Nathan Devers : «Il y'a un plaisir de faire quelque chose d'interdit, sans risquer la sanction»

  • l’année dernière
L'écrivain Nathan Devers réagit suite aux tirs de mortier dans un lycée du Vésinet : «Il y'a un plaisir de faire quelque chose d'interdit, sans risquer la sanction».
Transcript
00:00 Qu'est-ce que ça vous évoque ? Une décivilisation,
00:02 comme l'a dit Jean-Christophe Couvy, en récupérant les mots d'Emmanuel Macron
00:06 qui ont fait couler beaucoup d'encre cette semaine.
00:08 Moi, je n'emploierai pas ces mots, mais pour d'autres raisons.
00:10 Mais en effet, je pense que c'est quelque chose d'extrêmement significatif.
00:13 Vous citiez tout à l'heure le rituel, entre guillemets, des œufs,
00:16 le dernier jour du lycée, après le bac.
00:18 Quand j'étais au lycée, il y avait un autre rituel qui me marquait encore plus,
00:21 qui est peut-être moins violent que les tirs de mortier,
00:23 mais qui est très violent symboliquement.
00:24 C'était brûler ses cahiers.
00:26 Vous savez, devant le lycée ou le petit jardin d'à côté, ou parfois même dans la cour, on brûlait.
00:30 Alors moi, je n'ai jamais brûlé mes cahiers.
00:33 Les cahiers, les fiches du bac, vous voyez, il y avait souvent ça.
00:37 Alors c'est beaucoup moins violent qu'un mortier.
00:39 Mais pas vous, Nathan.
00:40 Non, pas moi. J'ai dit "on", c'est un "on" général.
00:42 Mais il y a deux choses qui sont intéressantes.
00:45 Je pense que c'est la même chose pour les mortiers.
00:47 Premièrement, il y a un plaisir de faire quelque chose d'interdit sans risquer la sanction.
00:51 Vous brûlez un cahier dans la cour de récréation
00:53 pendant que vous risquez encore d'avoir un avertissement disciplinaire,
00:57 d'avoir un mauvais bulletin à la fin du trimestre.
01:00 Vous prenez des risques.
01:01 Une fois que l'année est finie, vous ne prenez plus de risques.
01:03 Vous ne pouvez plus être envoyé.
01:04 Exactement.
01:05 Donc il y a ce plaisir-là, si vous voulez, comme l'anneau de Giges dans Platon,
01:08 de faire le mal sans être puni.
01:10 Et deuxièmement, il y a quelque chose que je trouve plus grave que ça,
01:12 c'est que ça, c'est l'expression d'une pulsion de vengeance.
01:15 Que ce soit, alors peut-être pas les oeufs, mais brûler son cahier.
01:18 C'est vraiment ça.
01:20 J'en ai bavé pendant toutes mes années de lycée ou de collège.
01:22 Donc là, je prends un plaisir à dire voilà, je vous brûle votre cahier.
01:25 Et pareil pour le mortier dans la cour.
01:27 Et si vous voulez, je trouve ça extrêmement triste
01:29 qu'à la fin du lycée ou à la fin du collège ou à la fin d'une année scolaire,
01:31 la pulsion qui puisse investir les élèves, ce n'est pas la gratitude.
01:34 Ce n'est pas la joie.
01:35 Ce n'est pas la joie d'avoir appris.
01:37 Ce n'est pas la joie de rentrer dans la vie active
01:38 quand on sort ou dans les études, quand on sort de la terminale
01:40 avec, si vous voulez, un bagage intellectuel et humain et celui de l'école.
01:44 Mais c'est la vengeance.
01:46 Et que si vous voulez, on puisse, certains puissent avoir
01:48 des pulsions de vengeance à la fin de leur scolarité,
01:50 ça en dit très, très long d'une crise de sens à l'école.
01:53 [Musique]
01:56 [Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org]

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