• il y a 2 ans
Création des personnages, des actions, des décors : C'est LUI qui a créée de A à Z, le jeu Prince of Persia. Alors qui de mieux que le créateur Jordan Mechner, pour nous raconter la folle histoire de ce jeu culte.

Spoiler : Prince of Persia était (au début) un échec total

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00:00 Donc Prince of Persia est sorti.
00:01 C'était un échec.
00:03 Je croyais que c'était fini.
00:04 Bonjour, Konbini.
00:05 Je suis Jordan Mechner
00:06 et je vais vous raconter la folle histoire de Prince of Persia.
00:09 Bon, j'avais 13 ans.
00:12 J'adorais la BD.
00:13 Je voulais faire des dessins animés,
00:15 mais un jour, je suis allé chez un copain
00:17 qui avait un ordinateur Apple II.
00:19 Du coup, j'étais obsédé.
00:21 Je voulais absolument avoir un ordinateur.
00:22 J'ai fait des caricatures dans les foires locales
00:25 pour m'acheter mon premier Apple II.
00:28 Il avait 16 kilobits.
00:29 Et j'étais addict à Space Invaders.
00:32 Mais encore mieux, je pouvais programmer des jeux.
00:34 Donc je me suis mis à la programmation.
00:36 J'ai passé deux ans à faire des copies des jeux d'arcade,
00:39 comme Asteroid.
00:41 À l'époque, la programmation,
00:42 tout était vraiment fait à la main.
00:45 D'abord sur papier, après on tapait les lignes de code.
00:48 Et le graphisme, il fallait le faire pixel par pixel
00:51 sur du papier carré.
00:52 Depuis le début, j'avais envie de faire un jeu de succès.
00:56 Donc de devenir un auteur de jeux vidéo
00:58 comme le créateur de Space Invaders.
01:00 J'ai commencé l'université en 1981.
01:03 Et j'ai amené mon Apple II à l'université.
01:06 On pouvait déjà aller aux boutiques informatiques
01:09 où on pouvait acheter des jeux vidéo sur cassette ou sur disquette.
01:12 Donc chez moi, je programmais des jeux.
01:14 Quand un jeu était fini, je l'ai mis sur une disquette
01:17 et j'ai envoyé par la poste à l'éditeur.
01:19 Et j'ai attendu la réponse.
01:20 OK, fast forward.
01:22 Je suis sorti de l'université.
01:25 J'avais 21 ans.
01:26 Et j'avais déjà publié mon premier jeu qui s'appelait Karateka.
01:29 Un jeu de combat.
01:31 Et Karateka a eu un succès.
01:33 Donc grâce à ça, j'avais la possibilité de choisir mon prochain projet.
01:37 J'avais l'idée de faire un jeu de plateforme.
01:40 À l'époque, j'étais addict à un jeu qui s'appelait Lode Runner.
01:43 Où on courait, on sautait.
01:45 Il fallait éviter les ennemis et résoudre des énigmes.
01:49 À l'époque, ils sortaient ce film Indiana Jones.
01:52 Dans les dix premières minutes du film,
01:54 il y a Indiana Jones qui court, qui grimpe.
01:56 Et quand il saute, il n'arrive pas.
01:58 Donc il se tient par les mains, parvient à grimper pour se sauver.
02:02 Et je me dis, mais c'est exactement les mouvements qu'on fait dans un jeu de plateforme.
02:06 Mais là, au lieu de faire "boing, boing, boing",
02:08 on sent qu'il a du poids,
02:10 que c'est un être humain qui est en danger.
02:12 Je voulais mettre cette sensation de vitesse, de poids, de danger
02:17 dans un jeu de plateforme.
02:18 Je voulais voir une inertie dans l'animation.
02:20 Et ça, c'était l'idée de base du Prince of Persia.
02:23 On était en 1985, quand je suis sorti de l'université.
02:27 Et j'ai commencé à faire des croquis,
02:29 d'imaginer ce que deviendrait Prince of Persia.
02:32 Et j'ai filmé mon frère, qui avait 15 ans à l'époque.
02:35 On est allé au parking de notre lycée.
02:38 Je lui ai mis dans un pyjama et je lui ai demandé de courir,
02:42 de grimper, de sauter, de faire tous les mouvements
02:45 que j'imaginais que j'aurais besoin pour faire ce jeu.
02:48 Quand j'ai fait mes premiers essais d'animation,
02:50 dessiner et faire des dessins animés,
02:53 c'est deux choses différentes, parce que je n'étais pas animateur.
02:55 Et oui, c'était pour mon jeu précédent, Karateka,
02:58 que j'avais fait de la rotoscopie avec pellicule.
03:00 J'ai pris une caméra Super 8.
03:02 Et pour Prince of Persia, il y avait une nouvelle technologie
03:04 qui s'appelait VHS.
03:06 Donc, quand j'ai filmé mon frère,
03:08 avec un appareil de photo à 35 mm normal,
03:11 j'ai pris des photos de la télé.
03:13 Donc, j'ai fait "clic", puis j'ai avancé la vidéo.
03:17 "Clic", j'ai pris une deuxième photo.
03:18 Résumé, j'ai filmé mon frère en vidéo,
03:21 puis j'ai pris des photos du vidéo.
03:24 J'ai dessiné sur les photos.
03:27 J'ai capturé les photos en vidéo, en noir et blanc,
03:30 pour les mettre dans l'ordinateur.
03:31 Le jeu que j'étais en train de faire avait déjà son budget.
03:34 Heureusement, je n'ai pas dû payer mon frère pour la motion capture.
03:38 Lui, il l'a fait gratis.
03:39 Oui, tout ce processus-là, ça a pris des semaines.
03:42 Mais à la fin, quand j'ai mis les images en séquence
03:45 sur l'écran de l'Apple II, il y avait mon frère
03:47 ou un petit personnage qui ressemblait à mon frère en silhouette,
03:50 qui courait, qui grimpait, et c'était magique.
03:53 Alors, j'avais besoin d'un cadre narratif, d'un univers pour ce jeu,
03:58 et j'ai choisi "Les mille et une nuits".
04:00 C'était des contes que j'avais vus dans des films hollywoodiens,
04:03 dans des contes d'enfance.
04:05 Dans les films hollywoodiens, c'était riche,
04:07 mais sur l'écran d'Apple II, on n'avait que quatre couleurs,
04:10 et les pixels étaient très grands.
04:12 Si on fait une arche, on a quelques décors,
04:15 déjà, ça invoque la Perse.
04:17 Et on est dans l'ambiance.
04:18 Mais il fallait de la musique.
04:19 C'est très important dans les films, la musique.
04:21 Et mon père, qui est psychologue, mais il est aussi pianiste,
04:26 donc mon père m'a proposé de composer la musique.
04:29 Il y avait mon frère et mon père qui m'ont aidé,
04:31 mais pour la programmation, j'étais seul, donc ça a pris du temps.
04:34 J'étais conscient de l'horloge qui avançait,
04:37 parce que ça va vite, l'industrie des jeux vidéo,
04:41 et j'avais peur que, quand je finirais mon jeu,
04:43 que l'industrie serait déjà avancée
04:46 et aurait dépassé ce que j'étais en train de faire.
04:48 On était en 88, le jeu était presque fini,
04:51 mais il y avait un problème.
04:52 Quand j'ai montré le jeu à ma collègue Tommy,
04:55 qui me donnait toujours des bons conseils,
04:57 elle a joué pendant trois minutes,
04:59 et elle m'a dit « Bon, l'animation est cool,
05:00 mais il n'y a pas de jeu. »
05:01 Comment ça, il n'y a pas de jeu ?
05:02 Il y a des pics, il y a des pièges,
05:06 c'est très dangereux tout ça.
05:07 Elle a dit « Non, il faut des ennemis, il faut du combat. »
05:09 Je ne peux pas faire du combat,
05:10 parce que la mémoire de l'Apple II est remplie.
05:13 Toutes ces animations, toutes ces images
05:15 de mon frère qui sautait, qui courait,
05:17 donc il n'y avait pas de place pour créer des ennemis.
05:20 J'ai fait ce que je pouvais,
05:21 et chaque fois que je lui ai montré la nouvelle version du jeu,
05:23 elle m'a dit « Des combats, des combats. »
05:25 J'ai trouvé une astuce sur l'Apple II,
05:27 j'ai trouvé une façon de créer une silhouette,
05:29 de faire une sorte d'image miroir.
05:31 Donc au lieu d'être en pyjama blanc,
05:34 il était noir.
05:35 C'était un personnage un peu mystérieux
05:37 qui était comme le double maléfique de l'héros.
05:40 Il s'appelait Shadow Man.
05:41 Et du coup, on avait notre ennemi.
05:43 Quand j'ai vu les deux personnages ensemble
05:45 sur l'écran dans le donjon, l'héros et Shadow Man,
05:47 je me suis dit « Ok, il faut absolument trouver une façon
05:51 d'avoir des combats. »
05:52 J'ai refait la moitié du jeu
05:53 pour prendre moins de place dans la mémoire,
05:56 et j'ai réussi à mettre des gardes des ennemis du palais.
06:00 J'ai pris encore des images en rotoscopie
06:03 de l'un de mes films préférés, Robin des Bois.
06:05 Prince of Persia avait des combats.
06:07 Et maintenant, c'était un vrai jeu qui était passionnant.
06:10 Enfin, Prince of Persia était presque fini.
06:13 On était en 89.
06:14 Donc j'avais pris presque quatre ans pour faire ce jeu.
06:21 Et le problème, c'était que l'Apple II était déjà vieux.
06:24 Il y avait le Mac, le Macintosh qui était sorti.
06:27 Il y avait des nouveaux PC beaucoup plus puissants.
06:29 Donc j'avais fait Prince of Persia
06:30 pour un ancien ordinateur qui était en train de disparaître.
06:33 Donc Prince of Persia est sorti.
06:35 C'était un échec.
06:36 Personne ne l'achetait.
06:37 J'étais un peu désespéré.
06:39 Je venais de bosser quatre ans sur ce jeu,
06:41 qui semblait que Prince of Persia allait disparaître.
06:43 Prince of Persia a été sauvé par une chose
06:45 qui serait impossible aujourd'hui.
06:47 Mon éditeur, Brotherbund, avait sorti le jeu aux USA.
06:50 Il avait vendu les droits étrangers
06:52 sur une dizaine d'autres sociétés.
06:54 Donc il y avait un éditeur en Angleterre.
06:57 Il y avait un éditeur au Japon.
06:59 Puis pour les versions Sega, Nintendo,
07:02 tous étaient des éditeurs différents.
07:03 C'était en 92 que ces autres versions-là
07:06 ont commencé à sortir dans tous les pays.
07:08 L'éditeur était étonné
07:09 parce qu'il y avait certaines versions
07:11 qui ont fait carton.
07:12 Il a eu de grands succès.
07:13 Mais la version originale PC,
07:15 personne ne l'achetait.
07:16 Quatre ans après la sortie originale de Prince of Persia,
07:19 le programmeur responsable pour la version Macintosh
07:22 a fini son travail.
07:23 Il avait deux ans de retard,
07:24 mais finalement c'était la chance
07:25 parce qu'entre-temps,
07:27 le Macintosh avait sorti des versions
07:29 avec des écrans en couleur.
07:30 Il n'y avait pas de jeu pour le Macintosh.
07:32 Donc avec Prince of Persia,
07:33 on avait un jeu Macintosh
07:34 d'animation fluide en couleur.
07:36 Donc Brotherbund a ressorti la version PC
07:40 et la version Macintosh
07:41 dans une nouvelle boîte
07:42 qui avait une forme de sablier.
07:44 C'était le même jeu,
07:45 mais la boîte était différente.
07:46 Prince of Persia est devenu un grand succès
07:48 et sur PC et sur Mac en 1992.
07:52 Et après, il y avait une suite en 93.
07:55 Prince of Persia 2,
07:56 The Shadow and the Flame.
07:57 Au moins aux États-Unis,
08:01 on ne parlait pas des jeux vidéo
08:03 sur la télé ou la radio.
08:04 C'était un truc de geek.
08:06 Ce n'était pas encore mainstream.
08:08 La première fois que j'avais l'impression
08:10 que Prince of Persia était vraiment connu,
08:12 c'était en France.
08:13 Je suis Américain, évidemment.
08:14 J'ai fait une visite à Paris
08:16 et j'ai vu que dans les magazines français
08:19 des jeux vidéo,
08:20 on parlait de Prince of Persia.
08:21 J'ai fait mes premières interviews de presse
08:24 avec des journalistes français.
08:25 Et quand Prince of Persia 2 est sorti,
08:27 c'était des magazines comme Tilt
08:28 et Génération 4 qui ont parlé le plus.
08:30 Prince of Persia 1 et 2 ont été des succès.
08:33 Et puis ça a arrêté là.
08:34 Parce qu'en 93,
08:36 il y a Doom qui est sorti.
08:37 Super grand succès en 3D.
08:42 Donc les jeux 2D, c'était du passé.
08:44 J'étais en train de préparer
08:46 le troisième épisode du jeu 2D.
08:48 C'était annulé.
08:49 Les éditeurs, les joueurs,
08:50 personne ne s'intéressait au jeu 2D
08:52 à ce moment-là.
08:53 L'éditeur a fait une version en 3D.
08:55 Ça n'a pas marché.
08:55 Comme une personnage de jeu vidéo,
08:57 Prince of Persia a eu ses deux vies,
08:59 mais la troisième vie, il est mort.
09:00 Je croyais que c'était fini.
09:02 C'était en 2000.
09:03 J'ai été contacté par Ubisoft,
09:04 une nouvelle studio de jeux vidéo français,
09:07 qui voulait faire une nouvelle version
09:09 de Prince of Persia
09:10 pour la nouvelle génération
09:11 de consoles PlayStation.
09:13 J'ai accepté.
09:13 Je suis allé à Montréal
09:14 et j'ai travaillé avec une super équipe.
09:16 On a fait Prince of Persia,
09:17 The Sands of Time.
09:18 En 2003, Prince of Persia
09:20 ne s'était pas attendu.
09:21 C'était plutôt un ancien jeu
09:23 d'une autre génération.
09:24 On ne savait pas si ça allait marcher ou pas.
09:26 Mais avec Sands of Time,
09:27 quand on a vu les réponses à l'E3,
09:29 on a compris qu'on avait
09:30 quelque chose de spécial.
09:31 Prince of Persia, The Sands of Time
09:33 était l'un des grands succès de l'E3.
09:35 On a sorti ce jeu cette année.
09:38 Et Prince of Persia a été un succès
09:40 pour la deuxième fois.
09:41 Personne ne sait ce qui va réussir.
09:46 Quand on bosse fort sur un projet
09:48 pendant des années,
09:49 on rêve de succès.
09:50 On imagine que ce sera
09:52 quelque chose de formidable,
09:53 que tout le monde va découvrir
09:55 et aimer et s'en souvenir.
09:57 Mais on sait aussi que c'est possible
09:58 qu'on travaille pour faire un truc
10:00 qui sera pour nous,
10:01 pour quelques amis et pour la famille,
10:03 mais les autres ne vont jamais le découvrir.
10:05 Les deux sont possibles.
10:06 On ne sait jamais quel sera le destin.
10:09 Il faut juste faire notre mieux
10:10 avec amour, avec sincérité.
10:13 Essayer de faire quelque chose
10:14 qui marche pour nous.
10:15 [Musique]
10:18 [Musique]

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