Judikael Hirel : «Le fait de ne pas prendre le temps d'appeler une victime [...] c'est aussi une petite miette de "décivilisation" basique»

  • l’année dernière
Journaliste, Judikael Hirel, a violemment été agressé dans le métro il y a cinq ans. Il témoigne. «Le fait de ne pas prendre le temps d'appeler une victime [...] c'est aussi une petite miette de "décivilisation" basique». 

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Transcription
00:00 Et il ne s'est pas passé loin.
00:01 Quand je suis arrivé à l'hôpital, on m'a dit une phrase que je n'oublierai jamais.
00:03 On m'a dit s'il n'y avait pas la peau, votre visage tomberait.
00:06 Notamment, il m'avait émietté le visage.
00:08 Tous les os étaient émiettés sous la peau.
00:10 Et ça a supposé de mettre une cinquantaine de petites plaques de titane
00:13 sous la peau pour faire tenir tout ça par la suite.
00:16 J'ai gagné un lifting et un nouveau-né.
00:18 C'est bien.
00:18 Vous n'avez pas perdu votre sens de l'humour.
00:23 À quoi ressemblait votre agresseur ?
00:25 En profil ?
00:26 L'archétype du petit voyou
00:29 avec un fort accent des pays de l'Est.
00:31 Les cheveux à 3 millimètres, blonds, habillés en noir, des pieds à la tête.
00:34 Vraiment le voyou de base, comme on l'imagine dans un film de John Wick.
00:37 Oui, ceux qui se font tuer au bout de trois secondes par canuriés en général.
00:40 Comment on se remet d'une telle agression ?
00:46 Ça prend du temps.
00:48 Ça prend d'autant plus de temps que quand on vous voit là,
00:50 tout a disparu.
00:54 En tout cas, en surface.
00:56 J'ai eu la chance de passer entre les mains d'un chirurgien excellent,
01:00 en lépidithe salpétrière.
01:01 Et on ne peut pas ne pas dire du bien de la médecine française
01:03 et de l'hôpital public, parce que je ne sais même pas combien ça a coûté
01:07 le fait de me refaire un bon visage.
01:09 Mais je sais que ça a pris des heures et beaucoup de travail et beaucoup de talent aussi.
01:12 Donc aujourd'hui, ça va très, très bien.
01:15 C'est juste qu'il y a les douleurs qui restent
01:17 et qui sont absolument inévitables avec le temps à causer lésions.
01:20 Donc c'est un peu comme d'avoir une rage de dents et une gueule de bois en permanence.
01:22 Mais sinon, c'est assez vivable.
01:24 Quand on est vivant, tous les matins, je me dis chaque jour,
01:26 il y a une chance, même tôt le matin, comme ça.
01:28 Les victimes, parce que vous êtes victime d'une agression,
01:30 les victimes sont suivies par les autorités.
01:33 Je pense au ministère de la Justice, je pense à la RATP éventuellement.
01:37 On a des messages de la RATP.
01:40 C'est là où j'ai voulu creuser un petit peu en faisant ce livre.
01:43 C'est que je me suis rendu compte qu'il y avait quand même pas mal de choses
01:44 qui clochent dans le parcours d'une victime aujourd'hui.
01:47 D'abord, je n'imaginais pas qu'il y en avait autant,
01:48 parce qu'il y a à peu près 130 000 personnes qui déposent plainte
01:50 pour une agression, vol, violence, agression sexuelle dans le métro
01:54 ou dans les transports en commun chaque année,
01:55 ce qui fait quand même 350 par jour.
01:57 – Métro, agression… – France entière.
01:59 – Uniquement à France entière.
02:00 – Agression dans les transports en commun.
02:01 Donc imaginez un avion de ligne, un Airbus entier
02:03 qui se ferait agresser tous les jours, on en parlerait.
02:06 Mais une personne, une par une, en fait, c'est une agressivité,
02:09 un danger à bas bruit, on ne se rend pas vraiment compte, c'est quotidien.
02:12 Et après, personne ne s'en soucie vraiment et surtout pas la RATP,
02:15 je vais être très très clair.
02:17 Quand je me suis réveillé de mon chaos, les deux premières choses que j'ai vues,
02:19 enfin, je crois que c'est les premières personnes que j'ai vues,
02:21 c'était deux agents de RATP qui me demandaient mon nom et mon numéro de téléphone.
02:25 Ce que j'ai mis un certain temps à être capable de donner,
02:26 pour être sincère, je ne me rappelais pas de mon nom.
02:28 Et cinq ans après, je me demande encore pourquoi ils me l'ont demandé,
02:31 parce que je n'ai eu aucune nouvelle de la régie parisienne, pas un coup de fil.
02:35 On parlait de décivilisation à l'Élysée il n'y a pas longtemps,
02:37 mais le fait de ne pas prendre le temps d'appeler une victime d'agression
02:40 pour lui demander comment ça va, pour éventuellement l'orienter
02:43 vers un psy, vers une association, c'est aussi la petite miette
02:46 de décivilisation basique, ne pas prendre soin des victimes, ça, ça me sidère.
02:50 [Musique]
02:54 [SILENCE]

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