SMART TECH - Le rendez-vous du lundi 22 mai 2023

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Lundi 22 mai 2023, SMART TECH reçoit Clément Norodom (Pilote projet, Bioxegy)

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00:00 (Générique)
00:06 C'est parti pour la deuxième partie de Smartech, votre quotidienne sur l'innovation, les technologies, l'innovation.
00:12 On parle ici très régulièrement de biomimétisme. Aujourd'hui, c'est Clément Neurodome, pilote projet chez BioXigi,
00:19 qui va nous éclairer sur cette science qui nous permet d'avoir de nouvelles inspirations technologiques.
00:24 Je précise que sont restés avec moi en plateau Philippe Rodrigues, dirigeant chez Avolta, et Pierre-Alexis Devaux, plan partner chez Ring Capital.
00:32 Messieurs, je ne sais pas si vous maîtrisez tous les contours du biomimétisme, mais Clément va nous éclairer.
00:38 Aujourd'hui, on va parler de robots miou-mou bio-inspirés. Pas facile à dire.
00:43 Merci Delphine. Effectivement, déjà le biomimétisme, pour rappel, c'est le fait de s'inspirer du vivant,
00:50 de l'ingéniosité des mécanismes, des fonctions, des propriétés des êtres vivants, les animaux, les plantes, même les virus, les bactéries, pourquoi pas, pour innover.
00:58 Aujourd'hui, on va s'intéresser plus particulièrement à ce qu'on appelle la robotique molle.
01:02 La robotique molle, c'est un nom qui est un petit peu rigolo, qui désigne en fait tous ces robots souples, déformables, mous, justement,
01:10 par opposition à la robotique plus classique, c'est-à-dire des structures rigides articulées entre elles.
01:15 Quelle est l'origine de cette robotique molle ?
01:20 Cette robotique molle, elle se développe depuis quelques années, les années 2010 environ, même si bien sûr le concept existe depuis plus longtemps que ça.
01:26 C'est surtout quelque chose qui a mis un peu de temps à se développer, parce que c'est plus complexe de concevoir, de prédire les déformations d'une structure molle, justement.
01:35 Mais ça a certains avantages. Par exemple, si je prends un exemple tout bête, qui est celui d'un robot qui viendrait attraper un objet sur une ligne de production.
01:43 Voilà, on a un tapis roulant qui arrive avec un objet dont on connaît bien la forme.
01:46 C'est assez facile de concevoir une pince ou un attrapeur qui a la bonne forme et qui va se placer comme il faut, parce que tout est bien connu, l'environnement est maîtrisé.
01:54 C'est comme ça d'ailleurs que les robots sont représentés dans notre imaginaire.
01:57 Exactement, on voit très bien l'image d'une chaîne de production d'automobiles par exemple.
02:00 Alors qu'en fait, le problème, c'est que sur des cas de la vie réelle, avec des objets qui vont être plus indéterminés, plus quelconques, à des endroits pas forcément exactement ce qu'on souhaite,
02:10 c'est plus compliqué d'imaginer une pince qui soit multifonction, surtout si elle est rigide.
02:14 Imaginez, on cherche à attraper un objet rond, une tomate, avec des baguettes chinoises, ça va être très compliqué.
02:20 Alors qu'à l'inverse, si on a un robot qui est souple, comme on voit sur l'image ici, des doigts souples qu'on va venir gonfler, mettre sous pression,
02:29 ils vont naturellement s'adapter aux imperfections, aux irrégularités de la tomate, et donc on va pouvoir la saisir sans risquer de la broyer et sans risquer qu'elle glisse.
02:36 Donc c'est ça un des avantages par exemple de ces robots mous.
02:38 Et alors, quelles sont les applications ? Dans quel secteur aujourd'hui on utilise beaucoup la robotique molle ?
02:43 Aujourd'hui, il n'y a pas vraiment de secteur dans lequel on utilise beaucoup, c'est encore en développement, mais c'est assez prometteur pour des secteurs comme le biomédical par exemple,
02:50 pour aller des petits robots mous qui vont être déformables, qui vont pouvoir écarter, ou agir sur le corps humain sans risquer de trop l'abîmer.
02:57 Dans la chirurgie ?
02:58 Par exemple, ou même des petits robots mous qui seraient capables d'être dans le corps, de se déplacer, des choses comme ça qu'on pourrait envisager.
03:05 Bien sûr, comme je le disais, des systèmes d'attrapeurs pour tout type d'usage, notamment dans l'industrie spatiale, pour la capture de débris spatiaux, de satellites en fin de vie, ce genre de choses, c'est une problématique qui se développe beaucoup.
03:16 Et ces robots mous, justement, c'est très intéressant le biomimétisme de le considérer, puisque quand on pense à des robots qui se déforment, à des robots souples, on pense évidemment à la trompe de l'éléphant,
03:24 aux tentacules des pieuvres, aux mains avec notre pouce opposable et des doigts très articulés. On se rend bien compte que la nature est très efficace pour ce type de structure.
03:33 Le robot dont je vais vous parler aujourd'hui, c'est un robot qui s'inspire de deux espèces vivantes. D'une part, les dionées attrape-mouche et d'autre part, les araignées sauteuses.
03:41 Ah, les dionées attrape-mouche, qu'est-ce que c'est ?
03:44 Alors, la dionée attrape-mouche, c'est un nom qu'on n'entend pas souvent, mais en fait, c'est une plante qu'on connaît tous très bien. C'est la plante carnivore la plus emblématique de toutes,
03:50 avec ses fameuses mâchoires, ses feuilles qui se referment sur ses proies, sur ses insectes qu'elle va manger. Pourquoi elle est intéressante ici ? C'est parce qu'il y a deux choses qui nous intéressent.
03:58 D'une part, elle est capable de détecter l'insecte, forcément, avec des poils qui sont sur sa feuille et quand l'insecte est là au contact, ça va déclencher un signal et c'est ça qui déclenche le piège, finalement.
04:08 Et surtout, le mécanisme avec lequel le piège se referme est très intéressant. Il faut imaginer que cette plante doit se refermer très vite, il faut attraper une mouche, on sait bien que ce n'est pas évident, donc il faut être très rapide.
04:17 Pourtant, la plante n'a pas de muscles. Comment elle fait ? En fait, la feuille est déjà sous tension, avec une forme d'élasticité, comme une arbalète si on veut.
04:26 C'est compliqué à aller charger, mais une fois que c'est chargé, on bloque la corde et il suffit de déclencher le piège d'un seul coup et là, le rappel élastique fait le travail.
04:35 Donc ça, c'est très intéressant dans le cas d'un robot dans lequel on va pouvoir attraper rapidement un objet sans avoir à injecter de l'énergie d'un seul coup.
04:44 Ensuite, il y avait également, je vous ai dit, les araignées sauteuses. Les araignées sauteuses, c'est une famille d'araignées, il y a plus de 6500 espèces.
04:50 Ce qui est intéressant avec ces araignées-là, c'est qu'elles ne vont pas faire de toile pour chasser leur proie comme on a l'habitude.
04:55 Au contraire, elles vont se mettre un peu en hauteur et elles vont sauter sur leur proie puis courir après. Pour ça, elles doivent avoir un mécanisme de saut.
05:01 Comment elles font ? Il faut imaginer qu'elles ont une poche au niveau de leur articulation dans les pattes, une poche qu'elles vont pouvoir remplir d'hémolymphes, l'équivalent du sang chez ces araignées-là.
05:10 Et quand elle va se remplir, par pression, ça va simplement déplier la patte, c'est ça qui va faire le mouvement. Et finalement, c'est comme ça qu'elles se propulent, c'est qu'elles peuvent sauter.
05:19 Tout ça, ça nous intéresse dans le cas du robot qui a été développé par des chercheurs chinois en 2021. Ce robot-là, c'est une sorte de pince, si je puis dire, avec plusieurs parties, des espèces de phalanges,
05:30 qui sont sous tension avec un système élastique. Et au contact d'un objet, ce mécanisme va se déclencher et le robot va se fermer. Donc ça, ça nous permet d'attraper un objet dès qu'on le sent au contact, très rapidement.
05:40 Donc tout ce qui est ça, c'est ça s'inspirait de la dionée. Ensuite, quand on veut réarmer le piège, rouvrir la pince, il suffit d'injecter de l'air, par exemple, ou un autre fluide, dans ces poches qui sont inspirées des araignées sauteuses,
05:51 pour réouvrir le mécanisme et on est prêt à repartir pour un tour. Ce type de robot, c'est exactement ce qui nous intéresse pour capturer des systèmes rapidement, typiquement dans l'industrie spatiale,
05:59 dans ce que je vous disais tout à l'heure, c'est une possibilité. Vous avez compris ce que c'était le biomimétisme ? Beaucoup mieux. C'était très clair. Et alors, quelles sont aujourd'hui nos limites dans la robotique molle ?
06:10 Est-ce qu'on sait tout faire ? Parce qu'effectivement, ça semble beaucoup plus complexe de mimer, de copier des mouvements fluides que des mouvements très articulés.
06:21 Effectivement, le fait d'être complètement multifonction et de pouvoir se déformer dans toutes les directions, c'est encore très complexe, surtout si derrière, on rajoute des problématiques industrielles de fiabilité, de durabilité, de tenue dans le temps.
06:34 Il y a des choses qui sont en cours de développement, bien sûr. Je pense notamment à un papier qui est sorti il y a quelques années maintenant sur un système d'actionneur un peu multidirectionnel, inspiré de la tombe de l'éléphant,
06:45 cette fois-ci, où l'idée, c'est de déporter les moteurs pour pouvoir avoir ce système-là, mais de manière compacte. Mais ce n'est pas du tout industrialisé aujourd'hui encore.
06:53 Donc là, on est pratiquement dans la deep tech. Là, ça demande d'être bien suivi par les investisseurs. Vous vouliez dire quelque chose, Philippe ?
07:02 Oui, j'avais une question concernant les compétences qui étaient nécessaires pour mettre en œuvre ces innovations. J'imagine que vous devez travailler à la fois avec des gens qui connaissent la science du vivant
07:13 et puis en même temps des sciences plus dures. Des biologistes, des ingénieurs. Et quelle est la diversité des talents que vous avez dans vos entreprises qui innovent sur ce sujet ?
07:23 Chez Biocégi, justement, on a des profils qui sont des ingénieurs généralistes pour la grande majorité des équipes, tout simplement puisqu'en fait, le lien entre la biologie et l'industrie, il se fait par la physique, si je puis dire.
07:35 Quand on a une problématique industrielle, la résistance, du lightweight design, de la thermorégulation, peu importe, c'est des problématiques qui se posent aussi dans le vivant.
07:43 Mais évidemment, c'est rarement direct. On a rarement un système dans le vivant qui répond pile aux problèmes qu'on a d'un point de vue industriel.
07:50 Et donc finalement, ce savoir-faire de comprendre déjà le problème industriel, de comprendre les sous-jacents techniques et de comprendre surtout comment le vivant peut aller inspirer des solutions intelligentes
08:00 pour répondre à ces problèmes techniques, ça c'est un travail d'ingénieurs, justement. Donc c'est des ingénieurs généralistes pour la plupart.
08:05 Bien sûr, on a aussi des profils qui sont plus spécialisés dans le vivant pour les études un peu plus préliminaires là-dessus.
08:10 Mais c'est vrai qu'aujourd'hui, nous, on se base beaucoup sur la recherche scientifique qui est en cours.
08:15 Et c'est plutôt les chercheurs qui partent de la biologie fondamentale et qui comprennent ces mécanismes biologiques de départ.
08:23 Pierre-Alexis, une question ?
08:25 Oui, il y a un exemple de biomimétisme qui est passé à l'art industriel, dans l'exemple quotidien ?
08:31 Il y en a plusieurs. En fait, le biomimétisme en tant que démarche d'innovation est un peu théorisé, si je puis dire, ça date des années 90 avec Janine Benius.
08:40 Mais en réalité, on pourrait remonter jusqu'à Léonard de Vinci. Plus proche de nous, on pourrait penser aussi au velcro, les scratchs qui sont effectivement bio-inspirés.
08:48 Le Shinkansen aussi, le TGV japonais, il y a beaucoup de problématiques qui ont été résolues par des systèmes bio-inspirés ici.
08:56 Et plus récemment, même dans des start-up françaises, on peut penser à E-Energy qui fait des éoliennes ondulantes, si je puis dire, sous la mer.
09:04 On peut penser à Wevera qui fait des pompes aussi ondulantes. On peut penser à Emarina, Tissium, plein de start-up qui se lancent dans diverses industries.
09:14 Le médical pour Emarina et Tissium.
09:16 Plein d'innovations qu'on découvre avec vous, Biox & J, dans Smartech. Vous pourrez suivre cette chronique régulière comme ça, Pierre-Alexis.
09:22 Chaque mois.
09:23 Merci beaucoup, exactement. Merci Clément Norodom d'être venu nous expliquer tout ça. À suivre notre dernière chronique, c'est Ouba Leweb.

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