fait qu'elles ne vont pas dire qu'elles ont mal,
26:19 si elles ont pas mal. - Alors, il y a encore des dispositifs à préciser,
26:23 peut-être des dispositifs législatifs à mettre en place. Mais enfin, ça avance.
26:27 Ça avance très vite quand même. Dans le débat public, on en parle.
26:32 - Alors moi, je trouve ça très bien qu'on en parle parce qu'on parlait de lever les tabous.
26:35 Oui, on lève les tabous en en parlant. Après, dans les pays qui l'ont mis en place,
26:39 le Japon l'a mis en place il y a très longtemps et aujourd'hui, il est très, très peu utilisé, ce congé menstruel.
26:43 Donc pourquoi elle ne l'utilise pas ? Parce que si elle l'utilise, ça risque d'être encore plus discriminant.
26:46 Et là où elles sont déjà maltraitées au travail, est-ce que ça va pas augmenter cette maltraitance au travail ?
26:50 - Exactement. Donc l'outil n'est pas forcément précieux pour les femmes.
26:56 Il faut que tout le reste suive et notamment les mentalités. C'est ça l'idée.
27:01 Merci beaucoup, beaucoup Perrine Gousso-Kepmas d'avoir été notre invitée aujourd'hui.
27:05 - Merci à vous. - Merci de nous avoir suivies et à très vite sur la chaîne parlementaire LCP.
27:09 (Musique)
27:22 LCP Assemblée nationale. En partenariat avec MGEN Mutuelle Santé-Prévoyance, vous a présenté État de santé.

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