Est-ce que tous les sujets compliqués peuvent être expliqués à tout le monde ?
C’est le pari de « T’as capté? », où un spécialiste vient décrypter en 4 niveaux de complexités, un sujet scientifique.
C’est le pari de « T’as capté? », où un spécialiste vient décrypter en 4 niveaux de complexités, un sujet scientifique.
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00:00 Je suis le professeur Isabelle Arnulf, je suis neurologue
00:03 et je suis chef du service des pathologies du sommeil
00:05 à l'hôpital Pitié-Salpêtrière à Paris
00:07 et chercheuse à l'Institut du cerveau de Paris.
00:10 Aujourd'hui, on est sur "T'as capté ?", l'émission scientifique de Clique
00:15 et je vais vous donner le point de vue scientifique sur les rêves actuellement.
00:28 Le rêve, on le définit comme toutes les productions mentales du cerveau
00:32 pendant le sommeil dont on se rappelle au réveil.
00:34 Ça inclut non seulement les grandes histoires, les scénarios
00:37 avec beaucoup d'émotions et d'images qui ressemblent à des films,
00:41 mais aussi des simples pensées ou des émotions
00:44 qu'on éprouve pendant le sommeil et dont on se rappelle au réveil.
00:46 Les rêves sont des processus mentaux involontaires,
00:50 ils sont massivement liés à nos souvenirs, à ce qu'on a vécu,
00:54 mais pas toujours, puisque par exemple, on est capable de voler en rêve
00:57 alors qu'on ne l'a jamais fait dans la réalité.
00:59 On dort à peu près 7 heures, à l'intérieur de ces 7 heures,
01:02 on recueille des rêves pendant environ 5 heures.
01:06 Que ce soit dans la phase de sommeil lent ou dans la phase de sommeil paradoxal,
01:10 on active préférentiellement l'arrière du cerveau,
01:13 c'est-à-dire les régions où se projettent les images en éveil
01:17 et les régions où il y a plutôt les émotions.
01:20 Est-ce que tout le monde rêve ?
01:21 Oui, absolument, même ceux qui ne se rappellent pas de leurs rêves,
01:24 et ça, on l'a montré en montrant que ceux qui ne se rappellent d'aucun rêve
01:28 étaient quand même capables de rigoler dans leur sommeil,
01:31 de parler, donc d'avoir une autre vie mentale.
01:34 Mais on sait aussi que les animaux rêvent,
01:37 alors ils ne vont pas nous le raconter, bien sûr,
01:39 mais certains animaux bougent dans leur sommeil comme s'ils rêvaient,
01:43 par exemple les chiens peuvent courir sur le côté,
01:46 certains oiseaux, certains perroquets parlent dans leur sommeil,
01:49 et comme ils ont les mêmes phases de sommeil que les êtres humains,
01:52 on pense fortement qu'ils rêvent.
01:55 Les outils dont on dispose pour étudier les rêves
01:57 sont tout d'abord le récit du dormeur au réveil,
02:00 avec un papier et un crayon ou un dictaphone,
02:03 et là on recueille déjà énormément d'informations,
02:05 on peut faire beaucoup de recherches avec un papier et un crayon.
02:09 Seulement, on oublie une partie de nos rêves,
02:11 et puis parfois on reconstitue l'histoire, elle n'était pas exacte,
02:15 donc on a besoin aussi, nous comme chercheurs,
02:17 d'aller regarder le rêve au moment où il se produit,
02:20 pendant le sommeil, pas après le réveil.
02:23 Pour ça, on a besoin à la fois d'enregistrer l'activité du cerveau,
02:27 on place des capteurs sur la tête, des électrodes,
02:30 qui vont enregistrer quelle région s'active, s'inactive,
02:34 mais on peut aussi bénéficier d'un certain nombre de modèles
02:38 où on accède directement aux rêves au moment où ils se passent,
02:41 et ces modèles, c'est les gens qui parlent en dormant,
02:45 qui gesticulent en dormant,
02:46 qui ont des expressions de rire ou de pleurs sur le visage,
02:50 ou qui sont au contraire bien paralysés,
02:52 mais qui ont la capacité de diriger leurs rêves et de nous envoyer des signaux,
02:57 on appelle ça le rêve lucide.
02:59 Le sommeil est constitué de différents états
03:06 qui sont un petit peu comme des legos qui s'accumulent la nuit.
03:09 Tout d'abord, quand on ferme les yeux et qu'on commence à s'endormir,
03:13 on appelle cela le sommeil lent léger N1, la toute première phase de sommeil.
03:20 Celle-ci, on a encore quelques images au début qu'on choisit
03:24 et ensuite qu'on ne choisit plus,
03:26 on appelle ça l'imagerie hypnagogique qui amène le sommeil.
03:29 Et puis ensuite, on tombe dans une phase un peu moins consciente
03:32 qu'on appelle le sommeil lent léger stade 2 ou N2,
03:36 et ça va durer une grande partie du début de la nuit.
03:40 Et ensuite, on approfondit le sommeil et on va dans une phase encore plus profonde,
03:44 le sommeil lent profond N3,
03:47 pendant lequel on consolide principalement nos souvenirs,
03:51 tout ce qui s'est passé la veille.
03:52 Et puis au bout d'une heure et demie environ,
03:54 on va atteindre une phase de sommeil complètement différente
03:57 qu'on appelle le sommeil paradoxal.
03:59 Cette fois-ci, le cerveau semble se réactiver,
04:03 les yeux bougent sous les paupières,
04:05 mais en même temps qu'il y a cette réactivation,
04:07 le corps est complètement paralysé et non réactif,
04:11 il met du temps à réagir.
04:13 C'est pour ça qu'on trouve qu'il y a un paradoxe
04:15 entre un cerveau très activé et un corps très endormi.
04:18 Et ce nom et cette découverte de ce stade,
04:21 on la doit à Michel Jouvet, qui était un chercheur français à Lyon,
04:24 qui travaillait sur le sommeil des chats,
04:26 qui sont des très grands dormeurs et probablement des très grands rêveurs.
04:30 Ces différentes phases de sommeil,
04:32 donc N1, l'endormissement, N2, le sommeil lent léger,
04:35 N3, le profond, puis le sommeil paradoxal,
04:38 ça constitue un premier bloc qu'on appelle un cycle de sommeil.
04:42 Ça dure une heure et demie environ.
04:44 Et ensuite, au cours de la nuit, on va en faire entre 3 et 5,
04:48 avec parfois des réveils entre, au milieu ou entre les cycles.
04:52 Le sommeil paradoxal qui nous intéresse un peu plus
04:54 parce qu'on y rêve beaucoup plus.
04:56 Il est particulier à la fois parce que le cerveau est activé,
05:01 ça ressemble un peu à de l'éveil ou au moins à de l'endormissement
05:04 sur une activité cérébrale.
05:06 Et certaines régions du cerveau sont plus activées que d'autres.
05:10 Par exemple, les régions visuelles sont très activées,
05:13 on pense que c'est à cause de ça qu'il y a beaucoup d'images en rêve.
05:16 Les régions des émotions, ce qu'on appelle les amygdales, sont très activées.
05:20 Et on pense que c'est pour ça qu'il y a énormément d'émotions dans cette phase-là.
05:23 Et en même temps, la région frontale, qui est l'avant du cerveau,
05:27 elle est beaucoup moins activée.
05:29 Et c'est celle qui nous fait raisonner,
05:32 réfléchir sur ce qui est en train de se passer.
05:34 Et on pense que sa déactivation fait que ça libère une partie du cerveau
05:40 plus postérieure, plus en arrière,
05:42 qui lui permet de créer des scénarios qu'il ne va pas trop critiquer
05:45 et sur lesquels on n'a pas de maîtrise.
05:47 Ça, c'est les éléments à l'intérieur du cerveau.
05:50 À l'extérieur du corps, on voit les yeux bouger sous les paupières fermées,
05:54 les tympans battent comme s'ils entendaient des sons,
05:57 et en même temps, le corps est complètement paralysé,
06:00 on est mou comme des poupées de chiffon.
06:02 Et il y a une érection chez les hommes à ce moment-là,
06:05 même s'il n'y a pas de contenu érotique au rêve.
06:08 Juste à l'endormissement, on a surtout des images qui défilent,
06:12 elles peuvent être un petit peu comme des losanges ou des croix,
06:15 et puis ensuite devenir des images formées.
06:17 Au début, on peut les choisir, chacun a sa manière de s'endormir,
06:20 et puis ensuite, elles s'imposent à nous.
06:22 Ensuite, quand on réveille les dormeurs dans la phase N2,
06:25 on a des rêves assez ordinaires,
06:27 avec des amis, c'est pas très détaillé,
06:29 il y a peu d'émotions, et il n'y a pas de long scénario.
06:32 En phase N3, on a un peu du mal à avoir des récits,
06:35 la plupart des gens sont complètement confus quand on les réveille,
06:38 et en sommeil paradoxal, là, on a des très longs récits
06:42 qui sont très immersifs, où la personne court, bouge,
06:45 peut raconter 4-5 scènes différentes,
06:48 très riches en émotions, évidemment,
06:51 parfois sans queue ni tête,
06:53 et c'est plus bizarre, les rêves de sommeil paradoxal,
06:56 que dans le sommeil lent.
06:57 En ce moment, je fais toujours le même rêve,
06:59 je nage dans la Seine, tout d'un coup, j'envole un rat,
07:01 alors j'étouffe, et puis je coule,
07:02 et en bas, il y a des huîtres, elles m'attrapent les chevilles,
07:04 alors je vomis le rat sur les huîtres,
07:05 le rat, il attaque les huîtres,
07:06 je remonte à la surface, je prends une péniche de la tête,
07:08 et là, je me réveille.
07:09 Donc, une façon de réfléchir du cerveau,
07:12 de créer des choses, qui est très différente
07:14 entre l'endormissement et le sommeil paradoxal
07:16 au bout d'une heure et demie.
07:18 Il y a des personnes qui se souviennent très bien de leurs rêves,
07:20 et d'autres non.
07:21 Par exemple, les femmes se souviennent plus de leurs rêves que les hommes,
07:25 les adolescents plus que les adultes,
07:27 et évidemment, en vieillissant, on a moins de souvenirs de rêve.
07:30 Ça ne veut pas dire qu'elles ne rêvent pas,
07:31 ça veut juste dire qu'elles s'en souviennent moins.
07:33 On ne sait pas toutes les caractéristiques
07:35 qui font qu'un tel est un grand rêveur,
07:37 ou une telle est une petite rêveuse,
07:40 mais il y a des éléments,
07:42 tels que, par exemple, l'intérêt qu'on a pour le rêve,
07:45 le fait de les marquer, d'essayer de les retenir,
07:49 avec un papier-crayon.
07:50 Au bout de 15 jours, les rêves reviennent bien de plus en plus,
07:53 le fait d'y prêter attention.
07:55 Et puis, d'une manière générale,
07:56 les grands rêveurs sont des gens qui prêtent plus attention
07:59 aux choses en général.
08:01 On trouve aussi chez les grands rêveurs
08:03 plus de personnes créatives,
08:05 peut-être parce qu'elles se souviennent mieux
08:07 des images qu'elles ont en rêve.
08:08 La fréquence de souvenirs de rêve n'est pas liée
08:11 au fait d'être très imaginatif ou pas.
08:13 Elle est beaucoup liée à l'intérêt qu'on a pour les rêves.
08:16 Et puis, dernière chose,
08:17 les personnes qui ont beaucoup d'imagination dans la journée
08:20 n'ont pas plus de rêve la nuit.
08:22 Par contre, si on nous réveille plus souvent la nuit,
08:25 on va enregistrer plus nos rêves et plus son souvenir.
08:28 Donc, certaines nuits où on a beaucoup rêvé,
08:30 ça peut être parce qu'on est dans un autre endroit
08:32 et qu'on s'est réveillé plus souvent.
08:34 [musique]
08:51 Thank you!
08:53 [coup de feu]
08:54 Ah!
09:03 Le somnambulisme, ce sont des personnes
09:05 qui sont capables, en début de nuit,
09:07 alors qu'elles sont endormies,
09:08 d'ouvrir les yeux, de s'asseoir sur le lit,
09:11 souvent de se lever et de manipuler l'environnement.
09:13 Elles ont l'air éveillées, elles ont les yeux ouverts,
09:15 mais il y a un regard bizarre.
09:17 Et elles sont capables, par contre,
09:18 de manipuler correctement l'environnement,
09:20 par exemple d'envoyer un texto
09:22 ou d'ouvrir des fenêtres, malheureusement.
09:26 Alors, c'est très fréquent, le somnambulisme,
09:28 chez l'enfant.
09:29 Ça perd de l'espoir,
09:30 c'est très fréquent, le somnambulisme,
09:32 chez l'enfant.
09:33 Ça persiste chez le jeune adulte,
09:35 chez environ 2% de la population,
09:37 donc c'est pas si rare que ça.
09:39 Le somnambulisme survient,
09:40 non pas dans la phase de sommeil paradoxale,
09:42 comme on pourrait le croire,
09:43 mais dans la phase de sommeil lent, profond.
09:46 C'est un éveil à moitié du cerveau,
09:48 c'est un état hybride.
09:50 La partie avant du cerveau est endormie
09:52 et la partie arrière,
09:53 qui dirige la motricité, la vision, etc.,
09:56 est éveillée.
09:57 On évite de réveiller les somnambules
09:59 parce qu'ils sont confus,
10:00 ils sont dans un état intermédiaire.
10:01 Alors évidemment,
10:02 s'ils sont en train de sauter par la fenêtre,
10:03 on les réveille, on les attrape,
10:04 on les recolle au lit.
10:05 Mais sinon, il faut plutôt les ramener
10:07 en leur parlant calmement vers le lit.
10:10 Le somnambulisme est très fréquent
10:11 dans la population générale.
10:13 C'est très familial,
10:14 ça se transmet dans les familles,
10:16 comme le fait de parler en dormant
10:17 ou de crier la nuit.
10:19 C'est un phénomène plutôt de jeunesse,
10:21 ça a tendance à disparaître en prenant de l'âge.
10:23 Les épisodes de somnambulisme
10:25 peuvent être favorisés par le fait
10:26 d'avoir eu des choses un peu stressantes
10:28 pendant la journée.
10:29 Dans la mesure où notre sommeil
10:30 métabolise, digère les émotions,
10:33 on fait plus d'épisodes de somnambulisme
10:36 si on est un petit peu inquiet.
10:38 Du coup, on peut améliorer le somnambulisme
10:41 en travaillant sur le stress,
10:42 en faisant de la relaxation,
10:44 voire dans les cas un peu plus sévères,
10:45 en faisant de l'hypnose.
10:46 On ne connaît pas les fonctions du rêve,
10:52 mais il y a 5 fonctions hypothétiques,
10:55 actuellement.
10:56 Le premier, c'est que le rêve
10:58 serve, comme le sommeil en général,
11:00 à mémoriser les souvenirs de la journée.
11:02 On a beaucoup d'arguments pour dire
11:04 qu'on reprend dans nos rêves
11:06 des éléments de la veille.
11:08 La deuxième fonction possible,
11:10 c'est la régulation des émotions.
11:12 Par exemple, quand vous recevez
11:13 un message très désagréable,
11:15 si vous répondez tout de suite dans la journée,
11:17 vous risquez d'être aussi désagréable
11:19 que la personne qui vous a adressé ce message.
11:21 Si on dort dessus,
11:23 on a plus de chances de faire
11:24 une réponse rationnelle et pas émotionnelle
11:26 le lendemain matin.
11:28 On sait que c'est le rôle du sommeil en général.
11:31 On pense que le rêve joue un rôle
11:33 dans cette régulation,
11:34 parce que c'est une espèce de théâtre mental
11:36 dans lequel on peut dire tout ce qu'on veut dire
11:38 à la personne qui nous a agressés
11:40 dans la journée,
11:41 et peut-être digérer un peu
11:43 l'émotion négative qui s'est passée.
11:46 On a beaucoup d'arguments pour penser
11:48 que ce sont les rêves de sommeil paradoxal,
11:50 ceux où il y a beaucoup d'émotions,
11:51 qui nous servent à éteindre,
11:54 en quelque sorte à digérer
11:55 ces émotions négatives.
11:57 La troisième fonction,
11:59 c'est la simulation de la menace.
12:01 C'est le chercheur Révenciaux
12:02 qui l'a suggéré.
12:04 Contrairement à ce qu'on peut penser,
12:05 beaucoup de nos rêves ne sont pas agréables.
12:07 Environ deux tiers des rêves sont compliqués,
12:10 nous mettent en difficulté.
12:12 Par exemple,
12:13 la chauffeur de taxi ne trouve plus les routes,
12:15 un étudiant ne va plus pouvoir répondre à ses cours,
12:18 ou avoir le syndrome de la feuille blanche.
12:21 Révenciaux postule que si on a des choses
12:25 comme ça qui nous mettent en difficulté,
12:28 peut-être que ces réalités alternatives
12:31 un peu complexes nous permettent
12:34 d'expérimenter un certain nombre de menaces
12:36 et de mieux y faire face dans la journée.
12:39 Si on s'est entraîné dans nos rêves,
12:42 qui sont une espèce d'espace virtuel
12:44 dans lequel on croit vraiment ce qui se passe
12:46 et on bouge mentalement comme un grand jeu vidéo,
12:49 si on s'est entraîné en rêve à contrer une menace,
12:53 on risque d'être plus performant dans la journée.
12:56 Révenciaux pense que c'est une fonction darwinienne
13:00 qu'elle s'est développée avec l'évolution
13:02 et que ceux qui étaient bons pour l'avoir
13:04 pendant leur sommeil ont mieux protégé leurs petits.
13:06 Par exemple, les jeunes mères de famille
13:08 rêvent souvent que leur bébé est en danger
13:10 et elles vont tendre les bras pour sauver le bébé
13:14 qui est en train de tomber du lit, par exemple.
13:16 Elles le font d'ailleurs souvent aussi
13:18 dans la réalité, dans leur sommeil.
13:20 Peut-être qu'elles ont mieux protégé leurs petits
13:22 et que c'est normal de garder cela.
13:24 Ça, c'est la troisième fonction possible des rêves.
13:27 La quatrième, c'est la possibilité
13:29 de se mettre à la place des autres.
13:31 Une fonction qu'on appelle l'empathie.
13:33 On peut soutenir cette hypothèse, cette fonction,
13:37 parce qu'on est capable d'être quelqu'un d'autre dans nos rêves.
13:40 Par exemple, je me rappelle de ce patient
13:42 qui avait vu "Il faut sauver le soldat Ryan"
13:44 avant de dormir et qui était lui-même somnambule.
13:47 Et qu'est-ce qu'il a fait pendant ses rêves de somnambulisme ?
13:49 Il a couru sous son lit, sur ses coudes,
13:51 comme s'il était sous les barbelés.
13:53 Donc, il s'est mis à la place du soldat Ryan.
13:56 Et certaines femmes peuvent être des hommes dans leurs rêves
13:59 parce qu'elles voient des hommes toute la journée.
14:02 Et nous qui avons travaillé sur les personnes privées de marche,
14:04 paraplégiques, on s'est rendu compte
14:06 qu'ils marchaient tous en rêve,
14:08 même ceux qui n'avaient jamais marché de leur vie.
14:10 Peut-être que c'est important de se mettre à la place des autres,
14:13 de vivre ce qui leur arrive,
14:15 pour mieux, dans la journée, les comprendre
14:18 et vivre en société.
14:20 La dernière fonction,
14:22 elle est surtout l'objet à l'origine d'anecdotes,
14:24 c'est la créativité.
14:26 Beaucoup de grands scientifiques et de grands artistes
14:28 disent qu'ils ont découvert, lors d'un rêve,
14:31 la grande découverte de leur vie.
14:33 Einstein dit qu'il a trouvé la relativité sur un rêve
14:36 avec une histoire de trois vaches.
14:38 - Ce découvreur de la machine à coudre,
14:40 il l'a trouvé en rêve, le système.
14:42 Il travaillait depuis longtemps sur la machine à coudre.
14:45 Il savait qu'il fallait une aiguille,
14:47 mais il n'arrivait pas à automatiser son système.
14:50 Et donc il a rêvé qu'il était dans un pays
14:53 où il y avait un roi qui lui disait
14:55 "Vous avez 24 heures pour me fabriquer une machine à coudre,
14:58 sinon je vous tue, je vous exécute."
15:01 Et il cherchait, il cherche, dans son rêve, il ne trouve pas.
15:04 Et donc le roi dit "Bon, il fait venir les lanciers
15:06 pour lui couper la tête."
15:08 Et à ce moment-là, la personne lève les yeux,
15:11 regarde dans la lance et voit le trou dans la pointe de la lance.
15:15 Et il a son eureka nocturne, il dit "Bon sang,
15:18 le trou dans la machine à coudre,
15:20 il ne faut pas le mettre dans le chat au bout de l'aiguille,
15:23 il faut le mettre dans la pointe de l'aiguille."
15:25 Et c'est typique d'associations qu'il n'a pas fait en éveil,
15:29 même s'il réfléchit depuis longtemps sur le problème,
15:32 et qui a envahi son sommeil et qui lui a permis,
15:35 probablement, de faire des associations auxquelles on ne pense pas
15:38 dans la journée.
15:40 Nos rêves reflètent notre quotidien,
16:01 ce sont beaucoup de souvenirs qu'on associe entre eux.
16:04 Ils sont principalement visuels,
16:07 mais c'est la fonction principale pendant l'éveil, notre vision.
16:11 La question se pose de personnes privées de vision,
16:14 les aveugles, de quoi rêvent-ils ?
16:16 Les aveugles rêvent beaucoup de sons, de sensations, de touchés,
16:20 et si on leur demande de dessiner leurs rêves,
16:23 ils vont dessiner ce que nous appellerions des images.
16:26 Mais pour eux, ce sont des images mentales,
16:28 c'est-à-dire que c'est la représentation en dessin
16:31 de tout ce qu'ils ont touché.
16:33 Ils vont dessiner un bonhomme,
16:35 ce n'est pas une image comme les bonhommes que nous on voit,
16:39 mais c'est la création mentale qu'ils ont faite
16:41 à partir de tout ce qu'ils touchaient.
16:43 Les personnes privées de marche, les paraplégiques,
16:46 sont capables de marcher en rêve.
16:49 On a pensé initialement que c'était lié au fait
16:52 qu'on a un programme de marche dans la tête qui est déjà tout prêt
16:55 et qui se développe à partir de un an,
16:58 quand les enfants commencent à marcher.
17:00 Sauf que les personnes paraplégiques sont aussi capables
17:03 de jardiner, de faire du vélo, de jouer au basket.
17:07 On a donc fait l'hypothèse, avec notre groupe,
17:11 que le fait de voir les autres marcher autour d'eux
17:14 est capable d'activer des cellules cérébrales
17:17 qu'on appelle les neurones miroirs.
17:19 Quand quelqu'un en face de moi fait comme ça,
17:23 moi, dans ma tête, je fais le même geste.
17:26 On a un système miroir qui est très utile pour la vie en société,
17:30 qui nous fait ressentir les mêmes gestes que les autres.
17:33 On peut donc penser que les paraplégiques réactivent
17:36 des neurones miroirs qui ont enregistré la marche chez les autres,
17:40 chez eux-mêmes, et se mettent à la place des autres.
17:43 Les rêves nous sont imposés, on ne les choisit pas.
17:45 On a l'impression que c'est une partie cachée de notre cerveau
17:48 qui les fabrique et qu'elle nous dit peut-être des choses
17:51 sur notre fonctionnement caché,
17:53 que l'on pourrait appeler l'inconscient ou le subconscient.
17:55 C'est pourquoi nous allons aborder dans le chapitre suivant
17:58 la possibilité que les rêves soient une porte sur l'inconscient.
18:01 L'idée qu'on réalise en rêve des désirs inconscients
18:09 est très forte depuis le XIXe siècle.
18:12 C'est une des idées phares de Sigmund Freud,
18:14 qui a eu beaucoup de succès en vulgarisation.
18:17 C'est l'idée aussi que peut-être nos rêves
18:20 pourraient nous apprendre quelque chose sur nous-mêmes
18:22 qu'on ne saurait pas en éveil.
18:24 Cette idée que l'on réalise les désirs inconscients en rêve
18:29 a été testée dans les années 50
18:31 par un certain nombre de chercheurs nord-américains
18:34 qui ont essayé de voir si on nous empêchait
18:36 de faire une chose dans la journée,
18:38 est-ce que c'était compensé en la faisant dans nos rêves.
18:41 La première expérience a consisté à empêcher de boire des personnes,
18:45 les privées d'eau, pendant 24 à 48 heures,
18:49 on ne peut pas plus, c'est dangereux au-delà.
18:51 Ensuite on les a laissé dormir et on a regardé
18:54 si dans leurs rêves apparaissaient des fontaines
18:56 ou si l'eau était beaucoup plus présente.
18:58 Ce n'était pas le cas.
19:00 L'expérience suivante, menée par Karakan,
19:02 a consisté à priver de sexe des hommes jeunes,
19:05 tout à fait vigoureux, pendant 15 jours,
19:08 donc assez longtemps, et à regarder si la nuit
19:10 il y avait un peu plus de rêves érotiques,
19:12 voire d'éjaculation, puisque ça peut arriver la nuit.
19:16 Eh bien non, pas du tout.
19:18 L'idée qu'on a plus dans nos nuits des choses
19:22 qui nous manquent dans la journée ne semble pas,
19:24 en tout cas, validée par les modèles actuels.
19:27 Un autre argument contre la théorie de Freud
19:29 est que quand on recueille systématiquement
19:31 les rêves chez tout le monde, et ça a été fait,
19:33 il y a des banques de rêves qui existent,
19:35 qui sont faites par plusieurs universités,
19:37 il n'y a pas beaucoup de rêves sexuels.
19:39 Il y a 2% des rêves des hommes et 0,5% des rêves des femmes,
19:42 4 fois moins chez les femmes, malheureusement,
19:44 qui sont sexuels.
19:46 Même si on va chercher des choses un petit peu indirectes,
19:49 on ne trouve pas grand-grande expression du sexe dans les rêves,
19:53 probablement beaucoup moins que les préoccupations d'Urna.
19:56 Comme les rêves sont bizarres,
19:58 et associent parfois des choses sans qu'une idée entre elles,
20:01 depuis la nuit des temps, on pense qu'ils voudraient dire autre chose
20:05 que ce qui est dit au premier plan,
20:07 qu'il y aurait une sorte de langage codé.
20:09 Vous allez trouver beaucoup de données du Moyen-Âge
20:13 sur des décodeurs de rêves,
20:16 des carnets qui vous disent
20:18 que si vous avez rêvé de perdre vos dents,
20:21 c'est parce que quelqu'un va mourir dans votre famille.
20:24 Il y a beaucoup de croyances autour d'un langage codé.
20:27 La vérité est probablement bien loin de tout ça.
20:31 Il y a des associations qui sont bizarres,
20:35 mais la plupart des rêves, 80%, sont ordinaires,
20:38 reproduisent notre quotidien.
20:40 On est avec des proches, on est au boulot,
20:43 et les choses déjantées sont plus rares que ce qu'on pense.
20:47 Mais elles nous intéressent.
20:49 C'est pour ça qu'on les raconte plus,
20:51 qu'on va dire "j'ai perdu toutes mes dents cette nuit".
20:54 "Presque tout le monde a fait ce rêve-là".
20:56 Comme on le raconte, on va plus s'en souvenir.
20:59 Mais si on réveille systématiquement les personnes,
21:02 beaucoup de rêves n'ont pas l'air anormaux
21:04 et semblent dire ce qu'ils veulent dire au premier degré.
21:07 Cette croyance qu'il faut interpréter le rêve,
21:09 qu'il veuille dire autre chose que par exemple
21:11 "une araignée, ça soit votre mère",
21:13 ce sont des croyances qui sont défendues par des gens
21:16 qui pensent au symbolisme ou à d'autres choses.
21:19 Ça n'est pas prouvé par la science actuellement.
21:22 Il n'y a pas d'interprétation des rêves valides actuellement.
21:25 Beaucoup de nos rêves sont négatifs.
21:27 On a des peurs, des surprises, des dégouts.
21:30 Mais généralement, on continue l'histoire.
21:33 On considère comme cauchemar un rêve à tonalité émotionnelle
21:37 très négative mais qui nous réveille.
21:39 Ce qui suggère que l'un des travaux du travail du rêve,
21:55 c'est vraiment de simuler des menaces,
21:59 de reprendre des choses émotionnellement difficiles.
22:02 Et ça doit se faire probablement de façon couverte.
22:05 Quand le contenu est tellement horrible
22:08 que ça réveille la personne,
22:10 c'est comme l'échec de ce processus de régulation émotionnelle.
22:14 En gros, un cauchemar, c'est un mauvais rêve qui a échoué.
22:18 [Explosion]
22:20 [Rugissement]
22:33 [Cri de douleur]
22:46 Quand on fait toujours le même cauchemar,
22:49 le cauchemar récurrent,
22:51 il a été découvert par les Canadiens,
22:54 une technique qui est extrêmement efficace pour les faire disparaître.
22:58 Cette technique consiste à se rappeler du cauchemar.
23:01 Souvent, on n'a pas très envie, c'est pas très agréable,
23:04 de s'en rappeler mentalement, éventuellement de l'écrire,
23:07 et de l'examiner pour voir dans quels éléments de la séquence,
23:11 comme un film, on pourrait changer quelque chose.
23:14 Par exemple, si c'est un personnage qui vous poursuit,
23:17 vous pouvez, à quel moment de l'histoire,
23:21 soit imaginer qu'il va se casser la figure,
23:25 ou qu'il se prend les pieds dans le tapis,
23:28 ou le transformer par un autre personnage.
23:31 Et ce nouveau scénario, comme un film alternatif,
23:34 que vous imaginez en éveil,
23:36 il faut le reproduire, le réimaginer, dans sa tête,
23:39 pas en écrivant, c'est de l'image, le rêve.
23:42 Le réimaginer en éveil avant de dormir,
23:45 3, 4, 5 soirs de suite,
23:47 et vous allez voir que ce nouveau scénario
23:50 va prendre la place de l'autre,
23:52 et du coup, ne plus provoquer de réveil.
23:54 C'est une des facultés du sommeil
23:56 de reprendre les choses qu'on a apprises avant de dormir
23:59 pour l'insérer dans les rêves.
24:01 Et on bénéficie de cette fonction de reprise du souvenir,
24:05 sauf que c'est un nouveau rêve que vous avez créé,
24:08 et donc on peut, petit à petit,
24:10 et assez rapidement, faire disparaître les mauvais rêves.
24:13 La rêverie éveillée est normalement de l'éveil.
24:17 L'imagination, que là, si je lève les yeux un petit peu au ciel,
24:22 et puis que j'imagine la tour Eiffel orange,
24:25 je suis encore réveillée.
24:27 Si ça dure longtemps et que je ferme les yeux,
24:29 je peux avoir des passages très très brefs
24:31 dans la phase d'endormissement,
24:33 qui dure quelques secondes, et me réveiller ensuite,
24:36 et du coup, avoir un état un petit peu intermédiaire
24:40 entre l'éveil et le sommeil,
24:42 dans lequel il y a beaucoup de production d'images,
24:44 ce qu'on appelle les hypnagogies.
24:46 Cet état intermédiaire entre l'éveil et le sommeil,
24:49 au moment où on s'endort,
24:51 c'est probablement un état très intéressant mentalement,
24:54 en particulier pour faire des associations ou des découvertes
24:57 qu'on ne ferait pas en réflexion forte.
25:00 Par exemple, le peintre Dali avait l'habitude
25:03 de se mettre dans une chaise avec une clé dans la main
25:06 ou une cuillère, et il pensait à toutes ses productions,
25:10 à ses futurs tableaux,
25:12 et au moment où la clé tombait sur le sol,
25:14 il notait les images qui passaient dans sa tête à ce moment-là.
25:17 Et nous avons essayé de reproduire cette expérience,
25:20 alors avec une bouteille qu'on tient,
25:23 et nous nous sommes rendus compte que le moment
25:25 où la bouteille tombe, où la clé tombe,
25:27 les personnes viennent de faire 30 secondes
25:30 d'endormissement, de stade N1,
25:33 et quand on fait faire un exercice juste avant,
25:38 on leur fait faire des équations,
25:40 puis qu'on les laisse se reposer 30 minutes avec la bouteille
25:43 et ensuite refaire l'exercice,
25:46 ceux qui ont laissé tomber la bouteille
25:49 vont avoir une capacité à résoudre les équations
25:53 bien plus fortes, surtout quand il y avait une règle cachée
25:57 dans nos équations, il y avait une façon lente de les résoudre,
26:00 et puis il y avait un eureka, et donc l'illumination,
26:04 cet eureka, a pu être produit par le fait d'atteindre
26:07 juste cette phase entre la veille et le sommeil.
26:11 Ceux qui se sont complètement endormis
26:13 ont perdu la capacité de faire la découverte.
26:15 Il faut donc essayer d'attraper cet état hybride
26:19 entre la réflexion de l'éveil et l'imagination du sommeil.
26:24 C'est un cocktail, il faut vraiment être moitié-moitié,
26:28 on le voit sur les ondes cérébrales,
26:30 pour arriver à avoir cette illumination.
26:32 C'est un exercice très facile à faire, que tout le monde peut faire.
26:35 Il faut évidemment s'être penché sur le problème avant,
26:38 ça ne va pas vous faire découvrir des choses
26:40 auxquelles vous ne réfléchissiez pas avant,
26:42 mais ça coûte une minute de sommeil.
26:46 [Musique]
27:15 Il y a un phénomène qu'on appelle le shifting,
27:17 qui est beaucoup développé chez les jeunes et les adolescents,
27:20 qui consiste à essayer de faire travailler leur imagination,
27:24 en particulier en écrivant des scénarios,
27:29 comme un cinéaste, sur des univers qui les intéressent,
27:33 et ensuite d'imaginer mentalement, visuellement, ces scénarios,
27:38 en se projetant dedans, en se balançant,
27:41 ou en étant allongé dans le noir,
27:43 pour se mettre dans un état d'auto-hypnose.
27:46 Ça permet à des jeunes de passer mentalement dans des univers,
27:51 ils le font en rêverie éveillée, la nuit,
27:54 mais ce qu'on fait pendant l'éveil
27:57 peut tout à fait, petit à petit, s'insérer dans nos rêves,
28:00 et donc c'est possible de, petit à petit,
28:02 insérer des souvenirs de scénarios qu'on a choisis.
28:06 [Musique]
28:10 Comment êtes-vous arrivé ici ? Réfléchissez, Ariane.
28:13 Où êtes-vous en ce moment ?
28:16 On est en train de rêver ?
28:20 Vous êtes au beau milieu d'un atelier pratique, là, endormi.
28:23 Vous suivez votre première leçon de rêve partagée.
28:26 Gardez votre calme.
28:28 Tout le monde se rappelle d'Inception,
28:39 un état dans lequel les personnes qui sont en train de dormir et de rêver
28:44 peuvent modifier des éléments de leur rêve
28:48 et être conscients qu'ils sont en train de rêver.
28:51 Cette faculté s'appelle le rêve lucide.
28:54 On est, cette fois-ci, non pas dans l'endormissement,
28:57 comme on a parlé précédemment,
28:59 mais au cœur du sommeil et au cœur du sommeil paradoxal,
29:02 qui est celui qu'on atteint assez tardivement.
29:04 Généralement, les gens sont lucides plutôt vers 5-6 heures du matin.
29:09 Dans cette phase-là, normalement, on est paralysé,
29:12 on a plein de rêves dans la tête,
29:14 on a nos tympans qui bougent et nos yeux qui bougent.
29:17 Et surtout, on subit les rêves et on ne sait pas qu'on est en train de rêver.
29:21 On y croit, à nos rêves.
29:23 On est vraiment dans un univers immersif auquel on croit totalement.
29:26 Le rêveur lucide prend conscience qu'il est en train de rêver.
29:29 Il se dit "Ah, mais c'est un rêve".
29:31 Ça peut arriver à nous tous, mais généralement,
29:34 ça nous réveille de se rendre compte qu'on est en train de rêver.
29:37 Certains se rendent compte qu'ils sont en train de rêver, mais restent endormis.
29:41 Et à partir du moment où ils ont cette conscience
29:43 que le rêve se déroule devant eux,
29:45 certains arrivent à être maîtres du scénario
29:47 ou de certains éléments du scénario.
29:49 Et donc, de pouvoir modifier le rêve au moment où il se passe,
29:52 changer un personnage, dire "Oh non, j'en ai marre d'être dans cette maison-là"
29:56 et passer dans un autre univers.
29:58 Un peu comme un navigateur qui profiterait du vent
30:01 pour aller dans une direction ou une autre.
30:03 Ils ne peuvent pas créer les rêves de toutes pièces,
30:05 comme dans Inception, mais ils peuvent modifier un tout petit peu les univers.
30:08 Et cette capacité à prendre conscience qu'on est en train de rêver,
30:12 elle peut être naturelle.
30:14 Il y a des gens qui sont naturellement des rêveurs lucides.
30:17 Elle peut être entraînée avec différentes techniques
30:20 qui consistent à se réveiller par exemple à 5h du matin,
30:23 puis rester réveillée 1h et se rendormir en essayant de rester conscient.
30:27 Elle peut être développée aussi en essayant de prêter attention
30:30 à ce qu'on vit à ce moment-là.
30:32 Est-ce que ce que je suis en train de vivre avec vous, c'est pas un rêve ?
30:35 Et du coup, je vais prêter attention à mon contenu mental pendant le sommeil
30:38 et peut-être avoir cette petite éclaire de me dire
30:41 "Ah bon sang, mais c'est un rêve ce qui est en train de se passer."
30:43 Et donc, si c'est un rêve, je peux m'envoler ou je peux passer à travers le mur.
30:47 Donc si je suis en train de passer à travers le mur, c'est que je suis en train de rêver.
30:50 Ça, c'est typique du rêve lucide.
30:52 Et c'était une expérience qui avait été décrite au 19e siècle
30:55 par Hervé de Saint-Denis qui a écrit un livre merveilleux
30:58 qui s'appelle "Les rêves et les moyens de les diriger"
31:01 où il était lui-même rêveur lucide.
31:03 Il a fait plein d'expériences sur les rêves pour savoir si on pouvait,
31:06 par exemple, se tuer en rêve, est-ce qu'il y avait de la logique en rêve
31:10 et est-ce qu'on pouvait modifier des éléments.
31:14 Et jusqu'aux années 50-60 où la phase paradoxale a été découverte
31:20 et certains rêveurs lucides, comme Steve Laberge par exemple,
31:24 ont dit "Mais moi je suis sûr que je peux diriger mes rêves".
31:27 Et donc il a fallu, ça il peut le dire, mais comment je le sais moi,
31:31 comme expérimentateur, il a fallu décider d'un code,
31:35 d'une sorte de télégramme que le dormeur enverrait à l'expérimentateur
31:39 du fond de son rêve.
31:41 Et donc le code initial qui a été décidé, avant de dormir bien sûr,
31:46 c'est si tu sais que tu es en train de rêver,
31:48 la seule chose que tu peux bouger grosso modo c'est tes yeux,
31:51 regarde deux fois à droite-gauche, fais une pause de 10 secondes
31:54 et regarde deux fois à droite-gauche, un peu comme un télégramme ou du morse.
31:58 Et ça on enregistre très très bien les yeux, nous on sait faire comme neurologues,
32:03 et on voit apparaître le code qui est très différent des mouvements des yeux
32:06 qu'il y a sous les paupières en sommeil paradoxal, ça se repère tout de suite,
32:09 et ça permet de dire "je suis en train de rêver",
32:11 d'analyser évidemment ce qui se passe à ce moment-là,
32:14 et à partir de ce moment, nous comme chercheurs, on peut faire des expériences.
32:19 On peut d'abord savoir si le rêve lucide est comme le rêve normal,
32:22 on peut confier des missions à nos rêveurs lucides
32:27 qui deviennent des sortes d'agents infiltrés dans le rêve.
32:30 Par exemple la première mission que nous leur avons confiée,
32:32 c'est si tu es en train de rêver, essaye de trouver une piscine et plonge dedans.
32:36 Mais tu nous fais le signal avant, parce que moi quand je regarde un tracé de sommeil,
32:40 il y a 30 minutes de sommeil paradoxal, je ne sais pas quand est-ce que tu as plongé dans la piscine.
32:44 Là, grâce au code, je vois le moment où il a modifié quelque chose dans son rêve,
32:49 suivant ce que je lui ai demandé.
32:51 Et donc, je vois apparaître le code, droite-gauche, droite-gauche,
32:55 et puis sur mes capteurs respiratoires, je vois une apnée apparaître,
32:58 il arrête de respirer au moment où il plonge dans sa piscine,
33:01 et ensuite quand il ressort, il me fait le code.
33:03 Et ça nous a permis de montrer que la respiration que l'on mesure pendant le sommeil paradoxal,
33:09 elle est vraiment, elle suit le contenu du rêve.
33:12 Si la personne vocalise ou chante, on voit un prolongement de l'expiration,
33:17 comme on verrait si elle chantait en éveil.
33:20 Mais ça nous a permis aussi, plus récemment, d'aller plus loin.
33:24 Par exemple, nos rêveurs lucides nous ont envoyé des informations
33:27 sur les émotions qu'ils étaient en train de vivre.
33:30 Par exemple, on a changé le code, on a mis des codes plus pratiques pour le dormeur,
33:36 parce que quand vous envoyez un code regardé à gauche, à droite,
33:41 alors que vous êtes poursuivis par des gremlins, parce que c'est ça qui leur arrive,
33:45 c'est dur de ne pas regarder derrière soi les gremlins et d'envoyer le signal.
33:49 Donc on a choisi d'autres signaux, comme par exemple des mouvements de la face.
33:53 On fait faire trois petits sourires ou trois petites contractions des sourcils
33:57 à nos rêveurs lucides.
33:59 Il y a peu de mouvements sur la face parce qu'il y a cette paralysie du sommeil paradoxal,
34:03 mais avec des capteurs, on arrive à enregistrer ces mouvements très très fins,
34:07 ces ébauches de mouvements.
34:09 On a dit "écoute, tu fais trois petits froncements si ce que tu vis est désagréable,
34:13 trois petits sourires si ce que tu vis est agréable".
34:15 Ça nous a permis de montrer qu'il y avait énormément d'émotions au sommeil paradoxal
34:19 et surtout que beaucoup plus vite qu'en éveil, on était capable de passer du positif au négatif,
34:25 alors que passer du rire aux larmes en éveil, il faut y arriver quand même.
34:29 Souvent quand on rigole un grand coup, on reste joyeux beaucoup plus longtemps.
34:34 La dynamique des émotions est assez lente en éveil.
34:37 En sommeil paradoxal, ça va très très vite et c'est probablement, ça va probablement vite
34:42 à cause de cette fonction de régulation des émotions où il faut les réexpérimenter,
34:46 les mélanger à du positif, les associer à d'autres souvenirs
34:49 pour arriver à les dégrader, à les digérer.
34:52 N'as-tu jamais fait ces rêves, Néo, qui ont l'air plus vrais que la réalité ?
35:07 Si tu étais incapable de sortir d'un de ces rêves,
35:10 comment ferais-tu la différence entre le monde du rêve et le monde réel ?
35:15 Le rêve lucide, sachant que les personnes sont immergées dans un univers 3D,
35:22 en ressentant des émotions fortes comme dans de la réalité,
35:25 beaucoup plus fort d'ailleurs qu'un jeu vidéo,
35:27 pourrait être un terrain d'entraînement aussi pour développer d'autres capacités.
35:32 Le chercheur Daniel R. Larrer a essayé d'entraîner des sportifs
35:39 à faire en rêve lucide, par exemple, leur saut à la perche,
35:43 pour mieux le faire, l'idée étant de mieux le faire ensuite dans la réalité.
35:47 Et effectivement, il a obtenu un gain de performance.
35:50 Donc beaucoup de gens essayent d'être rêveurs lucides,
35:53 mais la principale joie d'être rêveurs lucides,
35:57 et c'est très recherché chez les intellectuels,
35:59 c'est ce plaisir de choisir des choses agréables,
36:03 de faire apparaître les plus belles filles du monde,
36:05 de goûter un très bon vin, d'aller dans des très beaux univers,
36:08 et avec une netteté de l'image qu'on n'a pas en rêve normal.
36:11 On voit le grain de la peau des gens, par exemple, en rêve lucide.
36:14 Quand on arrive à maintenir la lucidité, c'est vraiment un moment de grande joie.
36:19 Et donc, tout le monde n'est pas lucide tout le temps,
36:22 mais je vous conseille d'essayer.
36:25 Les rêves lucides sont très rares.
36:27 Enfin, une personne sur deux sait de quoi je parle.
36:30 Elle l'a déjà expérimenté au moins une fois.
36:32 Les enfants, les jeunes adolescents en ont beaucoup.
36:35 C'est une capacité qui diminue avec l'âge.
36:38 Du coup, à part en s'entraînant, en se réveillant à 5 heures du matin,
36:41 en essayant de se rendormir, en restant conscient,
36:44 est-ce qu'il y a d'autres techniques pour devenir rêveurs lucides ?
36:47 Eh bien, le MIT a développé un gant qui s'appelle Dormio,
36:50 et qui va être basé sur les très...
36:54 En sommeil paradoxal, on est complètement paralysé.
36:57 Mais parfois, comme les chiens ou les chats,
36:59 on a des tout petits mouvements, des tout petits soubresauts du bout des doigts,
37:02 un peu comme les chats qui bougent les moustaches ou les oreilles
37:04 quand ils sont en train de rêver.
37:06 Et donc, à ce moment-là, repérer le sommeil paradoxal,
37:08 c'est compliqué, mais bon, ça le permet,
37:11 et provoquer de très légères vibrations ou de très légers sons
37:15 qui vont attirer le rêveur sur l'extérieur
37:21 et le réveiller légèrement pour qu'il puisse se rendre compte,
37:24 en tout cas, réveiller sa conscience qu'il est en train de rêver.
37:28 À partir du moment où une personne est rêveuse lucide,
37:31 elle peut modifier ses rêves, elle peut changer ses cauchemars,
37:34 elle peut taper sur le sol quand elle est poursuivie par des gremlins
37:38 pour s'envoler et leur échapper.
37:40 Donc, ça donne accès à un univers mental qui permet de traiter les cauchemars.
37:44 C'est très intéressant.
37:46 C'est plus difficile à atteindre que la répétition d'images mentales
37:49 dont on a parlé précédemment, où on fait l'exercice d'imagination
37:52 et de changement du rêve en éveil,
37:55 mais quand on atteint le rêve lucide, on a tous les pouvoirs.
37:59 Au moment où on s'endort, on peut avoir non seulement ces images de rêve,
38:04 mais parfois des sensations qu'on appelle hallucinations hypnagogiques.
38:08 L'impression, par exemple, qu'il y a quelqu'un dans la pièce, un intrus,
38:11 quelqu'un qui est dans l'espace péripersonnel, un maître de nous,
38:14 qui a une présence, ou que certains s'enfoncent dans le lit
38:18 ou, plus rare encore, ont l'impression de sortir de leur corps.
38:22 Mais où je suis ? Ah, c'est moi, là ! Ah bah oui, c'est moi !
38:26 Ah, je dois être en train de rêver !
38:28 C'est-à-dire qu'ils voient leur corps réel endormi en dessous
38:31 et leur moi, leur soi, flotte au-dessus de la chambre.
38:35 Ces expériences, qu'on appelle expériences de sortie de corps, sont rares,
38:40 plus fréquentes chez les gens très fatigués
38:43 et plus fréquentes dans des pathologies comme l'anarquelepsie.
38:46 Ce ne sont pas des expériences à proprement dit pathologiques,
38:50 mais elles peuvent être à l'origine de certaines croyances,
38:53 comme par exemple qu'il y a des fantômes dans la pièce
38:56 ou que l'on a été enlevé par des martiens,
38:59 parce qu'on a cette sensation que notre âme est sortie de notre corps.
39:05 Un certain nombre de produits modifient les rêves.
39:08 Par exemple, le cannabis est un fort effaceur de rêves.
39:11 Ceux qui en ont beaucoup fumé et qui l'arrêtent ont d'abord un grand retour des rêves,
39:15 et ça c'est très agréable.
39:17 L'alcool a tendance à donner des rêves plus désagréables.
39:21 Certains médicaments vont donner des cauchemars
39:24 ou certains produits qu'on utilise quand on arrête de fumer,
39:27 comme par exemple les patches de nicotine ou d'autres produits pour arrêter de fumer.
39:32 Comme c'est très riche en un neuromédiateur, qu'on appelle l'acétylcholine,
39:36 qui est le neuromédiateur qui fait vraiment le sommeil paradoxal,
39:39 il peut y avoir des cauchemars, des rêves désagréables,
39:42 des rêves très réels, voire des rêves lucides.
39:45 Le rêve lucide est un outil formidable pour attraper le rêve au moment où il se passe,
39:50 et par exemple savoir si le temps se déroule normalement au rêve,
39:54 et dans ce cas-là, ou est-ce que, comme dans Inception,
39:58 on pense que le temps peut se condenser
40:01 et qu'en quelques secondes de rêve on peut vivre mille ans.
40:05 Le rêve lucide et d'autres techniques nous ont permis de montrer que ça n'est pas vrai.
40:10 Par exemple, si vous demandez à quelqu'un de compter de 0 à 10
40:14 et que vous lui demandez un signal oculaire quand il a fini au début de compter,
40:19 et que vous demandez au rêveur lucide de faire la même chose,
40:22 envoyer son signal, compter jusqu'à 10 et vous renvoyer le signal,
40:25 ça va prendre 10 secondes aussi. Il n'y a pas de distorsion.
40:28 Si on regarde inversement toutes les personnes qui parlent en dormant
40:32 ou qui gesticulent dans leur sommeil,
40:35 ce qu'elles font et ce qu'elles disent respectent le temps que ça prendrait
40:38 pour faire la même chose en éveil.
40:41 J'ai un patient qui a construit un mur en rêve
40:46 et on le voit attraper ses outils, on le voit taper avec son marteau,
40:50 on le voit couper son bois. Dans un temps normal,
40:54 son sommeil paradoxal dure une heure et ce qu'il fait n'est pas en accélérer.
40:58 Il n'y a que les émotions qui ont l'air d'être en accéléré en rêve.
41:02 Travailler sur les rêves est passionnant.
41:04 Savoir si l'espace en rêve est le même qu'en réalité,
41:08 si le temps en rêve est le même qu'en réalité est passionnant.
41:12 Avoir de la maîtrise sur ce phénomène involontaire
41:17 peut nous faire penser qu'on est en train d'empêcher un travail
41:21 qui serait normal pour le cerveau et qui serait utile.
41:24 Il faut savoir que se débarrasser des cauchemars, c'est utile
41:28 parce que les gens ne sont pas bien dans la journée et donc il faut le faire.
41:32 Être rêveur lucide ne veut pas dire que tous nos rêves,
41:36 on va les choisir, on va les diriger,
41:38 parce que ça laisserait peu de place à d'autres choses et à l'imagination.
41:41 D'ailleurs, la plupart des rêveurs lucides font un rêve lucide par semaine maximum.
41:45 Sur les 15 rêves qu'on fait par nuit, ça fait une toute petite proportion si on y pense.
41:50 Donc défier le temps et l'espace comme on le fait dans cet univers virtuel,
41:54 c'est passionnant mais ça représente une toute petite partie
41:58 de ce qu'on fait toutes les nuits, qui est immense
42:00 et qui a probablement des tas d'autres fonctions que les 5 qu'on a mentionnées.
42:04 On vient de voir qu'il y a probablement plein de fonctions aux rêves et au sommeil.
42:08 C'est un tiers de notre vie.
42:10 Penser que ça ne sert qu'à une chose ou que ça ne sert pas beaucoup,
42:13 ça serait penser que le vivant n'est pas économe.
42:16 La biologie est très économe, tout est fait vraiment pour servir.
42:20 En réduisant le sommeil actuellement, en particulier avec les écrans,
42:25 en regardant des séries en bloc qui vont grignoter petit à petit le sommeil,
42:29 on va grignoter aussi nos rêves et probablement enlever une des grandes fonctions mentales
42:35 qui nous permet de réguler nos émotions, de se souvenir mieux des choses
42:39 et d'être plus performant dans la journée.
42:41 Pour rêver bien, il faut dormir bien.
42:44 Il faut éteindre les écrans et se laisser aller à ce monde merveilleux des rêves.
42:49 Ce soir, je vais vous montrer comment se préparent les rêves.
42:52 Les gens pensent que c'est un processus très simple et facile,
42:55 mais c'est un peu plus compliqué que ça.
42:58 Comme vous pouvez le voir,
43:00 une très délicate combinaison de complexes ingrédients est la clé.
43:04 Tout d'abord, on met des pensées randomes,
43:09 puis on ajoute un peu de réflexions de la journée
43:16 mélangées avec des souvenirs du passé.
43:21 C'est pour deux personnes.
43:23 L'amour, les amitiés, les relations, et tous ces "ships".
43:28 Ensemble avec des chansons que vous avez écoutées, des choses que vous avez vues,
43:32 et aussi des choses personnelles.
43:35 Ok, je pense que c'est un.
43:38 Oui !
43:40 Je parle doucement pour ne pas me réveiller.
43:46 On était sur "T'as capté", l'émission scientifique de Clic,
43:50 et je n'ai plus qu'à vous souhaiter de faire de très beaux rêves.
43:53 [Musique]
43:56 T'as capté ?
43:58 [Musique]