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Retrouvez William Leymergie entouré d’experts, du lundi au vendredi en direct dès 12h45, pour une émission dédiée aux problématiques de notre quotidien.

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00:00 ...
00:05 -Vous êtes Frédéric Ancel. Bonjour.
00:07 -Bonjour. -Vous êtes docteur en géopolitique,
00:10 maître de conférences à Sciences Po Paris,
00:12 professeur de relations internationales
00:15 à la Paris School of Business. -C'est juste.
00:17 -Pour commencer, quelle définition
00:19 on peut donner à la diplomatie ?
00:22 Et pourquoi c'est important que le grand public
00:25 comprenne ce qui se passe... -C'est pas le plus simple.
00:28 -C'est pas le plus agréable. -Ca peut paraître étonnant,
00:31 vu que la situation actuelle en Ukraine,
00:33 par exemple, il n'y a pas que là,
00:35 vous nous dites qu'on assiste à une diminution
00:38 des conflits dans le monde
00:40 et que la diplomatie fonctionne plutôt bien.
00:43 -On n'a jamais autant négocié,
00:45 il n'y a jamais eu autant de diplomatie
00:47 pour une raison simple, il n'y a jamais eu autant
00:50 de partenaires à la négociation. Il n'y a pas que des Etats.
00:53 Il y a aussi les fameux GAFAM,
00:55 multinationales, des multimilliardaires
00:58 qui s'improvisent grande puissance,
01:00 il y a des seigneurs de la guerre, des terroristes,
01:02 il y a des ONG, il y a des médias.
01:04 Donc, on négocie beaucoup
01:06 entre des partenaires de même nature,
01:08 entre les Etats entre eux,
01:10 mais aussi entre des Etats et des régions.
01:13 -Vous voulez dire quoi ?
01:14 Que l'on fait mieux que ce qu'on faisait autrefois ?
01:17 Il y avait plus de guerres, mais on savait moins faire la diplomatie.
01:21 -Il y avait plus de guerres et on était moins dissuasifs.
01:24 La négociation, ça sert aussi à dire, je te préviens,
01:27 si tu continues, si tu franchis cette ligne rouge,
01:30 il va t'arriver des bricoles.
01:32 -Vous savez que c'est pour montrer les muscles,
01:35 mais ça ne va pas plus loin.
01:36 -De temps en temps, ça va un peu plus loin,
01:39 mais si ça ne va pas plus loin, c'est parce qu'on a bien fait
01:42 de montrer les muscles.
01:44 On propose à l'autre quelque chose qui va pouvoir le favoriser
01:47 et peut-être l'empêcher d'aller trop loin.
01:50 Je pense évidemment au nucléaire en Ukraine,
01:53 on en est très loin, mais parce qu'on négocie.
01:55 -A la force de montrer les muscles,
01:57 on arrive à un niveau d'escalade tel qu'on ne peut plus le contrôler ?
02:01 -C'est la politique du bord du gouffre.
02:04 Il faut que ce soit contrôlable.
02:06 Il y a plusieurs façons de montrer ces muscles.
02:09 Vous avez des régimes politiques qui sont de type apocalyptique,
02:12 mais il y en a eu très peu ces 100 dernières années.
02:15 La fin du IIIe Reich, il y a eu Daesh,
02:18 et le "who to power" Rwanda en 94.
02:20 Ca fait 3 régimes réellement apocalyptiques
02:22 qui ne se contentaient pas de montrer leurs muscles,
02:25 mais qui étaient prêts à se suicider pour mieux exterminer l'autre.
02:29 Mais 3 sur des milliers de régimes politiques.
02:32 Dans l'histoire longue,
02:34 chère affaire d'Ambrodel, sur des temps longs,
02:36 on assiste tendanciellement plutôt à une montée
02:39 de la dissuasion efficace.
02:41 -La France, on est bon ou mauvais en diplomatie ?
02:44 -En tout cas, on est nombreux.
02:46 Ca, déjà, c'est sûr.
02:47 On a le 3e réseau diplomatique au monde,
02:49 avec un peu plus de 180 ambassades.
02:52 C'est un réseau d'influence.
02:53 Deux, nos diplomates sont extrêmement bien formés.
02:57 Après, trois,
02:58 est-ce que la diplomatie française marche
03:01 au regard de nos objectifs ?
03:03 Je dirais, globalement, plutôt oui.
03:05 Dans la mesure où nous sommes une grande puissance
03:08 de plus en plus pauvre,
03:09 et que, malgré tout, nous jouons toujours dans la cour des grands.
03:13 -C'est bien entendu.
03:14 -Malgré tout, on dépite ça,
03:16 on joue toujours dans la cour des grands.
03:19 -Attendez, on a l'impression,
03:21 en Afrique, par exemple,
03:22 que l'Europe et singulièrement la France
03:25 a perdu de son influence.
03:26 Au profit de la Chine, il n'y a qu'à aller en Afrique du Nord,
03:30 et de la Russie, il n'y a qu'à aller au Mali.
03:33 -C'est juste, sachant que l'influence chinoise
03:35 est extraordinairement économique,
03:38 et au fond, quasi exclusivement économique.
03:41 Vous avez un certain nombre de régimes politiques en Afrique
03:44 au niveau du pouvoir jusqu'au maire,
03:47 ou bourgmestre, comme on dit dans l'ancienne Afrique belge,
03:50 qui commencent à se rendre compte
03:52 que ce que souhaitent les Chinois en Afrique,
03:55 c'est exclusivement pouvoir en retirer des richesses
03:58 au sens le plus prosaïque du terme,
04:00 sinon piller les terres africaines.
04:03 On dépasse la simple dimension diplomatique.
04:05 Dans la diplomatie, par définition,
04:08 il faut qu'il y ait un donnant-donnant.
04:10 À partir du moment où un certain nombre d'Etats africains
04:14 ne s'y retrouveront plus... -Ils s'y retrouvent.
04:16 -L'hépotentat s'y retrouve.
04:18 -Je veux dire, on voit dans certains pays,
04:21 c'est la Chine qui dit "je vous construis une autoroute,
04:24 "un hôpital et une école, mais si vous permettez,
04:27 "je vais prendre votre minerai, surtout pas trop cher."
04:30 -Et en échange de quoi, à l'ONU, vous votez pour nous.
04:33 -Oui, en plus. -Vous ne nous explique-baptisez pas.
04:36 Je pense que ça aura un temps.
04:38 On voit bien que la Chine est en train de réduire la volure,
04:42 parce que leur croissance est plus faible qu'auparavant.
04:45 Ils se dégagent de ce qu'ils rapportent le moins,
04:48 d'un certain nombre d'Etats africains.
04:50 Ce n'est pas de la grande diplomatie.
04:53 -Est-ce que parfois, en cas de gros conflits,
04:55 la diplomatie... -Poutine, ce garçon est
04:58 extrêmement brutal et a beaucoup de défauts,
05:01 on le voit tous les jours, depuis 22-23 ans,
05:03 surtout depuis 15 mois, mais ce n'est pas quelqu'un
05:06 qui est prêt à abandonner le pouvoir, c'est sûr,
05:09 il n'est pas prêt à se suicider et à aller jusqu'au nucléaire.
05:13 Par conséquent, il y a, me semble-t-il,
05:15 quand même des façons encore possibles de négocier avec lui.
05:19 -Ce qui est le plus important,
05:21 c'est qu'il n'est pas prêt à abandonner le pouvoir.
05:24 S'il déclenche une guerre nucléaire, c'est foutu.
05:27 -Le pouvoir est la vie.
05:28 Ce n'est pas quelqu'un d'apocalyptique.
05:31 -Petite leçon de diplomatie, vous voulez en savoir plus ?
05:34 Vous faites l'école du quai d'Orsay,
05:36 vous lisez ce livre, écrit par Frédéric Ancel
05:39 "Les rencontrements ruses et stratagèmes
05:41 "des grands de ce monde à l'usage de tous".
05:44 Merci beaucoup de votre visite.
05:45 [Musique]

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