BE SMART - L'interview de Olivier Comte (52 Entertainment) et Nicolas d'Hueppe (Alchimie) par Stéphane Soumier

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Lundi 15 mai 2023, BE SMART reçoit Olivier Comte (CEO, 52 Entertainment) et Nicolas d'Hueppe (PDG & fondateur, Alchimie)

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Transcription
00:00 Et donc pour commencer, Nicolas Duheb, salut Nicolas.
00:07 Bonjour Stéphane.
00:08 Donc fondateur d'Alchimie, c'est toi et on l'a déjà fait une fois, qui m'as proposé
00:14 cet exercice, comme toi-même d'ailleurs.
00:16 Tu as vécu un choc important à la tête de ton entreprise, tu t'es dit qu'il y a quand
00:19 même un truc à faire là.
00:20 Alors c'est non pas, attention, c'est pas l'échec, l'échec c'est un sujet qui pour
00:26 le coup est en train de progresser en France.
00:28 Non, non, non, c'est pas l'échec, c'est vraiment le choc.
00:31 Alors choc, ça peut être un choc exogène, comme on l'a vu la première fois dans la
00:36 première interview que tu nous avais proposée, incendie des entrepôts d'un important groupe
00:41 d'import-export dans l'agroalimentaire, ou ça peut être un choc sur le dirigeant
00:46 lui-même.
00:47 Et là, je crois que c'est ça dont on va parler Nicolas.
00:49 Alors là, on va parler d'un choc de santé aujourd'hui.
00:51 On a invité Olivier Comte qui est le patron de 52 Entertainment.
00:56 Alors Olivier a eu un parcours extrêmement brillant puisqu'il a racheté au début
01:01 Funbridge qui était une plateforme de bridge en ligne avec un fonds et puis à coup d'acquisition
01:06 en rachetant son concurrent américain, puis la belote et puis ensuite le domino et petit
01:10 à petit a créé un grand groupe de ce qu'on appelle les jeux Evergreen, parce qu'on parle
01:15 beaucoup des jeux de plateforme mais là on est sur des jeux plutôt de cartes, donc 52
01:18 d'ailleurs comme le jeu de cartes, l'origine du mot.
01:21 Et on se situe le 25 août.
01:23 Attends, leader mondial quand même.
01:24 Et qu'est devenu leader mondial ?
01:25 Leader mondial du bridge en ligne.
01:28 Moi j'ai un chiffre qui m'a beaucoup impressionné, tu me le confirmeras Olivier.
01:32 4 milliards de joueurs inscrits sur tes plateformes ?
01:34 Non, non alors ça c'est…
01:36 Qu'est-ce que c'est que ce chiffre alors ?
01:37 Non, non, c'est pas des milliards, on va parler en millions.
01:38 On va parler en millions.
01:40 Mais aujourd'hui on a à peu près une dizaine de millions de joueurs sur nos plateformes
01:42 par mois.
01:43 Ce qui est déjà beaucoup.
01:44 Je pense que personne n'a 4 milliards.
01:45 Tu vois, il n'y a pas que ChatGPT qui dit n'importe quoi sur le web.
01:48 Il y a aussi des articles de presse.
01:50 Ok.
01:51 On est bien, 4 milliards.
01:52 4 milliards, mon dieu c'est Facebook.
01:54 Non, je me doutais bien qu'il y avait un loup, c'est pour ça que je te posais la
01:56 question.
01:57 Voilà, un milliard c'est un milliard de parties par an sur les différentes plateformes.
02:00 Bon, donc.
02:01 On est le 25 août 2022, donc à la fin de l'été.
02:05 La rentrée se présentait bien et pourtant l'alerte rouge a été sonnée.
02:09 Olivier, merci d'être là.
02:11 Je te laisse la parole pour nous raconter ce qui se passe le 25 août.
02:15 Je vais rembobiner un petit peu mon histoire.
02:17 Et parfois si j'ai des trémolos dans la voix, vous m'excuserez mais vous comprendrez
02:22 que c'est des moments qui restent un petit peu gravés et qui marquent une personne,
02:26 bien évidemment.
02:27 Donc déjà, bonjour Stéphane.
02:28 Bonjour Nicolas.
02:29 Merci de me recevoir.
02:30 Et puis je suis ravi de faire cette émission parce que c'est important de partager l'expérience
02:35 et puis ça fait partie de ma thérapie d'en parler.
02:38 Et j'expliquerai un peu dans le processus comment j'ai réussi à sortir les émotions,
02:44 etc. qui m'ont permis de continuer un peu normalement.
02:46 Donc le 25 août, je suis aux Etats-Unis, à Boston exactement.
02:50 Un jour je me lève, normal, je me prépare, je marche dans la rue et au bout de 50-100
03:00 mètres je suis anormalement fatigué.
03:01 Je monte deux étages, je suis au bout de ma vie, au bout de deux étages, vraiment
03:09 au bout de ma vie, avec le bras gauche complètement ankylosé.
03:12 Donc les signaux ne sont pas très bons.
03:15 On fait un peu l'exercice dans sa tête, on se dit "qu'est-ce qui se passe, machin,
03:19 etc."
03:20 Je m'assois, ça va bien, je reprends des forces, je travaille, je continue à faire
03:30 ce que j'ai à faire et puis quand je remarche, ça recommence.
03:33 Et puis quand on est aux Etats-Unis, on ne sait pas trop comment ça va se passer, on
03:38 n'est pas chez soi, on n'a pas trop confiance.
03:40 C'est pas qu'on n'a pas confiance dans la médecine, mais on se dit "bon je rentre
03:42 dans quelques jours, je peux peut-être attendre, etc."
03:45 Et puis c'est quand même un peu inquiétant.
03:48 Je vois un médecin sur place qui fait 2-3 checks, qui prend 2-3 constantes, j'aurais
03:55 dû lui demander son diplôme, petite parenthèse, et qui me dit "non, non, pas d'urgence."
03:59 Ok, très bien.
04:00 Je rentre, j'attends, je reste une semaine comme ça, je reprends l'avion, je rentre
04:06 en France et puis là pour le travail, et ça c'est un enseignement, j'avais un truc
04:10 à faire absolument en Bulgarie.
04:12 Parce qu'on a fait l'acquisition d'une très belle boîte bulgare d'ailleurs et
04:15 je devais aller signer l'acquisition en Bulgarie.
04:17 Donc le lendemain, je reprends l'avion, je refais mes 5 jours en Bulgarie, et toujours
04:22 avec ce sentiment de fatigue, le branc qui l'osait, quelque chose qui marche pas dans
04:27 le corps, et puis une petite musique qui dit que ça va pas.
04:30 J'avais envoyé un petit message à mon médecin tracteur, évidemment, et puis je
04:35 renvoie un petit message et quand je reviens en France, j'atterris de la Bulgarie, elle
04:38 me dit "Olivier, maintenant tu vas arrêter tes conneries, tu poses ton stylo et tu vas
04:43 tout de suite aux urgences."
04:44 Moi j'habite du côté de, dans le 92, elle m'a envoyé à Persie, à l'hôpital
04:50 militaire.
04:51 Donc tu y vas tout de suite, mais c'est pas dans une heure, c'est pas dans deux
04:53 heures, c'est maintenant.
04:54 Je suis quand même un soldat, bien élevé, je pose mon stylo, j'y vais tout de suite.
04:58 Et puis là, ça s'est enchaîné en fait.
05:01 Et j'ai été pris en charge d'une manière exceptionnelle.
05:03 Et en fait…
05:04 - Et il y avait une réelle urgence ?
05:06 - Il y avait une réelle urgence parce que j'ai fait ce qu'on appelle médicalement,
05:10 alors je répète ce qu'on me dit parce que je ne suis pas médecin, mais j'ai fait
05:13 ce qu'on appelle un angore ultra instable ou instable.
05:15 Donc en fait, historiquement, ça s'appelait un petit infarctus.
05:20 Mais comme ça a pu être jugé comme un infarctus, c'était le prémice juste avant
05:26 l'infarctus.
05:27 Et donc je suis resté deux semaines comme ça.
05:29 - À l'hôpital ?
05:30 - Non, entre…
05:31 - Avant l'opération ?
05:32 - Avant l'opération.
05:33 Donc quand je suis entré à l'hôpital, du moment où j'ai fait des tests, des
05:37 machins, ils m'ont fait toutes les analyses possibles.
05:39 Et je me suis fait opérer en urgence.
05:42 - Une opération assez lourde ?
05:43 - À l'hôpital du Plessis-Robinson.
05:46 Ils m'ont trouvé une place en deux jours à un hôpital qui s'appelle Marine à Londres,
05:51 qui est un des meilleurs hôpitals pour la chirurgie cardiaque.
05:53 Donc voilà, j'ai eu une grosse opération.
05:57 - Et c'était une opération lourde ?
05:59 - Une grosse, grosse opération.
06:00 Alors je ne vais pas rentrer dans le détail.
06:02 Ils ouvrent ici, ils enlèvent le cœur.
06:05 J'ai eu quatre pontages.
06:07 - Ouh !
06:08 - Donc très lourds, avec des médecins qui disent, après coup, à ma femme, à moi,
06:17 voilà, Olivier, il va se faire opérer.
06:20 Il y a un truc, médicalement, on n'explique pas.
06:21 C'est comment il est resté 15 jours comme ça et on n'explique pas pourquoi il est
06:25 toujours en vie.
06:26 Donc c'est parce que je n'ai pas déclenché d'infarctus grave.
06:30 Et sachant que mes artères étaient en très mauvaise santé, ils disent, non seulement
06:34 on n'explique pas pourquoi il n'a pas déclenché d'infarctus, et on est content pour lui,
06:38 que les choses soient claires, mais c'était tellement mauvais état qu'on ne pouvait
06:41 pas le réanimer.
06:42 Donc médicalement, vous êtes… je ne sais pas comment on peut appeler ça, un miraculé.
06:47 - Alors il faut basculer sur l'entreprise, quoi, quand même, parce que c'est ça notre
06:50 propos, hein, Nicolas.
06:51 - Exactement, parce que quand on a… enfin là, tu as eu le temps de préparer, mais
06:55 quelques heures, quelques jours.
06:56 Et donc du coup, comment… à ce moment-là, tu es sous LBO, en plus, donc avec beaucoup
07:00 de pression des financiers.
07:01 Donc comment tu gères ton comité de direction ? Comment tu gères la communication ? Parce
07:05 que je crois que tu as extrêmement bien communiqué avec les différentes parties.
07:09 - Alors déjà, il y a déjà quelque chose qui est… de la chance, je ne sais pas si
07:19 on peut appeler ça de la chance, mais en fait, ça tombe d'un coup, et on n'a pas
07:22 le recul pour essayer de réfléchir qu'est-ce qu'on va faire, comment on va prévoir,
07:26 comment on va s'organiser.
07:27 Ce n'est pas comme une longue maladie où malheureusement, on voit les étapes qui se
07:31 font passer.
07:32 J'ai eu un jeu un mercredi, ils m'ont fait toutes les analyses, il fallait m'opérer
07:36 le plus vite possible, parce que pour eux, j'allais partir très très vite.
07:41 Et donc, moi, j'ai fait un choix qui était évidemment d'être transparent.
07:46 Et grâce aux réseaux sociaux, j'ai créé des boucles WhatsApp, tout simple, avec tous
07:52 mes copains et tous les gens que je connaissais.
07:54 Donc il y a une boucle, on se connaît personnellement avec Nicolas, je l'ai mis dans une boucle,
07:59 où j'ai fait des vidéos pour mes amis, mais aussi pour l'entreprise, où j'ai fait des
08:03 vidéos en disant, voilà, des cocos, alors je n'ai pas dit les cocos, que les choses
08:07 soient claires.
08:08 Mes amis, voilà, j'ai quelque chose à vous dire, il m'arrive quelque chose, il y a quelque
08:13 chose qui me tombe sur le pâle-tôt.
08:15 Pas de stress, maintenant je suis très bien pris en charge, je vais avoir une opération
08:19 très lourde, donc j'ai été hyper transparent avec eux.
08:21 Et ça, tu as été transparent aussi avec ton coéquipier de direction ?
08:24 Oui, avec tout le monde.
08:25 Et comment ils ont réagi dans la boîte ?
08:28 Alors, il faut voir les différents niveaux de la boîte, mais c'est vrai que c'est le
08:31 comité de direction qui m'intéresse, parce que comme tu le dis, tu es sous LBO, c'est
08:36 encore d'ailleurs Jean-Bernard Lafonta, c'est ça l'ancien patron de Vindel qui se soutient.
08:40 Mais en même temps, c'est une histoire que vous menez depuis un bon moment ensemble.
08:44 Oui, depuis plus de 4 ans, 5 ans.
08:47 Ce qui peut-être facilite un petit peu la communication et la prise en charge.
08:51 La boîte, évidemment, avec le fond, on l'a créée, donc je la maîtrise plutôt bien,
08:57 je l'incarne énormément.
08:58 J'ai des relations avec l'actionnaire qui s'appelle HLD qui sont extrêmement bonnes.
09:03 Alors, toujours avec un fond, il y a toujours un peu de pression, mais notre histoire est
09:06 plutôt belle parce qu'on a construit quelque chose de solide et on a grossi.
09:10 Donc quand ça va bien, les relations sont tout le temps plutôt bonnes.
09:13 J'ai été très bien accompagné.
09:14 Moi, j'avoue que j'ai eu un environnement qui était ultra positif, que ce soit le fond
09:20 d'investissement, ce qu'on appelle le comité de surveillance, le comité de direction
09:26 interne qui a pris le relais, etc. et les salariés.
09:30 Donc ça a été rapide, de façon qu'on annonce une nouvelle.
09:34 Les choses se sont mises en place naturellement dans le comité de la direction ?
09:36 Hyper naturellement.
09:37 Les gens ont pris de la hauteur et on dit on va piloter, etc.
09:41 Alors, avec le recul, on s'aperçoit qu'en fait, la boîte, elle s'est mise en… ça
09:47 a duré à peu près un mois.
09:48 Moi, j'ai été absent en gros un mois et ça passe très vite, c'est extrêmement
09:52 court.
09:53 J'allais dire au bout de trois semaines, deux semaines et demie, je répondais aux
09:57 mails, etc.
09:58 J'étais dedans, mais un mois physiquement, je n'étais plus là.
10:03 Et en fait, l'homme a horreur du vide.
10:05 Donc l'espace, un, il est rempli, mais en fait, il n'y avait plus de… la boîte
10:10 a été gérée comme une… on gérait le quotidien, mais il n'y avait plus de mise
10:17 en place de nouveaux projets, de nouveaux lancements, de nouvelles idées.
10:21 C'est intéressant, peut-être aussi parce que personne ne se sentait légitime pour
10:23 le faire.
10:24 C'est un, les gens ne se sentaient peut-être pas légitimes, quoique j'essaie qu'ils
10:30 soient légitimes.
10:31 Deux, quand on incarne et quand on crée quelque chose, on se dit bon voilà, on attend
10:37 quand même qu'Olivier revienne pour qu'il nous donne son avis, etc.
10:40 On sait que l'opération s'est bien passée, donc on sait que ça va prendre entre trois
10:44 semaines, quatre semaines, cinq semaines.
10:45 Le temps passe doucement pour l'être humain, mais ça passe…
10:49 - Puis la place n'était pas complètement vide virtuellement puisque tu communiquais
10:52 beaucoup.
10:53 - Et je communiquais beaucoup parce que pendant ma convalescence, je faisais mes petits messages
10:59 vidéos sur WhatsApp où je me mettais un peu à nu et je n'avais pas du tout peur de
11:04 partager les moments où ça allait plutôt bien, les moments où ça allait un petit
11:08 peu moins bien, ma progression.
11:10 Parce que quand on se fait une opération de ce type-là, vous me voyez un peu bronzé
11:14 la bonne mine aujourd'hui, mais quand je suis sorti de l'opération, je n'étais
11:18 pas très beau à voir, c'est un vrai choc.
11:21 - Il y avait encore un risque quand tu es sorti de l'opération ?
11:23 - Non, non, non.
11:24 Et en fait, c'était marrant parce qu'une fois que j'étais pris en charge, petite
11:29 parenthèse, on va focaliser sur le monde de l'entreprise, mais c'était marrant
11:32 parce que quand je me suis réveillé en salle de réanimation, on est quand même
11:36 shooté avec tous les médocs, l'anesthésie, la morphine parce que c'est extrêmement
11:42 douloureux et je me souviens que j'ai ouvert les yeux.
11:44 C'était comme un puzzle en fait.
11:46 La matrice s'est reconstituée d'un coup.
11:48 J'ouvre les yeux, je suis en salle de réanimation, ça s'est bien passé, je suis
11:51 vivant.
11:52 Tout s'est reconnecté d'un coup.
11:54 - Et puis tu as quand même une chance, c'est-à-dire qu'en fait le modèle économique,
11:58 c'est un modèle B2C avec beaucoup d'abonnements.
12:00 Donc il y a une résilience pour le coup.
12:02 Et contrairement à d'autres business qui sont B2B, qui peuvent s'écrouler.
12:05 - Non, mais on a ce que tu dis Nicolas, est très vrai, parce qu'on a construit quelque
12:10 chose d'extrêmement solide, extrêmement résilient.
12:13 On a passé la période de Covid qui était pour nous, c'est curieux à dire, mais c'était
12:19 un booster incroyable de l'entreprise.
12:21 - C'est l'évidence.
12:22 - L'évidence, mais on a gagné trois ans de techno, de bout à bout.
12:26 - Le leader mondial du jeu de bridge, c'est évident.
12:30 - On a explosé, on a profité pour pas seulement faire du bridge, mais plein d'autres jeux.
12:33 Aujourd'hui, on a une quarantaine de plateformes.
12:35 On a des leaders sur plein de jeux.
12:37 J'espère que vous jouez à nos jeux d'ailleurs.
12:39 - Non, mais par contre, j'ai invité très régulièrement le fondateur de Virtual Regatta.
12:44 - On a racheté.
12:45 - Absolument.
12:46 - Quelqu'un de très bien.
12:48 - On a raconté beaucoup cette histoire de Virtual Regatta qui est extraordinaire et
12:52 qui donne le potentiel de passion qu'il peut y avoir autour du jeu en ligne.
12:55 - En fait, ce qu'on voulait, c'était avoir des communautés de passionnés.
12:58 - Il y a un sujet qui m'intéresse, c'est que quand on est sous LBO, on a des financiers,
13:02 on a surtout des gros emprunts, donc des assurances.
13:05 Aujourd'hui, je n'ai plus le droit d'emprunter.
13:07 Les banquiers m'interdisent pour les problèmes de santé.
13:10 Donc, on a des problèmes de santé qui ne sont pas très éloignés.
13:12 Ça se passe comment avec les assurances aujourd'hui ? Et puis pour les LBO suivants, tu vois comment
13:15 les choses ?
13:16 - Alors en fait, dans mon malheur, j'ai eu beaucoup de chance parce que ce que j'ai fait,
13:23 c'est que je n'ai pas fait d'infarctus.
13:24 J'ai fait l'étape d'avant.
13:26 - Ce n'est pas reconnu comme un infarctus ?
13:27 - Non, ce n'est pas reconnu comme un infarctus.
13:28 - Quelle chance !
13:29 - Oui, mais c'est… Et en fait, comme je n'ai pas fait d'infarctus qui n'a pas déclenché
13:34 un AVC, qui n'a pas déclenché d'autres problématiques, j'ai zéro séquel.
13:38 Donc, ce qui m'a… Alors, j'ai mis un petit peu à récupérer.
13:43 Il faut à peu près un an pour récupérer.
13:45 Moi, là, ça fait six mois, j'ai récupéré les 90 %, on va dire.
13:50 Il y a des fois, je ne me couche pas trop trop tard parce qu'il y a quelques soirées
13:54 où je dois partir un petit peu tôt.
13:55 Alors, ma femme dirait « tu pars toujours le premier ». Donc, ça ne change pas grand-chose,
13:58 mais ce n'est pas tout à fait vrai.
13:59 Mais pour les questions d'assurance, etc., c'était un bon sujet parce qu'une fois
14:03 que je suis revenu, ça a été business as usual.
14:07 J'ai fait le choix aussi de… Moi, d'extérioriser mon problème très vite avec partager et être
14:14 super honnête.
14:15 Ça a été ma thérapie.
14:16 Et j'ai fait le choix aussi de dire « voilà, je le mets, mon problème, dans une boîte,
14:22 dans mon cerveau, la boîte, je la ferme et puis je passe à autre chose ».
14:25 – Et est-ce qu'il y a un avant et un après ?
14:27 Mais donc, du coup, maintenant, quand on se tourne un peu vers l'après, tu n'avais
14:32 rien prévu pour le comité de direction, mais est-ce que maintenant, tu te dis « il
14:35 faut que je prévoie un successeur », etc.
14:37 Est-ce que tu changes des choses dans ton management vis-à-vis de ton actionnaire et
14:44 de tes directeurs ?
14:45 – Sûrement pas.
14:46 Je ne vais pas donner les idées de me changer.
14:48 Ce n'est pas vrai.
14:50 Oui, mais pas pour ça.
14:53 J'explique.
14:54 La boîte, elle était… On a commencé, la boîte faisait 3, 4 millions d'euros
14:58 de chiffre d'affaires, donc toute petite boîte, il y a 4 ans.
15:01 On va faire pas loin de 100 cette année.
15:05 J'espère qu'on fera beaucoup plus bientôt.
15:08 Donc, on ne gère pas une boîte qui est petite taille, avec une boîte qui a une taille,
15:12 pas encore une multinationale, mais qui commence à grossir d'une manière importante.
15:15 Donc, de toute façon, la structure de l'entreprise, elle a évolué en 5 ans d'une manière
15:21 spectaculaire.
15:22 Les 6 derniers mois, on a embauché aussi des gens à ce qu'on appelle au « C-level
15:28 », un petit peu de direction pour muscler notre comité de direction, justement.
15:34 Donc, ça s'est fait naturellement.
15:36 Et en fait, j'avais plutôt anticipé et ça tombait bien parce que pour finir, c'était
15:42 prêt à recevoir un petit coup d'arrêt, comme ça.
15:45 La boîte est moins dépendante de toute façon.
15:47 La boîte, moi, je me suis toujours débrouillé pour que la boîte, elle ne soit pas dépendante.
15:51 J'ai aucun problème à recruter des gens qui sont bien plus intelligents que moi et
15:56 bien plus forts que moi.
15:57 Alors là-dessus, j'ai plein de défauts, mais celle-là, moi, j'ai une qualité, c'est
16:00 de recruter et m'entourer de gens qui sont… je n'ai pas du tout peur.
16:03 Au contraire, je n'ai pas de problème à déléguer, je n'ai pas de problème à
16:07 avoir des stars autour de moi et de les faire évoluer.
16:09 Donc, ça, ça allait déjà dans le sens, mais est-ce que toi, en tant que patron, tu
16:12 as changé un peu ton style ? La pression de te mettre la pression ? Est-ce que tu es
16:18 un nouveau patron ?
16:19 Non, je ne pense pas, mais forcément, oui.
16:23 La réponse, elle paraît un peu stupide, mais moi, j'ai l'impression que non, parce
16:29 que j'ai toujours été à fond, comme beaucoup de gens.
16:32 Tu prends les choses à cœur, tu mets toute ta passion, etc.
16:37 Et ça, je ne changerai pas parce qu'on soit patron d'entreprise, pas patron d'entreprise,
16:43 qu'on soit journaliste, qu'on soit patron de chaîne de télé, qu'on soit, je ne sais
16:46 pas moi, boulanger, etc.
16:47 Je pense que dans la vie, ce qu'il faut faire, c'est les choses avec passion, quand
16:51 on a la petite flamme qui brille, tout change et ça, je ne veux surtout pas le changer.
16:56 Après, moi, je ne sais pas faire les choses à moitié, ça, je ne veux pas le changer,
17:03 mais on apprend forcément à prendre un peu plus de recul, à être un peu plus posé.
17:07 Mais tu as mis des choses en place que moi, je te connaissais un peu avant, c'est vrai
17:12 que tu tires un tout petit peu sur la corde quand même.
17:15 Est-ce qu'aujourd'hui, tu es aidé pour arriver à moins tirer sur la corde ou finalement,
17:20 ta passion fait qu'elle est dévorante ?
17:22 Non, alors ça, c'est intéressant parce que j'en parlais beaucoup avec les médecins,
17:26 de toute façon, on est suivi énormément.
17:28 J'ai rendez-vous tout le temps, je suis suivi comme de l'eau sur le feu ou de l'huile
17:33 sur le feu plutôt.
17:34 C'est le lait, l'expression.
17:35 Le lait, le lait, voilà.
17:36 J'ai essayé de m'en souvenir, je savais qu'il y avait un truc qui se crochet.
17:40 Du lait sur le feu.
17:41 Et en fait, la réponse, elle est assez simple, c'est qu'on n'a pas besoin de faire attention.
17:48 Ton corps fait attention pour toi.
17:49 Attends, tu viens de nous raconter, ça fait 18 minutes que tu racontes la contraire.
17:54 Non, mais après l'opération, dans le sens que j'ai commencé à écouter mon corps.
18:01 Tu deviens attentif aux signaux faibles.
18:03 On peut appeler ça comme ça.
18:05 Quand je suis fatigué, ce que je n'écoutais pas avant, je l'écoute.
18:09 Et en fait, quand mon corps, j'ai découvert pour la première fois ce que vous voulez
18:13 dire le mot fatigué.
18:14 Parce qu'avant, des fois, on rentre le soir, on dit je suis crevé, le machin, etc.
18:19 Là, quand le coeur ne marche plus, le machin, après l'opération, avant, c'est clair, mais
18:22 après aussi.
18:23 Je vous donne une anecdote.
18:25 Je me souviendrai toujours dans l'hôpital.
18:29 Je regarde la télé, ils me mettent la télé.
18:31 Ils mettaient C8.
18:32 Je rencontre C8, c'était Barnaby l'après-midi.
18:35 Je n'avais même pas la force de changer de zappé.
18:37 Parce qu'on n'a pas la force.
18:38 Parce que ça veut dire, c'est quand tu peux même changer.
18:42 Je ne sais pas ce que c'est que Barnaby, mais visiblement, ça doit être pesant.
18:45 C'est l'occurrence d'un inspecteur d'Eric.
18:48 Ce que je veux dire, c'est qu'on peut dire tu vas passer un peu, tu vas regarder des
18:51 séries de Netflix, etc.
18:52 Non, tu ne peux pas te concentrer.
18:54 On arrive un peu sur la fin, mais tu parlais au début de la thérapie, de l'aspect psychologique.
19:00 Parce que c'est vrai que même moi, dans mon histoire, on regarde le côté physique
19:03 des choses, mais en fait, la tête met beaucoup plus de temps à récupérer que le corps.
19:07 Tu vis un peu la même chose.
19:08 Tu sens que psychologiquement, il y a de la fragilité et il faut le gérer différemment.
19:15 Moi, j'ai fait le choix.
19:18 Quand on est suivi, quand on fait de la convalescence, à peu près 95%, 98% des gens se font suivre
19:24 par des psys après.
19:25 Moi, j'ai fait un choix de ne pas le faire.
19:26 Même s'il y a des gens qui m'ont conseillé de le faire, etc.
19:30 Après, c'est des choix personnels.
19:31 Moi, je ne l'ai pas fait.
19:32 Parce que j'estime que je n'en ai pas besoin.
19:36 Parce que j'estime que je n'ai pas envie d'ouvrir des portes que je n'ai pas envie
19:39 d'ouvrir.
19:40 Après, c'est des choix personnels.
19:41 Je n'ai pas l'impression que ça a changé beaucoup de choses.
19:48 Je ne veux pas me faire croire que ça a changé des choses.
19:53 En revanche, quand je dis ça, je vous dis aussi qu'il n'y a pas un jour de la semaine,
19:59 il n'y a pas un jour où je ne pense pas à l'opération, je ne pense pas à ce qui
20:02 m'est arrivé et je ne me pose pas cinq minutes avec moi-même en disant quand même
20:06 que je n'ai pas passé loin.
20:08 Il fait beau aujourd'hui, il faut en profiter.
20:10 Cinq minutes avec les gamins.
20:12 Ce ne sont que des paradoxes.
20:14 Tu écoutes un peu plus sa femme qui te dit que tu vas trop vite ?
20:17 Sûrement pas.
20:18 D'abord, juste un mot.
20:21 Ton bras ankylosé, c'est un symptôme, il se voit, c'est facile.
20:25 Ce qui se passe à l'intérieur, il y a des symptômes profonds mais qui ne se voient
20:28 pas, c'est plus difficile.
20:29 Il faut s'en occuper de la même façon.
20:30 Mais je referme la parenthèse.
20:32 Non, moi, ce qui m'intéresse beaucoup, c'est en guise de conclusion, il y a deux choses.
20:36 D'abord, un patron a toujours mieux à faire qu'aller voir le médecin.
20:38 Or, des fois, il faut y aller.
20:40 C'est-à-dire que tu n'aurais pas dû aller en Bulgarie.
20:42 500 %, même avant, je n'aurais pas dû.
20:47 Il n'y a même pas à discuter.
20:50 Ça, c'est un truc qu'il faut le faire.
20:51 Il faut écouter, il faut agir tout de suite.
20:52 Il n'y a pas de débat là-dessus.
20:54 Et le deuxième truc, c'est quand même une phrase que tu prononces.
20:56 Je ne sais pas si tu t'es rendu compte que tu l'as prononcée, mais l'entreprise était
20:59 prête pour ça.
21:00 À la fin, tu te dis finalement, ce n'est pas mal pour l'entreprise qu'il me soit arrivé
21:04 ça.
21:05 C'est un hasard.
21:06 Non, non, non.
21:07 Ça veut dire que tu as l'impression que tu as renforcé l'entreprise à travers ce
21:12 qui t'est arrivé.
21:13 Alors, je ne sais pas si elle était prête pour ça.
21:18 Si je l'ai dit, je l'ai dit.
21:21 En tout cas, je pense qu'on est plus fort après.
21:24 Aujourd'hui, je suis persuadé qu'on est plus fort.
21:25 Parce que d'un côté, je me sens plus fort.
21:28 Je m'interdis de me sentir plus fort.
21:30 Parce que si on dit, voilà, tu es passé à travers ça, tu es un miraculé, tu résistes,
21:35 tu es un machin.
21:36 Ce n'est pas l'objectif.
21:37 On n'est pas dans un concours de celui qui va survivre.
21:40 L'idée même de penser ça est stupide.
21:43 En revanche, tu vois les choses avec plus de recul, ça c'est sûr.
21:49 Mais un recul complètement différent.
21:51 Tant que tu ne l'as pas vécu, tu ne peux pas savoir.
21:53 Et en tout cas, moi, je me sens beaucoup plus fort.
21:58 Je me sens beaucoup plus fort aujourd'hui, ça c'est sûr.
22:00 Olivier, un grand merci d'avoir accepté cette invitation et d'être venu témoigner
22:05 de cet accident.
22:06 Et puis, bonne convalescence pour la suite.
22:09 Il en reste toujours un peu.
22:10 Quand on y pense tous les jours, c'est que c'est encore bien présent.
22:13 En attendant que les 4 millions deviennent 4 milliards.
22:18 On est déjà à peu près à 10 millions aujourd'hui.
22:22 Donc, on va y aller step by step.
22:24 Merci Olivier.
22:25 Merci Nicolas.
22:26 Et nous, on continue Bismarck.

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