Aujourd’hui, sur LaProvence.com, deuxième épisode de notre série vidéo "Les coulisses d’un sacre", consacrée à la victoire de l’OM en Ligue des champions, le 26 mai 1993. Jean-Pierre Papin a toujours été extrêmement réticent à évoquer cette finale, qu’il a disputée dans le camp des vaincus, le Milan AC. Pour nous, il a toutefois accepté une exception, sous forme de retrouvailles avec Eric Di Meco. Les deux joueurs avaient eu une sérieuse algarade sur la pelouse, mais 30 ans après, ils démontrent à quel point cela n’a pas altéré leur amitié. Tout au long d’un dialogue passionnant, ils s’expliquent l’un et l’autre comment ils avaient préparé leur confrontation et ils reviennent sur les coulisses de leur épopée commune sous le maillot blanc.
Eric Di Meco : "En réalité, si je t’ai mis la pression, c’est parce que nous avions peur de toi".
JPP : "Nous nous craignions mutuellement"
Eric Di Meco : "En réalité, si je t’ai mis la pression, c’est parce que nous avions peur de toi".
JPP : "Nous nous craignions mutuellement"
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00:00 Eric Mabryk !
00:05 Il ne tient pas à changer !
00:07 Il manque un peu de tout !
00:08 Ça va ?
00:09 Ça va bien et toi ?
00:10 Forme 1 ?
00:11 Ouais nickel.
00:12 Bon, il se peut qu'on soit beaucoup à la première prise.
00:13 J'ai trouvé des belles images là.
00:26 J'en profite que tu sois là pour les regarder un peu.
00:28 Regarde, c'était une petite soirée de mai 93.
00:32 Ah ouais ?
00:33 Ouais, regarde.
00:34 D'ailleurs tu dois y être par là.
00:36 Je pensais même que tu allais être vilaise sur le coup, regarde.
00:40 Oh l'agression sur Fabien et tout.
00:44 Alors tu sais qu'il y a une légende sur cette histoire là ?
00:46 Parce que c'est vrai que je crois que j'étais un peu bougé.
00:50 Alors peut-être que je t'ai dit des mots pas très gentils.
00:53 Bon le geste n'est pas terrible.
00:55 C'est pas méchant quand même.
00:56 C'est juste sur le ballon.
00:57 Non mais en réalité cette histoire là, c'est juste qu'on avait peur de toi, c'est tout.
01:02 On avait peur de toi, comme moi, je vais te dire la vérité.
01:04 Quand je t'ai vu rentrer, j'ai flippé parce que j'ai eu peur que tu nous enlèves le...
01:11 Le Graal.
01:12 Le Graal, oui.
01:13 Il y a tellement d'histoires d'anciens qui marquent contre leur ancienne équipe.
01:20 D'abord moi j'avais peur que tu joues, donc quand je t'ai vu sur le ball ça m'a soulagé.
01:24 Mais quand je t'ai vu rentrer, bah oui alors en plus j'avais été replacé pour te charger.
01:30 Donc voilà, c'est pour ça que ce premier incident c'était un peu pour te mettre la pression.
01:35 Voilà, de bonne guerre.
01:36 Bon il reste un quart d'heure.
01:37 Bah ouais mais un quart d'heure, dis-moi.
01:39 C'est pas dangereux un quart d'heure.
01:41 Oui oui, un quart d'heure c'était dangereux, bien sûr que c'était dangereux un quart d'heure.
01:44 Pour preuve d'ailleurs, tu sais ou tu sais peut-être pas d'ailleurs que la compo aurait changé si tu avais joué ou non.
01:52 Et mon positionnement aurait changé si tu avais joué ou non.
01:55 C'est-à-dire que si tu avais joué, j'aurais été recentré pour te prendre,
01:59 Jean-Phil Durand aurait joué côté gauche.
02:01 Ah j'aurais aimé par contre.
02:03 Et Josephine aurait joué côté droit.
02:05 Alors en plus je vais te dire la vérité, parce que bon, c'est vrai qu'il y avait la pression du match
02:11 et la peur quand tu rentres que tu marques.
02:16 Mais je me souviens la semaine d'avant, dans l'équipe magazine.
02:20 Oui oui je me souviens.
02:21 Il y avait un article où tu avais dit "Eric Provence il me charge, je sais comment lui faire péter les plombs".
02:26 Et donc ça m'avait un peu motivé, c'est pour ça que j'étais un peu chaud à ce moment-là quand tu rentres.
02:30 Oui mais j'espérais qu'en te motivant un peu plus que prévu, tu fasses une belle fois.
02:35 Oui, surtout que j'avais pris un jeune assez rapidement, donc c'est clair que quand tu rentrais ça aurait pu mal tourner.
02:41 En fait je savais pas tout ça, je savais pas qu'il y avait une opposition spéciale par rapport à ma présence.
02:47 Après c'est pas normal non ? Tu sais bien qu'on te craignait.
02:51 Comme les joueurs de l'Etoile Rouge ont été soulagés de ne pas avoir Pixi sur le terrain quand on fait la finale à Paris,
02:57 la même chose pour nous.
02:59 D'ailleurs c'était une erreur que Pixi joue pas ce soir-là,
03:02 et ça a été une erreur d'après moi du côté du Milan, c'est que toi tu ne joues pas.
03:05 Parce que nous ça nous a soulagés.
03:06 Oui, ça je comprends très bien.
03:08 En plus nous, côté Milan, en fait on avait 15 jours pour préparer la finale.
03:13 Le Milan ils ont reporté un match, ils ont reporté un match.
03:16 On a fait en fait 3 matchs entre nous, où on a fait 3 fois 0-0.
03:22 Ah c'était bien.
03:24 Et on était hyper motivés.
03:27 Et Capello en fait il savait plus à la fin sur les 6 étrangers, quels 3 ils devaient mettre dans le haut titulaire.
03:32 Et ouais parce que c'est ça, par rapport à aujourd'hui on se rend pas compte,
03:35 mais à l'époque il n'y avait que 3 étrangers sur le terrain.
03:38 Et Milan comme c'était le club le plus puissant d'Europe, il avait les meilleurs étrangers à ce moment-là,
03:42 donc il y avait le choix à faire.
03:43 Ouais et puis il y avait Van Basten, pour lui c'était important parce que je pense qu'il était l'homme des finales d'avant.
03:50 Malgré sa blessure.
03:52 Mais par contre ça fait 8 mois qu'il était blessé.
03:55 Donc il a fait un match avant la finale et il l'a mis quand même titulaire.
04:00 Et dans la tribune il a mis surtout Gullit, Savisevic et Boban.
04:09 Sur le terrain il y avait Richecard, moi, toi, Zurleban et Van Basten.
04:15 Est-ce que toi tu aurais pas pu jouer avec lui justement, parce qu'il y avait Massaro avec lui,
04:19 Massaro qui mange la feuille ce soir-là.
04:21 Si bien sûr.
04:22 Vous aviez jamais joué tous les deux Marco et toi en pointe ?
04:26 La seule fois où on a joué tous les deux c'était contre Goteborg et il a marqué 4 buts.
04:30 Et j'ai fait 2 passes D.
04:33 Mais dans son esprit je pense qu'il a fait son équipe aussi par rapport à vous.
04:40 Parce qu'il vous craignait.
04:44 Avant ce genre de match on peut se raconter des histoires.
04:47 Il y avait eu la double confrontation à quatre Véroses où on les avait sortis et où on les avait impressionnés.
04:53 Plus le match amical quand tu pars, puisqu'il y avait eu un match amical.
04:57 On l'avait gagné à zéro.
04:58 On se racontait l'histoire que le Milanais avait peur de nous.
05:01 Mais en réalité on ne le sait pas.
05:04 Bien sûr, on en a parlé très souvent.
05:06 Tout le monde craignait.
05:08 On se craignait mutuellement.
05:10 Vous vous craignez et nous vous craignons.
05:12 Nous c'était normal qu'on craigne comme on craignait.
05:15 C'était la meilleure équipe d'Europe.
05:16 Donc ça c'était normal.
05:17 Le match qu'on a fait qui n'a pas été extraordinaire quand on regarde la finale, c'est très fermé.
05:23 Bien sûr.
05:24 Même si Marco a eu 3 ou 4 occasions, mais pas les occasions parce qu'il n'a pas joué depuis longtemps.
05:29 Il y a Massaro aussi qui va de l'un jeu un peu.
05:31 Marco, puis il y a Fabien qui fait un super début de match.
05:33 Puis Fabien qui fait les miracles comme d'hab.
05:35 Moi je pense qu'il avait fait en fonction de vous.
05:37 Parce qu'on a pratiquement changé deux fois de composition dans les matchs amicaux qu'on faisait entre nous.
05:43 Et à un moment il avait dit "en fait je sais pas, j'hésite sur un ou deux joueurs par rapport à eux".
05:49 Les couloirs Lentini-Donadoni, c'était évident ou c'était pas évident ?
05:54 Non, il a écarté Marco Simone aussi qui l'a laissé en tribune.
05:57 D'après toi aujourd'hui, avec le recul, tu penses que la meilleure équipe pour gagner ce soir-là, ça aurait été laquelle du coup ?
06:03 Je pense que Marco ne pouvait pas jouer.
06:06 Marco il n'avait pas déjà 90 minutes.
06:08 Gouliz était en pleine forme.
06:11 Et il l'a mis en tribune.
06:13 Moi j'ai joué à l'OM il y a les 6 années avant.
06:17 Et il me met sur le banc.
06:20 Et au niveau du dispositif, il aurait dû rester comme ça avec deux couloirs et deux joueurs en pointe ?
06:24 Et juste deux joueurs au milieu ?
06:26 Oui, je pense qu'en son 4-4-2, il n'aurait pas bougé.
06:28 Quoi qu'il arrive, il serait resté en 4-4-2.
06:31 Et après c'était le choix des joueurs.
06:33 Après il y a le coach, quand c'est comme ça, il faut respecter ce qu'il met en place.
06:37 Même si on n'est pas d'accord, même si on n'est pas content, mais c'est comme ça.
06:40 Puis Capello avait fait surtout, dans tout ce qui était demi-finale, quart de finale, des équipes qui avaient fait des trucs absolument exceptionnels.
06:50 Nous on a été derrière, on a essayé de la gagner mais on n'est pas arrivé.
06:53 Et toi comment tu vis le fait de nous retrouver en finale ?
06:57 Alors que toi au départ du projet Bernard Tapie, tu es le symbole.
07:03 Moi j'étais l'un des seuls qui pensait qu'on pouvait perdre.
07:06 Ah ouais les mecs, ça veut dire que pour eux, même s'ils nous craignaient, ça passait obligatoirement.
07:13 Ouais, je pense qu'eux, ils étaient confiants.
07:16 Moi je n'étais pas rassuré parce que je connaissais cette équipe par cœur.
07:21 À part les nouveaux comme Rudy Voleur que moi je n'avais pas fréquenté.
07:26 Tu connaissais sa mentalité, son niveau.
07:29 En plus c'est un grand joueur.
07:32 Moi j'étais inquiet et quand je suis rentré, je me suis dit c'est trop tard.
07:37 J'espérais que je puisse faire quelque chose.
07:42 Mais je sais très bien que dans ce genre de match, de compétition, de haut niveau, au final, quand tu rentres un quart d'heure,
07:47 ou tu marques deux suites et ça change tout.
07:50 Surtout le fait que nous on marque juste avant la mi-temps et que défensivement on est très fort.
07:54 Toi tu le sais.
07:56 C'est pour ça que je te dis, on était heureux de ne pas te voir sur le terrain au début du match.
08:02 Quand je t'ai vu rentrer et que Raymond me dit "tu passes dans l'axe pour le prendre",
08:09 un gros coup de pression parce que je sais que tu peux faire basculer le match.
08:12 Et que je sais que si c'est moi qui suis au marquage et que ça tourne vinaigre, c'est tout pour moi.
08:17 Quand tu regardes, j'ai une décroche, une chance, on a voulu louper.
08:23 C'est pas grand chose.
08:25 Parce que nous surtout, on a commencé à jouer à ce moment-là, quand tu rentres,
08:28 on joue sur nos 18 mètres pour ne plus prendre de but.
08:31 De toute façon, on savait qu'il ne fallait pas prendre de but.
08:33 Il fallait qu'on marque et vous égalisiez.
08:35 C'était le scénario le plus acceptable.
08:39 Mais on savait que si vous marquiez, c'était compliqué.
08:41 On le savait.
08:42 5 jours avant, quand on fait le dernier match amical entre nous,
08:45 en fait, il y avait des joueurs qui avaient marqué des points.
08:47 Mais il n'en a pas tenu compte.
08:49 Quoi qu'il arrive, il n'en a pas tenu compte.
08:50 Je pense qu'il est resté sur son choix initial, qui était de jouer comme il l'avait joué.
08:55 Et il a essayé de perfectionner jusqu'au dernier moment cette équipe-là.
09:00 Même cette équipe-là, elle avait de la gueule.
09:02 Parce que quand tu regardes bien l'équipe, elle avait de la gueule.
09:04 Mais pour moi, le choix de Marco et Sachfi, c'était fini.
09:09 Il sortait de l'infiltration, il a joué sous infiltration.
09:13 D'ailleurs, il n'a plus jamais joué derrière.
09:16 Il finit sa carrière sur ce match-là.
09:18 Pratiquement sur ce match-là, oui.
09:20 Et aujourd'hui, il est handicapé, d'après ce que je sais.
09:23 Aujourd'hui, il a une vis qui lui retient son pied et sa cheville.
09:27 Et son tibia.
09:29 En plus, Basile, il ne l'a même pas arrangé sur les premiers tackles.
09:33 C'était de bonnes guerres.
09:34 On savait aussi, c'était de bonnes guerres.
09:36 C'est vrai en plus.
09:38 Je ne comprends même pas comment un coach italien de ce niveau-là,
09:42 dans des championnats très durs, ne se doutait pas qu'en étant Van Basten diminué,
09:48 il prenait un risque.
09:50 Parce qu'en face, il y avait du lourd au niveau physique.
09:52 Parce que ce n'est pas la philosophie.
09:53 Nous aussi, on a des joueurs capables de mettre des coups,
09:54 mais personne n'a mis un coup.
09:55 Je ne me souvenais plus que vous n'aviez pas joué pendant 15 jours.
09:58 Que la Ligue italienne vous avait permis de faire sauter le...
10:01 On avait un report de match.
10:02 Voilà, un report de match.
10:03 Et que nous, la Ligue, nous avait refusé.
10:06 C'est-à-dire que Bernard avait demandé à ce que le match à Valenciennes soit reporté
10:12 pour pouvoir préparer cette finale.
10:14 C'était quand même un match important, même pour la visibilité de la France.
10:18 Puisque l'affaire VAOM, finalement, elle résulte de ça.
10:22 Bien sûr.
10:23 Puisque c'est aujourd'hui que Bernard avait fait...
10:26 Il ne voulait pas qu'il y ait de blessés.
10:28 Il ne voulait pas qu'il y ait des garçons qui prennent un mauvais coup.
10:32 Pour justement jouer à Armegalo contre vous, qui avait été pendant 15 jours offré.
10:38 Alors après, est-ce que le fait de ne pas avoir joué pendant 15 jours,
10:41 ça ne vous a pas desservi, finalement ?
10:44 Parce qu'on se rend compte que...
10:46 Puisqu'on a fait les matchs entre nous.
10:47 On a fait des gros matchs.
10:48 Mais est-ce que c'est toujours des matchs de haut niveau quand vous jouez entre vous ?
10:51 Ce n'est pas pareil ?
10:52 Non, ce n'est pas la même chose.
10:53 Parce que tu as la compétition.
10:55 Tu as déjà la compétition, tu as l'adrénaline de ce match-là.
10:59 Nous, c'était des matchs d'entraînement.
11:02 Alors même si c'était très très impressionnant physiquement.
11:06 Mais dans la tête, ce n'est pas la même chose.
11:08 Ce match-là, il se joue sur des détails.
11:10 Il y a ce but improbable qui est arrivé juste avant la mi-temps.
11:15 Il y a tout le truc à faire.
11:16 Je regardais la photo tout à l'heure.
11:17 Je regardais la photo de Basile.
11:19 Et en fait, sur la photo, image arrêtée,
11:21 tu as Voleur et Basile, ils sont en l'air.
11:24 Tu es des joueurs du Milan, tu n'as que Richecard qui est en l'air.
11:27 Et encore, en l'air et en retard.
11:29 Donc ça veut dire que quand tu as 1, 2, 3, 4 joueurs qui sont statiques
11:34 et qui regardent le ballon, les deux Marseillais sont au-dessus.
11:37 Basile a déjà frappé.
11:39 Et il n'y a que Richecard qui est au niveau de Basile.
11:42 Donc ça veut dire que quand tu as un intérêt à aller chercher le ballon,
11:46 c'est pour ça qu'on dit qu'il faut attaquer le ballon,
11:47 les deux Marseillais ont attaqué le ballon,
11:49 nous on a juste regardé et on a regardé trop tard.
11:51 Avec toutes les occasions que vous avez en début de match,
11:54 et ce but qui arrive avant la mi-temps,
11:56 on dit toujours qu'il y a des signes,
11:58 mais ce soir-là ce n'était pas votre soirée, c'était la nôtre.
12:01 Tu vois le scénario, c'est presque écrit.
12:04 Mais moi je sais ce que je craignais et c'est arrivé.
12:07 C'est-à-dire que vous marquiez les premiers et que derrière,
12:10 vous sachiez, parce que vous saviez faire,
12:13 fermez la partie.
12:15 Parce que derrière, il n'y a pratiquement plus d'occasion pour nous.
12:17 Oui, il y a une pression, mais il n'y a plus d'occasion.
12:20 Parce que nous, c'est vrai que nous défensivement,
12:22 on savait fermer et puis il y avait des guerriers.
12:25 Et c'est un peu l'inverse de ce qu'on avait vécu ensemble en 1991, finalement.
12:29 Où on a des occasions en début de match,
12:31 où on est les favoris, où on ne les met pas,
12:33 et où l'adversaire rentre dans un match qu'il aime.
12:37 C'est-à-dire, à l'époque, on se souvient, on avait 10,
12:40 ils avaient envie d'aller aux pénaltis parce que dans leur championnat,
12:42 ils jouaient tous les matchs, il n'y avait pas de nul,
12:45 il n'y avait que des victoires, au pire, aux pénaltis.
12:48 On a vécu en bien ce qu'on avait payé deux ans avant.
12:52 Moi, c'est ça que je regrette.
12:55 Milan, pour moi, ça reste une finale perdue.
12:58 Même si une finale perdue, ce n'est jamais anodin.
13:01 Mais moi, celle que je regrette de ne pas avoir gagné, c'est celle de Bari.
13:04 Parce que celle-là, on était tellement au-dessus du lot,
13:07 et qu'on n'a pas joué cette finale.
13:09 Je pars toujours du principe que la meilleure équipe
13:11 dans laquelle on est joué tous les deux, c'est celle de 90, de Benfica.
13:14 Quand il y a Enzo, quand il y a Carlos qui vient de l'arriver,
13:18 et Chris, Karl Heinz qui est encore là, malheureusement en bout de course,
13:23 mais Carlos est là.
13:25 J'ai l'impression que cette équipe-là est la plus talentueuse
13:28 dans laquelle on a joué.
13:29 Par contre, la plus forte est celle qui aurait dû gagner,
13:31 celle qui avait le plus, c'est celle de 91,
13:33 par rapport à ce qu'on fait notamment.
13:35 Comme quoi, il n'y a rien de logique.
13:37 Oui, mais c'est ça qui est terrible.
13:39 Quand tu revois de la double confrontation contre le Milan cette année-là,
13:42 rappelle-toi, là-bas, à San Siro, les supporters nous avaient applaudis à la fin.
13:47 Moi, j'ai souvenir de ça.
13:49 On était rentrés dans un stade hostile,
13:51 contre une équipe qui était la plus forte et qui écrasait tout le monde.
13:54 On les avait tellement bougés et impressionnés
13:58 que les mecs nous avaient applaudis à la fin.
14:01 Et on l'a fait deux fois.
14:02 On l'a fait à l'aller et on l'a fait au retour.
14:04 Avec Milan qui pète les plombs à la fin, avec l'histoire du panneau.
14:07 Je ne me souviens plus que la lumière a été éteinte à la 90e.
14:11 C'est à la fin du match.
14:13 Je vais t'expliquer pourquoi ils ont voulu sortir.
14:15 Parce que l'année d'avant, ils vont jouer à Belgrade.
14:19 Ils font un partout à San Siro.
14:23 Ils vont jouer à Belgrade, ils sont menés 1-0.
14:25 Et le brouillard tombe.
14:27 Le match est arrêté et reporté au lendemain.
14:31 Ils rejouent et se qualifient.
14:33 Et ils ont cru que l'histoire allait se répéter.
14:36 C'est le club le plus puissant d'Europe.
14:38 Si c'est le seul truc que tu n'as pas pensé, c'est que vous ne le seriez pas pensé.
14:41 Oui, puis c'est le club le plus puissant de l'Europe.
14:44 En plus, là, c'était juste un pylône qui s'était éteint.
14:48 Alors qu'on pouvait jouer.
14:50 C'est vrai qu'ils n'ont pas été classe.
14:52 Ils n'ont pas été classe sur le coup.
14:54 Tu te retrouves seul, à la moyenne tes copains avec qui tu as passé tant d'années heureux,
14:58 gagnés ce titre-là.
15:00 Et toi, seul.
15:02 Un peu désapposé.
15:04 Tu te souviens bien d'Arnaud qui est venu te voir.
15:06 Un peu triste.
15:08 J'étais assis, la tête dans les genoux.
15:12 Le boss est venu me relever.
15:15 Il m'a embrassé et m'a dit que si on est là, c'est parce que c'est grâce à toi.
15:22 Oui.
15:23 Mais tu sais, là on me fête les 30 ans et du coup on me fête les mecs de 93.
15:30 J'ai toujours un peu de mal avec ça.
15:33 J'avais fait les 25 ans ou les 20 ans, je ne sais plus.
15:37 Quand Bernard arrive jusqu'à 93, il y a tellement de joueurs importants qui ont permis qu'on la gagne
15:45 que ça me gêne toujours un peu qu'il n'y ait que les mecs de 93 qui soient fêtés.
15:52 Parce que toi tu étais le symbole et tu étais le fils quand même.
15:56 Tu étais le fils top puisque tu nous en as fait des belles.
16:00 Tu profitais un peu de ta situation.
16:03 Mais bon, te pardonner, tu nous faisais gagner les matchs.
16:05 J'aurais dû l'appeler le masse papinade parce que tu me l'as payé celle-là.
16:10 Mais il y a toi, il y a Gigi au début, il y a Carlin.
16:16 Tu te rends compte que je reviens en 88 alors que je jouais à Tacan
16:20 et j'apprends mon métier à côté de Carlin Foster et après de Carlos Moser.
16:24 Tu as un apprentissage express.
16:26 Et d'Alovesir derrière, qu'est-ce qui se passe alors du coup ?
16:28 Parce que nous on a Berlusconi qui est venu nous voir.
16:31 En fait nous on a la tête dans le sac.
16:35 Je te le dis franchement, la tête dans le sac.
16:37 Mais moi c'était la deuxième que je perdais.
16:39 Eux c'était une finale perdue mais bon la vie continuait.
16:42 Ils ont gagné l'année d'après d'ailleurs.
16:43 On l'a gagné l'année d'après, on l'a gagné contre Barcelone l'année d'après.
16:47 Et puis ils en ont gagné une autre après encore.
16:51 C'est pour ça que c'est toujours bien aujourd'hui de rappeler 30 ans après
16:56 ce qu'était cette équipe du Milan.
16:58 Dans ces années-là.
16:59 C'est rappeler ce qu'était cette équipe de l'OM aussi.
17:01 Parce que l'OM si tu veux, nous on est né derrière le Milan.
17:06 À un moment nous on a su, avec ces joueurs-là, arriver tout en haut.
17:11 Arriver tout en haut.
17:13 Et avant de la gagner on était en haut déjà.
17:15 Alors la seule chose que je regrette c'est que nous on a été haut sans les clubs anglais.
17:22 Ouais.
17:23 Tu vois ?
17:24 Parce qu'ils étaient mis de côté.
17:27 Ils étaient sanctionnés de ce qui s'était passé au Résel.
17:30 Mais j'aurais aimé voir cette équipe de l'OM, la nôtre, jouer contre des équipes anglaises.
17:37 D'ailleurs, moi un de mes plus grands souvenirs de cette saison-là, c'est notre match à Glasgow.
17:43 Tu vois ? Qui n'était pas un grand Anglais du coup.
17:46 Mais bon, ils avaient Athlès, ils avaient quelques très beaux joueurs.
17:49 J'ai le souvenir d'Ajbrox Park, de l'échauffement, avec personne dans le stade.
17:55 Et de retour sur le terrain au moment du match, il y avait le stade plein.
17:58 Il pleuvait, avec une ambiance, les mecs applaudissaient nos tacles.
18:03 Je me souviens, les mecs tu allais chercher le ballon sur la touche, tu les touchais les supporters.
18:09 Et quand tu mettais un gros tacle, ils applaudissaient.
18:12 Moi c'est un de mes grands regrets, tu as raison.
18:14 Et d'ailleurs, tu sais, par rapport à cette finale, il y a énormément de gens, même encore aujourd'hui,
18:19 qui pensent que je l'ai gagné avec vous.
18:21 C'est incroyable.
18:22 Ça ne m'étonne pas. Tu étais tellement l'identité de cette équipe-là.
18:26 Même si ce n'était pas le cas quand tu y arrives, parce qu'en 1986, tu te devais signer à Monaco.
18:32 Tu avais flambé à Bruges et tu avais intégré l'équipe de France.
18:36 Il va te piquer à Monaco, mais pour la tête de gondole du projet à l'époque, c'est Gigi.
18:44 Il y a Carlinz, il y a Gigi qui arrive.
18:46 Il y a Ablas Ceskovic.
18:48 C'est toi qui prends rapidement le leadership de cette génération-là au bout d'un an.
18:54 La deuxième année, la première année, je n'ai pas été au niveau.
18:58 Ce n'est pas JPP, c'est j'aime pas plus.
19:00 Mais c'est vrai, c'est ça. Tu es tellement identifié à cette période-là,
19:04 que pour tout le monde, tu es là jusqu'au bout.
19:07 Même si je ne l'ai pas gagné, je la prends un peu pour moi.
19:10 En plus, franchement, je te le dis, il ne va pas se passer la brosse.
19:15 Mais c'est clair que l'année 90, l'année 91, qui sont pour moi les meilleures équipes
19:21 et celles dans lesquelles il y a le plus de talent et tout, nous a décomplexé.
19:26 Je ne vais même plus loin, puisque Didier Deschamps, après la finale de la Coupe du Monde en 98,
19:31 la première chose qu'il fait en interview à la fin du match, il dit, si on l'a gagné,
19:36 c'est grâce à Bernard Tapie, à l'OM, parce que ça a décomplexé, ça nous a décomplexé.
19:41 On est tous partis en Italie, parce qu'on a lutté enfin à armes égales avec des pays qui étaient intouchables.
19:49 Et donc, toi, tu étais dans ce truc-là, bien sûr.
19:52 Quand tu viens de gagner un petit truc comme ça, tu n'as pas toujours les idées claires,
19:56 tu penses qu'à toi, tu prends le bonheur, le plaisir.
20:00 Mais moi, je te dis, après coup, au bout de 10 ans, quand tu revois les images,
20:05 quand on te reparle régulièrement, tu vois, moi, j'ai toujours, je te le disais tout à l'heure,
20:10 pensé aux anciens qui étaient là avant et qui n'ont pas gagné ce titre-là,
20:14 et une pensée émue pour toi, parce que je n'ose même pas imaginer ce que ça représente
20:20 de perdre une finale contre ton ancienne équipe que tu as pratiquement construite.
20:26 Et contre tes amis.
20:29 Oui, tes amis, et puis tu faisais un peu le recrutement, et puis tu choisissais tes partenaires,
20:34 c'est une légende ça ou non ?
20:36 Non.
20:37 Ah, quand même, non.
20:38 Alors, tu sais quoi, je vais être très franc avec toi.
20:41 Non, mais je déconne quand je te dis ça, mais c'est une vraie question,
20:43 parce que tu sais qu'on disait que tu écoutais sur le mec qui…
20:47 Le seul joueur que je lui ai fait prendre, c'est Basile.
20:52 Parce qu'il m'a posé la question, il m'a dit "quel est le stopper qui t'a posé le plus de problèmes ?"
20:56 Et je lui ai dit, mais alors, avec beaucoup de sûreté, je lui ai dit "c'est Basile Boli".
21:02 Je lui ai dit "et si tu le prends, je pense que tu fais une très très bonne affaire".
21:07 Tu sais quoi, en regardant les dernières émissions qu'il y a eu sur moi,
21:11 notamment par rapport aux 30 ans du Ballon d'Or, etc., je n'étais jamais aperçu une chose,
21:15 c'est chaque fois que je marquais un but, le premier qui arrivait dans mes bras, c'était Basile Boli.
21:23 Ah ouais.
21:24 Je ne m'en étais jamais aperçu, mais sur tous les buts…
21:27 Oui, mais lui, c'est parce qu'il aimait faire des bisous, et puis il aimait toucher les fesses aussi, Basile.
21:30 Ça lui plaisait.
21:31 Mais c'était Basile, et tu vois, ça m'a vachement touché en fait, je ne m'en suis pas aperçu,
21:35 je vais demain l'apercevoir maintenant, tu vois.
21:37 On a même dit que tu avais fait virer Ivic, par exemple.
21:40 Ah oui ?
21:41 Oui.
21:42 Moi je l'ai entendu, je ne te dis pas que ce n'est pas Basile sur la table.
21:45 Moi je vais te dire ce que moi je me rappelle.
21:47 Je me rappelle le dernier match d'Ivic, où il fait jouer Chris arrière-gauche.
21:52 On rentre aux vestiaires, le boss descend, et il lui dit "bon, maintenant, tu vas aller prendre des vacances à Ivic".
22:03 Ah ouais ?
22:04 Et le lendemain, il est parti.
22:05 Moi j'étais un joueur, pas anonyme du vestiaire, mais bon, il y avait des stars comme vous,
22:11 et moi ça m'arrangeait, j'étais tranquille dans ma vie du coup.
22:13 Et moi j'étais un joueur de devoir, on va dire, allez.
22:16 Et du coup, tu sais, la seule fois où j'ai eu le boss au téléphone, c'était quand tu avais eu des soucis de vie personnelle,
22:24 et qu'il m'avait appelé pour me dire "bon, Jean-Pierre il n'est pas bien, comme toi tu es marseillais,
22:29 et que tu sors, occupe-toi un peu de lui, qu'on était partis à Sainte-Tropé, on avait fait des brings".
22:39 Et c'est la première fois, les deux seules fois où Bernard m'appelle, c'est pour me dire que tu n'es pas bien,
22:44 qu'il faut que je m'occupe de toi, et pour me remercier de la manière dont je m'étais occupé de toi.
22:48 Bon, il ne savait pas qu'on avait fait beaucoup de bêtises tous les deux, il n'avait pas dit,
22:51 mais il n'empêche que j'étais le joueur de devoir du coin qui est là pour, tu vois.
22:57 Et donc c'est pour ça que moi j'entendais les légendes comme ça, tu vois,
23:00 "Jean-Pierre il fait l'équipe", "Jean-Pierre il fait virer l'entraîneur", "Jean-Pierre il fait virer ses coéquipiers", tu vois.
23:06 Jean-Pierre n'avait rien à foutre de ça.
23:07 Non, mais c'est bien de le rappeler aujourd'hui, tu vois, parce que c'est des légendes qui perdurent.
23:11 Connaissant Bernard aujourd'hui, comment il agissait, il n'avait besoin de personne,
23:17 qu'il fallait dégager un entraîneur, un joueur, qu'il avait gonflé, ou voilà.
23:23 On est bien d'accord.
23:24 Je vais te dire, moi je l'ai échappé belle, comme tous, on a tous échappé belle.
23:30 Moi je suis resté aussi longtemps par miracle à un moment donné.
23:33 Après Barry voulait dégager tout le monde.
23:35 Je me souviens, moi dans l'avion, il avait dit déjà à l'hôtel, "Tous ceux qui veulent partir peuvent partir".
23:43 Je sais pas si tu te rappelles.
23:44 Ça je me souviens, la réunion sanglante.
23:46 Et en fait, on est montés dans l'avion avec cette dernière phrase.
23:50 Et lui est allé, moi je me souviens, on était avec nos femmes,
23:54 lui est allé faire une petite conférence de presse devant, je sais pas si tu te rappelles,
23:58 devant, avec tous les journalistes.
23:59 Et en fait, il faisait déjà la Ligue des Champions l'année d'après.
24:03 Et en fait, il est revenu comme si de rien n'était.
24:08 Et chaque fois qu'il passait dans le couloir, t'as vu les joueurs qui étaient là, ils faisaient comme ça.
24:13 Et là, il s'est dit, il y a un gros malaise.
24:16 Et rappelle-toi, on est arrivé au vélodrome, on est resté trois heures dans le vestiaire.
24:21 On devait aller à la mairie.
24:23 Trois heures dans le vestiaire, où il a pris chaque joueur pour lui dire,
24:28 "Je veux que tu rails, je veux que tu rails, je veux que tu rails".
24:30 Tout le monde voulait partir.
24:31 Ouais, tu vois, mais je savais pas que c'était à ce point-là.
24:34 Ah si, mais c'était terrible ce jour-là, c'était terrible.
24:37 Enfin voilà, écoute.
24:39 Bah on a débordé du coup.
24:40 [Tousse]
24:43 [Musique]