Dans son dernier livre « Et c’est ainsi que nous vivrons » (Belfond), le romancier américain Douglas Kennedy imagine les Etats- (dés) Unis en 2045 : sur les côtes est et ouest, une République où la liberté de mœurs est totale mais où la surveillance est constante. Dans les Etats du Centre, une confédération où divorce, avortement et changement de sexe sont interdits et où les valeurs chrétiennes font loi. Avec ce nouveau roman, l’écrivain francophile interroge l’offensive conservatrice à l’œuvre dans les pays développés et montre que la fiction peut plus que jamais éclairer le présent et avertir des possibles cauchemars à venir.
"L'Obs" vous propose en replay sa master class, animée par notre journaliste Arnaud Sagnard.
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00:00:00 Écoutez, donc, bienvenue dans notre auditorium.
00:00:10 Moi, je m'appelle Grégoire Lemenager, je suis directeur adjoint de la
00:00:12 rédaction de l'Obs.
00:00:13 J'ai longtemps un officier au service culture, où désormais s'active
00:00:18 Arnaud Sagnard, qui est là et qui a la lourde charge de nous faire
00:00:24 parler à un des auteurs américains les plus francophiles qu'on connaisse.
00:00:29 Il s'agit de Douglas Kennedy, auteur de beaucoup de livres où il est
00:00:35 question d'amour, où il est question de choses pas drôles, de difficultés
00:00:41 existentielles, de toutes sortes de choses.
00:00:43 Et aussi, et aussi là, pour le prochain, de l'avenir riant qui
00:00:50 attend l'Amérique.
00:00:51 C'est un roman assez politique, je crois.
00:00:56 Je pense que les... mais ça, il va nous l'expliquer, que la récente
00:01:01 histoire politique des Etats-Unis l'a inspiré, puisque avec...
00:01:05 c'est un prophète et c'est ainsi que nous vivrons, qui paraît chez
00:01:08 Belfont.
00:01:09 Il nous emmène en 2045, c'est ça ?
00:01:12 Dans des Etats-Unis qui ont traversé une deuxième guerre de sécession.
00:01:18 Mais tout ça, je vais le laisser vous l'expliquer lui-même en
00:01:23 répondant aux questions d'Arnaud Sagnard.
00:01:25 Merci encore d'être avec nous.
00:01:27 Cette rencontre s'inscrit dans un cycle de masterclass où on a
00:01:30 reçu déjà Adèle Van Raet, Giuliano D'Ampoli, récemment,
00:01:37 le philosophe Tristan Garcia.
00:01:38 Et on est très heureux de vous recevoir.
00:01:41 On vous attend pour les prochaines aussi.
00:01:46 Merci beaucoup.
00:01:47 Merci Grégoire.
00:01:52 Bonsoir tout le monde.
00:01:53 Je vais vous faire l'injure d'une courte présentation, alors que je
00:01:57 me doute que vous connaissez très bien la personne que nous accueillons
00:02:00 ce soir.
00:02:01 Et je voulais dire tout d'abord en préambule que ce soir, certes,
00:02:07 on accueille un écrivain, mais on accueille aussi un homme
00:02:12 salutaire et dangereux.
00:02:14 Alors, peut-être que vous avez déjà entendu parler de lui.
00:02:18 Mais on va en parler un peu plus tard.
00:02:21 Et je vais vous dire qu'il est un homme salotaire et dangereux.
00:02:26 Alors, pourquoi dangereux ?
00:02:28 Parce que cet homme a écrit un livre politique puissant et qui
00:02:36 prend la forme de ce qui est peut-être un ultime avertissement
00:02:40 avant la chute d'une grande démocratie que sont les États-Unis.
00:02:44 Je l'espère, et en France et aux États-Unis.
00:02:48 Et par ailleurs, c'est aussi un livre salutaire parce que cet
00:02:55 avertissement-là, il est à la fois politique, comme le disait
00:02:58 Grégoire, mais il porte aussi sur d'autres thématiques dans lesquelles
00:03:06 on est déjà engagé.
00:03:07 En fait, il décrit un mouvement qu'on voit apparaître dans d'autres
00:03:12 livres, dans des documentaires, dans des films, dans des séries,
00:03:16 mais par petites touches.
00:03:17 Et là, Douglas affronte, prend le taureau par les cornes.
00:03:22 Donc, c'est ce qu'on va voir au cours de nos discussions.
00:03:24 Et si quelqu'un s'est égaré dans cette salle et ne connaît pas
00:03:28 Douglas Kennedy, je vais faire une brève présentation, à savoir
00:03:31 que donc, un écrivain américain, francophile, comme l'a dit
00:03:34 Grégoire, qui a écrit une quinzaine de romans, cinq récits
00:03:39 journalistiques et littéraires, trois recueils de nouvelles,
00:03:43 si ma mémoire est bonne.
00:03:44 Et surtout, il fait partie de cette race très rare des écrivains
00:03:50 versatiles, c'est-à-dire qu'il est capable de rebondir d'un domaine
00:03:55 littéraire à un autre.
00:03:56 Ici, il affronte un domaine qui est dans l'air du temps, mais qui
00:04:02 n'est pas du tout évident de s'en saisir, à savoir l'anticipation
00:04:05 et la dystopie.
00:04:06 Tout est avec, comme on va l'évoquer, un fonds politique très,
00:04:14 très fort et très vindicatif.
00:04:17 Est-ce que ça vous...
00:04:19 J'ai pas trop dit de bêtises ?
00:04:20 - C'est pas mal.
00:04:21 - Alors, du coup, je voulais...
00:04:25 La première question que je voulais vous demander, c'est pourquoi
00:04:30 vous avez décidé d'imaginer un futur pour les États-Unis ?
00:04:35 Vous auriez pu, comme vous l'avez déjà fait auparavant, examiner
00:04:38 le présent, mais là, vous faites un bond en avant, en 2045.
00:04:42 - Bonsoir à tous.
00:04:44 Ravi d'être ici.
00:04:45 Et arrêtez de texter tout de suite, madame, s'il vous plaît.
00:04:49 Donc, quand j'étais à l'université aux États-Unis, au début des années
00:04:56 70, mon sujet, c'était l'histoire et l'histoire américaine.
00:05:02 Et j'ai écrit une thèse.
00:05:05 J'étais offert des places à Harvard pour un doctorat.
00:05:10 Mais en fait, franchement, un de mes profs m'a dit honnêtement,
00:05:15 Douglas, vous n'êtes pas quelqu'un qui veut passer une moitié
00:05:19 de la vie dans une bibliothèque.
00:05:20 Et aussi, vous êtes quelqu'un qui préfère être au milieu des choses.
00:05:27 Et ça, c'est la vérité.
00:05:29 Mais clairement, dans mon écriture, il y a un aspect toujours historique.
00:05:34 C'est hyper important.
00:05:37 Je dis ça des jeunes écrivains et de tout le monde aussi qui veut écrire.
00:05:41 Il faut rester au présent, même si on écrit des choses historiques
00:05:47 ou un roman de l'anticipation.
00:05:50 Ce n'est pas la science-fiction, ce roman.
00:05:52 On peut discuter de ça.
00:05:54 Et donc, en fait.
00:05:56 Depuis 68, une petite leçon historique, il y avait une guerre culturelle
00:06:03 aux États-Unis. Richard Nixon.
00:06:06 En 68, il a gagné la Maison-Blanche avec une campagne ou deux choses.
00:06:14 Le Sud est devenu en fait un endroit complètement républicain.
00:06:19 Avant ça, c'était démocrate.
00:06:22 Pourquoi?
00:06:23 Parce que le parti républicain dans le passé, c'était le parti de Lincoln.
00:06:27 Ça, c'était la guerre de céssation.
00:06:29 Johnson, un démocrate, a fait des lois pour des Africains-Américains.
00:06:37 Et dans le Sud, très raciste.
00:06:39 Ça, c'était la frontière, la ligne maginot.
00:06:43 Et Nixon a créé une stratégie pour recapturer le Sud avec beaucoup de
00:06:50 nuances racistes, mais pas directement.
00:06:53 Mais aussi avec l'idée.
00:06:55 Et ça, c'est quelque chose qui est partout maintenant.
00:06:58 L'idée, il y a une vraie Amérique.
00:07:02 L'Amérique profonde.
00:07:05 Et franchement, des Ducaut, des intellectuels, des snobs, des gens qui
00:07:12 parlent français, ça, c'est en fait le plus pire.
00:07:14 Mais oui, et franchement, en dehors des valeurs familiales, toujours des
00:07:21 valeurs familiales, des valeurs chrétiennes, etc.
00:07:24 etc.
00:07:25 Ça a devenu, en fait, franchement, la stratégie de tous les candidats
00:07:31 républicains, candidats républicains pour la Maison-Blanche depuis ça.
00:07:35 Reagan, deux fois.
00:07:37 Bush, un et Bush, deux.
00:07:40 Et surtout, Monsieur Trump.
00:07:42 Et de plus en plus, en fait, j'ai commencé à réfléchir au fait qu'on a
00:07:49 deux Amériques et on se déteste.
00:07:52 Et ça, c'est vrai.
00:07:54 Mais une autre chose, et ça, c'était le début de ce roman.
00:07:58 Un de mes camarades de classe de l'université.
00:08:02 Je vois ce mec, mais peut être une fois par an.
00:08:06 Mais c'est un Golden Boy de Wall Street, maintenant un ancien Golden Boy de
00:08:10 Wall Street, hyper riche, mais pour un mec hyper riche, en fait, assez sympathique
00:08:17 et aussi, en fait, socialement très progressiste.
00:08:20 Et c'était au milieu de la pandémie.
00:08:23 J'étais à New York, ma ville natale du Maine et on a dîné.
00:08:29 Clairement, la pandémie à l'extérieur.
00:08:31 Et c'était juste après la mort de Ruth Bader Ginsburg, qui était, en fait,
00:08:38 la justice de cause suprême la plus progressiste.
00:08:40 Et c'était clair que Trump va nommer Amy Coney Barrett,
00:08:47 qui est un cadeau fanatique.
00:08:49 Et je lui ai dit et j'étais au milieu de l'écriture de, en fait,
00:08:53 les hommes en peur de la lumière, où le sujet est le précédent avortement.
00:08:59 Et j'ai dit c'est vraiment la fin de Roe v.
00:09:02 Wade. L'avortement sera illégal dans un an.
00:09:07 C'était 10 mois.
00:09:08 Et il m'a dit quelque chose d'extraordinaire.
00:09:12 Et il y a des moments, en fait, c'est mon 27e livre.
00:09:16 Et il y a un moment quand simplement il y a un clic et je pensais wow.
00:09:21 Ça, c'est mon avenir pour une vie de nuit.
00:09:24 Et il m'a dit j'en ai marre de se venciner des voyous,
00:09:29 des crétins du Sud et du Midwest.
00:09:34 Qui contrôle l'économie américaine?
00:09:38 La côte. Oui, les deux côtes.
00:09:41 La Californie, elle m'a dit c'est la quatrième économie la plus importante du monde.
00:09:47 Et puis il y a New York, il y a Boston avec des chercheurs,
00:09:51 la plus grande densité de lauréats de prix Nobel.
00:09:55 En fait, le médecin Chicago.
00:09:57 OK, dans le Sud, on a Houston, on a Dallas, Atlanta,
00:10:01 Andorra, Rihanne.
00:10:02 Peut être le moment va arriver quand il y a un divorce.
00:10:08 Et j'ai pensé ça, c'est pas mal.
00:10:15 Sauf que vous racontez.
00:10:17 Ah oui.
00:10:19 Ah bah, on va échanger.
00:10:21 OK, ça, c'est mieux.
00:10:25 Ouais, ouais, c'est mieux. Merci.
00:10:26 Et j'ai une voix très basse pour un Américain.
00:10:29 Sauf que vous racontez le.
00:10:32 Vous auriez pu raconter le moment où il y a la sécession,
00:10:37 mais vous vous intéressez à ce qui se passe après.
00:10:41 Oui, et aussi avant. Et pourquoi en fait, ce moment de divorce arrive?
00:10:46 Et j'imagine et je pense que ça, c'était quelque chose
00:10:50 très important dans le roman et dans toute mon écriture.
00:10:54 Si j'ai un point de vue philosophique au sujet de l'écriture,
00:10:59 même si on crée quelque chose, en fait, de l'anticipation
00:11:04 ou avec la femme du cinquième, assez fantastique, en fait, un cauchemar.
00:11:10 Il faut rester crédible tout le temps.
00:11:12 Et donc, j'ai commencé à imaginer, OK, 24 heures, un candidat comme Trump
00:11:18 va gagner l'élection, mais en fait, plus de la droite.
00:11:22 Et après ça, en fait, les républicains ont changé les règles.
00:11:28 Ils contrôlent le Congrès, en fait, le Sénat.
00:11:31 Petit à petit, la société laïque est détruite.
00:11:37 Et aussi la misogynie est partout.
00:11:39 En fait, la contraception, c'est très difficile.
00:11:42 L'avortement, maintenant pas fédéral, mais état et état illégal.
00:11:48 Et puis, en fait, il y avait un événement violente, un massacre.
00:11:53 Et ça, c'était en fait le moment quand tout le monde a pensé OK.
00:11:59 Et clairement, dans une révolution, il y a toujours
00:12:05 un personnage principal.
00:12:07 Et pour les deux côtes, c'était une autre idée.
00:12:12 Clairement, un milieu de la technologie.
00:12:15 Oui, ça, c'est pour vous intéresser aussi à ce qui va se passer.
00:12:20 Parce que là, vous venez de parler du milieu des Etats-Unis,
00:12:23 d'où le titre anglais original qui est Flyover.
00:12:27 Donc les états qu'on survole en avion, puisque généralement,
00:12:31 on va d'une côte est à l'ouest ou inversement.
00:12:34 Mais c'est là où votre point de vue est doublement intéressant.
00:12:37 C'est que non seulement vous racontez le fait qu'il y a
00:12:40 cette bascule politique que vous évoquez au milieu des Etats-Unis.
00:12:44 Pour simplifier, ça devient un état, comme on pourrait dire...
00:12:49 Ce n'est pas exactement une dictature, mais c'est extrêmement rigide
00:12:55 sur les valeurs, sur la politique.
00:12:56 Mais là, on pourrait croire, nous, naïvement européens,
00:13:03 que sur les côtes, puisque comme vous l'avez évoqué,
00:13:05 il y a effectivement la puissance économique,
00:13:07 que ça va s'adosser à une démocratie.
00:13:10 Donc, super.
00:13:11 Sauf que, vu que vous êtes pervers...
00:13:15 - Oui, je suis complètement pervers.
00:13:16 - Et si vous pouvez expliquer ce qui s'entrepend dire,
00:13:20 ce qui n'est pas si simple.
00:13:21 Ce n'est pas les bons contre les méchants, justement.
00:13:23 - Oui, non, OK.
00:13:24 Donc, après le divorce, un milliénaire de la technologie,
00:13:28 et j'ai toujours pensé à Elon Musk et aussi à Bezos,
00:13:33 et à Gates, et d'une certaine manière à Steve Jobs.
00:13:36 Et mon personnage, en fait, qui s'appelle Morgan Chadwick,
00:13:39 ça, c'est un prénom énorme, très wasp.
00:13:41 C'est un mec qui a gagné, en fait, une fortune immense
00:13:46 parce qu'il a inventé une pousse que tout le monde peut porter ici.
00:13:51 - Un implant.
00:13:53 - Oui, oui.
00:13:53 Et implanter là-bas.
00:13:55 Et au début, en fait, le marketing, c'est le nouveau iPhone.
00:14:01 Mais la vérité, c'est la surveillance totale.
00:14:04 Tout est enregistré.
00:14:06 On n'a pas une vie privée, une vie intime.
00:14:09 Absolument pas.
00:14:10 Mais, en fait, après la révolution et c'est une guerre de cessation,
00:14:15 froid, en fait, pas très violente.
00:14:18 Il a créé le vernis d'une société très progressiste.
00:14:24 L'éducation est gratuite.
00:14:28 La culture est très, très bien subventionnée.
00:14:31 Le système de santé, c'est disponible pour tout.
00:14:35 Mais derrière tout ça, c'est totalitaire, light.
00:14:40 Et ça, c'était mon idée aussi que la vérité aussi.
00:14:45 Le roman commence en 2045,
00:14:49 100 ans après la fin de la Deuxième Guerre mondiale.
00:14:53 Et j'ai choisi ça, en fait, précisément.
00:14:57 Mais aussi, c'est un monde où en 42, 43, quand en fait,
00:15:04 les nazis étaient partout, l'occupation était partout.
00:15:09 Les États-Unis ont en fait resté un symbole
00:15:12 de la liberté.
00:15:15 En 2045, il n'a pas de liberté.
00:15:19 Et donc, en fait, la Nouvelle République, c'est totalitaire, light.
00:15:25 Mais c'est préférable que le reste.
00:15:28 Ça, c'est très, très bien.
00:15:30 Mais je pense que... Et aussi, en fait, une autre chose.
00:15:36 Je lis quatre journaux par jour.
00:15:39 Je parle plutôt...
00:15:42 J'ai beaucoup de copains qui sont, en fait, dans le monde de la finance,
00:15:46 des économistes aussi, des gens du tech.
00:15:51 C'est vrai que à l'avenir,
00:15:55 l'idée d'un siècle américain, ce sera historique.
00:16:00 Ce sera le siècle chinois.
00:16:03 Et Chadwick est très proche du chinois.
00:16:07 Et quel était le modèle de la Chine moderne après Mao?
00:16:13 C'était Singapour.
00:16:15 Chow Yun-Lai et le reste ont visité Singapour.
00:16:20 Et en fait, oui, franchement,
00:16:23 en fait, un centre commercial totalitaire avec beaucoup de contrôle.
00:16:28 Et j'ai commencé à réfléchir de ça comme un avenir possible.
00:16:34 Alors, justement, quand vous aviez en tête ce cadre là,
00:16:37 suite à vos enquêtes et à vos discussions,
00:16:40 comment vous avez imaginé les personnages?
00:16:43 Parce qu'une fois qu'on a un cadre, il faut quand même trouver des personnages
00:16:47 auxquels les lecteurs et lectrices vont s'identifier,
00:16:51 vont vouloir suivre leur cheminement.
00:16:53 Comment se fait l'étape suivante de construire une histoire à raconter?
00:16:58 Quelque chose de très important dans l'écriture,
00:17:02 on peut créer un décor très intéressant,
00:17:05 mais s'il n'a pas en fait une dimension humaine, c'est ridicule.
00:17:11 Et aussi pour moi, au centre de chaque roman,
00:17:17 il y a un délai personnel.
00:17:20 Mais ça, c'est la clé du drame depuis Décrec.
00:17:22 Imaginez si Hamlet a aimé son beau-père.
00:17:27 On n'a pas une histoire.
00:17:30 Ou en fait, si le roi Lear était stable.
00:17:33 Donc ici, en fait, j'ai commencé de penser
00:17:38 et aussi un autre modèle pour ce roman.
00:17:41 La science fiction m'intéresse
00:17:45 et clairement, en fait, les années 50,
00:17:48 ça, c'était l'âge d'or pour la science fiction,
00:17:51 surtout aux États-Unis. Pourquoi?
00:17:53 Facile, la bombe atomique.
00:17:56 Tout le monde commence à regarder le ciel,
00:18:01 pas comme en fait, quelque chose bleu avec des oiseaux,
00:18:06 mais peut-être en fait la fin des choses.
00:18:08 Mais ici, en fait,
00:18:13 j'ai commencé à réfléchir aussi à George Orwell,
00:18:17 1984, où en fait,
00:18:21 il y a un protagoniste qui est victimisé
00:18:24 par le système, Winston Smith.
00:18:27 J'ai pensé, OK, quelque chose de plus intéressant,
00:18:30 surtout dans un monde sans liberté, peut-être
00:18:33 un flic, une femme très éduquée
00:18:37 et très impliquée dans le système
00:18:41 et qui comprend en fait, il y a des limites,
00:18:44 mais c'est pas mal comparé à des autres.
00:18:46 Oui, c'est-à-dire que vous choisissez pas
00:18:48 de raconter le profil d'une victime,
00:18:51 mais de quelqu'un qui est dans le système, justement.
00:18:53 Dans le système et pas une victime, au contraire.
00:18:55 Et oui, et quelqu'un qui croit au système aussi.
00:19:00 Mais si on est dans la sécurité de la Nouvelle République
00:19:05 et si on veut avancer,
00:19:08 comme Cicero a dit, le cursus norma,
00:19:12 si on veut avancer, il faut rester célibataire.
00:19:15 Si on a besoin du sexe,
00:19:19 oui, il y a en fait un système de ça aussi, très propre,
00:19:23 très clinique, mais c'est disponible.
00:19:26 Stengel, elle est toujours Stengel pour moi.
00:19:31 Mais Stengel a juste perdu son père,
00:19:34 qui était romancier,
00:19:37 exactement de mon âge.
00:19:40 Et oui, quelqu'un qui a perdu sa carrière,
00:19:43 mais avec lequel elle était très proche.
00:19:47 Donc, c'est un moment de tristesse.
00:19:51 Et puis, elle découvre quelque chose.
00:19:54 Papa a un secret.
00:19:57 Papa avait un secret et le secret.
00:20:01 C'est une démission.
00:20:06 Notre fille est de l'autre côté.
00:20:10 Voilà.
00:20:10 Et le reste, il faut que vous lisiez le roman.
00:20:13 Mais pour moi, ça, c'était aussi une idée intéressante.
00:20:17 L'idée d'un double,
00:20:20 en deutsch,
00:20:22 c'est mon droit de l'esprit, un doppelgänger.
00:20:24 Oui, parce que la sécession dont on parle entre ces deux Etats-Unis,
00:20:30 en fait, le centre ultra catholique de droite dure
00:20:34 et les côtes plus à gauche.
00:20:38 Mais on a vu que c'était aussi une forme de
00:20:42 d'illusion.
00:20:45 Un des intérêts du livre, c'est précisément que
00:20:49 il va falloir passer d'un endroit à l'autre
00:20:53 pour le personnage.
00:20:55 Tout à fait.
00:20:55 En fait, c'était impossible de voyager,
00:20:58 sauf il y a un Berlin.
00:21:02 J'ai décidé parce que je vis
00:21:06 trois mois par an à Berlin.
00:21:08 Oui, Douglas a la chance de vivre à plusieurs endroits.
00:21:10 Voilà, voilà.
00:21:11 En fait, je bouge tout le temps.
00:21:13 Bon, le but de ma vie, c'est facile.
00:21:18 Éviter l'angoisse.
00:21:19 Et oui, je bouge.
00:21:21 Et en fait, j'adore Berlin.
00:21:23 Qui a commencé à changer aussi.
00:21:27 Malheureusement, en fait, j'ai vécu là-bas
00:21:30 à l'âge d'or entre 2010,
00:21:34 quand j'ai trouvé une filiale de Google
00:21:37 dans mon quartier.
00:21:40 J'ai pensé, OK, on est foutu.
00:21:42 Mais il y a un Berlin
00:21:46 entre les deux pays, c'est Lex-Minneapolis
00:21:50 et c'est divisé en deux parts, sans une meure.
00:21:54 Mais en fait,
00:21:56 c'est une zone neutre.
00:22:00 Et en fait, Stengel a découvert que son double
00:22:05 est en fait dans la zone neutre de l'autre côté.
00:22:10 Et aussi, maintenant, elle est ciblée
00:22:14 parce qu'elle est aussi en fait dans la sécurité,
00:22:18 mais de l'autre côté.
00:22:20 J'ai beaucoup aimé l'idée de quelqu'un.
00:22:22 Ça, c'est le truc.
00:22:24 Quand on crée un personnage
00:22:28 dans ce roman, c'est une de mes obsessions.
00:22:31 Il faut fonctionner un peu comme un psy.
00:22:34 Et avant d'avoir, et surtout pendant l'écriture,
00:22:40 penser, OK, quels sont tes points de faiblesse ici?
00:22:44 Et des choses pathologiques.
00:22:47 Tout le monde a des choses pathologiques.
00:22:50 Tout le monde. Ça, c'est vrai.
00:22:52 Quand quelqu'un me dit, oh non, pas moi, je suis très zen.
00:22:57 C'est psychopathe.
00:22:59 Tout le monde est névrotique aussi.
00:23:02 Tout le monde est névrotique.
00:23:04 Ça, c'est sûr. Tout le monde a des doutes.
00:23:06 Tout le monde a des peurs.
00:23:08 Est-ce qu'il y a quelqu'un ici sans peur?
00:23:10 Vraiment? Mon Dieu, pourquoi?
00:23:15 Bravo.
00:23:22 Il y a presque 200 personnes ici.
00:23:25 Vous êtes l'exception, monsieur.
00:23:27 OK. Bonne chance.
00:23:29 Mais la plupart des gens sont en dehors de monsieur.
00:23:35 On est peu.
00:23:37 Et le truc, quand je crée un personnage,
00:23:41 je commence à penser de ça avec Stengel.
00:23:44 Immédiatement, en fait, une femme hyper éduquée à Harvard
00:23:48 qui est abandonnée par sa mère très jeune, très proche de papa.
00:23:54 Mais aussi le fait qu'elle est devenue un flic de la sécurité.
00:24:02 En fait, papa était toujours mal à l'aise avec ça.
00:24:07 Mais en même temps, c'était l'homme de Saint-Bi.
00:24:11 Et maintenant, il est mort.
00:24:15 Et maintenant, en fait, elle découvre qu'il y a une autre fille.
00:24:20 Je me souviens très, très bien après mon divorce.
00:24:23 Ma fille qui avait deux ans à l'époque, un milliard à 25 ans maintenant.
00:24:28 Mais elle me dit.
00:24:29 Pas des autres enfants, papa.
00:24:32 Je suis en fait ta fille unique.
00:24:35 Ça, c'était toujours dans la tête.
00:24:38 En fait, je n'ai pas fait ça.
00:24:40 Aussi, en fait, comme on dit en New York, je suis bête, mais pas stupide.
00:24:43 Enfin, deux enfants, c'est fini.
00:24:47 Mais donc, ça, c'est ça, c'est Stengel.
00:24:49 Et soudainement, elle commence d'avoir des doutes.
00:24:54 Et en même temps.
00:24:56 Elle est obsédée par cette autre, en fait.
00:24:59 Membre de sa famille, c'est la seule sur laquelle elle va devoir enquêter.
00:25:07 N'en dira pas plus, mais oui, je vais expliquer en plus de ça.
00:25:11 Et donc, pour moi, ça crée quand quelqu'un avec des doutes,
00:25:19 mais aussi, en fait, qui est très expert de son métier.
00:25:23 Ça, c'est un contraste intéressant.
00:25:27 Elle est hyper contrôlée
00:25:29 parce que c'est nécessaire dans son métier.
00:25:33 Et je pense que aussi, j'espère qu'elle est assez touchante.
00:25:39 Parce qu'elle est si sale.
00:25:44 Et une autre chose, il n'a pas de vaisseaux spatiaux.
00:25:48 Oui, c'est de l'anticipation, mais il n'y en a pas des martiens, des zombies.
00:25:54 C'est ça qui est troublant, c'est que ça fait d'autant plus
00:25:57 presque peur ou c'est inquiétant dans la mesure où, hormis la question.
00:26:03 Mais on sait très bien que c'est déjà l'étude, le fait de pouvoir
00:26:06 implanter l'équivalent d'une puce électronique,
00:26:10 puisque il y a déjà des chercheurs qui travaillent dessus.
00:26:13 Hormis ça et la toute puissance des smartphones,
00:26:17 mais à laquelle nous, on est déjà habitués.
00:26:19 Tout ce qu'on y découvre et ce que vous racontez
00:26:24 de la menace et politique et technologique.
00:26:28 En fait, tout est déjà enclenché et nous ne sommes pas en 2045.
00:26:33 C'est ici, maintenant.
00:26:35 Oui.
00:26:36 J'ai parlé avec un autre camarade de classe de lycée
00:26:41 qui est dans le FBI depuis longtemps.
00:26:44 C'est une super classe apparemment.
00:26:46 Non, il va.
00:26:47 Ouais, mais écoutez, mon père était un espion.
00:26:51 Il était dans le CIA.
00:26:53 Ah, c'est rien de faire, mais il était dans le CIA.
00:26:56 J'ai écrit ça dans la Symphonie de Razer.
00:26:59 Il était au Chili pendant le coup d'État.
00:27:02 Comme il m'a dit ça, je suis sûr que c'est le moment
00:27:06 où je suis devenu romancier.
00:27:09 J'ai pensé, mon Dieu, ça, c'est intéressant.
00:27:13 Je ne l'ai pas horrifié.
00:27:16 De sens ou d'autre, je pense qu'il était dans le CIA pour éviter ma mère.
00:27:20 J'en suis sûr de ça.
00:27:24 Mais une dégression, en fait.
00:27:27 Le truc pour moi, c'était toujours rester crédible.
00:27:33 Et ce flic m'a dit, la camarade de classe,
00:27:37 si on a un iPhone maintenant, on est sous surveillance.
00:27:41 Il m'a dit, OK, Douglas, on doit vous trouver 10 secondes sur un iPhone,
00:27:50 même si c'est attentif.
00:27:52 Si on jette l'iPhone, il faut fuir.
00:27:54 On sait à un minimum, il était là-bas.
00:27:57 Il n'est pas loin.
00:28:01 Et aussi, on a franchement un dossier de tout qu'on regarde.
00:28:05 Chaque communication, chaque sexe.
00:28:11 Et donc maintenant, en fait, est-ce que c'est utilisé?
00:28:15 Je ne sais pas, mais ça peut l'être.
00:28:19 Peut-être.
00:28:20 Et donc, j'ai décidé d'avancer des choses par 22 ans.
00:28:24 J'ai réfléchi aussi au début de l'année 2000.
00:28:29 J'ai eu un iPhone très primitif pour les appels.
00:28:34 Il n'y avait, il n'y a pas de Wifi en l'année 2000.
00:28:41 Et j'ai envoyé beaucoup d'articles par fax.
00:28:45 Donc, tout a changé depuis 23 ans.
00:28:50 Mais aussi, en fait, pour moi.
00:28:53 J'ai aussi commencé à réfléchir au fait que quelqu'un m'a demandé au milieu
00:28:59 en fait du confinement, avez-vous une idée de roman au sujet de Covid?
00:29:04 Et j'ai répondu, c'est trop tôt.
00:29:07 On n'en a aucune idée des effets de Covid
00:29:11 socialement, économiquement, en fait, psychologiquement.
00:29:15 Maintenant, on a besoin de notre 5 ou 8 ans.
00:29:19 Pour moi, en fait, tout a changé avec le 11 septembre.
00:29:25 Tout ça, c'était le début
00:29:28 d'une surveillance totale, mais aussi de paranoïa, mais aussi.
00:29:34 Quel était le vrai résultat?
00:29:36 En fait, 11 septembre, 15 ans après.
00:29:40 L'élection de Donald Trump.
00:29:44 Aussi, le Brexit, c'était un aspect de ça.
00:29:47 Bossa, d'abord, l'extrême droite partout.
00:29:51 Je me souviens très, très bien.
00:29:55 En fait, je suis un fanatique de la musique classique et du jazz.
00:29:58 J'ai pris, en fait,
00:30:01 le train de Berlin à Dresde pour écouter Gothe Damrung de Wagner
00:30:07 sous la baguette de Christian Tillemann.
00:30:10 Représentation extraordinaire.
00:30:12 Mais il y avait une manif de Action for Deutschland.
00:30:15 Ça, c'est la Fronte Nationale, en fait, allemande.
00:30:19 En face du St. Père Arbre, en fait, la maison d'opéra.
00:30:24 Et il y avait un mec, oui, en fait, qui a dit
00:30:27 "Wir mögen Deutschland für die Deutsche!"
00:30:31 Ma mère est allemande juive.
00:30:33 J'ai grandi avec des réfugiés, en fait, de Munich, très âgés.
00:30:39 Et j'ai pensé immédiatement au monde.
00:30:42 Ça a recommencé.
00:30:45 Ça, c'est le résultat de 11 septembre.
00:30:48 En fait, le fait que les étrangers, en fait, les minorités,
00:30:52 les "intellectual artists" commencent à être ciblés par des gens.
00:30:57 Et donc, ça, c'était toujours dans la tête aussi.
00:31:01 Et OK.
00:31:02 23 ans plus tard, peut-être, il n'y en a pas un pays libre.
00:31:09 Peut-être.
00:31:10 Et peut-être la nouvelle république totalitaire, là, c'est pas mal.
00:31:16 Quelqu'un m'a demandé est-ce que c'est un roman pessimiste?
00:31:22 Et j'ai répondu non, non, je suis simplement lucide.
00:31:28 Est-ce que le... Comment dire?
00:31:31 Quand vous imaginez tout ce dont on vient de parler,
00:31:37 est-ce que vous vous posez la question à un moment?
00:31:40 Ça risque de déplaire.
00:31:42 Alors, certes, ça risque de plaire aux lecteurs, aux gens qui vont lire,
00:31:47 acheter le livre, etc.
00:31:48 Mais ça peut gêner, faire du bruit.
00:31:52 Peut-être que je vais, sachant qu'il y a plein de médias
00:31:57 aux États-Unis qui ne sont pas de votre bord politique.
00:32:00 Est-ce que vous le prenez en compte ou pas?
00:32:05 On verra.
00:32:07 Rarement, mais en même temps, comme j'ai dit,
00:32:10 je lis beaucoup de journaux, y compris
00:32:15 certains journaux de droite.
00:32:19 Je lis le Daily Telegraph tous les jours.
00:32:26 De l'Angleterre, qui était
00:32:28 le preuve de pratique conservateur.
00:32:32 J'ai un copain à Dublin, on parle peut-être tous les deux semaines.
00:32:35 Et il a une offre d'un moment aussi.
00:32:37 C'est pas cher et on a échangé des choses.
00:32:41 Avez-vous lu ça?
00:32:43 Ils ont obsédé par les transgènes maintenant, comme beaucoup de trans.
00:32:47 Oui, beaucoup de politiciens aux États-Unis.
00:32:50 De temps en temps, avec une bouteille de whisky à côté.
00:32:54 Je regarde une heure de Fox News.
00:32:57 C'est très, très important de regarder ce qu'en fait des choses.
00:33:02 Oui, en dehors de moi, pense du monde.
00:33:08 Et parce que honnêtement, en fait, ça, c'est aussi très actuel.
00:33:13 Mais
00:33:17 le truc pour moi avec ce roman,
00:33:20 et ça, c'était très important.
00:33:23 Quand j'écris quelque chose, aussi, j'aime le fait que je suis accessible.
00:33:29 Je suis sérieux, mais accessible.
00:33:32 J'ai commencé ma carrière comme romancier avec des polar,
00:33:35 avec Pierre Genobsia, qui était dans le passé coup de sac.
00:33:39 Surtout l'homme qui voulait vivre sa vie.
00:33:43 L'homme qui voulait vivre sa vie, c'est un roman très existentiel
00:33:46 au sujet de l'identité, le conformisme, etc.
00:33:50 Mais le rythme, c'est un polar.
00:33:54 Quelqu'un m'a demandé une fois, quel est votre, et je suis très cinéphile,
00:33:57 votre réalisateur préféré?
00:33:59 Et j'ai répondu immédiatement, c'est Hitchcock.
00:34:01 La condition humaine est partout.
00:34:05 Le paranoïa, la coupabilité, c'est un thème vaste à Hitchcock.
00:34:10 Mais aussi, en fait, c'est complètement accessible.
00:34:14 Et je pense que ça, c'est possible.
00:34:17 Et le fait que j'espère qu'on va tourner des pages,
00:34:21 on va passer un, deux nuits blanches avec le livre, ça me plaît.
00:34:25 Mais aussi, mon idée, c'était provoqué beaucoup.
00:34:30 Je n'ai jamais pensé d'un thème.
00:34:34 Ça, c'est quelque chose, si on veut écrire
00:34:37 quelque chose.
00:34:40 En fait, c'est hyper important
00:34:43 d'écrire tous les jours.
00:34:46 Désolé à dire ça, mais pour moi, ça, c'est primordial.
00:34:51 Parce que un roman, c'est un marathon.
00:34:54 Et si on veut franchement, en fait,
00:34:57 essayer un marathon, c'est impossible d'essayer 10 km
00:35:02 le premier jour.
00:35:04 Moi, j'ai un système, c'est simplement en fait la mienne,
00:35:09 mais c'est le même système de Hemingway et Graham Greene.
00:35:12 Graham Greene est un de mes héros.
00:35:14 De très bons marathoniens.
00:35:15 Oui, oui. Et oui, et 40 livres aussi.
00:35:19 En fait, j'ai une autre 13 minimum dans ma vie, j'espère.
00:35:23 Mais il a écrit en fait deux pages de manuscrits par jour,
00:35:28 deux pages de Word à peu près
00:35:30 dans le monde anglophone, 500 mots, peut être 1500 signes en France.
00:35:36 C'est une petite colline.
00:35:39 C'est une jog.
00:35:41 Et si on fait ça tous les jours, six fois par semaine.
00:35:47 OK, deux par six, c'est 12 par 50.
00:35:51 On a le premier jour.
00:35:53 Mais le truc, il faut faire ça.
00:35:55 Il faut trouver le moment d'écrire tous les jours.
00:35:58 Et vous, vous avez ces cadrets dans votre journée.
00:36:01 Vous savez que vous écrivez de 8 à 10.
00:36:03 En fait, j'ai mon ordinateur ici.
00:36:06 Je suis au milieu d'une pièce de théâtre, ma deuxième récemment.
00:36:10 Et j'ai écrit une demi page entre chez moi et ici dans le taxi.
00:36:16 Je peux écrire dans le métro si je peux trouver une place.
00:36:19 Oui, j'écris dans les cafés.
00:36:22 J'écris au milieu de la nuit.
00:36:26 Simplement, j'ai un côté tous les jours.
00:36:29 Je n'ai pas un côté sacré.
00:36:32 Je n'ai pas une cellule comme une moine.
00:36:35 J'ai écrit pendant les nuits blanches
00:36:40 avec mes enfants quand ils étaient bébés.
00:36:43 Mais ça, c'est moi.
00:36:45 - Et est-ce que vous écrivez, sachant que vous êtes aussi mélomane,
00:36:47 est-ce que vous faites partie des écrivains
00:36:50 qui écrivaient casque sur les oreilles avec des musiques spécifiques ?
00:36:54 - Pour moi, il y a des écrivains qui ont besoin d'un silence immense.
00:37:01 Je crie toujours avec la musique.
00:37:03 Pourquoi ? On est très seul.
00:37:05 On est très, très seul.
00:37:07 En fait, j'ai dit ça à des gens qui n'aiment pas être seul.
00:37:13 Ce n'est pas un bon choix de métier.
00:37:15 On est physiquement, existentiellement seul.
00:37:19 Donc, je crie avec la musique tout le temps.
00:37:22 Toujours le jazz ou la musique classique.
00:37:25 Et même si j'adore France Musique, en fait, il y a trop de barradage.
00:37:31 - Peut-être Phibs ?
00:37:34 - TSM Jazz après minuit parce que pas de poupes aussi.
00:37:39 Et la BBC Radio 3.
00:37:42 Mais oui, en fait, je connais des moments à France Musique
00:37:47 où c'est simplement la musique.
00:37:49 Mais aussi, c'est l'idée que je ne suis pas seul.
00:37:53 Mais ça, c'est moi.
00:37:57 J'ai dit ça dans plusieurs interviews, en fait.
00:38:00 Deux extrêmes de romancier.
00:38:03 Ici, Gustave Flaubert.
00:38:06 360 signes par jour.
00:38:09 Flaubert a une fortune familiale.
00:38:11 Pas une femme, pas d'enfant, des maîtresses.
00:38:14 Et cinq ans pour écrire Madame Bovary,
00:38:20 six ans pour l'éducation sentimentale.
00:38:24 Et quand j'ai fait un discours
00:38:26 aux bibliothèques nationales de Rouen,
00:38:29 deux bibliothèques m'ont montré le premier jeu de Madame Bovary.
00:38:35 Et ça, c'était extraordinaire.
00:38:37 C'était nécessaire de porter des gants surgicals.
00:38:39 C'était très chic.
00:38:41 Mais j'ai lu et c'est clairement avec une plume.
00:38:45 La réécriture, réécriture, réécriture.
00:38:48 J'étais bouleversé par ça.
00:38:51 De l'autre extrême, Georges Simenon.
00:38:53 Grand, grand écrivain, en fait.
00:38:55 En régie, il a dit, un des écrivains francophones
00:38:59 le plus important du 20e siècle.
00:39:01 40 pages de manuscrits par jour.
00:39:05 Imaginez ça.
00:39:07 300 livres pendant sa vie.
00:39:11 Il n'a pas de règles.
00:39:14 Simplement, il faut écrire.
00:39:15 Et aussi, il faut accepter.
00:39:19 Et même si après 27 livres,
00:39:22 on aura des doutes constants.
00:39:26 Et on va penser constamment, en fait, oh mon Dieu, est-ce que c'est bon?
00:39:31 Ma fille commence à écrire.
00:39:34 Elle a une pièce de théâtre, justement,
00:39:36 à New York.
00:39:39 Elle a terminé son premier roman.
00:39:41 Je l'ai lu.
00:39:44 J'ai appelé à une éditrice indépendante que je connais à Londres.
00:39:47 Et je lui ai dit, je pense que c'est terminé, mais je vais rester en dehors.
00:39:52 Le processus, c'est comme ça.
00:39:54 Je suis bête, mais pas stupide.
00:39:56 Mais quand elle était à la fin du roman, Amelia m'a appelé.
00:40:00 C'était oui, elle sait que je suis un homme d'ennemi.
00:40:03 C'était deux heures du matin ici à Paris,
00:40:05 21, New York.
00:40:07 Elle m'a dit, papa, en fait, ce roman est complètement merdique.
00:40:10 C'est pas terrible.
00:40:12 En fait, je vais arrêter.
00:40:14 Et je lui ai dit OK, quelque chose de difficile.
00:40:17 Mais c'est écrivain à écrivain.
00:40:21 Si tu arrêtes le roman, je serai triste.
00:40:24 Tu seras très triste et pour le reste du monde, ce sera et alors.
00:40:31 Ça, c'est la vérité.
00:40:33 Toujours. Elle a terminé le premier jeu.
00:40:35 Ça a marché.
00:40:37 Est ce qu'on peut parler de votre place ?
00:40:42 Parce que je trouve qu'on est français.
00:40:44 On sait que vous êtes très populaire en France.
00:40:50 Il suffit de lever les yeux pour se rendre compte.
00:40:53 Comment vos livres sont perçus aux Etats-Unis ?
00:40:57 Comment votre personnage d'écrivain est perçu ?
00:41:01 Je n'ai pas une grande carrière aux Etats-Unis,
00:41:03 comme beaucoup d'écrivains américains.
00:41:05 En fait, de plus en plus, c'est difficile.
00:41:07 Sur les médias, la place accordée aux livres se restreint.
00:41:12 C'est rare d'avoir une soirée comme ça.
00:41:17 En fait, le système de livre en France, la grande livrerie.
00:41:21 Franchement, c'est rare.
00:41:25 La même chose en Angleterre, où j'étais très bien publié.
00:41:30 Mais c'est un grand problème maintenant.
00:41:34 Je pense que ça peut changer demain aussi.
00:41:38 Un succès et tout le monde est intéressé.
00:41:42 Ça c'est le truc aux Etats-Unis.
00:41:44 J'ai dit ça...
00:41:46 Je connais des histoires très dures de mes collègues, mes contemporains.
00:41:54 J'ai une copine à Londres qui a eu un succès fou avec un roman.
00:42:00 En fait, c'était une série de la BBC.
00:42:04 500 000 exemplaires en Angleterre, en poche.
00:42:07 Son prochain roman, sa maison d'édition américaine n'aime pas ça.
00:42:12 En fait, c'était publié.
00:42:14 Le New York Times, il y a une liste tous les décembres
00:42:19 des 100 livres les plus importants de l'année.
00:42:22 Elle a gagné une place là-bas.
00:42:25 Dans le passé, on est dehors après ça.
00:42:29 Et les chiffres étaient mauvais.
00:42:33 Elle a perdu sa maison d'édition et rien.
00:42:36 Franchement, elle essaie de publier un autre roman.
00:42:41 Je connais l'histoire après l'histoire après l'histoire de ça.
00:42:45 C'est vraiment en fait...
00:42:47 Dans le passé, il y avait l'idée, OK, il y a eu des échecs.
00:42:51 On va diminuer peut-être le contrat, mais on va continuer.
00:42:56 L'histoire de Philip Roth, par exemple.
00:42:59 Roth, les années 80, en fait,
00:43:02 commercialement, c'était une période pas terrible pour lui.
00:43:06 Mais c'était aussi une période différente.
00:43:10 Et après ça, c'était en fait l'âge d'or avec American Pastoral,
00:43:16 le théâtre de Savard, la tâche.
00:43:19 C'est une période extraordinaire.
00:43:22 Si c'était maintenant, peut-être,
00:43:25 il aurait pu oublier sa maison d'édition.
00:43:28 Donc, je suis hyper reconnaissant pour mon succès ici en France
00:43:33 et le fait que la France reste un pays d'électeurs et d'électrices,
00:43:38 même si la vérité aussi, tout est menacé par le portable.
00:43:44 C'était ma question suivante.
00:43:46 - En creuse, ce qu'on comprend dans votre livre,
00:43:49 c'est qu'un des seuls moyens qu'il reste peut-être
00:43:54 pour résister face à la société qui est en train d'advenir,
00:43:59 que là, on voit triompher dans le livre,
00:44:02 c'est précisément un livre en papier,
00:44:04 puisque un livre en papier n'enregistre pas de données.
00:44:10 - Dans le roman, c'est un objet très rare,
00:44:14 et de la nostalgie, comme beaucoup de choses.
00:44:19 Ça, c'est ma peur.
00:44:21 J'ai parlé, j'ai déjeuné avec une journaliste américaine
00:44:26 qui a fait un article sur moi du Time Magazine il y a dix ans,
00:44:30 et il était ici à Paris avec sa femme.
00:44:36 Grande journaliste avec une grande carrière,
00:44:39 et on a parlé franchement du fait que ce serait impossible
00:44:45 d'avoir une carrière comme moi, comme jeune écrivain, en fait, maintenant.
00:44:51 Quand j'ai quitté mon poste au Théâtre national de Londres en 1983,
00:44:57 j'ai écrit des pièces de théâtre pour la radio.
00:45:02 À Dublin, il y avait une compagnie des acteurs pour la radio.
00:45:06 À la BBC, il y avait 20 heures de pièces à la radio par semaine,
00:45:12 et aussi toujours à la télé, en fait, des pièces originales.
00:45:18 Quand je suis arrivé à Londres avec mon premier roman,
00:45:23 enfin, mon premier livre, ça, désolé, au-delà de Pierre,
00:45:27 c'est un site de voyage, il y avait en fait 12 journaux par jour,
00:45:32 et des revues littéraires, et aussi, en fait, j'avais un certain talent,
00:45:38 j'étais toujours, en fait, je n'ai jamais raté un délai,
00:45:42 et j'ai écrit exactement le numéro de mot.
00:45:46 J'ai trouvé beaucoup, beaucoup, en fait, de travail.
00:45:49 J'ai voyagé beaucoup.
00:45:51 J'étais journaliste culturel jusqu'à, en fait, L'homme qui voulait vivre sa vie.
00:45:56 J'ai interviewé, par exemple, Pierre Voulez deux fois.
00:46:00 Deux fois.
00:46:02 Et honnêtement, en fait, c'est impossible d'imaginer une carrière,
00:46:08 mais vous savez ça, parce que vous êtes journaliste aujourd'hui,
00:46:13 et de plus en plus, on pense, mon Dieu, à un avenir sans journaux, sans l'Obs.
00:46:23 - Pas tout de suite, le plus tard possible.
00:46:25 - Pas tout de suite, non, pas tout de suite, mais si on n'a pas une nouvelle génération
00:46:33 d'électeurs et électrices, ça, c'était une autre chose.
00:46:37 J'ai dit ça à mon copain Don quand j'étais ado à New York,
00:46:42 et clairement, en fait, je commence d'avoir une grande entrée dans la littérature.
00:46:49 C'était aussi, en fait, fin des années 60, quand j'avais 13 ans,
00:46:55 et oh, voici une revue de nouveau Norman Mail, le nouveau John Updike.
00:47:01 Oui, en fait, le nouveau John Didion.
00:47:06 Les écrivains américains, à l'époque, c'était, en fait, des célébrités,
00:47:12 et partout, et maintenant, de plus en plus, c'est rare.
00:47:18 - Est-ce que le monde tel que vous le décrivez, effectivement,
00:47:24 vous soulignez le fait qu'en France ou en Europe,
00:47:27 la place accordée à la littérature est plus importante ?
00:47:32 Vous dites vous-même que vous êtes un grand lecteur,
00:47:35 non seulement vous êtes abonné sur un très grand nombre de journaux,
00:47:38 de revues politiques, de revues littéraires.
00:47:40 Est-ce que vous aussi, vous dévorez la production littéraire
00:47:44 d'écrivains américains, d'écrivains français ?
00:47:47 - Tout à fait, tout à fait. Je reste très au courant,
00:47:51 surtout parce que je lis beaucoup de revues littéraires aussi,
00:47:56 mais je reste très au courant.
00:47:58 Et mon habitude, en fait, c'est que j'achète des livres tout le temps.
00:48:03 Ça, c'est un grand plaisir pour moi.
00:48:07 Et je pense que c'est très important.
00:48:10 Mais une autre chose aussi, une clé ici en France,
00:48:15 et je vais dire ça, c'est le prix unique.
00:48:19 Vous connaissez le prix unique ?
00:48:21 Le fait que, oui, par exemple, en Angleterre, en fait,
00:48:26 il y avait un prix unique jusqu'en 2001.
00:48:30 Et franchement, c'est des maisons éditions,
00:48:34 avec des gens de marketing et de vente
00:48:38 qui étaient convaincus que sans le prix unique,
00:48:41 on allait vendre dix fois.
00:48:44 Et c'était une catastrophe, parce que soudainement,
00:48:47 je me souviens avec ma maison édition, en fait,
00:48:50 qui était Penguin Random House,
00:48:52 des déjeuners avec des vendeurs des supermarchés
00:48:57 qui ont dit "Oh, on n'aime pas, en fait, la couverture,
00:49:00 ça ne va pas marcher très, très bien à la caisse."
00:49:04 Et un livre de proche, c'était avec une remise de cinq livres,
00:49:09 et trois livres, c'était ridicule.
00:49:13 Et la vérité, OK, une famille de quatre personnes
00:49:19 arrive chez Starbucks.
00:49:22 Je déteste Starbucks.
00:49:24 C'est le mixeur de café.
00:49:27 Deux cappuccinos pour les adultes,
00:49:30 deux chocolats pour les enfants, deux muffins,
00:49:32 ça coûte combien ?
00:49:34 - 25. - 25 ?
00:49:36 - Oui. - 25.
00:49:39 Mon roman en grand format, c'est 22,50.
00:49:43 Et un roman en poche, c'est 8 euros.
00:49:46 On a des remises, et surtout avec Amazon,
00:49:53 en fait, on diminue, on va diminuer, en fait,
00:49:57 l'objet qui est le livre.
00:50:00 Et le fait que oui, OK, un grand format,
00:50:03 ce n'est pas, en fait, le bon marché,
00:50:06 ce n'est pas hyper cher en même temps,
00:50:10 si on pense à 25 minutes chez Starbucks.
00:50:13 Avec le roman, on a le roman, oui.
00:50:17 Ce sera un étranger après, en fait.
00:50:21 On marque un moment dans la vie,
00:50:24 "Oh, j'ai lu ça quand j'étais avec elle",
00:50:27 ou quelque chose comme ça.
00:50:30 Et ça, c'est aussi un peu le fait que de plus en plus,
00:50:35 si on n'a pas une nouvelle génération de lecteurs électriques,
00:50:40 le précipice n'est pas loin.
00:50:43 - Parmi les sources de, presque on peut dire de refuge,
00:50:49 pour échapper à cette société-là que vous décrivez,
00:50:54 alors certes, il y a le livre,
00:50:57 mais est-ce qu'il n'y a pas une forme de résistance
00:51:00 qu'on trouve par petits éléments dans le livre
00:51:03 qui est la notion, pour lutter notamment
00:51:07 contre les dictates technologiques,
00:51:10 la notion de piratage ou du fait de devoir échapper,
00:51:14 il y a un moment où il faut échapper au contrôle,
00:51:17 notamment le contrôle qui vient par les machines,
00:51:19 qu'elle soit dans notre téléphone ou que ce soit un implant.
00:51:22 Comment vous voyez ça ?
00:51:25 Quelle manière il y aura ou il y aurait d'échapper
00:51:28 aux formes de contrôle technologique ?
00:51:32 - D'une certaine manière, la culture,
00:51:34 mais une de mes questions que je ne pose pas dans le roman,
00:51:38 est-ce que c'est possible de créer là une vraie littérature
00:51:43 dans une société si contrôlée ?
00:51:47 Et aussi où, OK, on peut avoir un manif,
00:51:51 mais de manière en fait très réglée,
00:51:55 en fait, si on écrit des choses,
00:51:57 même si dans la Nouvelle République,
00:52:00 contre le système, on aura des problèmes.
00:52:05 J'ai pensé fréquemment, franchement,
00:52:09 de l'Europe de l'Est pendant l'époque du communisme.
00:52:14 Je me souviens très très bien, en fait,
00:52:16 quand j'ai visité la Tchèque-sur-Lac-Dix en 83,
00:52:20 j'ai voyagé beaucoup dans l'Europe de l'Est
00:52:23 avant la chute de Meurs.
00:52:26 Le fait que, en fait, il y avait des livres,
00:52:30 franchement, de Kundera en Zanzibar,
00:52:33 tapés par un genre,
00:52:36 et ça, c'était complètement illégal.
00:52:40 La vérité, maintenant, aux États-Unis, en fait,
00:52:44 le gouverneur du Texas, Greg Abbott,
00:52:47 qui est en fait, comparé à Greg Abbott,
00:52:52 Trump est Montesquieu, en fait.
00:52:55 Non, mais Greg Abbott, il a une liste de 400 livres,
00:53:00 maintenant, interdits, des bibliothèques du Texas.
00:53:06 Ça commence, ça commence.
00:53:08 - Et d'ailleurs, cette description-là que vous faites,
00:53:11 et qu'on retrouve dans la description du centre des États-Unis,
00:53:15 ça rejoint un de vos premiers ouvrages,
00:53:17 qui était, à l'époque, quand vous étiez allés en reportage,
00:53:21 auprès du... déjà dans le sud des États-Unis,
00:53:24 chez des gens très religieux,
00:53:27 d'une certaine manière, vous bouclez une boucle.
00:53:30 - Oui, tout à fait.
00:53:32 Après, au-delà de Pyramid,
00:53:35 la foi des autres me fascine.
00:53:38 Je ne suis pas pratiquant.
00:53:40 Ma mère était juive, mon père était catholique,
00:53:44 ça, c'est la culpabilité en stéréo.
00:53:47 Pour moi, j'ai dit ça une fois,
00:53:49 je ne crois pas en Dieu,
00:53:51 mais je crois en Johann Sebastian Bach.
00:53:53 Ça, c'est mon idée de quelque chose sacré.
00:53:57 Mais en 88,
00:54:02 ma maison d'édition anglaise m'a dit
00:54:07 "OK, votre prochain voyage, livre."
00:54:10 Et j'ai proposé, en fait, le sud des États-Unis,
00:54:13 la centure de la Bible.
00:54:16 C'était, en fait, la dernière année de Reagan,
00:54:20 et Reagan a commencé à faire, en fait,
00:54:23 des contacts très, très importants
00:54:26 avec des évangélistes.
00:54:28 Aussi, c'était le début du téléévangélisme.
00:54:31 Et soudainement, la religion était
00:54:34 dans la conversation américaine
00:54:36 pour la première fois depuis longtemps.
00:54:39 Et aussi, c'était le sud.
00:54:42 Et j'ai passé trois mois dans le sud.
00:54:46 C'était passionnant.
00:54:49 Et aussi parce que j'étais très respectueux.
00:54:54 Et pour moi, ça, c'était très important.
00:54:58 Je n'ai pas pensé, en fait, c'est ridicule,
00:55:02 même si j'ai trouvé certaines choses ridicules.
00:55:05 Mais quelque chose de très intéressant,
00:55:09 j'ai parlé avec tout le monde,
00:55:12 et la plupart des néo-chrétiennes,
00:55:14 en dehors des ministres,
00:55:16 des gens avec des églises immenses, en fait,
00:55:20 mais des néo-chrétiennes qui ont rencontré Jésus,
00:55:25 Jésus mon pote, des choses comme ça.
00:55:28 Derrière tout ça, il y avait toujours une histoire personnelle,
00:55:32 et typiquement, une tragédie,
00:55:36 un échec immense, un accident, quelque chose.
00:55:41 Et pour moi, la chose la plus intéressante de ça,
00:55:46 c'est le fait qu'ils ont cherché une réponse.
00:55:51 Et ça, c'est aussi un aspect de la condition humaine.
00:55:56 Oui, ça c'est, ça c'est, est-ce que ça suffit encore?
00:56:00 En fait, l'idée, on parle des dieux,
00:56:05 Agamemnon a sacrifié sa fille, Iphégenaïa,
00:56:10 pour plaire à des dieux, et changer le vent pour une bataille.
00:56:14 Tout le monde cherche des réponses,
00:56:17 ça c'est depuis le début, en fait, de l'humanité.
00:56:22 Mais pour moi, en fait, la réponse de Dieu,
00:56:28 s'il y a un Dieu, c'est un grand silence.
00:56:32 Et ça c'est aussi intéressant, comment en lutter avec ça.
00:56:38 Parce que derrière la foi, clairement, il y a le silence.
00:56:43 Et donc, oui, en fait, vous avez raison,
00:56:48 j'utilise tout dans mon écriture, tout que j'ai dans mon expérience,
00:56:54 mes voyages, en fait, et comme tout le monde, en fait,
00:56:59 j'ai connu des choses bienveillantes et malveillantes et tragiques dans ma vie.
00:57:04 Ça c'est aussi un prix à payer pour vivre.
00:57:07 Il y aura la tragédie.
00:57:09 Ça c'est quelque chose aux États-Unis, j'ai dit ça une fois, en fait.
00:57:13 Aux États-Unis, en fait, on déteste l'idée de la tragédie.
00:57:18 C'est simplement quelque chose en pain.
00:57:22 Peut-être la France m'a accroché un peu, mais j'accepte le fait que
00:57:27 la tragédie c'est un aspect de la vie.
00:57:31 Et on va faire face à ça pendant une vie.
00:57:35 - Tout à l'heure, vous parliez de la soumission,
00:57:41 notamment dans le sud des États-Unis, à la religion, à Dieu.
00:57:48 Mais ce qu'on retrouve dans votre livre et dans d'autres de vos livres,
00:57:52 c'est que vous racontez aussi d'autres formes de soumission
00:57:56 de vos personnages américains.
00:57:58 C'est la soumission au dollar et à la toute puissance du dollar
00:58:02 qui a complètement changé la société américaine.
00:58:06 Et maintenant, une autre nouvelle forme de soumission,
00:58:09 qui est la soumission à des technologies qui nous dépassent complètement.
00:58:12 - Tout à fait, tout à fait.
00:58:14 Il y a un grand lien entre les deux, parce que la technologie, c'est l'argent aussi.
00:58:20 Quelqu'un qui a dit "Oh, l'argent ne m'intéresse pas",
00:58:26 c'est quelqu'un avec une fortune familiale.
00:58:29 La vérité, l'argent est derrière de tout.
00:58:34 C'est derrière de tout.
00:58:36 Ce n'est pas en fait quelque chose de très agréable de dire ça.
00:58:41 Ce n'est pas très romantique, mais c'est la vérité.
00:58:44 L'argent est derrière de beaucoup de choses.
00:58:47 Et on ne peut pas échapper à ça.
00:58:50 Et donc, c'est un sujet passionnant.
00:58:56 Quand je suis dans une ville, immédiatement, en fait, je regarde,
00:59:02 même si c'est quelque chose au tiers monde,
00:59:05 je regarde des vitrines des agents de mobilier.
00:59:10 Quand j'étais à Managua, il y a quelques années, en fait,
00:59:15 au Nicaragua, j'ai voyagé deux semaines là-bas.
00:59:18 C'était extraordinaire, tragique, mais extraordinaire.
00:59:21 Mais immédiatement, en fait, j'ai demandé à des gens,
00:59:25 en fait, une location à Managua convienne.
00:59:28 En fait, je suis aussi obsédé par les supermarchés, les marchés,
00:59:33 parce que le diable est dans les détails.
00:59:36 Et il faut voir, en fait, franchement, le prix d'une vie.
00:59:42 Et clairement, en fait, ça a influencé tout.
00:59:48 Mon ex-procomptable à Londres, quand j'habitais à Londres,
00:59:52 il m'a dit quelque chose que j'ai utilisé dans un roman.
00:59:57 Il m'a dit, quand je regarde les chiffres d'un client, je connais tout.
01:00:05 Parce que je vois, il ou elle, soit il est avare, il est extravagant,
01:00:11 il a des secrets, il est obsédé par certaines choses.
01:00:18 L'argent, en fait, oui.
01:00:22 Qui était le premier romancier qui a utilisé l'argent de manière familiale,
01:00:27 c'était Bazzac.
01:00:30 Donc, Bazzac. Et c'est derrière tout.
01:00:35 - Est-ce qu'il n'y a pas aussi, ce que je veux dire, on en avait discuté,
01:00:39 le fait que vous êtes new-yorkais, et New York fait partie de ces villes
01:00:45 qui ont été, notamment ces dernières années, tellement changées par l'argent,
01:00:49 que, par exemple, si vous deviez comparer l'endroit où vous êtes né
01:00:53 et là où vous avez vécu, aux gens maintenant qui sont sur place,
01:00:59 non seulement l'architecture a peut-être changé,
01:01:02 mais la population n'est absolument...
01:01:05 On ne se rend pas encore compte, certes Paris se transforme relativement rapidement,
01:01:10 mais là vous avez assisté à un changement qui est complètement radical.
01:01:15 - C'est complètement radical.
01:01:17 Et ça commençait avant, en fait, le 11 septembre.
01:01:20 Le 11 septembre aussi, ça c'était la frontière, mais avec Giuliani.
01:01:26 Clairement, avant Giuliani, New York était violente,
01:01:31 on a eu une grande fierté de ça.
01:01:34 3 000 mètres par an, oui, ça c'est nul.
01:01:38 C'est dangereux, en fait, de traverser les rues dans la nuit, le métro, en fait, oui.
01:01:45 Mais aussi, voici la nostalgie, OK?
01:01:52 Mais la vérité est que New York, de mon enfance et de mon adolescence,
01:01:59 c'était une classe moyenne à Manhattan.
01:02:02 Maintenant, ça c'est un oxymo, classe moyenne à Manhattan.
01:02:05 J'ai grandi dans un appart de 65 m2.
01:02:09 Et puis on a hérité, en fait, enfin, quand il avait 3 fils,
01:02:14 j'étais l'année, en fait, d'appart de mon grand-père maternel
01:02:19 qui était joaillier dans le quartier de Diemold.
01:02:22 Je suis troisième génération new-yorkaise et très fier de ça.
01:02:27 En même temps, je pense que ma vie a été émasculée.
01:02:33 Complètement émasculée.
01:02:36 Beaucoup de petits commerçants en disparu.
01:02:40 C'était, OK, la nostalgie.
01:02:43 Des cinémas partout. Des livreries partout.
01:02:47 Maintenant, il y a 15 livreries à Manhattan.
01:02:51 Ça c'est ridicule.
01:02:53 Et le fait que ça coûte une fortune.
01:02:58 Un studio à Manhattan, maintenant, minimum 3 000 $ par mois.
01:03:03 Mais Paris, de plus en plus.
01:03:06 Voilà, en fait, Londres, ça c'est dans le passé.
01:03:10 Maintenant, j'ai une nostalgie de Londres aussi
01:03:14 quand j'ai déménagé là-bas avec ma femme de l'époque en 88.
01:03:19 C'était abordable.
01:03:23 Et ça c'est un grand changement aussi.
01:03:26 Mais ça c'est partout et ça a influencé l'univers.
01:03:31 La vérité depuis les années 80,
01:03:36 honnêtement, en fait, c'est tragique à dire ça,
01:03:41 mais le président le plus influentiel depuis Roosevelt,
01:03:46 c'est Reagan.
01:03:48 Pour moi, c'était un clown.
01:03:51 Un mouvement, un peu aussi, mais un clown.
01:03:54 Et sentimentale.
01:03:57 En fait, j'utilisais une expression française des années 90,
01:04:02 "Grave de chez grave". J'adore ça.
01:04:06 Mais Reagan a changé le trajet économiquement des États-Unis.
01:04:13 Et même si avec les présidents, en fait,
01:04:16 Reagan est plus gauchiste qu'Obama ou Clinton,
01:04:20 un peu plus gauchiste.
01:04:23 Mais la vérité maintenant, on a une économie du 19e siècle.
01:04:28 Et ça c'était dans la tête du temps.
01:04:30 J'ai lu un article récemment dans The Atlantic,
01:04:34 un review politique et culturel aux États-Unis.
01:04:39 Et quand je suis né en 55,
01:04:42 il y avait une gouffre entre les riches et la classe professionnelle.
01:04:47 C'était 10 fois de la fortune.
01:04:51 Maintenant, c'est 2000 fois.
01:04:55 Imaginez ça.
01:04:58 Donc...
01:05:00 Je crois qu'il est temps que nous fassions...
01:05:05 Merci, c'est la fatigue.
01:05:07 Je peux vous aider.
01:05:09 Qu'on écoute les questions du public et non plus les miennes.
01:05:12 Je crois qu'on est dans le timing.
01:05:15 Ah, il y en a une question à droite.
01:05:17 - Oui, bonsoir. - Bonsoir.
01:05:19 - Bonsoir. En vous écoutant, parler de votre héros,
01:05:22 enfin, un de vos personnages, qui est donc ce milliardaire de la tech
01:05:25 qui a inventé cette puce qu'on a introduite dans notre tête,
01:05:28 je me dis, heureusement que nous, en France,
01:05:31 nos milliardaires, ils ont fait fortune dans la mode,
01:05:34 parce que ça ne peut pas arriver chez nous.
01:05:36 Et c'est un désavantage de notre pays,
01:05:39 puisqu'on dit toujours que tout arrive 10 ans après chez nous.
01:05:42 Là, je ne pense pas que Bernard Arnault, il pourra fabriquer un chapeau
01:05:45 qui lise les pensées, ou des chaussures, ou...
01:05:48 Voilà. Et c'est un grand soulagement.
01:05:51 Voilà. Et j'ai hâte de lire votre livre.
01:05:53 - Oh, merci, merci.
01:05:55 - Bonjour. - Bonjour.
01:06:01 - Vous habitez 3 mois par an à Berlin. - Madame, oui, désolé.
01:06:05 - Donc, je voulais savoir ce qui vous attirait à Berlin.
01:06:08 Et depuis combien de temps vous habitez 3 mois par an à Berlin?
01:06:11 - En fait, pour moi, mes racines, en fait,
01:06:17 j'ai manqué, en fait, à commencer avec ma grande-mère,
01:06:24 qui est morte quand mon père a eu 13 ans,
01:06:27 mais elle a grandi à Hamburg, à Kathu.
01:06:31 Et puis, en fait, j'ai grandi avec... c'est une histoire intéressante.
01:06:36 Deux grandes-tantes, Minnie et Amelia, ma fille s'appelle Amelia,
01:06:43 et mon oncle Joe, ils ont parlé allemand.
01:06:49 Et en 38, la nuit des cristals, "Kristallnacht" en deutsch,
01:06:56 Minnie avait 61 ans, en fait, sa soeur a 55, Joe, le mari de Minnie, 58.
01:07:03 Ils ont pris un valise et ils ont pris le train à Lisbonne.
01:07:08 Et quand ils sont arrivés là-bas, en fait,
01:07:11 ils ont envoyé un télégramme de la famille de ma grand-mère.
01:07:15 Et ils ont travaillé avec une charité juive,
01:07:20 parce que la vérité, les États-Unis n'étaient pas très ouverts
01:07:24 à des réfugiés pendant la guerre.
01:07:27 Il y a des choses horribles, en fait, qui sont arrivées.
01:07:31 Mais ils ont gagné des visas.
01:07:35 Donc j'ai grandi avec des Allemands juste à côté de moi.
01:07:41 Et je me souviens très, très bien de ma tante,
01:07:45 toujours tante, tante Minnie,
01:07:49 qui était américaine chez les Boyes.
01:07:52 C'est un souvenir de mon enfance.
01:07:55 Donc pour moi, j'ai gagné une bourse du gouvernement allemand en 83.
01:08:01 J'étais dans un Goethe-Institut, dans Oldenburg-Oberdeutauber.
01:08:05 Et puis, en fait, Berlin, immédiatement, je suis complètement fasciné par Berlin.
01:08:12 Et je me souviens très, très bien Berlin pendant la guerre froide.
01:08:18 Ça, c'est le sujet de mon roman, cet instant-là.
01:08:22 Et oui, j'ai beaucoup de souvenirs.
01:08:25 À l'époque, c'était très difficile de voyager en Allemagne de l'Est.
01:08:30 On peut gagner, comme j'ai écrit dans le roman, le visa de Cendrillon.
01:08:36 C'était nécessaire de quitter le pays avant minuit.
01:08:40 Mais j'ai beaucoup absorbé.
01:08:43 Et puis, après la chute de Meur, par hasard, j'étais à Berlin,
01:08:48 parce qu'un de mes chefs d'orchestre préféré, Claudio Bardo,
01:08:52 c'était la fin de ses années à la phénoménie de Berlin.
01:08:56 J'ai reçu des places.
01:08:58 J'ai passé cinq, six jours.
01:09:00 Et j'ai découvert, à l'époque,
01:09:02 que c'était possible d'acheter un appart à Berlin pour le prix d'une voiture.
01:09:08 Et ça, c'était le début de ma vie berlinoise.
01:09:11 Et je parle aussi le droit.
01:09:13 Je dois me faire enlever, mais c'est mon droit de parler.
01:09:17 Et c'est une ville extraordinaire.
01:09:20 Mais aussi, de plus en plus, en fait, ça change.
01:09:26 C'est plus cher qu'il y a trois ans.
01:09:30 On parle avec des gens de l'époque, en fait.
01:09:34 Surtout après la chute de Meur.
01:09:37 Et le changement, maintenant, c'est radical aussi.
01:09:41 Merci.
01:09:43 Juste une petite question.
01:09:56 J'ai lu votre livre, l'Intégrale.
01:09:58 Et à la fin, il y a marqué "à suivre".
01:10:00 Il y a une suite ?
01:10:02 La Symphonie du hasard ?
01:10:06 Oui, peut-être.
01:10:08 Mais pas demain.
01:10:11 Pas demain, en fait.
01:10:13 J'ai l'idée pour prochain roman dans la tête.
01:10:18 Et je vais commencer ça dans quelques mois, peut-être au début de l'année.
01:10:25 Parce que...
01:10:27 Oh, merci.
01:10:28 Merci, madame.
01:10:29 Ça me touche.
01:10:31 Donnez-moi quelques années.
01:10:33 Ça me touche.
01:10:35 J'espère.
01:10:36 Oui, madame.
01:10:37 Bonsoir.
01:10:38 Je voudrais savoir ce que vous pensez de vos traducteurs
01:10:40 ou de votre traducteur ou traductrice.
01:10:42 Moi, j'attache une grande importance à la traduction,
01:10:45 puisque vous écrivez.
01:10:46 C'est toujours le même ?
01:10:47 Oui.
01:10:48 Non, en fait, après presque 20 ans ensemble, on a changé.
01:10:55 Et c'est une histoire extraordinaire.
01:10:58 C'est une histoire incroyable.
01:11:01 C'est une histoire incroyable.
01:11:03 C'est une histoire incroyable.
01:11:05 C'est une histoire incroyable.
01:11:07 C'est une histoire incroyable.
01:11:09 C'est une histoire incroyable.
01:11:11 C'est une histoire incroyable.
01:11:13 C'est une histoire incroyable.
01:11:15 C'est une histoire incroyable.
01:11:17 C'est une histoire incroyable.
01:11:19 C'est une histoire incroyable.
01:11:21 C'est une histoire incroyable.
01:11:23 C'est une histoire incroyable.
01:11:25 C'est une histoire incroyable.
01:11:27 Et puis, Françoise et Dumania, en fait, très neutres, m'ont envoyé les deux.
01:11:32 Et puis, je vais dire, j'étais dans le même appel.
01:11:37 C'est très bon.
01:11:39 Elle a quel âge ? 24 ans.
01:11:41 Et maintenant, elle est ma traductrice.
01:11:45 La vérité, elle est, j'utilise un mot allemand,
01:11:50 "mein doppelgänger", mon double.
01:11:53 C'est une montre très éparpillée.
01:11:56 Voici comment je sors quand je suis américain.
01:11:59 C'est un style de parole très différent.
01:12:02 Les rythmes sont complètement différents.
01:12:05 Le ton de ma voix est différent.
01:12:08 Je pense d'une manière complètement différente en français.
01:12:11 C'est la même chose, en fait.
01:12:13 C'est la même chose, même si, en fait, je suis à l'aise en français.
01:12:17 Je fais des erreurs, mais je suis à l'aise.
01:12:19 Et je parle beaucoup en français.
01:12:21 Je vis une moitié de ma vie maintenant en français.
01:12:24 J'écris en anglais.
01:12:26 Ça, il y a besoin de travail.
01:12:28 Mais aussi, une autre chose, elle est hyper talentueuse.
01:12:34 J'écris une pièce de théâtre cette année.
01:12:37 Il y a une représentation ici à Paris en 24.
01:12:42 Et j'ai abordé Chloé en privé.
01:12:47 J'ai dit, je voulais faire la traduction.
01:12:50 Et les quatre producteurs qui ont lu ça,
01:12:53 tout le monde m'a demandé,
01:12:56 "Qui est cette femme? Elle est brillante."
01:12:58 Oui, et elle a 29 ans.
01:13:02 En fait, la génération de mes enfants, oui.
01:13:05 Elle est top. Merci.
01:13:07 Monsieur, sans peur, oui, oui.
01:13:13 J'attends la question, monsieur.
01:13:19 Moi, je voulais vous poser une question.
01:13:22 Il y a beaucoup d'écrivains qui collaborent avec le cinéma ou avec la télévision.
01:13:26 Depuis l'avènement des séries, il y a une dizaine d'années,
01:13:29 il y en a de plus en plus.
01:13:31 J'aimerais savoir si ça ne vous tente pas de collaborer à une série
01:13:35 ou de faire comme, par exemple, Philippe Jean a fait une série comme Doggy Bag,
01:13:39 de raconter une histoire sur plusieurs romans.
01:13:42 Quelque chose, en fait, oui.
01:13:46 En fait, j'ai deux séries en développement.
01:13:50 On verra. C'est le casino, franchement.
01:13:53 Ça, c'est la vérité. C'est le casino, le cinéma et la télé.
01:13:58 Mais aussi, c'est très différent.
01:14:01 J'ai une éditeuse brillante ici en France, Caroline Aske,
01:14:05 qui aussi dirige les éditions Bellefonte.
01:14:08 Je livre le manuscrit.
01:14:12 Typiquement, j'écris trois jets avant Caroline,
01:14:16 et puis un autre trois jets après.
01:14:18 Et c'est un dialogue.
01:14:20 Dans le cinéma, en fait, j'ai écrit des scénarios.
01:14:27 C'est un réalisateur ou la réalisatrice est moi, ou reine.
01:14:32 Il peut changer ce qu'il veut et il faut accepter ça.
01:14:37 Et la télé, typiquement, c'est une équipe des écrivains.
01:14:42 Vous connaissez l'expression "writer's room", en fait.
01:14:46 Et donc, c'est une discussion, en fait.
01:14:49 Maintenant, j'ai un projet en développement
01:14:52 et je travaille avec une jeune écrivaine française
01:14:56 qui est superbe.
01:14:59 J'ai trouvé une idée d'une série, je vais discuter de ça.
01:15:02 Ça, c'est aussi une de mes règles.
01:15:04 Si ce n'est pas fait, ne parle jamais des choses.
01:15:09 Quand j'habitais à Dublin, il y avait toujours des...
01:15:14 Comme j'ai dit, des romanciers de pub.
01:15:17 Des gens avec une Guinness qui disaient
01:15:19 "Ah, j'ai une idée pour un roman."
01:15:21 Je suis un millionnaire de romans.
01:15:23 Et deux heures après, c'était si fatigant.
01:15:26 Ils ont parlé, parlé, et c'est clair, en fait.
01:15:29 Jamais un mot, en fait, ne sera écrit.
01:15:34 Et j'ai appris quelque chose comme ça.
01:15:37 Je suis... J'ai parlé récemment avec Caroline
01:15:40 et j'ai dit "J'ai l'idée du prochain roman."
01:15:43 Et je lui ai donné une phrase, c'est tout.
01:15:46 Et elle m'a dit "Bon, mais ça c'est aussi notre rapport professionnel après 26 livres."
01:15:53 Donc, oui, c'est passionnant de travailler dans la télé,
01:15:59 mais on verra si ça va arriver ou pas.
01:16:02 Ça, c'est une autre chose.
01:16:04 Le théâtre, j'ai commencé ma carrière comme dramaturge.
01:16:09 J'ai écrit cinq, six pièces de théâtre
01:16:13 pour la radio, un pour la télé
01:16:15 et un catastrophe en 86 au Théâtre National de Londres.
01:16:20 Des critiques horribles, pas de spectateurs, en fait, oui.
01:16:24 Et après ça, j'ai pensé "Plus jamais."
01:16:28 Mais, le printemps dernier,
01:16:33 j'avais une idée, en fait, pour une pièce depuis dix ans dans la tête.
01:16:37 Et c'était un train entre Berlin et Paris
01:16:41 qui dure huit heures avec un changement à Cologne.
01:16:46 Et j'ai commencé à écrire ça.
01:16:48 Et j'étais au milieu d'un voyage de promotion pour le dernier roman, "Le Président".
01:16:53 Et j'ai écrit cette pièce, oui, dans le train.
01:16:58 Ça a plein huit heures chrono, non ?
01:17:00 Oui, oui, c'était trois mois tout ça.
01:17:03 Mais ça, c'est la pièce qui sera dans un théâtre ici à Paris en 21, 24.
01:17:09 Le truc, pour moi, c'est primordial.
01:17:13 Même si j'ai connu, en fait, un grand succès,
01:17:19 pas tout le temps, mais un grand succès,
01:17:23 je reste très privé.
01:17:26 Je pense tout le temps, je vis de la célébrité.
01:17:30 J'aime le succès parce que je peux vivre ici et là.
01:17:34 L'avenir pour mes enfants, c'est pas mal.
01:17:37 Et aussi, je peux acheter des meilleures places pour la phénoménie de Berlin.
01:17:41 Ça, c'est pour moi le succès.
01:17:43 Mais en dehors de ça, l'écriture, c'est très quotidien.
01:17:47 Je prends le métro comme tout le monde.
01:17:49 Je fais des courses.
01:17:51 Je reste privé.
01:17:53 Et j'écris.
01:17:55 Avec l'idée toujours que,
01:18:00 si je pense que je suis le grand écrivain,
01:18:03 ça sera une catastrophe.
01:18:05 Parce que le doute, c'est très important.
01:18:08 Ça, c'est un aspect de la frisson créative.
01:18:12 Trop de doutes, et on est congelé.
01:18:14 On ne peut pas écrire.
01:18:16 Mais sans doute, on est Donald Trump.
01:18:19 Une bonne phrase peut-être de conclusion.
01:18:24 Merci pour votre patience.
01:18:28 Je dois préciser qu'il y a une séance de signature
01:18:32 et des boissons dans des verres
01:18:35 avec éventuellement des bulles peut-être dedans.
01:18:38 Je pense qu'on mérite un verre.
01:18:40 Merci beaucoup.
01:18:42 Merci à vous.
01:18:44 (Applaudissements)
01:18:54 Merci.
01:18:56 Merci à tous !
01:18:58 [SILENCE]