Bruno Retailleau, président des Républicains au Sénat, sénateur de la Vendée, était l'invité du 7h50 de France Inter mardi 30 mai pour évoquer les propositions de son groupe en matière d'immigration.
Retrouvez les entretiens de 7h50 sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-7h50
Retrouvez les entretiens de 7h50 sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-7h50
Catégorie
🗞
NewsTranscription
00:00 Bonjour Bruno Retailleau, merci d'être avec nous ce matin.
00:02 Chiche, Travaillons Ensemble vous a lancé Gérald Darmanin ce week-end dans le Parisien,
00:05 vous invitant à venir discuter pour écrire ensemble et faire voter ensemble une loi sur l'immigration.
00:10 C'est bon ? Vous êtes d'accord ? On peut publier les bancs ?
00:13 À une condition, bien sûr que les jeux sont ouverts, bien sûr que nous sommes prêts au dialogue.
00:18 À une seule condition, c'est qu'on arrête de tromper les Français.
00:21 C'est qu'on ne fasse pas la 22e loi en un peu plus de 20 ans qui ne servirait à rien du tout
00:27 parce que c'est ce qui désespère nos compatriotes et c'est ce qui mine en réalité la démocratie française.
00:33 Donc vous dites ok, ok pour discuter, il vous invite à discuter.
00:36 D'abord sur la méthode, Gérald Darmanin a posé les bases de la négociation.
00:39 Il y a des propositions nombreuses sur lesquelles nous sommes d'accord avec vous.
00:42 D'autres où ce ne sera pas possible, il n'y aura pas d'accord à n'importe quel prix, chacun doit faire un pas.
00:46 Est-ce que vous êtes d'accord pour faire un pas ?
00:48 Ou vous dites comme Olivier Marlet, qu'il y a quelques jours, c'est à prendre ou à laisser ?
00:51 Nos propositions, nos deux propositions dont on va parler, c'est à prendre ou à laisser ?
00:54 Nos propositions, elles sont nombreuses. Encore une fois pour moi, la ligne rouge, c'est simplement l'efficacité.
01:00 Le texte de Gérald Darmanin, qui était retiré dans les conditions que vous savez, en réalité c'était le « en même temps ».
01:07 On voulait expulser un peu plus et régulariser beaucoup plus.
01:11 Dans ces conditions, le « en même temps », ça ne marche pas en matière migratoire.
01:16 Mais si vous travaillez ensemble, vous allez travailler sur quelle base ?
01:19 Sur le projet de loi de Gérald Darmanin, celui qui a été présenté en Conseil des ministres.
01:24 Vous allez travailler sur vos deux propositions de loi ou vous allez écrire ensemble un nouveau texte ?
01:28 Je suis incapable de vous le dire pour plusieurs raisons.
01:30 Lui, il a dit « je suis ouvert à tout », il vous ouvre les portes.
01:34 Bien sûr, ma porte est ouverte.
01:36 Vous ouvrez beaucoup de portes en fait.
01:37 Il m'a indiqué d'ailleurs qu'il voulait me voir dans les prochains jours, je le recevrai.
01:40 Simplement, là encore, les choses sont très très claires.
01:43 Il n'y a pas de texte, il n'y a plus de texte du gouvernement.
01:46 Donc j'attends que le gouvernement dépose sur la table ses propositions.
01:50 Ce que j'observe, c'est une division profonde de la majorité.
01:54 À chaque fois que Gérald Darmanin fait un pas vers nous,
01:57 par exemple sur l'aide médicale d'État qu'on veut transformer en aide médicale d'urgence,
02:01 comme la plupart des pays d'Europe,
02:03 eh bien sa propre majorité, François Pauvre et d'autres ministres, dit « stop, surtout pas ».
02:08 Alors maintenant, venons sur le fond.
02:10 D'abord, les points où vous êtes d'accord avec Gérald Darmanin.
02:13 Vous avez, donc vous présenterez demain deux lois.
02:15 Il y a une loi ordinaire dedans où vous listez toute une série de mesures.
02:18 Création de quotas de migrants, durcissement du regroupement familial,
02:21 conditionnement de laide de développement, facilitation des expulsions.
02:24 Gérald Darmanin vous dit « on est d'accord sur les trois quarts de ces mesures ».
02:27 Il se dit même prêt à mener des discussions sur l'ouverture de prestations sociales
02:30 à partir de cinq ans de résidence en France, comme vous le souhaitez.
02:33 Ça, vous l'actez sur le fond avec Gérald Darmanin.
02:35 Vous êtes d'accord sur les trois quarts des mesures à prendre ?
02:38 Je n'ai pas fait de compte, puisque pour l'instant, je ne connais pas ses propres mesures.
02:42 Je connais les nôtres, je ne connais pas celles qui sont disposées.
02:45 Vous avez lu le projet de loi, ça se rapproche du projet de loi.
02:48 Le problème n'est pas Gérald Darmanin.
02:50 Dans une loi, il ne vous aura pas échappé que ce n'est pas le gouvernement qui vote la loi,
02:53 c'est le Parlement.
02:54 Or, je le sais bien, puisque ce texte-là devait passer en première lecture
02:58 déjà en octobre dernier au Sénat.
03:01 Il a été sans cesse programmé, déprogrammé, reprogrammé,
03:05 saucissonné, refusionné.
03:06 Pourquoi ? Parce qu'il n'y a pas de majorité.
03:09 Mais alors ça sert à quoi de vous faire des œillades par médias interposés
03:13 entre vous et Gérald Darmanin ?
03:15 Pardon, si vous ne concrétisez pas, je veux dire, à un moment on consomme.
03:18 Je pense que d'abord l'immigration, c'est...
03:21 Pardon, c'est...
03:22 Vous me choquez, vous me faites perdre mes moyens au micro et en direct.
03:27 Très franchement, l'immigration, c'est le problème que les Français veulent que nous réglions.
03:31 Et le problème de Gérald Darmanin, ce n'est pas nous,
03:35 ce n'est pas Bruno Rotailleau, Éric Ciotti ou Louis Marleix.
03:37 Son problème, c'est son aile gauche, Sacha Houllier, Elisabeth Borne et d'autres.
03:41 Il n'y a pas que ça. Il y a aussi des vrais points de désaccord entre vous.
03:44 Il y en a deux. Il y a deux gros points de désaccord.
03:45 D'abord, de votre côté, il y a...
03:47 Je ne sais pas si c'est une ligne rouge, vous allez me le dire.
03:49 C'est la mesure qui veut régulariser des milliers de travailleurs dans les métiers en tension.
03:54 Ça, Gérald Darmanin ne veut pas lâcher sur ça.
03:56 C'est une ligne rouge.
03:57 Mais en revanche, il vous dit "je veux bien durcir les conditions de titularisation,
04:02 on passerait de 3 à 5 ans, voire à 7 ans".
04:05 Vous l'entendez ou non ?
04:06 C'est une ligne rouge. C'est une ligne rouge.
04:08 Je vous l'explique très rapidement.
04:10 Tout simplement, au moment où on se parle, il y a un demi-million d'immigrés qui sont sans emploi.
04:14 Il y a 3 millions de Françaises, de Français qui sont au chômage, aux catégories A.
04:19 Il y a pratiquement 1,5 million de jeunes qui ne sont ni en stage, ni en emploi, ni en formation.
04:25 C'est une capitulation.
04:26 Et il y a des milliers d'entreprises qui ne trouvent pas de main d'œuvre.
04:30 Oui, mais pourquoi ? Qu'est-ce qu'on fait de ces Français ?
04:32 Pourquoi ils ne trouvent pas de main d'œuvre ?
04:33 Le MEDEF, il vous dit quoi ? Il vous dit "régulariser".
04:35 Écoutez, je sais qu'une partie du patronat,
04:38 je sais qu'une partie du patronat adorerait importer de la main d'œuvre,
04:41 ce qui ferait une pression à la baisse des salaires en France.
04:45 Ça n'est pas notre politique salariale ni sociale.
04:48 Et par ailleurs, je vous disais, un demi-million d'immigrés aujourd'hui,
04:51 le chômage, tous deux fois plus ces immigrés que les Français d'origine.
04:56 Donc il y a un problème.
04:56 Est-ce qu'on capitule sur la qualification des Français qui ne sont pas suffisamment ?
05:01 Même le Danemark, qui est votre grande référence maintenant,
05:03 vous allez les uns après les autres, la droite française va au Danemark pour dire
05:06 "Eux, ils ont réussi à réguler l'immigration,
05:08 ils ont proposé cette mesure de titularisation pour les métiers en tension".
05:12 Mais je vous dis que c'est une nouvelle pompe aspirante.
05:15 Vous devriez lire un petit document que Didier Leschi,
05:19 qui est le patron de l'OFI, l'Office français de l'immigration et de l'intégration,
05:22 a fait à rédiger il y a à peu près deux ans.
05:24 Il dit qu'on a les pompes aspirantes les plus avantageuses d'Europe
05:29 sur le soin, le soin gratuit pour les étrangers,
05:31 sur le regroupement familial, sur le droit d'asile.
05:33 Et là, il faudrait ajouter une nouvelle pompe aspirante.
05:35 En tout cas, j'entends que sur ce point, c'est une ligne rouge.
05:38 Il y a leur ligne rouge à eux, au gouvernement,
05:40 c'est votre proposition constitutionnelle, que vous déposerez demain.
05:43 Vous voulez inscrire dans la constitution la possibilité de déroger
05:46 aux traités européens et internationaux sur la question de l'immigration
05:49 et changer aussi la constitution pour permettre de faire un référendum sur l'immigration,
05:53 ce que la constitution ne permet pas en l'espèce aujourd'hui.
05:55 Sur ça, c'est non, dit Gérald Darmanin.
05:58 Ça s'appelle un Frexit migratoire.
06:00 On ne peut pas sortir des règles européennes.
06:02 C'est ce qu'il vous dit, Elisabeth Borne vous dit aussi,
06:04 quand on est un parti de gouvernement, comme LR Ley,
06:06 qui a participé à la construction européenne.
06:08 Si on pense qu'il y a des choses à bouger, on ne se met pas en marge des règles européennes.
06:12 On agit pour faire bouger des règles.
06:14 Vous entendez ? Frexit migratoire, c'est ça que vous dit Darmanin.
06:17 C'est faux et archi faux.
06:19 Ce que nous voulons, j'ai bien entendu l'éditorial du Yalgos,
06:22 il y a quelques instants, en 2005.
06:25 On n'a pas suffisamment de respiration démocratique, pas de référendum.
06:28 Le problème est ce que nous contestons.
06:29 Nous ne voulons pas sortir de l'Europe.
06:31 Nous ne voulons pas qu'un certain nombre de jurisprudence sortent des traités.
06:35 Je m'explique.
06:36 Mais ça ne marche pas comme ça, c'est pas à la carte l'Europe.
06:38 Ça marche exactement comme ça.
06:40 Si, bien sûr que si.
06:41 Puisque je vous prends un exemple très concret.
06:43 La directive travail, un juge européen nous dit un jour qu'elle doit s'appliquer aux soldats français.
06:49 Eh bien, le juge européen sort du traité par sa jurisprudence.
06:52 Pourquoi ? Parce que l'article 4, alinéa 2 du traité,
06:56 dispose que la sécurité nationale, la défense,
06:59 c'est de la compétence exclusive des états.
07:03 Donc on voit bien qu'il ne peut pas y avoir de primauté européenne quand il n'y a pas compétence.
07:07 Il ne faut pas le gouvernement des juges.
07:09 Parce que si on tombe dans le gouvernement des juges,
07:11 alors on est dans un autre régime que la démocratie.
07:14 La question est fondamentale.
07:16 Elle est fondamentale la question, fondamentale.
07:18 - Oui, c'est très intéressant.
07:20 - Qui décide de savoir qui doit entrer sur le territoire national,
07:25 qui doit en sortir, qui doit être excluté ?
07:26 Pour moi, ce n'est pas la jurisprudence.
07:28 Il faut des jurisprudences, il faut des cours constitutionnels, des cours suprêmes.
07:32 Mais c'est le peuple français.
07:33 Et l'essentiel de notre projet, notamment de loi constitutionnelle,
07:37 c'est de dire aux Français, c'est à vous maintenant de décider
07:41 sur un phénomène qui a profondément bouleversé la société française.
07:45 Vous avez la parole.
07:46 - Ça vous vaut Bruno Retailleau, la une du monde d'aujourd'hui,
07:49 qui titre sur la tentation illibérale de la droite française.
07:52 Je vous entends parler de gouvernement des juges.
07:54 Il y a quelques jours, vous avez eu une autre expression étrange aussi.
07:57 Vous avez parlé de révolution juridique silencieuse.
07:59 - Bien sûr.
08:00 - Laurent Wauquiez va plus loin, il parle d'Etat profond en France.
08:04 L'Etat profond, ce serait un pouvoir, c'est une expression trumpiste.
08:07 C'est un pouvoir invisible de hauts fonctionnaires, de magistrats,
08:11 de diplomates qui gouverneraient vraiment la France.
08:13 Vous pensez qu'il y a un Etat profond ?
08:14 Est-ce qu'il y a une tentation illibérale dans la droite française ?
08:17 Est-ce que vous vous urbanisez ?
08:19 - Je pense qu'il y a deux tentations, deux écueils.
08:22 Il y a l'écueil urbain, qui est la tentation de la démocratie
08:26 illibérale.
08:28 Et il y a l'autre écueil, c'est un libéralisme antidémocratique.
08:31 Eh bien, je l'ai vu d'ailleurs dans la tribune de En Marche.
08:35 Pour ceux qui disent la construction européenne, c'est avant tout le droit,
08:38 avant tout une construction juridique.
08:40 Eh bien non, je pense qu'on ne peut pas faire l'Europe par le droit ou par le marché.
08:44 Ce sont les mêmes.
08:45 - Et on fait l'Europe par quoi ?
08:46 S'il n'y a pas de droits, s'il n'y a pas de règles ?
08:48 - On le fait par les peuples, par les traités.
08:49 - Vous connaissez la phrase, le pouvoir doit arrêter le pouvoir.
08:52 À un moment, il doit y avoir des règles, il doit y avoir des normes.
08:54 - Bien sûr, mais en démocratie, en démocratie, le peuple ne peut pas tout contre le droit.
08:59 Mais à l'inverse, le droit ne peut pas tout contre le peuple.
09:01 Regardez ce qu'a fait la cour de Karlsruhe, la cour suprême allemande,
09:05 en rappelant à l'ordre la CGE, justement les juges européens, et y compris la Blanque Centrale.
09:10 Elle dit "stop, ça n'est pas dans les traités".
09:12 Votre politique monétaire sort des traités.
09:15 Moi, je vous le rappelle.
09:16 - Deux questions ultra rapides.
09:17 - Est-ce que c'est un Brexit monétaire allemand ?
09:19 Non, bien sûr, nous voulons la même chose.
09:21 Voilà, la démocratie, ce n'est pas le gouvernement des États-Unis.
09:23 - Vous voulez déroger, la droite veut déroger aux règles européennes sur l'immigration,
09:27 la NUPES veut déroger aux règles européennes sur les conditions économiques et sociales,
09:31 tout le monde veut déroger aux règles européennes, tout le monde veut désobéir aux règles européennes,
09:34 et à la fin, il n'y aura plus d'Europe.
09:35 - Mais non, le Conseil constitutionnel, en 2004, que dit-il ?
09:39 Que la primauté du droit européen doit s'arrêter au moment où il rencontre
09:44 l'identité constitutionnelle de la France, par exemple la laïcité.
09:48 Donc, si le Conseil constitutionnel a dit, pourquoi est-ce que des élus de la République ne pourraient pas le dire ?
09:53 - Un mot juste sur le plan Attal pour réduire la fraude sociale,
09:57 il l'a présenté hier soir, plus de sanctions, fusionner les cartes vitales et cartes d'identité,
10:00 renforcer les conditions de résidence en France pour bénéficier d'allocations sociales,
10:03 en gros, ça va dans le bon sens ?
10:05 - Oui, ça va dans le bon sens, simplement, il faut qu'il s'accorde avec le ministère de l'Intérieur,
10:09 puisque nous, depuis longtemps au Sénat, nous avons demandé une carte vitale biométrique,
10:12 il y a des millions de cartes vitales qui sont en circulation, et c'est une fraude massive.
10:16 Et simplement, si la carte vitale biométrique, ça doit être la carte d'identité, très bien,
10:20 sauf que le ministère de l'Intérieur dit "mais attention, la mesure n'a pas fait l'objet de concertation",
10:24 c'est impossible. Mais oui, bien sûr, il faut lutter contre les fraudes sociales,
10:28 cela mine aussi notre démocratie française, beaucoup de Français considèrent qu'ils font beaucoup d'efforts,
10:33 et que d'autres trichent.
10:34 - Merci Bruno Retaillon, on vous réinvitera pour préciser ce que vous avez dit sur la première partie de l'interview,
10:41 et sur l'état profond en France.