Sexisme et cyber-harcèlement en politique, 4 députées témoignent l Speech

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Sexisme et cyber-harcèlement en politique : “Les femmes, nous sommes ramenées à un tas de chair avec un vagin et une activité sexuelle”

Les députées Sandrine Rousseau, Raquel Garrido, Marie Lebec, et Mathilde Panot témoignent des violences et des menaces qu’elles reçoivent au quotidien, dans l’Assemblée et sur les réseaux sociaux.

Contactées par Konbini news, plusieurs députées d’autres partis ont refusé de participer à cette interview.
Transcript
00:00 Tu es tellement à l'image de la femme où, complètement débile, fais-toi violer.
00:03 On va te faire la peau et on va aussi massacrer ta raclure de bâtard.
00:06 Vidéo d'une femme jetée à terre, un peu grosse, brune.
00:11 Quelqu'un en dessous va mettre "C'est Raquel Garrido".
00:13 Sale grosse pute de salope, nique ton parti de merde.
00:16 En fait, c'est fou parce que j'ai pris l'habitude.
00:18 Le plus grave que j'ai reçu, c'est en fait un tutoriel sur comment m'assassiner.
00:23 Ça a d'ailleurs donné lieu au fait que j'ai dû me cacher avec ma famille et mes enfants.
00:26 Dans un premier temps, ils ont été condamnés.
00:28 Et puis, en appel, ils ont été relaxés.
00:30 J'ai de tout, de la menace de mort, menace de viol.
00:33 Dès qu'on te dérange, la menace qui arrive, c'est "On va te violer".
00:36 Enfin, ça dit tout, en fait.
00:37 On peut recevoir "Grosse pute", on peut recevoir "Salope".
00:40 C'est souvent quand même des insultes sexistes.
00:42 De manière très fréquente, des insultes sur mon poids,
00:45 sur le fait que je suis une grosse vache, une grosse truie.
00:48 Et puis souvent aussi xénophobe.
00:50 Parce que des fois, ça va ensemble.
00:51 Retourne au Chili, etc. Ça, je me le prends souvent.
00:54 En vérité, ils vont réifier mon corps, m'inventer des pratiques sexuelles.
01:00 Quand j'étais encore à Lille, ma maison a été couverte d'autocollants.
01:03 Il y a même eu des insultes ou des menaces dans la rue.
01:07 Ça dépasse largement les réseaux sociaux.
01:09 J'ai envie de dire, c'est tout le temps, en fait.
01:11 Moi, par exemple, je m'étais retrouvée sur une liste d'extrême droite
01:14 où on expliquait que si j'étais devenue députée,
01:16 c'est parce que j'avais sucé ensemble des hommes grands remplacés de ma circonscription
01:21 et que c'est comme ça que j'avais été élue députée.
01:23 Avec un appel à me cibler avec une photo de moi.
01:26 J'ai tweeté une partie de la lettre de menace que j'avais reçue.
01:30 Ça me paraissait important aussi de rappeler à nos compatriotes
01:33 ce à quoi on peut être soumis en tant que femme,
01:35 que femme mariée et que femme mère d'enfant.
01:38 Et il y a une espèce d'emballement où certains pensent que ce sont des faux courriers.
01:42 Alors, je voudrais dire à ceux qui pensent que ce sont des faux courriers
01:44 que j'ai autre chose à faire de mes journées que d'écrire des faux courriers.
01:47 Au sein de l'hémicycle, il se passe aussi des choses.
01:48 Depuis que je suis élue, mais ça s'est calmé quand même ces dernières semaines.
01:51 Par exemple, à chaque fois que je prenais la parole, il y avait vraiment un brouhaha,
01:55 il y avait des remarques du type "votre voix est insupportable, arrêtez de parler".
02:00 On couvrait ma voix systématiquement
02:01 pour que ce que je dise ne soit pas entendu dans l'hémicycle.
02:04 Une fois, je suis montée à la tribune
02:06 et avant même que j'aie pu prononcer un seul mot,
02:08 un député de la majorité m'a crié que j'étais folle
02:12 et l'autre m'a insultée, ou en tout cas a cru m'insulter, de poissonnière.
02:16 Alors déjà, je voudrais dire qu'entre membres de l'Assemblée,
02:19 même si parfois ça n'apparaît pas, il y a beaucoup de respect entre les parlementaires.
02:23 Il y a des moments de tension, il y a des moments de gueulade aussi.
02:26 Et donc, moi je trouve que c'est normal que la politique,
02:29 ce soit le lieu de rencontre des passions.
02:31 Une fois lors d'une des toutes premières séances de questions au gouvernement,
02:35 je me suis assise, ma robe est restée coincée, je me suis un peu refagotée.
02:39 Ils en ont fait un gif, ils en ont fait un mème
02:42 et ils ont dit que c'était la marque de la grossièreté.
02:45 Et puis, un mépris social extrêmement fort aussi,
02:48 avec, je pense là à Caroline Fiat qui est députée de mon groupe,
02:52 qui est aujourd'hui vice-présidente de l'Assemblée nationale.
02:55 Mais lorsqu'elle est arrivée comme députée, comme première aide-soignante
02:58 à jamais être élue à l'Assemblée nationale,
03:00 que les macronistes aimaient appeler la députée bac -2.
03:03 Après, je dois quand même aussi dire, pour être sincère,
03:05 que j'ai énormément de messages de soutien, énormément.
03:08 C'est pas que des messages d'insultes.
03:10 On reçoit tout type de messages,
03:12 à la fois bien sûr des messages d'encouragement, de félicitations.
03:15 C'est difficile d'avoir une analyse de soi-même qui soit juste.
03:18 Quand on écoute les habitants, on se dit "mais tout ce que je fais est formidable"
03:21 et quand on écoute des camarades, des collègues ou des adversaires,
03:24 on se dit "mais ce que je fais, ça ne va pas du tout".
03:26 J'ai pas fait le compte, mais je pense que c'est 95% d'hommes.
03:29 C'est à parité sur la question des insultes,
03:30 il y a autant de femmes que d'hommes qui écrivent des messages d'insultes.
03:32 Les hommes politiques peuvent se faire insulter, oui.
03:35 Jamais de la même manière et pas du tout dans la même ampleur.
03:37 Ça n'a rien à voir.
03:38 C'est vrai que les hommes politiques se font insulter.
03:41 Et ?
03:42 Ils se font moins insulter quand même sur leur physique et sur leur sexualité.
03:46 Et c'est même l'inverse.
03:47 Un homme dont la sexualité pourrait faire l'objet de bavardages ou de critiques
03:53 n'est absolument pas gêné dans son ascension politique.
03:58 Ils ne sont pas soumis aux mêmes regards par rapport à leur corps.
04:01 Ils sont d'abord considérés par leurs verbes et leurs actes,
04:05 alors que nous, les femmes, nous sommes insultées comme eux,
04:09 mais pas comme eux justement.
04:10 Puisque nous, nous sommes ramenées à un tas de chair.
04:14 Et un tas de chair avec un vagin.
04:15 Et avec une activité sexuelle.
04:17 Ça, c'est quelque chose que les hommes politiques ne vivent pas.
04:21 Quand vous regardez les recherches Google associées à nos noms,
04:23 les premières recherches Google sont pour savoir si nous sommes enceintes,
04:26 quel est notre compagnon, si nous sommes célibataires.
04:29 Nous recevons des messages pour dire que un tel ou un tel veut se marier avec nous.
04:33 Et en quelque sorte, ça, je crois que ce sont des choses
04:36 que les hommes vivent beaucoup moins, là aussi en politique,
04:40 que ne le vivent les femmes.
04:41 Je pense que fondamentalement, ce que ces individus-là ne supportent pas,
04:45 c'est le fait qu'on pénètre dans des lieux de pouvoir.
04:48 Que ce soit le pouvoir médiatique, que ce soit le pouvoir politique,
04:50 le pouvoir économique, le pouvoir culturel,
04:53 pour eux, ce n'est pas notre place.
04:55 Donc, ils cherchent à nous en exclure par le dégoût,
04:58 par l'intensité de la violence qui fait qu'à un moment donné, on craquerait.
05:03 Et c'est pour cela que vraiment, je ne céderai pas.
05:06 Je ne céderai pas à ces menaces, déjà parce que
05:09 j'estime qu'elles ne font pas partie du débat,
05:11 elles ne fondent pas le débat.
05:12 Parce que si vous laissez ce type d'attaque
05:15 avoir un effet sur vous personnellement,
05:17 alors votre vie devient un enfer face à la violence
05:20 qu'est aujourd'hui la politique sur beaucoup des aspects.
05:22 Ce mandat, je suis légitime à l'exercer
05:24 puisque j'ai été élue par les habitants de ma circonscription.
05:26 On va être très clair, j'ai été élue au suffrage universel,
05:29 exactement comme n'importe quel député,
05:30 et ma légitimité à porter le message dans l'hémicycle ne se discute même pas.
05:34 Ça n'est pas un sujet.
05:35 Quand j'ai reçu le message de menace de mort,
05:37 j'ai fait le choix de porter plainte
05:39 et rappeler à tout un chacun qu'on est libre d'être en désaccord,
05:42 mais qu'en revanche, on ne peut pas s'en prendre à la famille d'un élu,
05:46 pas s'en prendre à ses enfants,
05:47 et ça, ça concerne souvent les femmes.
05:49 Moi aujourd'hui, j'ai réussi à faire condamner trois personnes quand même.
05:51 C'est très rare les cas de condamnation.
05:53 Et les trois personnes que j'ai réussi à faire condamner,
05:55 c'était pour des menaces de mort.
05:57 Il y en a un qui a eu un an de prison avec sursis
06:00 parce qu'il avait des dizaines et des dizaines de messages par jour.
06:03 Il me disait qu'il m'aimait, qu'il allait me violer, qu'il allait me tuer.
06:07 Et encore une fois, moi j'ai les épaules pour subir tout ça.
06:09 Il y a énormément de femmes qui subissent ça,
06:12 ou de personnes LGBT, ou de personnes trans, ou de personnes racisées,
06:15 parce qu'il faut bien comprendre que ce cyberharcèlement
06:19 s'adresse vraiment à toutes les personnes qui sont dominées dans la société.
06:22 Alors d'abord, moi je dis à toutes les femmes, surtout les plus jeunes,
06:25 ne laissez jamais personne sous-entendre
06:27 que vous n'avez pas votre place dans un lieu de pouvoir.
06:29 Jamais.
06:30 Vous n'êtes pas responsable des insultes ou des menaces que vous recevez.
06:33 Jamais.
06:34 Une femme n'est jamais responsable des coups qu'elle reçoit,
06:36 une femme n'est jamais responsable de son cyberharcèlement.
06:38 Un message à toutes les personnes qui subissent du cyberharcèlement,
06:40 elles ne sont pas seules,
06:42 qu'il y a des associations qui peuvent les aider.
06:44 Les féministes dans l'Assemblée nationale,
06:46 on peut se compter sur les doigts d'une main,
06:48 faisons le pari que lors de la prochaine mandature,
06:50 il y ait 100 députés féministes et déjà,
06:52 on n'osera plus applaudir
06:54 ceux qui se rendent coupables de violences conjugales par exemple.
06:56 Et je veux le redire aujourd'hui avec force,
06:59 les femmes ont leur place en politique,
07:01 tout le monde peut faire de la politique,
07:02 bien mieux que celles et ceux qui s'y croient prédestinées,
07:04 et que surtout, les femmes doivent prendre leur place,
07:07 que ça plaise ou non aux hommes de ce pays.
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