Rares sont les joueurs professionnels de très haut niveau, qui, comme Jean-Philippe Durand ont mené des études supérieures. Il apparaît évident, dans ce troisième épisode de notre série vidéo sur LaProvence.com, "Les coulisses d’un sacre", que l’Olympien qui évoque, 30 ans après, le triomphe de l’OM, possède une capacité d’analyse peu ordinaire. Deux passages nous ont beaucoup marqués au cours de cet entretien : lorsqu’il évoque sa première rencontre avec Bernard Tapie qui lui transmet "l’ambition de gagner la coupe d’Europe" et celle d’un supporter qui lui avoue que le succès de l’OM a été "plus fort que la naissance de sa fille". Ce qui nous paraît aussi fou qu’à lui. Jean-Philippe Durand fait passer aussi le sentiment de celui qui a commencé la finale sur le banc et y est entré à l’heure de jeu. "Je n’avais pas envie que le match se termine, j’étais bien et j’avais la conviction qu’ils ne pouvaient pas nous marquer un but".
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00:00 Le but !
00:01 Ouais !
00:02 Le but !
00:03 Le but !
00:04 30 ans après, pour moi, on a gagné un match de foot.
00:08 Et que 30 ans après, ça reste historique, ça reste marquant,
00:12 c'est que les gens qui m'en font prendre conscience.
00:15 Ça ne peut pas avoir l'importance qu'on lui donne.
00:18 Et pourtant, oui, ça l'a.
00:20 Je suis un peu déstabilisé parfois.
00:22 À l'été 92, après Furiani et puis l'Euro où l'équipe de France avec neuf Olympiens
00:42 est balayée au premier tour, après le départ de Papin, de Waddell, de Mauser,
00:48 avez-vous la sensation qu'une page se tourne à l'OM ?
00:52 Quand un joueur comme Jean-Pierre Papin, un joueur emblématique, quitte le club,
00:57 forcément une page se tourne.
00:59 À ce moment-là, effectivement, il y a Waddell aussi qui part, Carlos Mauser.
01:02 Ces joueurs-là qui étaient leaders dans l'équipe disparaissent.
01:07 Et c'est à partir de là, je pense, qu'on va créer une équipe
01:11 avec peut-être moins d'individualité, mais plus de collectif
01:15 et un caractère peut-être encore plus fort, mais qui s'est construit petit à petit.
01:19 Si on vous avait dit alors que vous alliez gagner la Coupe d'Europe, vous l'auriez cru ?
01:23 Moi, lorsque j'arrive à l'OM en 91, j'arrive de Bordeaux.
01:27 Le jour où je discute avec Bernard Tapie de Marseille,
01:30 je m'attends à voir un président qui va me dire "on va gagner le championnat, il faut se battre contre..."
01:35 Et là, non, son discours, c'est pas ça.
01:38 Le championnat, oui, mais non, mon objectif, c'est gagner la Coupe d'Europe.
01:41 Et je ressors de ce rendez-vous, je me dis "c'est possible de gagner une Coupe d'Europe ?"
01:46 Ce gars-là, il a l'ambition et surtout il a la capacité à le transmettre.
01:51 Alors, 92, lorsqu'on revient à 92, je ne suis pas forcément convaincu qu'on peut gagner cette Coupe d'Europe,
01:58 mais il y a quand même une petite idée derrière la tête.
02:00 Le début de saison est assez compliqué et l'entraîneur Jean Fernandez va me faire les frais.
02:04 Raymond Goutals reprend le poste à l'automne.
02:07 Les débuts de saison compliqués à l'OM, je pense que c'est régulier.
02:12 C'est vrai que l'équipe ne joue pas forcément très bien.
02:15 Passer après Waddel, Papin, Mozart, c'est pas évident.
02:20 Et c'est vrai que la pression était énorme aussi sur le coach, Jean Fernandez,
02:26 qui débutait en tant qu'entraîneur numéro un après avoir été adjoint.
02:30 Le retour de Goutals n'a pas été vraiment une surprise,
02:33 parce qu'on connaissait un peu le mode de fonctionnement de Bernard Tapie.
02:37 On connaît aussi la personnalité de Raymond Goutals,
02:40 sa façon finalement très intéressante et importante de mener une relation avec l'extérieur,
02:48 que ce soit avec l'environnement, que ce soit avec les journalistes.
02:52 Parce que mine de rien, avec sa bonne humeur, sa façon de toujours plaisanter,
02:57 même dans les moments difficiles, il fait passer beaucoup de messages.
03:01 Son caractère, sa façon de vivre ont été prépondérants dans la quiétude qui est arrivée au niveau du club.
03:08 Parmi les moments délicats, il y a la double confrontation avec le Dynamo Bucarest
03:12 en Coupe d'Europe pour la qualification en poule.
03:15 Oui, c'est vrai que le match Coupe d'Europe contre Bucarest, il y avait énormément de pression.
03:22 Et puis quelque part, il y avait quand même le souvenir de la saison d'avant,
03:26 où on était éliminés par le Sparta de Prague, alors qu'on était largement supérieurs,
03:30 qu'on aurait dû passer. Ce match a quand même été important.
03:33 Il nous a d'une certaine façon libérés, donné l'accès à la poule qualificative et lancé notre saison.
03:41 Il y a des jeunes joueurs qui aujourd'hui sont devenus des stars,
03:44 mais qui les premiers mois souffrent beaucoup, comme Alen Bocsic.
03:47 Alen Bocsic, il est très jeune à ce moment-là.
03:50 Il se retrouve avec un poids énorme sur le dos, en étant le fer de lance avec Rudi Voller de l'attaque.
03:59 C'est un garçon qui est tout neuf. C'est un garçon qui est assez timide.
04:04 On le voit, nous, à l'entraînement, que c'est un garçon qui a des capacités énormes,
04:09 que ce soit physiquement, techniquement, mentalement.
04:12 C'est un garçon qui ne doute jamais, qui ne s'arrête jamais.
04:17 Et donc, lorsqu'on voit l'évolution de sa saison, franchement, c'est exceptionnel ce qu'il fait.
04:25 Je ne sais pas combien il a marqué de buts cette saison, mais il a marqué plus que Voller, je pense.
04:28 C'était bien, parce que l'association des deux était vraiment très intéressante.
04:32 Entre le joueur d'expérience, malin comme un singe, et le jeune, un peu brut,
04:37 mais avec des qualités au-dessus de la moyenne, c'était vraiment très intéressant.
04:41 Marcel Desailly a encore plus de mal, non ?
04:43 Marcel Desailly, c'est complètement différent.
04:46 Marcel Desailly, qui arrive après Mozart, on lui dit, tu sais, ça va être difficile pour toi.
04:52 Carlos, c'était un phénomène.
04:54 Je me rappelle même de Raymond Götthald, celui-ci, avec son accent belge.
04:59 Oh là là, ça va être compliqué pour toi de réussir ici.
05:03 Et Marcel, qui à ce moment-là, est un garçon plein de doutes, en fait.
05:09 Il s'est même retrouvé à jouer avec la 3e division pendant un moment.
05:13 Il y avait un manque de confiance total.
05:16 À savoir à quel moment a été le déclic ou pas, franchement, je n'ai pas le souvenir.
05:21 Parce que nous, on voyait à l'entraînement quand même que c'était un garçon
05:24 qui physiquement était au-dessus du lot,
05:27 techniquement était capable de ressortir un ballon proprement,
05:30 de faire des bonnes passes, jeu de tête magnifique.
05:33 Donc, on voyait qu'il y avait du potentiel.
05:35 Donc, tout le groupe l'a soutenu, Didier Deschamps en particulier.
05:38 Et lorsqu'on voit la fin de saison qu'il a eue, la sérénité qu'il avait dans les matchs,
05:44 lui aussi, pour un joueur jeune, il a grandi très vite.
05:48 Et on le dit souvent, en Marseille, c'est un club où on peut évoluer très vite dans un sens ou dans l'autre.
05:54 Alors, quand vous êtes qualifié pour la finale, êtes-vous surpris par la décontraction de la mise au vert en Allemagne ?
06:00 On exagère en disant que c'était le Club Med.
06:04 On était quand même très focalisés sur notre finale.
06:07 On était très professionnels dans notre approche, dans la préparation.
06:11 Il faut qu'on soit au top, il faut qu'on élève notre niveau de jeu
06:14 parce qu'on va jouer la meilleure équipe de club au monde.
06:17 Mais il y avait une forme de décontraction.
06:19 Donc je pense qu'on a une approche très juste, en termes psychologiques, de cette finale,
06:25 qui faisait qu'on était détendu.
06:28 Je ne suis pas surpris de cette façon de préparer la finale,
06:32 puisque depuis deux ans que je suis au club, il se passe beaucoup de choses de cette façon-là,
06:38 des préparations de match.
06:40 Préparer un match sans que Basile fasse le con, non, on n'en a pas eu.
06:45 Donc que ça arrive à ce moment-là, qu'on fasse prendre la douche à Roger Zabel,
06:51 juste à midi au moment où il va présenter le journal, parce qu'on lui monte un piège.
06:57 Mais ça ne nous empêche pas quand même qu'on sait pourquoi on est là.
07:02 La veille du match, Chris Waddell est venu nous rendre visite.
07:05 C'était sympa, un ancien joueur qui vient nous voir avec sa bonne humeur,
07:09 on s'est rigolé, et puis il met le maillot et il fait l'entraînement avec nous.
07:13 Je ne connais pas beaucoup de club qui prépare une finale de Coupe d'Europe
07:19 et qui puisse faire ça, ou admettre qu'un joueur qui joue dans notre équipe s'entraîne la veille.
07:25 C'est un peu inimaginable, mais finalement c'était sympa, c'était cool.
07:31 On travaillait les coups de pied arrêtés avant la finale,
07:34 c'est peut-être un signe puisque la finale a été gagnée sur un coup de pied arrêté,
07:38 mais bon, Chris il frappait les corners.
07:41 Deux jours avant la finale, nous avons le souvenir d'avoir écrit un papier dans le Provençal,
07:46 "Trois hommes pour un maillot", expliquant quel était le dernier petit doute
07:50 sur la compo d'équipe de l'OM et qui vous concernait personnellement.
07:54 La question c'est "Papin joue, Papin ne joue pas ?"
07:58 Parce qu'en fait l'idée principale, si Papin joue, il faut que ce soit Dimeco qui soit face à lui.
08:05 Parce que psychologiquement il aura le dessus sur lui,
08:09 et Jean-Pierre c'est impossible qu'il joue bien contre nous et que nous marquent un but.
08:15 Donc en gros, si Papin joue, Dimeco va jouer défenseur central gauche,
08:22 Basile dans l'axe, Marcel défenseur central droit, et Josselin Govin couloir droit.
08:28 Et à ce moment-là, moi je jouerai couloir gauche.
08:31 Si Papin ne joue pas, on décale tout, Dimeco à gauche,
08:36 et à ce moment-là c'est Jean-Jacques Hédéli qui jouerait couloir droit.
08:38 Alors la mise au vert a été décontractée, mais vous n'avez pas un peu de stress tout de même ?
08:43 Le plus gros stress c'est quand on arrive dans le stade, parce que le stade il est majestueux.
08:48 Il est moitié rouge et noir, moitié blanc et bleu, c'est un théâtre grandiose.
08:53 Et on se dit "Waouh, tous ces gens ils sont là pour nous, ils sont là pour moi".
08:59 Il y a une responsabilité qui s'engage à ce moment-là, et qui donne un stress important.
09:07 Et ça c'est l'avant-match.
09:09 Mais en fait dès qu'on se retrouve à s'échauffer, à toucher le ballon, à courir,
09:14 on évacue cet environnement.
09:17 La deuxième chose qui est impressionnante, c'est le couloir.
09:20 Parce qu'en vrai ces mille années, ils ont le torse bombé,
09:27 ils sont tous bien coiffés, on a l'impression qu'ils font tous 1m90 et 90kg.
09:32 En fait on se sent un peu petit par rapport à eux, on voit que c'est la meilleure équipe du monde.
09:37 Et là il y a un petit moment où justement on a un travail à faire sur soi en disant
09:42 "Nous on est capables aussi de rivaliser, on a déjà fait ça".
09:48 Et d'ailleurs, lorsqu'on voit notre début de match, on s'aperçoit qu'on est en dessous de Milan à ce moment-là.
09:55 On est dans l'engagement, mais on n'est pas encore au niveau d'une finale de Coupe d'Europe.
10:02 Justement, comment vivez-vous cette première période ?
10:05 La première mi-temps a été très compliquée.
10:07 C'est vrai que l'entame de match, on a été dominés techniquement.
10:12 C'est vrai que cette première mi-temps, sans les interventions de Fabien Martès,
10:16 je pense qu'on serait mené au score.
10:19 Je pense qu'une finale comme ça, lorsqu'on mène au score, on gagne.
10:24 Et c'est un peu le sentiment aussi qu'on a eu lorsqu'on a marqué.
10:28 Fabien Martès, avant cette finale, c'est déjà un homme-clé de la saison et de sa conclusion heureuse.
10:34 La titularisation de Fabien dans la saison a déjà été une surprise,
10:38 mais son adaptation et sa capacité à être performant aussi rapidement a été encore une plus grosse surprise.
10:46 À l'époque, il devait avoir 21 ans, il avait toute sa jeunesse, sa vivacité.
10:51 Et ses interventions à ce moment-là ont été décisives.
10:55 Mais quel début de parcours et quel début de carrière !
10:59 Qu'est-ce qu'il avait de spécial ?
11:01 On dit souvent que les gardiens sont à part, mais ils sont à part.
11:05 Alors, le méta, il est à part, avec son caractère, avec sa façon de faire.
11:09 Fabien, c'était encore autre chose.
11:11 La veille du match, on discutait, il ne savait même pas contre qui on allait jouer le samedi ou le dimanche.
11:16 On a l'impression qu'il vivait dans un autre monde, dans une autre planète.
11:20 Après, il était joueur, il se régalait.
11:24 C'était un gamin qui aimait jouer au foot.
11:27 Je pense que ça fait beaucoup de bien à notre équipe à ce moment-là.
11:30 Le but de Boli, comment le voyez-vous ?
11:32 Moi, je suis sur le banc de touche au moment où Basile marque.
11:36 On ne voit pas grand-chose, juste que le ballon va au fond.
11:41 On ne voit pas grand-chose, mais on entend.
11:48 C'est un stade qui s'enflamme.
11:51 C'est devant le virage marseillais.
11:54 Tout le monde devient fou.
11:57 En quelques secondes, le match bascule.
12:01 On est sous pression, c'est presque la mi-temps.
12:05 On a l'opportunité d'avoir ce corner qui n'était peut-être même pas un corner,
12:09 peut-être qu'il y avait six mètres.
12:11 Et d'un seul coup, de challenger,
12:15 je sens qu'on devient leader de ce match.
12:18 Le vent avait tourné.
12:20 Il a une magie particulière, ce but ?
12:22 Bien frapper un corner, faire une bonne tête et l'envoyer dans le but,
12:26 c'est souvent un jeu de circonstances qui fait que ça se réalise.
12:30 Là, toutes les planètes étaient alignées à l'instant T,
12:33 entre la frappe, la tête.
12:36 Rijkaard qui est mal placé par rapport à Basile.
12:38 C'est un jeu de qui ? On fait un strike.
12:40 Ça doit être difficile d'entrer en jeu dans un pareil match, dans de pareilles circonstances.
12:45 En fait, mon entrée en jeu est accélérée par le fait que Josselin Glemas,
12:50 sur une action défensive, se blesse à la jambe.
12:53 À ce moment-là, on ne sait pas qu'il a la jambe cassée.
12:58 Moi, je suis prêt, je suis déjà dans mon match.
13:00 Ça fait 10 ou 15 minutes que je m'échauffe.
13:03 Donc, prêt à rentrer tout de suite dans cette finale.
13:07 Paradoxalement, j'ai été comme libéré et beaucoup moins stressé que lorsque je suis sur le banc.
13:15 Parce que sur le banc, on est là, on est stressé pour l'équipe,
13:18 on est stressé pour ce qui se passe, mais on ne peut pas agir.
13:21 Alors qu'en fait, lorsqu'on est sur le terrain, on est dans le match,
13:24 on agit, on court, on saute, on joue, on se déplace, on regarde.
13:28 Et là, je me sentais vraiment dans mon élément à ce moment-là
13:31 et très heureux de jouer, contrairement à tous les autres.
13:35 Je n'étais pas apprécié que le match finisse, en fait.
13:38 Parce que j'étais content de jouer, ça me plaisait.
13:41 J'avais vraiment la sensation qu'on ne pouvait pas prendre de but de toute façon.
13:45 Que même si le match allait durer encore une heure,
13:48 on maîtrisait notre sujet, on se sentait bien, et moi en particulier.
13:52 Vous avez un souvenir précis du coup de sifflet final ?
13:55 L'image que j'ai, c'est le virage.
13:59 C'est un volcan.
14:01 C'est tout blanc, c'est tout bleu.
14:04 C'est un plaisir de voir ça et c'est une joie partagée.
14:08 On ne sait pas encore qu'on a fait quelque chose de fantastique.
14:11 C'est juste une joie partagée à l'instant T.
14:15 On n'imagine pas encore tout ce qu'il va y avoir derrière.
14:18 Cette victoire, elle a été longuement fêtée.
14:21 C'était une fête, je vais dire, une fête familiale.
14:24 Entre nous, avec le staff, une fête très sympa, où il y a eu beaucoup d'échanges.
14:31 Et ça s'est poursuivi pendant deux, trois jours jusqu'au match de Paris.
14:35 Même Raymond Götthal, qui n'était pas spécialement proche des joueurs amicalement,
14:44 même si c'était quelqu'un de très très très très très très très proche.
14:49 Même si c'était quelqu'un de très ouvert, qui aimait bien raconter ses histoires du passé.
14:55 Pendant ces trois jours, il était différent.
14:58 Il parlait d'autre chose que de football des fois.
15:03 Il avait ouvert son esprit.
15:05 C'était des moments très particuliers qu'on n'a jamais vécu avant et qu'on a vécu à ce moment-là.
15:10 Le retour à Marseille, c'est un moment exceptionnel.
15:12 Le retour à Marseille, c'est une fête.
15:16 C'est un moment exceptionnel.
15:17 Le retour à Marseille, ça a été quelque chose d'hors norme.
15:23 Hors norme.
15:24 Depuis l'aéroport jusqu'au stade, je n'ai jamais vu autant de gens au bord des routes.
15:29 Je n'ai jamais vu autant de gens heureux, contents.
15:34 Donc là, ça a été un vrai partage, un vrai échange avec les gens.
15:39 Autant au stade, c'était beau, il n'y avait pas de partage physique, il n'y avait pas d'échange.
15:45 Lorsqu'on est arrivé à Marseille, là il y avait un contact, les gens étaient là, ils nous touchaient, ils nous remerciaient.
15:50 Lorsqu'on est rentré dans le stade Vélodrome pour présenter la Coupe, là c'était l'apothéose.
15:56 On s'est dit, là on a vraiment rendu les gens heureux à un point même pas imaginable.
16:04 Le mercredi, vous battez Milan, vous gagnez la Coupe d'Europe.
16:07 Le samedi, vous disputez face au PSG un match capital pour le titre.
16:11 C'est un peu la cerise sur le gâteau.
16:13 Alors pour moi, OM-PSG, c'est plus fort qu'OM-Milan.
16:20 En termes d'émotion, en termes de scénario de match, en termes d'environnement, le stade était incroyable.
16:29 Paris c'était une équipe très très forte.
16:31 Tu aurais pu gagner le championnat.
16:33 Mais on joue le championnat sur ce match et au bout de dix minutes, on est mené à zéro.
16:38 Et c'est vrai que là on fait un match incroyable dans son intensité, mais aussi dans sa qualité.
16:45 C'est vrai qu'on parle des buts, mais les buts sont incroyables.
16:49 Le but de Basile, c'est vrai que je participe à cette action avec Abedi, mais je pense que c'est un truc qu'on peut essayer mille fois.
16:59 On n'y arrivera jamais.
17:00 C'est peut-être un des plus beaux, le plus beau but qu'il y a jamais eu en France.
17:04 Et c'est vrai que rien que pour ça, ce match est incroyable.
17:11 Et pour moi, l'ambiance était folle.
17:16 Et l'émotion était exacerbée pour tout le monde.
17:21 Tout le monde était à fleurs de peau.
17:23 Mais bon voilà, le match a été plus qu'une cerise.
17:27 Plus gros que le gâteau.
17:28 Le lendemain, OM-Vitrolles gagne la Coupe d'Europe de handball.
17:32 Vous êtes dans la salle, puis vous fêtez vos trophées ensemble, footballeurs et handballeurs.
17:37 Associer le hand au foot avec deux présidents qui s'appellent tapis, c'était une image très très forte.
17:43 Voir les handballeurs gagner une Coupe d'Europe, c'était vraiment un signe, à la fois un clin d'œil, parce qu'ils avaient les mêmes maillots en plus.
17:52 C'était quand même un exploit fabuleux pour une ville comme Marseille.
17:56 Après, il y a la cassure.
17:57 L'affaire VAOM qui se termine par la relégation du club en deuxième division, où vous avez joué deux ans jusqu'à la remontée.
18:04 J'ai eu beaucoup de fierté à participer à cette aventure en deuxième division et finalement à rester fidèle à l'OM à ce moment-là.
18:18 J'ai vécu des moments très forts lorsque le club est relégué.
18:24 Je croise des gens, des supporters, qui viennent soutenir le club à ce moment-là.
18:30 On habite à Lille, je ne sais plus où.
18:33 On va créer un club de supporters de l'OM à Lille pour soutenir le club, parce qu'on sent qu'il en a besoin à ce moment-là.
18:41 Et la deuxième division, on la découvre exactement un an après la victoire en Coupe d'Europe.
18:48 Je me souviens très bien de notre premier déplacement à Saint-Brieuc.
18:55 Et là, on se retrouve dans un stade champêtre.
19:00 Les gens sont heureux de nous voir.
19:03 Il n'y a pas de sécurité, on sort s'échauffer en traversant le public, comme un match amateur classique d'il y a quelques années.
19:15 On a des joueurs adverses qui nous demandent des autographes avant le match.
19:20 On a l'impression de jouer un match caritatif, et pourtant c'est un match de championnat professionnel.
19:26 La popularité de l'OM à travers la France, c'est l'héritage direct de cette Coupe d'Europe ?
19:31 L'accueil dans les stades, en deuxième division, il était incroyable.
19:36 Et oui, c'était l'héritage de toute cette Coupe d'Europe, de toute cette histoire de ce club,
19:41 qui depuis 5 ou 6 ans domine la France et qui apporte la première Champions League à la France.
19:48 Donc oui, bien sûr, on était des stars.
19:53 Des gens ont gagné la Coupe d'Europe, même si dans l'équipe, il devait y avoir Fabien dans les buts et Bernard Casoni qui jouait la première année.
20:02 Mais ça ne fait rien. Tous les autres, ils portaient le maillot de l'OM.
20:06 C'était tellement frais que les choses se sont passées tellement vite, tellement accélérées avec cette histoire au MVA, cette relégation,
20:15 que finalement on était encore dans la Coupe d'Europe lorsqu'on jouait en deuxième division.
20:20 Et en plus, on a joué la Coupe d'Europe à ce moment-là.
20:24 Les décès de Raymond Goutals puis de Bernard Tapie ont été des moments marquants pour vous ?
20:28 Oui, la disparition des personnages importants de ce club, forcément, ça ravit des souvenirs.
20:37 Oui, j'étais à l'enterrement de Raymond Goutals à Bruxelles.
20:42 Il y avait énormément de monde. Je n'avais pas forcément que des bonnes relations avec Raymond Goutals.
20:48 Mais forcément, c'est une personne qu'on respecte.
20:53 On respecte parce que c'était un personnage, parce que c'était un acteur majeur de cette finale, comme Bernard Tapie.
21:02 Il avait ses qualités, ses défauts. Il y avait des choses qu'on adorait chez lui, il y avait des choses qu'on détestait chez lui.
21:09 Mais sa disparition est quand même une date importante, très marquante, et qui forcément nous fait revivre toute une époque.
21:21 Est-ce qu'on peut dire qu'en mai 1993, Marseille est la capitale du sport européen ?
21:26 Au-delà du sport européen, je pense que pour Marseille, c'est le plus important d'être le point central du sport en France, par rapport à Paris.
21:37 La capitale, le gouvernement, toujours Marseille la rebelle, qui focalise finalement l'attention en France dans des compétitions européennes.
21:50 On connaît les Marseillais, c'est une fierté incroyable et une superbe réussite.
21:55 En résumé, c'était un moment historique.
21:58 Il y a même des gens qui me disent, un papa qui m'a dit, même le jour où ma fille est née, c'était pas aussi beau.
22:04 Et là on se dit, on prend du recul, on se dit, c'est un match de foot. Monsieur, c'est un match de foot.
22:12 Non, franchement, c'était plus beau que tout ce que j'ai vécu dans ma vie. Il n'y a rien de plus beau.
22:19 Ça, ça marque parce qu'on est des joueurs de foot, on n'est pas des chercheurs en médecine.
22:28 On est juste des gens, des sportifs de haut niveau qui ont réussi à gagner une coupe.
22:33 Donc après, on a ça au fond de nous et on le garde des années après des années.
22:39 Souvent, les gens nous rappellent ça et ça, on a ça au fond de nous.
22:45 Et c'est quand même magnifique d'avoir eu cette chance, parce que pour moi, c'est une chance d'avoir vécu ça.
22:51 [Musique]