• l’année dernière
Le court-métrage /Imagine a remporté deux prix au prestigieux Nikon Film Festival. Pour la mise en scène, sa réalisatrice, Anna Apter, a travaillé entièrement seule, à l'aide, pour les images, d'une intelligence artificielle : Midjourney. Elle nous explique sa démarche artistique, son message et ses questionnements.
Transcription
00:00 Imagine un enfant qui fête ses 13 ans dans un monde où tous les visages autour de lui n'existent pas.
00:05 Bonjour, je m'appelle Anna Habter, je suis actrice, réalisatrice et scénariste.
00:09 J'ai réalisé un très court métrage qui s'appelle "Imagine" qui vient d'être primé au Nikon Film Festival.
00:14 Je reçois le prix de la critique et le prix de la mise en scène.
00:17 Je me suis aidée d'une intelligence artificielle pour le faire.
00:19 Ok, alors...
00:21 Qu'est-ce que je peux te demander ?
00:24 Imagine...
00:28 Un enfant, c'est son anniversaire aujourd'hui, il a 13 ans.
00:31 L'âge d'avoir enfin son compte Instagram.
00:34 Enfin, non, c'est vrai qu'Insta a le même âge que lui.
00:37 Et il n'est plus utilisé que par les gens qui ont le même âge que moi.
00:40 Donc, j'ai découvert l'existence des intelligences artificielles il n'y a pas très longtemps, comme tout le monde.
00:45 Ça m'a effrayée autant que ça m'a fascinée, je trouvais ça fou.
00:48 Je me suis demandé ce que je pouvais faire de créatif, comment je pouvais créer quelque chose à partir de ça
00:54 et pas laisser la machine créer complètement un truc de A à Z.
00:57 J'ai pas utilisé l'intelligence artificielle pour remplacer une équipe
01:00 si j'avais eu la chance d'avoir une équipe sur ce projet et un budget surtout pour les rémunérer.
01:04 Je pense que j'aurais fait exactement le même film, je savais ce que je voulais montrer à l'image.
01:10 Seulement, je pense que ça aurait eu moins de sens sur ce projet particulièrement.
01:14 J'avais envie de tester quelque chose, j'avais envie d'essayer de parler de cette solitude numérique
01:20 et de nos existences artificielles sur les réseaux.
01:22 En fait aujourd'hui c'est possible de faire un film tout seul chez soi, sans argent, sans budget, sans équipe.
01:27 La finalité c'est qu'on fait un film tout seul chez soi, sans budget et sans équipe.
01:31 Dans un monde où tout est faux, rien n'est réel, les gens sont seuls et les intelligences artificielles.
01:41 Ça me semblait pertinent pour parler de solitude, mais c'est pas mon ambition sur le long terme.
01:46 Je pense qu'il faut utiliser les IA comme des nouveaux outils et pas dans le but de remplacer qui que ce soit.
01:52 En tout cas, c'est pas mon intention.
01:54 Pour bien comprendre la part de l'IA dans mon processus, j'ai pas appuyé sur un bouton et ça m'a sorti tout ça.
02:00 J'ai d'abord écrit un texte et je me suis dit "tiens, qu'est-ce que j'aurais envie d'avoir comme image ?"
02:07 J'ai réfléchi comme j'aurais fait avec un storyboard, sauf que j'ai demandé à une IA, j'ai décrit à mes journées
02:13 les images précises que j'aurais dessinées en storyboard et que j'aurais donné à une équipe si j'en avais eu une.
02:17 Je veux un enfant triste, au regard vide, qui regarde la caméra, qui est dans une chambre.
02:23 En fonction des images qu'on voit, je décrivais exactement ce qu'on voyait.
02:26 Si on voit des trophées de football derrière un des enfants, c'est parce que je les ai demandé.
02:31 Si il y a une fenêtre, c'est parce que je les ai demandé.
02:33 Je précisais l'heure de la journée, le lieu dans lequel on est.
02:36 Est-ce qu'on est dans une chambre, dans une cuisine, etc. évidemment.
02:39 Mais aussi dans quelle région du monde on est, quelle saison il est, est-ce qu'il fait froid, est-ce qu'il fait chaud.
02:43 Je donnais plein d'indications de mise en scène finalement, comme j'aurais demandé encore une fois à une équipe.
02:50 J'en ai généré beaucoup avant d'avoir les images qui me plaisaient.
02:53 Une fois que je les avais, je les ai quasiment toutes retouchées sur Photoshop.
02:57 J'ai arrangé certaines choses. Parfois, il y avait des choses qui ne me plaisaient pas dans le fond, que l'IA avait généré.
03:02 Donc, je les enlevais. J'ai changé ce qu'il y avait dans les tableaux.
03:04 À un moment, j'ai mis une peinture de mon chien. J'avais envie de mettre un petit clair d'œil à mon chien, qui a été ma seule équipe pendant ce projet.
03:11 Et ensuite, je les ai animés pour essayer de leur donner vie en utilisant encore d'autres outils qui sont trouvables partout sur Internet.
03:17 J'ai choisi un enfant de 13 ans parce que c'est l'âge qui est requis pour avoir un compte Instagram.
03:23 C'est aussi l'âge d'Instagram cette année, ça a 13 ans.
03:26 Et je me suis posé la question, qu'est-ce que c'est que de grandir avec tout ça, avec tous ces réseaux sociaux, toutes ces nouvelles technologies.
03:32 Et avec ces frontières entre le réel et le virtuel, qui sont de plus en plus floues en tout cas.
03:38 Je partage les craintes. Moi aussi, je peux être amenée à être remplacée. Je suis comédienne, on peut me remplacer par une IA.
03:43 Je suis scénariste, on peut faire écrire des scénarios avec ChatGPT.
03:47 Évidemment, il faut que ce soit régulé. Il y a plein de questions, notamment de droit d'auteur qui se posent.
03:53 Mais je pense qu'empêcher des gens d'utiliser ça, c'est brimer une partie de la créativité.
04:01 J'ai envie de comprendre comment ça marche, j'ai envie de maîtriser l'outil avant qu'il ne me maîtrise moi.
04:07 Peut-être que je m'en mordrai les doigts un jour, mais je vois ça comme un outil.
04:10 Et maintenant, la question, c'est de savoir qu'est-ce qu'on en fait.
04:12 Si on essaie de les utiliser intelligemment et pour créer des nouvelles choses,
04:15 je pense que ça peut être une nouvelle technologie qui peut permettre de faire plein de choses
04:20 et d'aller plus loin que ce qu'on aurait fait sans.
04:24 Comme tous les nouveaux outils en fait.
04:26 J'étais très étonnée de recevoir déjà un prix, je ne m'y attendais pas, mais alors deux, vraiment pas.
04:30 Je n'ai jamais communiqué sur mes réseaux sur le fait que je l'avais soumis au Nikon.
04:34 Je ne pensais pas du tout qu'il serait remarqué.
04:37 Il y avait 2250 films qui ont été soumis.
04:39 Je pensais vraiment qu'il serait perdu dans les méandres du Nikon Film Festival.
04:44 Et puis j'ai été très étonnée, très heureuse aussi que l'équipe du Nikon ait perçu la part de l'IA dans mon travail.
04:52 Ce que je voulais dire, mon propos, et que ce n'était pas le travail du NIA,
04:57 mais bien mon travail que j'ai fait à l'aide du NIA.
05:01 [Musique]

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