• il y a 2 ans
Le président de l'association "Foot Ensemble", qui intervient dans le milieu du football sur les questions d'homophobie, est revenu sur les incidents qui ont émaillé la dernière journée de Ligue 1, dans le cadre de l'action organisée par la LFP pour lutter contre l'homophobie.

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Sport
Transcription
00:00 Yohann Le Maire, le président de Foot Ensemble,
00:02 qui lutte contre les discriminations et l'homophobie
00:05 dans le monde du football, est avec nous.
00:07 Bonsoir, Yohann. On aurait aimé, pardonnez-moi,
00:10 de ne pas vous avoir ce soir en ligne.
00:12 Ca aurait voulu dire qu'on aurait passé un week-end calme,
00:15 pas agité et sans remous. On en est là.
00:17 Comment vous réagissez, par exemple,
00:20 aux déclarations des deux joueurs, notamment,
00:22 que vous venez d'entendre ?
00:24 -On s'attendait, de toute façon,
00:28 à des difficultés, ce week-end.
00:30 On a été dans beaucoup de centres de formation
00:33 ces derniers jours, et aussi dans les clubs professionnels.
00:37 On a été reçus par pas mal d'équipes de Ligue 1 et de Ligue 2
00:40 pour parler de ce sujet.
00:42 On avait sous-estimé le problème.
00:44 On a vu qu'il y avait pas mal de soucis.
00:47 J'ai entendu beaucoup de choses.
00:49 Les clubs jouent le jeu.
00:50 Ils sont à fond pour essayer de lutter contre l'homophobie,
00:53 mais on sent que le sujet est très sensible.
00:56 Alors, concernant ce que les joueurs ont dit, là,
00:59 c'est...
01:00 C'est... Bon.
01:02 Il faudra à un moment ou à un autre...
01:04 Je suis pour des mesures de réparation,
01:06 c'est-à-dire que sanctionner, j'aime pas trop ça.
01:11 S'ils dérapent, s'ils assument une homophobie,
01:13 très clair, OK, je dis pas,
01:15 mais ce serait intéressant de les rencontrer,
01:18 des associations, le club, des journalistes,
01:20 pour essayer juste de comprendre pourquoi ils réagissent comme ça,
01:24 qui remettent un peu le cerveau à l'endroit,
01:26 puis qu'ils essaient de comprendre que c'est pas correct.
01:29 Il faut vraiment essayer de montrer le bon exemple
01:32 auprès des jeunes, dans les collèges, les lycées,
01:34 dans les clubs de foot amateurs, dans les autres sports,
01:37 que l'homophobie, c'est très compliqué.
01:41 Ça peut mettre très mal à l'aise beaucoup de jeunes.
01:45 Il faut redevenir sérieux et montrer le bon exemple.
01:47 C'est catastrophique, je pense, pour l'image du football,
01:50 du sport, et même pour eux.
01:52 -On a entendu certaines voix dire que les clubs
01:54 étaient laissés pour compte qu'il n'y avait pas
01:57 une vraie pédagogie, que ça n'avait pas pris le temps
02:00 pour y aller. Qu'est-ce que vous pouvez répondre à ça ?
02:03 Vous nous dites que vous y avez été,
02:05 que vous avez rencontré des fans.
02:06 C'est bien pour le très large public, le très grand public,
02:10 d'expliquer comment ça se passe, comment vous faites votre...
02:13 Le mot "prévention" n'est pas adapté,
02:15 mais comment vous allez faire votre explication ?
02:18 -On a fait ce qu'on a pu.
02:19 Malheureusement, on n'a pas pu faire toutes les équipes,
02:22 parce que, déjà, je travaille à l'usine,
02:24 j'habite les Ardennes, je suis bénévole,
02:26 donc la LFP demande aux associations
02:29 de faire le maximum, de les accompagner,
02:31 parce que la LFP y va, donc ils font au mieux.
02:35 Les clubs ouvrent les portes.
02:36 J'ai pas dit tous les clubs, mais les clubs ouvrent les portes
02:40 pour aller sensibiliser le top management,
02:42 le président, le directeur général, etc.
02:45 Les gamins, les jeunes du centre de formation,
02:48 on se rend compte que le sujet, il est sérieux.
02:51 C'est assez compliqué.
02:53 Aussi, les supporters et les joueurs pros.
02:55 C'est nouveau, on voit pas ça en Europe.
02:58 La France, question de ça, on peut avoir beaucoup de respect
03:01 pour la LFP et les clubs, parce qu'ils essaient de sensibiliser.
03:04 Malheureusement, ça n'a pas été fait partout.
03:07 Il y a des problèmes en interne, il faut que les clubs expliquent
03:10 qu'on peut pas y aller, que les clubs jouent le jeu au maximum.
03:14 Honnêtement, ils l'ont pas trop mal fait.
03:16 Je sais pas, partout, je n'ai pas été partout,
03:19 donc je peux pas m'engager à dire "partout",
03:22 mais nous, on a fait quand même pas mal de clubs
03:24 et on a été très, très bien reçus.
03:26 Donc, voilà, les salariés sont évidemment à fond
03:30 pour lutter contre toute forme de discrimination et de homophobie.
03:33 Les présidents, une grande partie.
03:36 Après, c'est pas simple, hein.
03:37 Honnêtement, vous avez des coachs, vous avez des joueurs,
03:41 c'est un sujet qui divise beaucoup.
03:43 -Vous voulez venir sur les coachs,
03:45 parce qu'il y a eu deux sorties.
03:47 Je vais vous poser la question de manière assez, je pense,
03:50 transparente, ça peut paraître un peu violent,
03:53 mais vous allez me répondre, vous allez comprendre.
03:56 Est-ce que vous pensez que, pour ceux qui ne sont pas ouverts
03:59 sur le sujet, ceux qui n'ont pas eu l'éducation,
04:02 ceux qui ne comprennent pas que c'est une lutte
04:04 contre une discrimination, il y a un côté "je veux pas
04:07 "être assimilé aux homosexuels, je suis pas homo,
04:10 "donc je porte pas ça", plutôt que de comprendre
04:13 que c'est une lutte contre une discrimination
04:16 ou contre un hométisme ou autre ?
04:17 -Oui, bien sûr. Moi, j'ai écouté, beaucoup de joueurs me l'ont dit,
04:21 beaucoup de joueurs, parfois très connus,
04:23 qui me disent "je suis pas homophobe,
04:26 "mais j'ai pas envie de porter le maillot,
04:28 "j'ai pas envie qu'on me la pose, j'ai envie de choisir
04:31 "la cause sur laquelle j'ai envie de militer, voilà,
04:34 "j'ai pas le choix, donc je suis obligé de m'engager avec vous."
04:37 J'ai écouté tous ces gens-là, oui, je peux comprendre,
04:40 je dédramatise, je sais aussi qu'il y a peut-être 800 joueurs
04:44 qui ont fait des choses,
04:45 il y en a 795, il y en a 800, je sais pas le chiffre exact,
04:48 mais tous l'ont porté, ils ont montré le bon exemple.
04:51 Moi, j'essaie de leur parler de solidarité, les gars,
04:54 soyez cools, merci déjà, merci pour ce que vous faites,
04:57 merci pour ce que vous allez faire, si vous le faites,
05:00 ça donne beaucoup, beaucoup, beaucoup de bonheur,
05:03 même à des profs, à des familles, à des gamins,
05:06 à des gamines, dans les collèges, dans les lycées,
05:09 on y va, dans ces collèges, on entend souvent la même chose,
05:12 on entend souvent le taux de suicide,
05:14 souvent par des petits footeux qui sont assez pénibles en sport,
05:18 les profs de sport nous disent "merci à ces joueurs".
05:20 Donc, merci de le faire, c'est bien,
05:23 c'est assez courageux, parce que parfois, en effet,
05:25 tu viens d'un pays où l'homosexualité, c'est interdit,
05:29 parfois ton entourage te bassine avec ça,
05:31 en te disant "c'est pas bien, t'as pas envie",
05:34 ben merci, c'est de la solidarité.
05:36 Merci aussi, parce que, attention,
05:38 t'as peut-être aussi un coéquipier ou un adversaire
05:41 en Ligue 1, y en avait, qui n'ose pas en parler,
05:43 ça va peut-être leur faire du bien de voir ça.
05:46 Donc, je trouve que, voilà, vous montrez un très bel exemple,
05:49 il faut continuer, et moi, je vois le positif.
05:52 Maintenant, oui, je peux comprendre,
05:54 mais il faut discuter avec eux pour essayer de convaincre
05:57 les non convaincus à plus de solidarité, d'égalité,
06:00 d'acceptation, de tolérance, voilà, c'est un message modéré,
06:03 mais oui, on peut comprendre. En tout cas, moi, je comprends.
06:06 -On va continuer à papoter de ça un petit moment.
06:09 -Moi, je trouve que c'est très bien que vous le preniez
06:12 de cet angle-là, parce qu'il faut aussi rappeler
06:15 que si on parle de quelques joueurs,
06:17 le tableau, Dieu merci, n'était pas très large,
06:20 dans l'ensemble, ça est bien passé, Virginie,
06:22 y a aussi des coachs et des réactions qui ont surpris.
06:25 -On a eu deux réactions différentes.
06:27 Bruno Genesur, du côté de Rennes, estime que cette journée
06:31 n'est pas nécessaire.
06:32 -On n'a pas de place pour les discriminations,
06:35 ni dans le foot, ni dans la vie, mais je pense aussi
06:38 qu'on a pas de place pour jouer au football.
06:40 C'est ça qui est le plus important.
06:42 Moi, je vous le dis, on est contre toutes les discriminations,
06:46 mais je suis pas certain qu'il soit nécessaire
06:48 de faire une journée contre l'homophobie,
06:51 une journée... Voilà.
06:53 Je pense qu'on a tous conscience de ça
06:55 et que c'est pas la peine de vouloir afficher tout le temps.
06:58 Voilà.
06:59 On peut aussi avoir plein d'autres causes
07:02 pour lesquelles on pourrait jouer toutes les semaines
07:06 avec des maillots différents.
07:08 -Voilà pour le coach du Stade Rennais.
07:10 A Brest, cette journée n'a pas plu à Erycroix,
07:13 mais pour des raisons différentes.
07:15 Ce n'est pas la mobilisation en elle-même
07:18 qui le remet en cause, mais sa programmation,
07:20 qui peut fausser les résultats en pleine lutte pour le maintien
07:24 si des joueurs ne veulent pas jouer.
07:26 -C'est catastrophique, parce qu'on le voit bien.
07:29 Il y a des joueurs à qui ça pose problème.
07:31 Après, chacun est libre de ses opinions.
07:34 Personnellement, ça me pose pas de problème.
07:36 Mais il y a des joueurs à qui ça peut poser problème.
07:39 Quand tu sais que ça peut être un problème pour les joueurs,
07:43 on se rappelle, et ce n'est pas que cette année,
07:45 de Ganaguay, qui avait...
07:47 Donc à partir de là, fais le pas dans les trois derniers matchs,
07:50 où tu as des matchs qui sont des matchs
07:53 pour la survie des clubs.
07:54 Fais le mois de décembre,
07:56 fais le mois de septembre, ce que tu veux.
07:59 C'est très bien que la Ligue s'engage,
08:01 même si je pense qu'elle doit s'occuper du football
08:04 et du football,
08:05 mais si tu le fais...
08:06 Je suis pas content que Toulouse ait 5 joueurs
08:09 qui jouent pas parce qu'ils jouent contre Nantes.
08:12 Est-ce que c'est normal ? Non, c'est pas équitable.
08:15 C'est une responsabilité de la Ligue
08:17 d'avoir placé cette journée dans les derniers matchs.
08:20 -Ces propos ont fait polémique.
08:22 L'entraîneur a précisé sur son compte Instagram
08:25 que c'est le placement de cette journée
08:27 au coeur de la course pour le maintien.
08:30 Il a bien compris que cette date est liée
08:32 à la lutte contre l'homophobie,
08:34 mais qu'il regrette qu'elle vienne gêner l'équité sportive
08:38 dans une fin de saison délicate,
08:40 avec, malheureusement, la défection des joueurs.
08:43 -J'ai trouvé la sortie catastrophique
08:45 des Récrois, mais avec une grande dose de maladresse.
08:48 La sortie de Bruno Genesio, on va en parler ensemble,
08:51 parce que je la trouve plus source de polémiques
08:54 et elle me gêne davantage.
08:56 Un mot, on finit avec vous, Johan Le Maire,
08:58 après on vous libère et je laisse parler nos chroniqueurs.
09:02 Ces deux propos, ces deux réactions,
09:04 qu'est-ce que vous avez envie de dire ?
09:06 -Ouais, je...
09:07 Là, avec la fatigue, je vais être modéré,
09:11 parce que là, sinon, si je laisse...
09:14 Ce que j'ai envie de dire, ça va être dur.
09:17 Quelle honte, quelle honte pour le football.
09:20 C'est des éducateurs, soi-disant diplômés,
09:22 aussi bas de gamme.
09:24 C'est un manque d'intelligence ou un manque de discernement.
09:28 Mais alors là, ce que dit Genesio,
09:31 c'est catastrophique, c'est une très mauvaise image du football,
09:34 de ce sport qui est magnifique pour les joueurs.
09:37 C'est catastrophique.
09:38 Le rôle de l'entraîneur, de l'éducateur,
09:41 qui est diplômé, qui a un peu d'âge, qui a une famille,
09:44 qui sait ce que c'est...
09:45 Un gamin de 19 ans, je dis pas,
09:47 mais un homme qui connaît bien le football
09:50 et qui prend avec autant de mépris le...
09:53 C'est...
09:54 Cette journée de championnat, c'est catastrophique.
09:58 Ca montre de très mauvaises images du football.
10:01 Pourtant, les footballeurs,
10:03 c'est des gens que je trouve formidables.
10:05 Parfois, ils ont beaucoup de défauts.
10:07 Mais là-dessus, même pour leur ville, leur club,
10:10 leurs sponsors, qui font des choses
10:12 dans la lutte contre l'homophobie, dans les collèges.
10:15 Alors, Roy, on voit qu'il est frustré, machin, et tout.
10:19 Il dit n'importe quoi.
10:20 Il paraît équitable.
10:22 C'est pas équitable.
10:23 Chacun a des convictions.
10:25 C'est l'opinion, l'homophobie, quand même.
10:28 C'est pas une conviction.
10:30 C'est un délit.
10:31 Il faut aller plus loin dans le raisonnement.
10:34 Il faut réfléchir au sujet.
10:35 Ca fait des mois qu'on sait que cette journée existe.
10:38 Ils peuvent faire aller le cerveau.
10:40 Il y a un truc entre les oreilles.
10:42 Il y a peut-être des éléments de langage.
10:45 On va prendre conscience qu'il y a un souci.
10:47 Il n'y a jamais eu de coming-out dans le foot pro.
10:50 Il y a qu'Olivier Rouillet, qui avait 55 ans,
10:53 qui est un joueur formidable.
10:54 Il a démontré qu'on pouvait être homo et joueur de foot.
10:58 Pas que dans le foot, dans tous les sports.
11:00 On peut en parler 5 minutes.
11:02 Est-ce qu'il y a un souci dans les clubs ?
11:04 Je vais dans les centres de formation beaucoup.
11:07 Cette année, on a fait 25 sorties.
11:09 Honnêtement, il y a beaucoup de problèmes.
11:12 Le conservatisme, les religions, les traditions,
11:16 les cultures, la misogynie, l'antisémitisme, l'homophobie.
11:19 Venez avec nous passer une paire d'heures.
11:22 Vous allez voir ou aller demander aux référents socioéducatifs
11:26 ou aux éducateurs, ils vont dire que c'est compliqué.
11:29 Donc, voilà.
11:31 J'ai essayé de rester calme au mieux,
11:33 mais c'est la ronde pour le football.
11:35 J'espère qu'il faudra qu'ils réfléchissent 5 minutes.
11:38 -Merci beaucoup.
11:40 Merci d'avoir témoigné.
11:41 Malheureusement, c'est à l'image de la société,
11:44 de tout ce qu'on peut voir là-dessus.
11:46 Vous avez raison de vous battre pour ça.
11:48 Merci beaucoup. Bravo pour cette journée.
11:51 Vous l'avez rappelé, ça s'est passé à 99 %
11:53 de manière extrêmement positive.
11:56 Merci Yoann.

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