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“Où va la France?”
C’est la question que pose Jean-François Bayart, politologue et professeur à l’Institut de hautes études internationales et du développement à Genève, dans les colonnes du quotidien national suisse, Le Temps.

Cette tribune d’opinion venant de chez nos voisins helvètes, a largement été partagée en France ces derniers jours, dans un contexte politique explosif depuis l’adoption de la réforme des retraites sans vote à l’Assemblée.

Mais, pour Jean-François Bayart, cette réforme n’est que le symptôme de l’épuisement du gouvernement macroniste. Pire, celui d’une crise politique profonde qui enfle depuis bien 30 ans.


Sans prendre de pincettes, le politologue, qui a aussi longtemps été directeur de recherche au CNRS, parle d’Emmanuel Macron comme (je cite) d’un “enfant immature, narcissique, arrogant, sourd à autrui, et plutôt incompétent.”

Mais au-delà de ces adjectifs qualificatifs peu reluisants, qu’est-ce que dit précisément Jean-François Bayart?
Quels sont les éléments qui le poussent à affirmer que le président Macron vit dans une réalité parallèle et que la France dérive vers ce qu’on appelle une démocratie “illibérale”?

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Transcription
00:00 Où va la France ? C'est la question que pose Jean-François Bayard,
00:03 politologue et professeur à l'Institut de hautes études internationales
00:06 et du développement à Genève,
00:07 dans les colonnes du quotidien national suisse, le Temps.
00:10 Cette tribune d'opinion venant de chez nos voisins Helvet
00:13 a largement été partagée en France ces derniers jours
00:15 dans un contexte que vous connaissez,
00:16 un contexte politique explosif depuis l'adoption
00:19 de la réforme des retraites sans vote à l'Assemblée nationale.
00:21 Mais pour Jean-François Bayard, cette réforme n'est que le symptôme
00:24 de l'épuisement du gouvernement macroniste,
00:26 pire, celui d'une crise politique profonde
00:28 qui enfle depuis bien 30 ans.
00:30 Sans prendre de pincettes, on va le voir,
00:32 le politologue qui a aussi longtemps été directeur de recherche au CNRS
00:35 parle d'Emmanuel Macron, le président français, comme je cite,
00:38 "d'un enfant immature, narcissique, arrogant, sourd à autrui
00:41 et plutôt incompétent".
00:42 Mais au-delà de ces adjectifs qualificatifs peu reluisants,
00:45 qu'est-ce que dit précisément M. Bayard ?
00:48 Quels sont les éléments qui le poussent à affirmer
00:50 que le président Macron vit dans une réalité parallèle
00:52 et que la France dérive vers ce qu'on appelle une démocratie illibérale ?
00:56 C'est ce qu'on va voir tout de suite avec lui
00:58 dans ce nouvel Entretien d'Actu.
00:59 [Générique]
01:06 Bonjour M. Bayard.
01:07 – Bonjour.
01:08 – Merci d'avoir accepté l'invitation aujourd'hui.
01:09 – Merci à vous.
01:10 – Alors je vais commencer avec le début de votre article,
01:15 c'est-à-dire que vous écrivez "Où va la France ?
01:17 Se demande la Suisse".
01:18 C'est comme ça que vous commencez votre article.
01:20 Vous êtes pourtant français et rien que français.
01:22 – Absolument.
01:23 – Voilà, bien que ça fasse 15 ans
01:26 que vous vous enseignez du coup à Genève.
01:29 Deux questions pour commencer.
01:30 Pourquoi avoir choisi de parler dans le temps depuis la Suisse
01:34 et aussi pourquoi la Suisse cherche-t-elle peut-être à savoir où va la France ?
01:39 – La deuxième question, il est facile d'y répondre.
01:42 La Suisse est un pays voisin,
01:44 vous avez d'ailleurs beaucoup de Français qui vivent en Suisse
01:48 et pas forcément des gens du CAC 40.
01:50 Il y a beaucoup de frontaliers qui travaillent en Suisse
01:54 et Genève elle-même se vit certes comme une ville suisse
01:58 mais avec un rapport privilégié avec la France.
02:02 D'abord parce que Genève n'a été rattachée à la Suisse
02:04 qu'au lendemain de la Révolution française,
02:06 dans le sillage du Congrès de Vienne en 1815.
02:11 Et d'autre part parce que les Genevois aiment à rappeler
02:15 avec un brin d'exagération que l'Université de Genève
02:18 a été créée par un Français, un certain Jean Calvin.
02:21 – En réalité l'Université de Genève à l'époque de Jean Calvin
02:25 c'était plutôt ce qu'on appellerait une madrassa.
02:28 Dans les pays musulmans elle n'est véritablement devenue
02:30 une université au sens moderne du terme qu'au XIXe siècle
02:35 mais c'est une autre histoire.
02:36 – C'est un autre passage.
02:38 – Donc les Suisses sont évidemment intéressés par l'évolution de la France,
02:43 ils n'y comprennent pas grand-chose, tout d'ailleurs comme les Français
02:46 ne comprennent strictement rien au fonctionnement de la société politique suisse.
02:50 J'ai l'habitude de dire que pour un Français il est plus facile
02:53 de comprendre les Bambaras ou les Wallofs en Afrique de l'Ouest
02:56 que la société suisse.
02:58 Donc il y a cette relation qui est intéressante,
03:02 à la fois une très grande curiosité et une très grande perplexité
03:06 du lecteur à Suisse, y compris francophone,
03:08 quant à ce qui se passe dans notre pays, la France.
03:12 – Et pourquoi alors du coup avoir choisi vous, Français,
03:14 de vous être exprimé sur la France, votre pays, depuis ce pays-là ?
03:18 – Alors au moins trois raisons, outre le fait que j'y enseigne,
03:22 et que d'une certaine manière je suis devenu quelque peu jeune voix
03:25 tout en étant effectivement Français nul n'est parfait.
03:29 La première raison c'est une raison positive, j'aime le journal "Le Temps",
03:33 ce n'est pas le premier papier que je publie dans "Le Temps",
03:36 et j'ai toujours apprécié dans ce journal la rigueur professionnelle,
03:41 le respect des auteurs qui interviennent,
03:45 ou des auteurs, des chercheurs qui sont interviewés.
03:48 Donc ça me faisait plaisir de donner ce papier au "Temps",
03:53 et j'en suis d'autant plus heureux qu'apparemment le papier marche très bien,
03:57 et que le nombre de vues sur Internet, le débat autour de cette tribune,
04:05 à mon avis, contente la rédaction du "Temps".
04:07 Donc voilà, je suis très heureux de cela.
04:10 La deuxième raison, c'est que je n'avais pas envie
04:15 de donner ce papier à des journaux français.
04:18 D'abord parce que leurs méthodes de travail sont souvent assez contestables,
04:22 ils prennent un temps fou à répondre, ils négocient les papiers, ils les amputent.
04:27 C'est vrai des grands quotidiens, mais c'est parfois,
04:33 disons les grands quotidiens qui tiennent le haut du marché.
04:38 - Le monde, libération. - Le monde, libération.
04:41 Le Figaro, à vrai dire, la question ne s'était pas tellement posée pour moi
04:44 vu la teneur du papier.
04:46 La Croix, qui sont des journaux que je respecte,
04:50 et avec lesquels j'ai collaboré, d'ailleurs j'ai publié dans ces journaux,
04:53 mais c'est toujours extrêmement compliqué.
04:55 Et puis surtout, je suis arrivé à la triste conclusion
04:58 que ce que je faisais et ce que j'écrivais n'intéressait absolument pas ces journaux.
05:04 Et j'en veux pour preuve que mon dernier ouvrage, "L'énergie de l'État",
05:09 qui est quand même un gros bouquin, 780 pages,
05:12 qui n'est pas simplement comme ça un bouquin égotiste,
05:14 mais qui représente véritablement un point d'aboutissement
05:19 d'une discipline universitaire, la sociologie historique, du politique,
05:23 il y a beaucoup de choses à nous dire sur l'actualité la plus immédiate,
05:26 eh bien ce livre n'a fait l'objet d'aucune ligne dans aucun des journaux que j'ai cités.
05:31 Alors, il y a une exception d'ailleurs que je n'ai pas citée,
05:34 c'est "L'Humanité", qui a consacré une double page d'entretien à ce livre
05:40 et à son auteur, par voie de conséquence.
05:43 Mais manifestement, ce que j'ai à dire,
05:47 non seulement sur la situation politique française,
05:50 mais également sur ce qui se passe en Inde, en Ukraine,
05:54 dans les pays, j'aime pas tellement l'expression, dit "musulmans",
05:58 en Afrique, etc.
06:01 Ces journaux n'intéressent pas le public français,
06:05 en tout cas n'intéressent pas les médias, ce qui est un petit peu différent.
06:08 - Je pense qu'ils intéresseraient la preuve, votre papier rencontre un des cours importants en France.
06:11 - C'est d'autant plus notable que, encore une fois,
06:14 je ne suis pas du tout paranoïaque,
06:17 je sais que je suis un privilégié du système universitaire français,
06:21 j'ai toujours pu publier dans les journaux français,
06:23 avec quelques déboires, quelques désagréments, mais enfin, on y arrive.
06:28 J'ai toujours été publié par d'excellentes maisons d'édition en France,
06:33 mais je constate que les livres que je publie aujourd'hui
06:38 sont beaucoup moins couverts par la presse qu'auparavant.
06:41 Alors, il y a deux hypothèses.
06:43 La première hypothèse, c'est que j'écris des livres moins bons maintenant qu'avant,
06:47 c'est possible, mais il faut quand même le démontrer.
06:50 La deuxième hypothèse, qui est, à vrai dire, beaucoup plus préoccupante,
06:54 c'est qu'aujourd'hui, nous avons un débat public qui tourne le dos
06:59 à certains efforts intellectuels,
07:02 il y a une forme de pougédisme intellectuel.
07:04 Les chercheurs, d'ailleurs, je m'en glorifie,
07:07 le chercheur, c'est un emmerdeur, parce que c'est un empêcheur,
07:11 il est là pour chercher, et c'est un empêcheur de penser en rond.
07:14 Mais voilà, c'est fatigant, que comme le disait Guy Hermet,
07:19 qui était non pas mon directeur de thèse,
07:21 mais qui m'a vraiment fait rentrer dans le métier,
07:24 dans un entretien que nous avons fait avec lui il y a deux ans,
07:28 moi, j'écris des livres fatigants à lire.
07:31 Et bien, manifestement, les médias français, aujourd'hui,
07:34 ne veulent pas se fatiguer à lire des livres de sociologie politique.
07:38 – Alors, du coup, on se pose la question, je vous la pose.
07:41 Alors, pour la Suisse, pour le coup, pour vous, elle va où, la France ?
07:44 Commençons. En quelques mots, déjà.
07:47 – Je ne suis absolument pas ce que l'on appelle un déclinologue.
07:52 Je ne suis pas du tout dans le récit du déclin français,
07:57 vous savez que ça fait les choux gras, justement, d'une certaine droite,
07:59 – Tout à fait. – et de certains courants de pensée.
08:01 Ça n'est pas du tout ma perception des choses.
08:06 Je suis d'ailleurs toujours bluffé du dynamisme de la société française.
08:11 Il se trouve que pour des raisons personnelles,
08:14 je passe notamment pour travailler, pour écrire,
08:16 trois mois en Ardèche, dans une maison isolée,
08:20 à Aubna, qui est une petite ville, le bassin d'Aubna,
08:23 ça doit être 10 ou 15 000 habitants.
08:26 Au mois de novembre, donc complètement en dehors de la saison touristique,
08:30 la maison de l'image à Aubna,
08:33 qui est une structure d'éducation populaire,
08:36 organise avec le cinéma coopératif,
08:41 des rencontres des cinémas d'Europe,
08:44 plutôt art-essai, version originale, sous-titrée.
08:49 En une semaine, ils font 25 000 entrées,
08:52 25 000 entrées de cinéma dans une ville.
08:54 - Donc il y a un dynamisme.
08:56 - Un dynamisme culturel, je prends cet exemple parce que je le connais,
08:59 que je contribue d'ailleurs à ces rencontres des cinémas d'Europe.
09:03 Mais cela, vous pouvez le constater dans l'ensemble.
09:06 Donc je ne suis absolument pas pessimiste
09:08 sur le dynamisme de la société française.
09:11 En revanche, politiquement, je suis extraordinairement préoccupé.
09:15 Et il s'agit d'une question politique.
09:16 Ce n'est pas une question de Gaulois réfractaires,
09:19 de Français qui sont incapables d'épouser la modernité, etc.
09:24 Malheureusement, j'ai un âge qui me permet de voir
09:26 que la société française, pour le meilleur et pour le pire,
09:29 est parfaitement capable d'épouser la modernité.
09:31 Elle fait preuve d'un dynamisme technologique,
09:33 d'une capacité d'adaptation aux technologies modernes.
09:37 - On le voit. - On le voit tous les jours.
09:40 Donc le véritable problème, c'est un problème politique.
09:42 Et quand je dis politique, ça inclut, bien entendu,
09:45 la dimension économique, la dimension sociale.
09:48 Mais il n'y a pas, contrairement à ce que l'on voudrait nous faire croire,
09:51 il n'y a pas, comme ça, une espèce de technique économiciste
09:54 qui serait distraite des rapports sociaux, des rapports politiques
09:57 ou de l'imaginaire culturel.
10:00 "Nous n'avons pas d'alternative",
10:02 qui est le grand slogan de Margaret Thatcher
10:04 et qui, aujourd'hui, est repris par Emmanuel Macron.
10:08 Pour un spécialiste de la sociologie historique
10:10 et comparé du politique, c'est MDR, "Mort de rire".
10:14 C'est évidemment une posture politique
10:18 et qu'il faut combattre, en tout cas en ce qui me concerne, comme telle.
10:21 - Et dans vos tribunes, vous n'y avez pas de main morte,
10:23 comme on l'a vu dans l'intro tout à l'heure.
10:24 Alors, pour ceux qui l'ont lu, sans doute, ne regardent-ils à cet instant,
10:27 notamment sur la personne même du président Macron, en fait.
10:30 Vous dites de lui, et je vous cite,
10:32 "qu'il n'a jamais rien eu de nouveau,
10:34 et sa posture d'homme providentiel
10:35 est une figure éculée du répertoire bonapartiste."
10:38 On pourrait vous rétorquer aussi
10:40 qu'ici, il n'y a rien de nouveau à le dire, cela, en fait,
10:42 que la posture de l'homme providentiel en France,
10:44 c'est assez banal.
10:45 Mais pour vous, il y a danger. Pourquoi ?
10:47 - Oui, il y a danger.
10:48 Alors, tout d'abord, je ne voudrais pas personnaliser à l'excès la charge.
10:53 - C'est logiste.
10:54 - Effectivement, j'assume.
10:56 Je pense que Macron est une personnalité assez immature,
11:00 et on le voit à nombre de ses comportements,
11:02 et parfois jusqu'à...
11:05 y compris dans une dimension risible.
11:07 Le président de la République, Jean-Pierre Elelou,
11:10 c'est une espèce de mauvais remake de Louis XIV
11:14 dansant sur des chorégraphies de Molière.
11:16 Bon, on voit que le niveau a quand même un peu baissé
11:18 depuis le XVIIe siècle.
11:21 Mais il n'est d'ailleurs pas le premier président de la République
11:25 à être de manière assez manifeste, immature.
11:30 Je pense que Nicolas Sarkozy
11:32 avait, lui aussi, une structure psychologique
11:36 assez faible, on va dire.
11:39 Ce qui n'était pas le cas...
11:40 Vous voyez, ce n'est pas une question d'opinion politique.
11:43 Je ne pense pas qu'on puisse dire que Hollande ou Chirac ou Mitterrand,
11:47 quelles que soient les opinions que l'on puisse avoir sur ces personnages,
11:50 étaient psychologiquement immatures.
11:52 Donc la vraie question, bien entendu,
11:53 ce n'est pas de savoir qu'il y a des déquations psychiques
11:56 d'Emmanuel Macron.
11:57 - En quoi c'est un danger ?
11:58 - Mais c'est un symptôme.
12:00 Comment se fait-il que la société politique française,
12:05 deux fois de suite au fond,
12:07 amène au pouvoir
12:11 des présidents politiquement
12:14 et peut-être psychologiquement immatures
12:18 sur une promesse,
12:22 sur une escroquerie, au fond ?
12:23 Alors je dois dire que Chirac nous l'avait déjà faite
12:25 quand il avait parlé de fracture sociale.
12:28 On avait immédiatement vu ce qu'il en était.
12:32 Chirac n'était pas prêt à réduire la fracture sociale.
12:36 Mais enfin, ça faisait un bon slogan politique.
12:40 Nicolas Sarkozy, qui était quand même un pur produit de la droite,
12:44 ce qu'on appelle aujourd'hui les Républicains,
12:46 s'est présenté comme un candidat de rupture.
12:48 Emmanuel Macron, qui est un pur produit
12:50 de la bourgeoisie française,
12:52 du système français d'enseignement supérieur,
12:53 de l'ENA, de la direction du Trésor et de la Banque d'affaires.
12:59 Ce qui, en soi, n'est pas forcément rédhibitoire.
13:01 Georges Pompidou aussi était...
13:03 - Il est très d'accord avec cette proposition.
13:05 - Mais Pompidou ne s'est jamais présenté
13:08 comme un candidat de la rupture.
13:11 Donc, on se demande comment la société française
13:15 et l'électorat français
13:17 peuvent être suffisamment crédules
13:19 pour prendre pour argent comptant ce genre de pétition de principe.
13:24 Alors, on a déjà au moins un élément de réponse
13:27 en ce qui concerne Macron 1 et Macron 2.
13:30 C'est que les gens n'ont pas voté pour Macron.
13:32 Ils ont voté contre Le Pen,
13:34 ce qui, d'ailleurs, avait déjà été le cas en 2002.
13:38 Ils ont voté, non pas Chirac,
13:40 mais contre Jean-Marie Le Pen à l'époque.
13:44 Et là, on en arrive à une seconde escroquerie, en quelque sorte,
13:47 une seconde tromperie sur la marchandise.
13:49 C'est que tous ces présidents qui ont été élus grâce à des voix de gauche
13:53 et qui, la main sur le cœur,
13:54 dans l'enthousiasme de la victoire le dimanche soir,
13:56 disent "Mais bien sûr, je tiendrai compte de ces voix
13:59 qui ne viennent pas de mon camp,
14:01 mais qui ont permis de sauver la République", etc.
14:06 6 mois plus tard, et même parfois avant,
14:09 dans le cas d'Emmanuel Macron,
14:11 cet engagement est passé par perte et profit.
14:14 Donc ça, c'est une véritable question politique
14:16 et qui sape les fondements même de la République française.
14:19 Parce que cette succession de scrutins
14:25 où le vainqueur du second tour n'a tenu aucun compte,
14:28 on va dire à la louche, de la moitié ou du gros,
14:32 très très gros tiers de voix qui l'ont permis d'être élu.
14:39 Donc ça, c'est un déni de suffrage universel.
14:42 Il y en a un autre, beaucoup plus grave,
14:45 qui a été le référendum sur l'Europe en 2005,
14:50 qui a donné la victoire ou non.
14:52 Moi, personnellement, j'avais voté oui, d'ailleurs.
14:54 Mais le non est passé.
14:58 Et deux ans plus tard,
15:00 Nicolas Sarkozy a fait passer par la fenêtre
15:03 un traité constitutionnel qui avait été chassé par la porte.
15:06 Donc après, il ne faut pas s'étonner du taux d'abstention,
15:10 du taux de non-inscription sur les listes électorales,
15:13 en particulier de la part des jeunes.
15:15 On peut dire qu'ils ont tort politiquement.
15:17 Mais enfin, on peut assez facilement l'expliquer.
15:21 On comprend la mécanique.
15:24 Et on pourrait également s'inquiéter quand même
15:30 d'une élection présidentielle en 1995,
15:33 si mes souvenirs sont bons, vous me corrigerez,
15:36 où ex poste, le Conseil constitutionnel a admis,
15:41 enfin pas de manière officielle,
15:42 mais enfin par le témoignage de son président de l'époque,
15:46 que les comptes du vainqueur, en l'occurrence de Jacques Chirac,
15:49 avaient été certifiés alors qu'ils n'étaient pas acceptables.
15:54 Donc là, il y a une véritable crise des institutions...
15:56 - Qui ne date pas de Macron.
15:57 - Qui ne date pas de Macron.
15:58 Macron est un révélateur où il est l'accentuation, l'aggravation.
16:04 - On a l'impression quand même qu'il a conscience de ça
16:06 et qu'il exploite peut-être l'entièreté de ses dispositions-là,
16:08 de ses failles, jusqu'à aller faire passer en force la réforme des retraites
16:12 en disant "ben voilà, c'est peut-être pas démocratique,
16:13 mais il le dit pas comme ça, mais c'est dans les clous de la légalité".
16:17 - Oui, de la légalité, mais en tout cas pas de la légitimité.
16:21 Et malheureusement, ça n'est pas fini,
16:22 parce qu'il paraît qu'il s'est encore livré à des propos quand même assez provocateurs
16:28 d'un point de vue politique et d'un point de vue démocratique,
16:31 hier ou ce matin, selon lequel le 49-3 est prévu par la Constitution
16:37 et qui va continuer éventuellement à gouverner par le 49-3,
16:41 qui récute tout gouvernement de coalition qui, il est vrai,
16:45 est un mode de gouvernement primitif, de barbare au-delà du Durhin.
16:50 Bon, effectivement, les Germains ont des gouvernements de coalition,
16:55 bon, les pauvres, et qui annoncent, et ça c'est encore plus grave,
17:00 que de toute manière, on n'est pas forcés de passer par la loi,
17:02 il y a les textes réglementaires.
17:05 Donc Macron, qui a déjà gouverné par ordonnance,
17:09 annonce très clairement qu'il va contourner le Parlement
17:12 en promulguant des textes réglementaires
17:17 pour continuer à snobber le suffrage universel.
17:20 – Justement, le 11 avril, on parlait de là du second tour,
17:24 il y a l'Ibéa qui rapportait le fait qu'Emmanuel Macron
17:26 ne voulait plus qu'on lui parle,
17:28 il ne voulait plus qu'on lui parle du second tour de 2022.
17:30 Très rapidement, comment vous analysez le fait que d'un coup,
17:35 il nous dit le lendemain du second tour, ben j'ai conscience,
17:39 ça m'oblige à, etc., et que le lendemain c'est fini,
17:42 il ne veut plus en entendre parler, et que là, peut-être une question en deux,
17:47 enfin deux questions d'un coup, il y a au-delà de Macron,
17:49 on va essayer d'élargir un petit peu, ou du cas français,
17:51 parce que vous affirmez aussi que notre pays est bel et bien
17:54 en train d'aller vers un camp que vous dites des démocraties illibérales.
17:57 Du coup, je pense que c'est lié, du coup, première question,
18:01 comment vous analysez le fait que le Président ne veut plus ?
18:06 Écarte totalement cette chose qui est réelle pourtant.
18:09 – Essentiellement, en raison de ce que je qualifiais tout à l'heure
18:12 de son immaturité politique.
18:15 – Uniquement, il est immatur.
18:17 – Politique, je ne parle pas, il y a une part effectivement de narcissisme,
18:22 de presque, je ne veux pas dire de mégalomanie,
18:26 mais enfin, quand même une très haute idée de lui-même,
18:30 il nous refait un petit peu l'incarnation présidentielle du génie français,
18:35 mais enfin, il n'est pas quand même le général de Gaulle qui peut, ou qui veut.
18:40 Déjà avec de Gaulle, c'était quand même un peu limite,
18:43 mais là, l'incarnation, et on voit bien que psychologiquement,
18:46 Macron est quand même un petit peu dans cette démarche.
18:51 Souvenez-vous, avant même qu'il ne déclare sa candidature,
18:56 il était, je pense qu'il était encore ministre des Finances,
19:00 et il était allé honorer la pucelle d'Orléans, Jeanne d'Arc,
19:07 enfin, c'est quand même assez étrange.
19:10 – Oui, ce n'est pas ce moment-là où je crois qu'il disait
19:11 que la France manquait un roi dans le magazine.
19:14 – C'est la même période, et à la même période, effectivement,
19:17 il avait dit que la France était en deuil de son roi,
19:22 ce qui peut être son opinion personnelle,
19:24 il est vrai que les Français ont coupé la tête du roi,
19:26 mais Macron a oublié qu'ils n'ont jamais recollé.
19:29 Et là, c'est assez intéressant d'ailleurs,
19:31 parce que Macron a réactivé une espèce d'imaginaire révolutionnaire,
19:37 dans un sens évidemment très différent de celui
19:40 qu'interprète Jean-Luc Mélenchon.
19:43 Jean-Luc Mélenchon adore la Révolution française, etc.
19:46 Macron est obsédé par la Révolution française,
19:48 mais manifestement, il ne s'agit pas de la même Révolution française
19:50 que Jean-Luc Mélenchon.
19:53 Et donc, il a réactivé ce répertoire de manière assez provoquante,
19:57 en disant que nous étions orphelins de notre roi,
19:59 mais il y a eu un effet boomerang,
20:01 et l'effet boomerang, c'était les guillotines en carton
20:05 sur les ronds-points des Gilets jaunes.
20:08 – Dans les manifestations encore aujourd'hui.
20:09 – Encore aujourd'hui, et c'était également la campagne de propos ignobles
20:17 et haineux à l'encontre de Brigitte Macron,
20:21 qui reprenait à son corps défendant le rôle de Marie-Antoinette
20:24 à la veille et pendant la Révolution française.
20:26 Donc, pour mieux répondre quand même à votre question,
20:30 hormis cette dimension d'immaturité politique,
20:34 mais qui est extrêmement…
20:35 enfin, immaturité psychologique,
20:38 il y a une immaturité politique en ce sens que Macron,
20:41 contrairement à ses prédécesseurs, y compris d'ailleurs Sarkozy,
20:45 n'a aucune expérience électorale.
20:47 Il a été élu presque par effraction, par un coup de chance extraordinaire,
20:53 l'implosion de la candidature Fillon,
20:56 mais je ne suis même pas certain qu'il ait été élu dans son collège
21:01 comme représentant de sa classe.
21:03 Il n'a jamais été élu maire, il n'a jamais été élu conseiller général,
21:08 député, etc.
21:09 Un homme, pour prendre quelqu'un qui n'est pas franchement de mon bord,
21:15 vous prenez un Jacques Chirac, certes, il était un haut fonctionnaire,
21:19 il sortait de l'ENA,
21:21 mais il n'a pas cessé dans sa vie de faire des campagnes électorales,
21:25 y compris dans les campagnes, dans sa chaire Corrèze.
21:30 Et donc, il y a une compréhension de la société politique française
21:34 que des hommes comme ceux-ci ont,
21:37 et dont Macron est complètement dépourvu.
21:41 Donc, il ne fait pas de la politique, il fait de la com'.
21:43 Et le soir du second tour, il fait son coup de com',
21:46 d'ailleurs qui est assez laborieux,
21:47 parce qu'évidemment, tout ça manquait un peu de pêche,
21:50 parce qu'on voyait bien que ça avait été une...
21:51 - Sous la tourette, c'est un homme qui se trouve bien.
21:53 - Bien sûr.
21:54 - Et il le reconnaissait ce soir-là.
21:56 - Mais politiquement, il ne comprend pas le rapport de force,
22:01 il ne comprend pas le coup pour lui de s'aliéner Laurent Berger, etc.
22:06 Et il se retrouve dans une situation politiquement très délicate.
22:08 - Alors, pour élargir, du coup, comme je disais, à la France, au pays,
22:11 qui, vous dites, est bel et bien en train de rejoindre les camps
22:13 de démocratie illibérale, dans un premier temps,
22:15 est-ce que vous pouvez nous donner votre définition de ce que c'est
22:17 l'illibéralisme, et puis ensuite, m'expliquer ce qui vous permet,
22:21 on a un début de réponse, mais d'affirmer qu'on va vers ça,
22:24 qu'on va vers l'illibéralisme ?
22:27 - Honnêtement, j'ai gardé ce terme de démocratie illibérale,
22:30 parce que c'est celui qui fait floresce dans le débat public,
22:34 et que les gens voient immédiatement de quoi il s'agit,
22:36 par exemple de Viktor Orban, ou de Netanyahou en Israël,
22:41 ou d'Erdogan en Turquie.
22:43 Donc ce sont des gens qui sont élus...
22:45 - C'est pas pareil, encore une fois, là, on est dans...
22:48 - On y reviendra, mais ce sont des gens qui sont élus
22:50 par le suffrage universel... - Tout à fait.
22:52 Ils ne sont pas les départs.
22:53 - Et qui, néanmoins, ne respectent pas l'État de droit.
22:57 Or, une démocratie, ça n'est pas simplement le suffrage universel,
23:00 c'est le respect de l'État de droit,
23:02 y compris d'ailleurs le respect de l'opposition.
23:05 Donc j'ai repris ce terme, parce que c'est celui qui fait débat,
23:08 et que mon propos est effectivement de dire
23:11 qu'il n'y a pas beaucoup de différences entre Macron,
23:15 Orban, Netanyahou, et j'assume, Erdogan.
23:19 Alors il peut y avoir des...
23:21 Et là, je voudrais bien insister sur un point,
23:25 parce qu'il m'a été objecté, mais quand même, vous pouvez pas...
23:28 - Oui, certains pourraient vous dire "vous exagérez", quand même.
23:31 - Il faut bien comprendre que c'est un sociologue du politique qui parle.
23:35 Moi, je parle d'une situation, je parle d'un effet de situation.
23:38 Je ne parle pas des intentions.
23:40 Admettons même que M. Macron fût animé des meilleures intentions
23:44 lorsqu'il était élu une première fois,
23:47 et même une seconde fois, soyons indulgents.
23:49 Le problème n'est pas là.
23:50 Le problème est qu'il est pris dans une logique de situation
23:53 que, d'une part, il ne comprend pas,
23:55 et que, deuxièmement, il contribue à nourrir,
23:57 qu'il contribue à exacerber.
23:58 C'est ça, le vrai problème.
24:01 - Oui, exactement.
24:02 - Alors, par exemple,
24:04 sa manière de mettre en œuvre,
24:07 sur un mode autoritaire, selon une verticale du pouvoir,
24:10 et je vous rappelle d'ailleurs que le terme
24:13 que l'on utilise maintenant en France,
24:14 a quand même été introduit dans le débat politique
24:16 par un certain Vladimir Poutine.
24:19 Donc, il gouverne par une verticale du pouvoir,
24:22 en méprisant ostensiblement les corps intermédiaires.
24:25 Il l'a dit.
24:26 Il parle de ce qui est scandaleux
24:29 à propos de ces corps intermédiaires,
24:31 et notamment de la haute fonction publique d'État profond.
24:34 L'État profond, en Turquie, c'est l'alliance entre les mafias,
24:39 les services de sécurité,
24:40 et la frange la plus douteuse de la classe politique.
24:43 C'est ça, l'État profond.
24:45 - En France, ils désignent ça comme les hauts fonctionnaires.
24:47 - Les diplomates, notamment le diplomate du Quai d'Orsay,
24:50 qui mettait en garde contre ces mamours avec Vladimir Poutine.
24:55 En l'occurrence, l'État profond, comme il dit,
24:57 voyait assez justement.
24:59 Vous avez quand même ce mépris des corps intermédiaires
25:01 qui est complètement assumé par Macron.
25:03 Il en fait même un mode de gouvernement.
25:06 Et là, nous sommes évidemment très loin
25:07 du fonctionnement de la République française,
25:09 avec ce que cela comporte, non pas de corporatisme,
25:13 mais d'institutionnalisation du débat,
25:15 d'institutionnalisation de l'expression des conflits d'intérêt,
25:21 etc.
25:23 Et donc, Macron est sur une pente comme ça, glissante.
25:29 Et l'on voit que jour après jour,
25:31 il descend de plus en plus bas dans le respect.
25:35 Et évidemment, ce qui a indigné en France,
25:39 mais dans nombre de pays de l'ensemble de la planète,
25:45 ce sont ses attaques, enfin, ce n'était pas les siennes,
25:48 mais celles de son ministre de l'Intérieur
25:50 et ensuite celles de sa première ministre
25:52 contre la Ligue des droits de l'homme.
25:54 Donc là, il y a vraiment un point qui a été franchi.
25:58 Et cela a été parfaitement perçu à l'étranger,
26:01 parce que ce genre de propos, on les attend d'un Erdogan,
26:06 on les attend d'un Poutine et éventuellement d'un Netanyahou,
26:12 pas du président de la République française.
26:13 Et par cette déclaration qu'il a assumée,
26:16 parce qu'il n'a déjà avoué ni sa première ministre
26:18 ni son ministre de l'Intérieur,
26:22 M. Macron est sorti de ce qu'il appelle l'arc républicain.
26:25 - Lui-même ?
26:27 - Est-ce que vous dites là que la France n'est plus une démocratie ?
26:29 Est-ce qu'on peut dire ça ?
26:30 Ou peut-être n'a jamais été ?
26:32 Enfin, on peut définir ce que c'est la démocratie.
26:34 - La démocratie, c'est un idéal type au sens de Max Weber.
26:39 La France, comme d'ailleurs la plupart des démocraties,
26:44 ont quand même eu toujours de gros problèmes,
26:46 de gros manquements par rapport à l'idéal démocratique.
26:49 Mais la France, par exemple, pendant les années 1950,
26:53 était une démocratie, en l'occurrence une démocratie parlementaire,
26:56 avec des avantages et des inconvénients,
26:58 notamment l'instabilité ministérielle.
27:00 Mais simultanément, la France sortait complètement
27:05 de la problématique démocratique
27:07 dans sa répression des luttes anticoloniales,
27:09 et notamment de la guerre d'Algérie,
27:10 avec un recours massif à la torture.
27:13 De la même manière, la Grande-Bretagne n'a pas cessé d'être
27:16 un régime parlementaire de type démocratique,
27:20 mais qui a violé allègrement les droits de l'homme
27:25 au Kenya, en Malaisie et même en Irlande
27:29 pendant toutes les années 1960-1980.
27:35 Donc le problème, et ce n'est pas, si vous voulez,
27:41 de caractériser comme ça de manière essentialiste
27:44 démocratie, pas démocratie,
27:45 mais ce qu'il faut voir, par exemple,
27:47 c'est que la France, aujourd'hui,
27:50 viole de manière de plus en plus systématique
27:54 des libertés publiques, en remettant en cause
27:56 le droit de manifestation, en utilisant,
27:59 en ayant un usage disproportionné des forces de l'ordre.
28:05 - Les Nations Unies, le Conseil de l'Europe l'ont souligné.
28:06 - Nous sommes condamnés pour cela.
28:09 Donc Emmanuel Macron, qui est responsable de cela,
28:13 ne serait-ce que parce que c'est lui
28:14 qui nomme le ministre de l'Intérieur,
28:16 le préfet de Paris et la première ministre,
28:22 Emmanuel Macron est sorti de cet arc républicain
28:25 dont il s'arrogeait le monopole de la définition
28:28 lors des élections législatives,
28:29 quelques semaines après son élection présidentielle.
28:32 N'oubliez pas que Macron, qui était très content
28:34 d'empocher les voix de la France insoumise,
28:38 et je vous dis tout de suite, je ne suis pas France insoumise,
28:41 mais Emmanuel Macron, qui était très heureux
28:43 d'empocher les voix de la France insoumise,
28:47 pendant la campagne législative, a dit que la France insoumise
28:50 ne faisait pas partie de l'arc républicain.
28:52 - Oui, on a suivi tout ça, effectivement, ici.
28:54 Justement, tout ça, ce que vous dites, c'est connu.
28:56 Est-ce que... Enfin, le fait que...
28:59 Parce que vous vous attardez quand même longuement
29:00 sur la question de la répression dans notre pays.
29:02 C'est un autre sujet, parce que la pré-répression,
29:04 elle peut être autant physique que judiciaire.
29:06 On l'a d'ailleurs traité ici en plateau plusieurs fois,
29:08 un contexte qui est déjà fortement dénoncé
29:11 dans plusieurs pays,
29:12 à travers des organisations de défense des droits de l'homme,
29:14 vous l'avez cité, mais aussi les Nations unies,
29:15 le Conseil de l'Europe, on l'a dit tout à l'heure.
29:17 Tout ça est connu.
29:18 Pourquoi c'est important de le rappeler,
29:20 puisqu'on en parle quand même très souvent ?
29:22 Est-ce qu'on peut craindre une évolution vers du pire encore ?
29:25 - Elle est sous nos yeux.
29:26 - Vous parlez quand même...
29:28 - Je pense qu'il faut véritablement tirer la sonnette d'alarme,
29:30 parce que l'opinion française n'est pas suffisamment consciente.
29:34 - Vous pensez qu'elle n'est pas assez consciente ?
29:35 - Bien entendu.
29:37 D'ailleurs, y a-t-il eu...
29:39 Enfin, j'imagine qu'il y a 10 ou 20 ans,
29:42 une attaque aussi frontale contre la Ligue des droits de l'homme
29:46 aurait suscité des manifestations
29:48 de plusieurs dizaines de milliers de personnes dans les rues.
29:50 Là, il y a eu des protestations,
29:53 mais c'est quand même assez largement passé comme un être à la poste.
29:56 Les Jeux olympiques sont en train,
29:58 qui n'ont jamais été approuvés par les lecteurs parisiens,
30:01 soit dit en passant.
30:02 Quand vous venez de Suisse, vous hallucinez.
30:05 - Les Valaisans ont réussi à refuser, j'y vous.
30:09 - Oui, tout à fait.
30:11 Et donc, à la faveur des Jeux olympiques,
30:15 le gouvernement français est en train de faire passer
30:17 la reconnaissance faciale qui...
30:20 - Le préfet Nunes nous disait que non, y a pas très longtemps,
30:22 en disant que non, finalement, on le fera pas.
30:25 Mais en même temps, d'autres choses montrent que oui.
30:28 - Ça a été adopté dans la loi relative à la sécurité des Jeux olympiques.
30:33 Et vous savez très bien que toutes les mesures
30:35 qui sont prises à titre exceptionnel,
30:37 comme par exemple les mesures législatives
30:40 prises dans le cadre de l'état d'exception,
30:42 dans le contexte du terrorisme que vous connaissez,
30:45 ont été versées dans le droit commun.
30:46 Il en sera exactement de même.
30:48 Donc, vous avez une sous-estimation de la part de la population française
30:54 du risque que fait peser,
30:56 non seulement l'orientation conservatrice,
31:01 en restant poli, de ce gouvernement,
31:03 mais également l'évolution des technologies.
31:06 Et les gens ne se rendent pas compte que,
31:08 en prenant leur vie libre...
31:10 - On est peu sollicités aussi sur ces questions.
31:13 - Bien sûr, mais c'est ce que notre bon vieux labo ici
31:16 appelait la servitude volontaire.
31:18 Et la France, aujourd'hui, se met le collier autour du cou,
31:21 sur un mode très largement consumériste.
31:24 Je vais vous raconter une anecdote.
31:25 Mes parents étaient de droite, très à droite.
31:29 Pas extrême droite, mais très à droite.
31:31 Lorsque Charles Pasquoie a fait adopter
31:35 la carte d'identité infalsifiable,
31:39 ils étaient scandalisés.
31:40 Leur raisonnement, c'était de dire,
31:42 "Pendant la guerre, avec une carte de ce genre, on était fichus."
31:46 Donc pour des gens de droite dans les années 1980,
31:49 le droit d'avoir des faux papiers était un droit fondamental.
31:52 Vous imaginez la dérive ?
31:55 - C'est vrai que là, depuis ici, depuis cette temporelle,
31:58 depuis 2023, évidemment, vos parents, j'imagine,
32:02 ne comprenaient pas forcément ce qui pourrait advenir.
32:05 - Ou malheureusement, ils voyaient...
32:07 - Ou alors ils étaient peut-être plus...
32:08 - Oui, ils étaient parfaitement lucides.
32:09 - Ils étaient plus lucides sur la question.
32:12 Vous dites aussi, tout à l'heure,
32:13 vous parliez de Viktor Orbán, etc., d'autres papiers,
32:15 vous dites que Macron n'est ni un Poutine,
32:17 ni un Viktor, enfin, ni un Imodi, plus précisément,
32:19 mais vous comparez volontiers sa politique
32:21 à celle de Viktor Orbán, le Premier ministre de Hongrie,
32:23 et vous dites, c'est-à-dire,
32:25 "Appliquer le programme de l'extrême droite",
32:26 c'est mon avant-dernière question,
32:28 "pour éviter son accession au pouvoir de l'extrême droite."
32:31 - Oui, alors c'est exactement ce qu'il fait.
32:34 - Il appliquerait aujourd'hui, à travers peut-être...
32:36 - Je voudrais rappeler à vos auditeurs
32:38 que Orbán n'était pas de l'extrême droite.
32:42 Orbán était de la droite conservatrice,
32:44 et il a mis en œuvre cette politique
32:48 pour saper le parti...
32:50 - Il est devenu d'extrême droite, de fait.
32:52 - D'extrême droite.
32:53 Et Macron, qu'il le veuille ou non,
32:56 est dans la même logique,
32:57 puisqu'il y a un point où c'est tout à fait clair,
33:00 la question de l'immigration.
33:02 Il a une politique en matière d'immigration
33:04 qui est plus dure que celle de Sarkozy.
33:08 Sa politique d'immigration est exactement de la même nature
33:14 que celle de Selvini en Italie.
33:16 Alors qu'il disait "Selvini, c'est un horrible populiste,
33:18 moi je vais défendre aux européennes
33:20 les valeurs de l'Europe libérale", etc.
33:23 Mais sa politique est exactement de la même nature.
33:26 Et aujourd'hui, son ministre de l'Intérieur blâme Mme Mélanie
33:29 parce qu'elle est incapable d'avoir une politique
33:31 anti-migratoire suffisamment rigoureuse.
33:35 Donc on voit très bien que, d'ores et déjà,
33:37 Macron met en œuvre une politique liberticide,
33:41 attentatoire des droits humains les plus fondamentaux,
33:44 dans le domaine de l'immigration.
33:46 Et là, il applique le programme de Marine Le Pen.
33:51 D'ailleurs, Darmanin lui-même, dans son débat avec Marine Le Pen,
33:55 lui avait reproché d'être beaucoup trop molle.
33:57 Mais je voudrais peut-être revenir à un point qui est plus important.
34:03 Parler des libéralismes, ça n'est pas mon concept.
34:05 Ce que j'essaye de montrer,
34:06 alors je n'ai pas pu en parler dans la tribune,
34:08 faute de temps et de place,
34:10 mais c'est ce que j'essaye de démontrer dans mon livre "L'énergie de l'État".
34:14 Macron, comme Sarkozy, c'est un national libéral.
34:17 C'est-à-dire libéral pour les riches et national pour les pauvres.
34:20 Et ce que je nomme le national libéralisme,
34:22 c'est un concept que je développe depuis grosso modo 2004.
34:27 Ce que je nomme le national libéralisme, si vous voulez,
34:31 et ça c'est très important de le comprendre,
34:33 parce qu'il n'y a pas de débat en France là-dessus,
34:36 c'est en fait une espèce de synergie,
34:38 depuis le milieu ou le début du 19e siècle,
34:42 entre trois logiques que l'on postule comme étant contradictoires.
34:45 Vous avez une logique d'intégration du monde,
34:47 ce qu'on appelle la globalisation,
34:49 qui elle-même est très contradictoire.
34:51 Vous avez une intégration du marché des capitaux,
34:53 beaucoup plus poussée que celui des biens de consommation,
34:55 et bien entendu beaucoup plus poussée
34:57 que celui du marché international de la force de travail.
35:00 Le deuxième sommet du triangle,
35:02 c'est l'universalisation de l'État-nation
35:04 comme mode de domination légitime.
35:07 Et vous avez un troisième sommet du triangle,
35:09 ce sont les consciences politiques identitaristes,
35:12 culturalistes, éventuellement racistes.
35:15 Et cela fait système ensemble.
35:18 Et si vous prenez par exemple 1848,
35:21 c'est à la fois le libre-échange et le printemps des peuples,
35:24 et naturellement le modèle de l'État-nation.
35:26 Si vous prenez la chute de l'Union soviétique en 1991,
35:30 c'est le nationalisme de Poutine,
35:32 c'est le libéralisme sauvage,
35:34 et c'est une définition ethno-religieuse de la citoyenneté, l'orthodoxie.
35:40 Et c'est absolument ce triangle que nous devons comprendre.
35:43 Et Macron, comme Sarkozy,
35:46 est tout à fait dans cette triangulation.
35:48 D'un côté, il va voir Philippe de Villiers, le puits du fou,
35:52 y flatte notre Jeanne d'Arc national,
35:56 et d'un autre côté, naturellement,
35:59 il est aujourd'hui à "Choose France", en français dans le texte.
36:04 - Et à Versailles. - Et à Versailles, vous avez entièrement raison.
36:09 Et on voit très bien comment Macron
36:13 est un pur produit de ce triangle qu'il ne connaît,
36:17 qu'il ne comprend certainement pas et qu'il ne connaît pas.
36:20 Et ce que je regrette aujourd'hui dans le débat politique français,
36:24 c'est qu'on continue à poser comme contradictoire
36:29 des logiques qui, en réalité, sont profondément congruentes
36:32 et qui s'inscrivent dans un moment historique de basculement
36:35 d'un monde d'empire à un monde d'état-nation.
36:37 Narendra Modi, en Inde,
36:41 mais que Macron va inviter comme invité d'honneur
36:45 - Le 14 juillet. - Le 14 juillet, qui est un pogrommeur.
36:48 C'était reconnu comme tel, qui est en train d'exclure du corps politique
36:53 les dizaines de millions d'Indiens musulmans.
36:58 Eh bien Macron est lui aussi un national libéral.
37:02 Sa politique économique, notamment quand il était premier ministre
37:06 du Gujarat, est outrancièrement néolibérale.
37:09 Et dans le même temps, c'est un organisateur de pogroms
37:12 et de purifications ethniquement.
37:14 Et quand Macron... Je ne vais pas faire de procès d'intention
37:17 et contrairement à ce que vous pourriez penser,
37:19 je suis très modéré dans mon analyse.
37:21 Mais quand vous voyez cette vidéo incompréhensible,
37:25 d'ailleurs un peu style Netflix,
37:27 où Macron... Alors il y a des vues comme ça de Macron au G8, etc.
37:31 ou au G20. Et il s'approche et dit "Cher Narendra".
37:36 Mais non, on ne peut pas dire ça.
37:38 - Il le tutoie. - On peut recevoir M. Modi
37:40 parce qu'il est effectivement le chef d'État légitime électoralement
37:43 d'un grand pays, la France a des intérêts là-bas, etc.
37:46 Mais il y a quand même des gestes symboliques.
37:48 Il y a un camp à soi à respecter.
37:51 Et l'accueil de Modi comme invité d'honneur,
37:54 c'est exactement la réplique de l'accueil de Kadhafi
37:57 par Sarkozy. Et là, il y a quand même quelque chose d'extrêmement gênant
38:02 où l'on voit que Macron est aux antipodes de ce que l'on appelle la démocratie.
38:08 Ce qui n'était pas le cas d'un type comme Chirac.
38:10 Chirac, on pouvait contester sa politique,
38:12 mais il avait un sens du rapport de force politique,
38:15 il avait un sens des sensibilités de la société française.
38:18 - Un homme d'État, oui. - Et il n'était pas fasciste.
38:21 - Ma dernière question, ça va être celle-ci.
38:23 Donc sur le terrain qui est celui un peu de prédilection de votre côté,
38:27 l'international, vous avez beaucoup écrit sur l'Afrique,
38:29 continent tragiquement lié à l'histoire de France, on le sait tous,
38:31 et plus précisément sur le Cameroun.
38:33 Ici, vous écrivez sur la France macroniste,
38:35 mais aussi à l'international, depuis la Suisse, tout le monde sait
38:38 et observe, alors on en parlait tout à l'heure,
38:40 ça fait de l'échouard de la droite, mais une forme de déclin,
38:43 tout du moins des anciennes puissances européennes,
38:45 sur plusieurs points, même si on ne pourra pas aborder ça maintenant.
38:48 Ma question, c'est celle-ci. Est-ce que le destin politique français
38:51 que là, vous dépeignez de manière un peu négative,
38:55 on le comprend, a encore une répercussion notable à l'international ?
38:58 Est-ce que c'est important, l'image de la France à l'international,
39:00 et ce qui s'y passe, est-ce que c'est lu,
39:02 est-ce que c'est important, l'impact, etc. ?
39:04 Pour finir.
39:05 C'est très largement un amour déçu, et ce qui arrive à la France en Afrique,
39:11 elle l'a bien cherché.
39:12 Les spécialistes de l'Afrique, dont je suis parmi beaucoup d'autres,
39:16 crient, tirent la sonnette d'alarme depuis 20 ou 30 ans.
39:19 La politique en matière de visa est une machine à détruire
39:24 la présence ou l'influence ou l'attractivité de la France,
39:28 appelons ça comme on veut.
39:30 Mais très largement, on voit bien d'ailleurs que lorsque la France
39:34 prend une position de politique étrangère, un peu originale,
39:38 un peu équilibrée, je pense par exemple à la position de Chirac
39:42 au moment de la guerre d'Irak, ou dans les relations entre palestiniens et israéliens,
39:48 où il avait poussé ce fameux coup de gueule contre les flics,
39:53 vous avez immédiatement une espèce de préurgence du prestige de la France.
40:00 Le problème, c'est que la France, depuis maintenant une vingtaine d'années,
40:04 a une politique étrangère qui maximise des inconvénients.
40:07 Et c'est si on prend la politique, et je sais que tous vos auditeurs
40:12 ne seront sans doute pas d'accord avec mon analyse,
40:15 mais si on prend la politique de Sarkozy, puis de Macron à l'égard de Poutine,
40:20 c'était complètement irresponsable.
40:22 Et personne, enfin personne, ils n'ont pas vu venir les événements ukrainiens.
40:29 Il y a eu quand même la Géorgie, il y a eu la Crimée,
40:32 et tout cela, et bien des analystes de la Russie le comprenaient à l'époque.
40:38 Je voudrais peut-être, puisque vous m'interrogez sur l'international,
40:42 quand même avoir un mot sur la Turquie, puisque le résultat des élections hier
40:46 est quand même très très préoccupant pour les questions
40:49 que vous avez bien voulu aborder avec moi.
40:52 J'ai donc quand même une pensée pour tous les prisonniers politiques en Turquie.
40:57 Je n'en citerai que deux, Demirtas, le leader du parti parlementaire kurde,
41:04 ou Osman Kavala, qui a été condamné à la prison à vie,
41:08 alors même que le Conseil de l'Europe demande sa libération immédiatement.
41:14 Mais derrière ces deux figures emblématiques,
41:16 vous avez des milliers de Turcs qui ont été emprisonnés
41:20 ou qui ont été privés de leur droit civique, de leur emploi, etc.
41:23 Donc là, il y a une partie qui se joue qui est absolument dramatique.
41:27 Et ce que je déplore, et ce que je déplorais déjà au début des années 2000,
41:31 c'est qu'au fond, la Turquie, en Europe, on l'aime bien quand elle est méchante.
41:37 C'est-à-dire quand elle est antidémocratique, parce qu'elle fait le sale boulot.
41:40 Pendant la guerre froide, elle luttait contre les communistes, les gauchistes,
41:43 et tous ces trucs-là. Et puis aujourd'hui, elle endigue les migrants.
41:47 Et en plus, elle a l'avantage de ne pas être respectable.
41:51 Donc évidemment, on prend un air désolé.
41:54 Vous voyez, vous ne pouvez pas rentrer dans notre club si démocratique, si pur, etc.
41:59 Parce que vous êtes vraiment brutaux et orientaux.
42:03 Et malheureusement, c'est la politique que nous avons suivie.
42:08 La responsabilité de Sarkozy a été absolument écrasante.
42:12 Mais nous nous sommes toujours posés la question du coût de l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne,
42:20 sans jamais nous interroger sur ses avantages,
42:23 et surtout sans jamais nous interroger sur le coût de sa non-adhésion.
42:27 Aujourd'hui, nous y sommes. Nous avons à Ankara un président complètement...
42:33 Enfin, qui défend de manière éhontée les intérêts,
42:37 ce qu'il croit être les intérêts nationaux au sens le plus étroit du terme,
42:41 qui naturellement bafoue la démocratie,
42:44 et qui s'allie avec Poutine,
42:48 ce qui n'est pas franchement les intérêts, bien compris de l'Union européenne.
42:52 Donc voilà un très bel exemple de gâchis diplomatique
42:56 du fait d'une certaine incompétence de la part de nos dirigeants successifs.
43:00 - Bien, merci beaucoup Jean-François Bayard d'être venu au Média pour répondre à mes questions aujourd'hui.
43:04 - Merci à vous de votre hospitalité.
43:06 - Avec grand plaisir. Je rappelle que vous êtes aussi l'auteur de "L'énergie de l'État" aux éditions "La Découverte".
43:10 - Oui, c'est un livre que j'aime beaucoup parce qu'encore une fois,
43:14 c'est un livre personnel, mais c'est aussi un livre qui représente
43:17 tout un courant de compréhension du système international
43:21 et des sociétés politiques étrangères.
43:24 C'est un livre, si vous voulez,
43:28 dans lequel pourraient se reconnaître bien des chercheurs
43:33 que vos auditeurs connaissent. Bon, je ne vais pas les citer
43:36 parce qu'ils sont un peu trop nombreux.
43:38 Mais j'espère que ce genre de lecture, pas simplement "L'énergie de l'État",
43:41 mais les travaux de mes collègues spécialistes de sociologie politique à l'international
43:46 sont de nature, ces lectures sont de nature à mieux comprendre
43:49 le monde difficile dans lequel nous vivons.
43:51 - Le message est passé. C'est peut-être l'occasion d'une prochaine invitation
43:54 pour en parler avec plus de détail. - Merci beaucoup, un plaisir.
43:56 - Merci beaucoup. Quant à vous, chez vous, merci d'avoir suivi cette émission avec nous.
44:00 Avant de vous laisser, il est important de vous rappeler, bien sûr,
44:02 que si le Média existe et que si nos programmes sont accessibles gratuitement ainsi,
44:06 c'est grâce à vous qu'il est partagé dans nos vidéos et aussi qu'il est financé.
44:10 Donc merci pour cela. Pour les autres, n'hésitez plus.
44:12 Rendez-vous sur lemediatv.fr pour vous abonner librement,
44:15 sans engagement, des 5 euros par mois,
44:17 afin de faire vivre la première chaîne d'info indépendante du pays.
44:21 C'est important de le souligner. Aussi, vous le savez,
44:24 nous sommes dans une campagne qui vise à faire débarquer le Média à la télévision.
44:27 Notre dossier a été déposé auprès de l'Arcom,
44:29 mais des réticences persistent chez certains opérateurs de boxe
44:33 qui ne trouvent pas notre modèle économique, c'est-à-dire 100 milliardaires en coulisses
44:36 pas viables. Alors on vous invite à montrer le contraire,
44:39 puisque nous avons lancé une pétition dont l'objectif est de démontrer le contraire,
44:43 qu'il y a des dizaines de milliers de personnes en France,
44:46 voire des centaines de milliers de personnes qui pensent que le paysage audiovisuel français
44:49 a besoin d'une chaîne d'info et de combat autre que CNews et BFM TV,
44:52 comme Le Média du coup.
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45:03 Quant à moi, je vous remercie encore et vous dis à bientôt.
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45:17 Merci à tous !
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