«C'est un dossier atypique. L'enfant est persuadé d'être heureux et a souffert de la séparation avec sa mère», a expliqué Emmanuel Ludot, l'avocat de la mère de l'adolescent reclus à Rennes, dans l'émission Midi News.
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00:00 – À un côté c'est une éducation qui n'est pas la nôtre,
00:03 c'est une éducation où l'enfant fait un peu ce qu'il veut,
00:08 il apprend ce qu'il veut, il délaisse ce qu'il ne veut pas,
00:13 il mange ce qu'il a envie de manger, il refuse ce qu'il n'aime pas,
00:18 donc il est sans périmètre, sans limite, sans interdit,
00:25 donc il est effectivement heureux, en tout cas il est persuadé de l'être.
00:29 Il vit une relation fusionnelle avec sa maman,
00:34 il est non pas en carence affective mais c'est le contraire,
00:38 il est sur-aimé, il est sur-protégé,
00:41 donc sur-protégé ça veut dire qu'on a peur de l'extérieur
00:44 et puis on va vivre comme ça en pensant qu'effectivement c'est ça la vie.
00:49 Et pas de vaccin, pas de carnet de vaccination, pas de carnet de santé,
00:56 il est en bonne santé, il est un peu frais mais il n'est pas amégré, il n'est pas dénutri.
01:02 Alors pardonnez-moi mais on parle de 25 kg en juillet dernier
01:05 lorsqu'il est observé par des urgences pédiatriques,
01:10 c'est quand même une santé qui est très fragile,
01:12 on n'est pas sur un petit problème de santé.
01:14 Moi je n'ai pas 25 kg, j'en avais 33,
01:17 mais bon peu importe si vous voulez la question c'est de savoir
01:19 si effectivement il a été privé d'aliments ou pas privé d'aliments,
01:23 c'est ça la question, alors il y a des enfants très frais
01:25 qui grandissent plus tard, tout dépend de l'hérédité,
01:28 donc c'est pas ça le sujet inquiétant.
01:30 Le sujet inquiétant c'est pas…
01:32 d'ailleurs les analyses qui ont été faites n'ont pas confirmé de carence à ce niveau-là.
01:36 Là où la justice pointe le doigt, vengeur, c'est sur la déscolarisation,
01:45 c'est sur le non-suivi et c'est sur une vie qui est une vie à deux
01:51 et non pas une vie en société.
01:53 Alors quand il faut effectivement appliquer tout ça,
01:57 et bien ça pose problème et on n'est pas dans les formats habituels.
02:02 Alors Maître Ludo, une question de Noémie Schultz du service police-justice de CNews.
02:06 Bonjour Maître, alors c'est pas la seule chose que la justice pointe du doigt
02:10 le fait qu'il ne soit pas allé à l'école,
02:13 mais il y a aussi la privation de soins ou d'aliments
02:15 compromettant la santé d'un mineur de 15 ans
02:18 par ascendant aux personnes ayant autorité,
02:20 pour ces faits-là que la peine d'ailleurs encourée est la plus lourde.
02:23 Des enquêteurs ont évoqué un logement insalubre,
02:27 le fait qu'il ne sortait pas de sa chambre ou très peu.
02:30 Est-ce que vous pouvez nous apporter des précisions
02:32 sur les conditions de vie de ce jeune garçon ?
02:36 Alors sur le côté insalubre, non, ça n'a pas été établi.
02:43 Il vivait dans un petit appart hôtel effectivement, à petite dimension,
02:48 mais il n'y a pas que ça.
02:49 Le texte que vous visez, c'est le texte du code pénal si vous voulez,
02:52 donc c'est une formule qui est très générale
02:55 et qui ne correspond pas forcément
02:56 à ce qui va être effectivement reproché à cette dame.
02:59 Donc non, on est dans un dossier encore une fois très atypique pour deux raisons.
03:03 La première c'est le niveau social et culturel de la maman.
03:08 Niveau élevé, niveau éducation, milieu aisé.
03:11 C'est pas ce qu'on trouve habituellement.
03:13 Deuxième côté atypique, c'est qu'on n'est pas dans une carence affective,
03:17 on n'est pas dans des coups, on n'est pas dans effectivement des mauvais traitements.
03:21 On est dans une conception d'éducation qui est à deux,
03:25 et coupée de l'extérieur parce que l'extérieur c'est pas bien,
03:28 l'extérieur c'est dangereux.
03:30 Donc moi ce que je ne reproche pas à la justice,
03:34 c'est d'avoir tiré la sonnette d'alarme, bien au contraire,
03:36 parce que cet enfant doit avoir une vie comme tous les adolescents de son âge.
03:40 Là où je suis très en colère, c'est sur la méthode utilisée.
03:46 On a commencé par stigmatiser la maman et par la punir,
03:49 lui donner un coup de bâton en disant "on va placer cet enfant".
03:51 Cet enfant l'a mal vécu, il en a souffert d'être séparé d'une maman
03:57 parce qu'il ne connaissait qu'elle.
03:58 Il fallait que cet enfant soit placé au domicile de la maman,
04:02 avec la surveillance d'un éducateur,
04:05 qui vienne effectivement discuter, parler,
04:08 expliquer que c'est pas comme ça qu'on élève un enfant,
04:11 et l'amener sur la bonne voie grâce à la pédagogie et à l'explication.
04:16 On commence par donner un coup de bâton,
04:18 et après on s'étonne qu'elle ne collabore pas.
04:20 Non, il ne faut pas s'étonner.
04:21 Et comme ça ne fonctionne pas, on donne un deuxième coup de bâton.
04:24 Et là c'est le parquet qui le donne, en disant "puisque tu résistes,
04:27 je vais te mettre en garde à vue,
04:28 et puis je vais te renvoyer en correctionnelle".
04:30 Est-ce la bonne méthode ? Non, c'est une mauvaise méthode.
04:34 Pourquoi ? Parce qu'on est décontenancé,
04:36 on n'a pas l'habitude de voir ce type de dossier.
04:38 On voit des dossiers contraires,
04:40 on voit des enfants qui sont en carence, en carence affective,
04:44 qui effectivement ont été martyrisés par leurs parents.
04:48 Là c'est le contraire.
04:50 La question de ce dossier est de savoir à quel point, à un moment,
04:54 l'amour qu'on peut porter aussi à son enfance
04:57 peut devenir de la maltraitance,
04:59 quand bien même il s'agit d'amour,
05:00 et que la démarche de Stéphanie est sincère aussi.
05:04 Voilà, bon, alors je pense que la démarche est sincère,
05:07 je pense qu'il n'y avait pas de volonté de nuire, de faire du mal,
05:10 mais votre question est très judicieuse,
05:12 où est-ce qu'on met le curseur ?
05:13 À quel moment cette surprotection peut devenir effectivement handicapante
05:21 et quelque part maltraitante ?
05:24 C'est toute la question qui est posée.
05:26 Mais quand on a affaire à une maman qui veut faire le bien
05:29 mais qui le fait mal, ce bien,
05:31 on n'agit pas comme ça, on agit autrement.
05:35 Et c'est la raison pour laquelle je pense que la stratégie des juges de Rennes
05:39 a été une très mauvaise stratégie.
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