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L'invité des Matins de France Culture.
Comprendre le monde c'est déjà le transformer(07h40 - 08h00 - 23 Août 2022)
Retrouvez tous les invités de Guillaume Erner sur www.franceculture.fr

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Transcription
00:00 *Musique*
00:04 Les Matins de France Culture, Guillaume Erner.
00:06 Voilà, je voulais évoquer les bonnes nouvelles de l'économie,
00:10 une diminution sensible du chômage, de l'inflation.
00:14 Et puis ce titre du Parisien, le crédit à 4% dès la rentrée.
00:18 Bonjour Xavier Timbaut.
00:20 Bonjour Guillaume.
00:21 Vous êtes économiste, directeur de l'Observatoire français des conjonctures économiques.
00:25 Je vous assure, on va parler des bonnes nouvelles.
00:27 Mais bon, il faut quand même que j'évoque avec vous la une du Parisien.
00:31 Donc, un taux de crédit extrêmement élevé.
00:36 C'est d'ailleurs le taux le plus élevé depuis 10 ans avec, nous dit le Parisien,
00:40 une flambée qui risque de durer.
00:43 Pourquoi des taux aussi élevés, Xavier Timbaut ?
00:45 Des taux aussi élevés, c'est en rapport avec la poussée d'inflation qu'on a eue.
00:49 Je pense qu'on va en reparler, d'où vient cette inflation.
00:51 Mais en tout cas, on a eu beaucoup d'inflation.
00:54 Elle est montée à plus de 5%, presque 6% en France.
00:58 Et c'est vrai en France, c'est vrai en Europe.
01:00 La Banque centrale européenne a d'abord, dans un premier temps, normalisé sa politique monétaire.
01:05 Elle a durci.
01:05 Donc, la période des taux d'intérêt très faibles qu'on a connus jusqu'à avant l'invasion de l'Ukraine par la Russie, c'est terminé.
01:13 On va avoir aujourd'hui des taux d'intérêt qui sont vraiment revenus dans la norme, on va dire.
01:18 Et donc, en conséquence, le taux du crédit immobilier, celui que beaucoup d'entre nous doivent payer quand ils achètent un bien immobilier,
01:27 en fait, ce taux-là, il est remonté.
01:29 Il est remonté très franchement pour atteindre effectivement des niveaux qui changent beaucoup d'il y a quelques mois,
01:35 où on pouvait avoir des taux à 1% sans aucune difficulté.
01:38 Donc, c'est une augmentation considérable.
01:41 C'est une vraie mauvaise nouvelle pour tous ceux qui doivent acheter un logement.
01:45 Alors, c'est une mauvaise nouvelle pour ceux qui doivent acheter un logement parce que ça diminue énormément leur capacité d'emprunt.
01:51 Les mensualités sont beaucoup plus élevées.
01:54 Après, la question qui se pose, c'est de savoir ce qui va se passer sur le marché immobilier, sur les prix,
01:58 parce que l'acheteur, il va avoir moins de pouvoir d'achat à cause de la montée des taux.
02:03 Mais si les prix baissent, ça peut en partie compenser cette perte de pouvoir d'achat.
02:06 Donc, à ce moment-là, ça sera une mauvaise nouvelle pour les vendeurs qui, eux, pouvaient anticiper des prix plus importants.
02:12 Pour le moment, on ne voit pas vraiment de baisse parce que beaucoup de vendeurs ont arrêté de vendre.
02:18 Ils attendent de voir ce qui se passe.
02:20 Mais on peut quand même imaginer qu'il va finir par y avoir une baisse des prix de l'immobilier.
02:25 Et effectivement, le marché immobilier, du coup, passe dans une zone complètement différente.
02:28 Donc, après des prix très, très élevés qui avaient beaucoup augmenté les dernières années et des taux d'intérêt très bas,
02:35 on est dans un moment où il y a beaucoup, beaucoup moins de transactions et les prix qui sont plus bas.
02:40 Est-ce que ça signifie que l'argent est mieux rémunéré ?
02:44 Ça, c'est une bonne nouvelle pour ceux qui ont des économies ?
02:48 Ah oui, ça, c'est la contrepartie, effectivement.
02:50 Le taux du livret A, lui, a aussi augmenté.
02:54 Et donc, de ce point de vue-là, oui, c'est une bonne nouvelle pour ceux qui ont des économies,
02:58 en particulier sur ces produits très populaires, mais pas très rémunérateurs comme les livrets réglementés.
03:04 En revanche, du côté de l'assurance vie, la hausse des taux est plus modeste.
03:09 Mais oui, bien sûr, il y a une contrepartie qui est du côté de la rémunération de l'épargne.
03:13 En dehors de cette question immobilière qui peut effectivement avoir de nombreuses conséquences sur l'économie,
03:20 Xavier Timbault, ce que l'on note, c'est une diminution du chômage et une diminution du chômage assez sensible.
03:28 Dans quelle proportion ? À quoi assiste-t-on à ce sujet ?
03:31 Alors, effectivement, on a une diminution du chômage assez sensible, ce qui n'est pas exactement ce à quoi on pouvait s'attendre.
03:37 En fait, on pouvait s'attendre à ce qu'à la sortie du Covid, on ait un moment un peu difficile.
03:43 Vous voyez, on pouvait craindre que les habitudes de consommation ne soient pas les mêmes,
03:47 qu'il y ait beaucoup de choses qui changent, qu'il y ait beaucoup de faillite,
03:51 qu'il y ait des entreprises qui fassent faillite en masse et donc effectivement des emplois qui soient détruits.
03:55 Donc, on pouvait s'attendre à ça d'un côté.
03:57 Puis, de l'autre côté, on a eu cet événement extrême qui est l'invasion de l'Ukraine par la Russie,
04:04 qui a conduit à une augmentation des prix de l'énergie et en fait a provoqué une récession qu'on n'a pas vraiment vue dans les chiffres,
04:11 mais en fait qui était bien là. Pourquoi on ne l'a pas vue ?
04:13 Parce qu'en sortie de Covid, on avait quand même des taux de croissance qui devaient être très élevés
04:17 et la guerre en Ukraine est venue les diminuer très fortement.
04:23 Et donc, on pouvait s'attendre aussi dans ce contexte à ce que ça vienne se traduire en destruction d'emplois.
04:29 Et on a vu au contraire une baisse du chômage et des créations d'emplois qui restaient assez positives.
04:35 Il y a quelques éléments qui expliquent ça, en particulier la montée en puissance de l'apprentissage.
04:45 Juste à la fin du Covid, le gouvernement a décidé de mettre le paquet sur l'apprentissage
04:50 en mettant des conditions extrêmement intéressantes pour les entreprises, avec une explosion du nombre d'apprentis,
04:57 en particulier d'apprentis dans l'enseignement supérieur.
04:59 Et ça, ça a conduit à avoir un effet assez notable sur le chômage, provoquant une baisse,
05:05 en aussi favorisant l'entrée des jeunes sur le marché du travail,
05:08 ce qui était précisément ce qui était cherché pour un coût budgétaire qui n'est pas négligeable,
05:11 de l'ordre de 20 milliards d'euros, mais qui a produit des effets en termes de chômage.
05:16 Il y a toujours un soupçon sur les statistiques du chômage, Xavier Thimbault.
05:21 Que sait-il qu'un certain nombre de catégories de chômeurs disparaissent des statistiques pour les améliorer ?
05:29 La mesure du chômage est quelque chose de compliqué et c'est quelque chose qui suscite beaucoup de doutes,
05:35 et beaucoup de craintes, même parfois de complots, de manipulation des chiffres.
05:42 Pourquoi ? Parce qu'en fait, les chiffres du chômage sont souvent utilisés par les gouvernements
05:45 pour être un peu le thermomètre ultime de leur politique économique.
05:49 Si le chômage baisse, c'est qu'ils ont bien fait leur travail et que la situation générale de tout le monde s'améliore,
05:54 même si vous ne vous en rendez pas compte, le fait que le chômage baisse, ça doit vous donner le signal que tout s'améliore.
06:01 Alors, il faut quand même rappeler, le chômage est mesuré suivant une norme très stricte,
06:06 qui est définie par le Bureau international du travail,
06:09 qui fait que c'est impossible aujourd'hui de manipuler le chômage en termes de mesures, en termes de chiffres.
06:16 Et c'est aussi extrêmement difficile de le manipuler en termes de politique,
06:19 c'est-à-dire qu'on ne peut pas jouer sur des chômeurs qu'on met dans des cases ou dans d'autres cases.
06:24 Bon, après, oui, quand on augmente, par exemple, la formation des chômeurs,
06:29 pendant que les chômeurs sont en formation, ils ne sont plus chômeurs dans cette définition.
06:33 Et donc, ça, ça peut provoquer une baisse du chômage, qui est réelle,
06:36 parce qu'en fait, ces gens-là, maintenant, au lieu d'être chômeurs, ils sont en formation,
06:39 mais qui restent quand même temporaires, c'est-à-dire qu'au moment où ils sortent de leur formation,
06:43 ils retournent dans la case chômage, sauf s'ils trouvent un emploi,
06:47 mais donc c'est plutôt une modification temporaire du chômage.
06:50 Mais, voilà, répétons-le, manipulation du chômage, c'est aujourd'hui quelque chose qui est extrêmement difficile à produire,
06:58 et les statistiques sont solides, elles sont utilisables et elles sont compréhensibles.
07:02 C'est tout de même une sorte de paradoxe, Xavier Thimbault,
07:05 parce qu'on attendait donc une diminution de la croissance.
07:10 La croissance est toujours d'ailleurs extrêmement modeste,
07:14 et pourtant, l'économie crée de l'emploi, c'est très empirique,
07:17 mais lorsque l'on se promène dans la rue, dans les magasins,
07:22 on voit énormément d'annonces d'offres d'emploi dans différents secteurs, dans les restaurants, c'est aussi le cas.
07:28 Comment expliquer, là aussi, cette situation, ce paradoxe ?
07:32 Oui, vous avez raison de noter que c'est un paradoxe,
07:34 parce que vraiment, on n'a pas des chiffres de croissance qui sont très élevés.
07:38 La croissance attendue pour l'année 2023, elle est inférieure à 1%,
07:44 et normalement, quand on a des croissances comme ça,
07:46 on devrait avoir des destructions d'emplois et pas des créations d'emplois.
07:50 Alors, la raison qui probablement explique cette situation un peu paradoxale,
07:54 c'est le fait qu'on a eu le Covid et qu'on a mis des aides extrêmement importantes auprès des entreprises,
08:00 qui fait que beaucoup d'entreprises sont dans des situations plutôt positives.
08:05 En fait, il y a une autre statistique qui est très importante pour comprendre ça,
08:08 c'est la chute du nombre de faillites d'entreprises.
08:11 Et pendant le Covid, c'est ce qui avait été recherché par les pouvoirs publics,
08:15 mais toutes les aides qui ont été données aux entreprises, les soutiens, l'activité partielle pour le chômage,
08:21 mais des soutiens de trésorerie en particulier aux petites entreprises,
08:24 les prêts garantis par l'État, des reports de cotisations,
08:28 tout ça, en fait, a permis à beaucoup d'entreprises de ne pas faire faillite.
08:32 Et des entreprises qui ne font pas faillite, ce sont des salariés qui continuent d'être rémunérés d'un côté.
08:38 Et puis, de l'autre côté, la vie habituelle de l'économie s'est poursuivie.
08:42 Donc, il y a eu aussi des entreprises qui se sont créées.
08:44 Et ce qui fait d'un côté des créations d'emplois, de l'autre côté, l'absence des destructions d'emplois
08:50 et donc plutôt une tension sur le marché du travail, parce que les entreprises qui recrutent
08:54 ne trouvent pas les salariés qui ont été licenciés par les entreprises qui font faillite.
08:59 Ça, c'est la situation dans laquelle on est sorti après le Covid, avec des entreprises qui étaient en excellente santé financière
09:05 par les aides apportées au moment du Covid.
09:07 Ça explique très probablement largement le paradoxe de cet emploi qui reste très dynamique
09:16 une fois qu'on a enlevé l'effet de l'apprentissage qu'on évoquait tout à l'heure.
09:18 Est-ce que ça peut durer Xavier Tambour ?
09:20 Alors, c'est toute la question, en fait, Guillaume.
09:22 Et effectivement, là, aujourd'hui, quand on regarde les dernières enquêtes de conjoncture,
09:28 les chefs d'entreprise sont un peu moins optimistes.
09:31 Ils sont un peu moins optimistes sur les créations d'emplois.
09:34 Et probablement, on est en train d'assister à la redescente de cette situation.
09:38 Les faillites d'entreprise, d'ailleurs, sont revenues à la normale.
09:41 Donc, on a toujours un déficit d'entreprises en faillite, en quelque sorte.
09:45 Ça peut paraître paradoxal de le dire, mais en fait, c'est quand même ce que ça veut dire aujourd'hui.
09:49 Donc, le flux de faillite est revenu à la normale.
09:53 Mais on peut imaginer que les entreprises qui n'ont pas fait faillite pendant le Covid, grâce aux aides de Covid,
09:58 vont faire faillite dans les mois, les années qui viennent.
10:01 Oui, parce que, par exemple, pour celles qui ont souscrit un prêt garanti par l'État,
10:06 alors il y a la question du remboursement de ce prêt.
10:09 Sont-elles nombreuses ?
10:10 Est-ce que ça, par exemple, ça pourrait constituer un nombre d'entreprises important ?
10:15 Bien sûr. Alors, beaucoup d'entreprises qui ont contracté des PGE vont pouvoir,
10:18 les prêts garantis par l'État, vont pouvoir les rembourser.
10:21 Par ailleurs, les modalités de remboursement ont été aménagées, ont été étalées dans le temps.
10:26 Mais oui, des entreprises qui étaient en difficulté avant le Covid,
10:31 qui grâce au Covid ont pu gagner un sursis, ont pu accéder à la trésorerie à travers, par exemple,
10:36 ce prêt garanti par l'État ou par d'autres aides,
10:40 si elles n'ont pas redressé leur situation, vont se retrouver effectivement en situation de plus en plus difficile jusqu'à potentiellement la faillite.
10:47 Ce qu'on ne sait pas, c'est... Vous voyez, on dit souvent que la frilosité des banques conduit à empêcher les entreprises de se développer.
10:58 En fait, ce moment du Covid aura été un moment de non-frilosité des banques, une espèce d'anti-frilosité des banques.
11:08 Et donc, ça va être intéressant de voir si ça... Est-ce que ça n'aurait pas un effet quand même positif malgré tout ?
11:12 Alors, il y aura plus de faillites dans le futur, mais peut-être moins que ce qu'il y en aurait eu sans ces aides.
11:18 Et peut-être au bout du compte, un effet positif sur la création d'entreprises, sur l'innovation, sur le développement de nouveaux business.
11:26 On ne sait pas très bien, mais en tout cas, oui, on va sortir avec un peu de fracas de cette période-là. Ça, c'est sûr.
11:36 Autre question qui est celle de l'inflation.
11:39 Alors ça, c'est une bonne nouvelle relative. Il y a de l'inflation, mais il y en a moins qu'auparavant, suite à la guerre en Ukraine, comme vous l'avez évoqué.
11:48 Et là, est-ce que cela signifie qu'on est revenu à une situation normale du point de vue de la hausse des prix ?
11:56 Alors, c'est toujours très difficile d'articuler des prévisions sur l'inflation.
12:00 Et puis, on est en raison d'un contexte international et géopolitique qui, évidemment, est très tendu.
12:06 Donc, de ce point de vue-là, on peut avoir de mauvaises surprises.
12:08 Mais ce qu'on constate quand même, c'est que du côté des prix de l'énergie, la décrue est amorcée depuis longtemps, depuis le début de l'année, en fait.
12:16 Et on est revenu à des prix de l'énergie qui sont plus bas.
12:20 Évidemment, vous avez vu que l'Aramie saoudite cherche à réaugmenter le prix du pétrole en réduisant les quotas, mais pas avec un succès total jusqu'à maintenant.
12:30 Donc, on est sorti de cette période où les prix de l'énergie étaient extrêmement élevés dans un contexte de sanctions géopolitiques aigus.
12:36 Et ça, ça se transmet très lentement, au point qu'on en perd même l'idée d'une cause à effet, très lentement au prix de consommation.
12:45 Pourquoi ça se transmet très lentement ?
12:47 Pour des tas de raisons.
12:47 D'abord, parce qu'on a quand même empêché en partie l'inflation d'être à son maximum jusqu'au début de l'année 2023 et que les dispositifs continuent d'avoir un peu d'effet.
12:59 Aussi parce qu'il y a beaucoup de contrats et d'intervenants dans les chaînes de valeur.
13:04 Et donc, quand ça baisse au début de la chaîne de valeur, ça met beaucoup de temps à se transmettre à la fin de la chaîne de valeur.
13:10 Les pâtes que vous achetez ont été faites avec du blé qui, en fait, a été récolté l'année d'avant au prix de l'année d'avant.
13:17 Et donc, s'il a été récolté à un prix très élevé, les pâtes restent à un prix très élevé aujourd'hui et la décrue va se faire très progressivement.
13:24 Donc, de ce point de vue là, oui, on peut anticiper qu'on est entré dans une phase où on a passé le pic de l'inflation et où à partir de maintenant, ça va plutôt ralentir.
13:34 Il y a aussi la question du bénéfice des entreprises, des effets d'aubaine pour certaines d'entre elles qui ont profité de la hausse des prix pour accroître considérablement plus encore que la hausse des prix, leurs tarifs.
13:47 Tout à fait. Alors, il y a une grande diversité de situations.
13:49 Si on regarde le CGMA, l'entreprise, le transporteur qui a bénéficié d'une situation très particulière.
13:58 Le transporteur maritime qui a largement profité de cette période.
14:04 Qui a plus que largement profité, qui a réalisé des profits totalement exceptionnels, qui se comptent en dizaines de milliards d'euros et qui sont totalement exceptionnels pour cette entreprise, mais aussi pour le secteur.
14:13 Même au niveau de la France, ça devient un effet presque macroéconomique pour cette entreprise.
14:20 Cette entreprise devient macroéconomique pour la France.
14:22 Donc, il y a ce genre de cas. Il y a des entreprises, des distributeurs, des intermédiaires qui ont perdu de l'argent au moment où l'inflation a accéléré et qui, d'une certaine façon, essayent d'en gagner un peu maintenant qu'elle diminue.
14:37 Et puis, il y a des cas où tout ça est même régulé d'une certaine façon.
14:41 Par exemple, le prix du gaz a vu sa hausse limitée par le régulateur, ce qui a fait que ça a coûté aux distributeurs qui, soit achètent du gaz en gros et le revendent, soit ce sont ceux qui vont le distribuer in fine.
14:57 Et donc, ceux-là, aujourd'hui, font des profits, mais qui sont un peu la compensation des pertes.
15:03 Et puis, il y a ceux qui profitent de ce qu'on appelle la confusion des prix.
15:07 Quand tout bouge, quand les étiquettes valent, quand vous ne savez plus très bien quel prix s'applique à quoi, la concurrence est un peu faussée parce que les prix changent tellement et augmentent tellement que vous n'allez pas faire le tour de tous les supermarchés tous les jours.
15:21 Donc, ça, ça crée un peu de confusion sur les prix.
15:22 Et il y a des distributeurs, il y a des producteurs qui en profitent pour effectivement garder des prix élevés jusqu'à ce que la concurrence fasse son effet et les ramène à la raison.
15:31 L'autre question, c'est la question de la productivité, qui est une question importante.
15:35 Xavier Timbault, on a beaucoup évoqué la chute de la productivité en France.
15:40 Où en est-on aujourd'hui ?
15:42 Est-ce qu'on peut considérer qu'à cet égard là aussi, les choses vont mieux ?
15:46 Alors, on a là la contrepartie de ce qu'on disait sur l'emploi.
15:50 Le fait qu'il y ait peu d'entreprises qui fait faillite, le fait qu'il y ait beaucoup d'emplois qui aient été créés ou en tout cas moins d'emplois qui aient été détruits.
15:58 Ça a comme contrepartie une productivité du travail qui est plutôt faible.
16:03 Et on peut difficilement imaginer qu'on reste sur ce genre d'évolution pour la productivité.
16:10 Et s'il fallait faire, dessiner quelque chose pour le futur, ça serait plutôt à partir de maintenant, un peu moins de création d'emplois et un peu plus de gains de productivité.
16:18 Bon, en somme, je vous ai invité pour savoir si on avait raison d'être optimiste.
16:21 Et vous me répondez qu'on a eu raison d'être optimiste, mais qu'aujourd'hui, les perspectives sont probablement moins bonnes que ce que l'on vient de vivre.
16:31 Alors, les perspectives ne sont pas totalement positives, mais il y a des éléments...
16:35 Pas totalement positifs !
16:36 Pas totalement positifs, mais il y a quand même quelques éléments satisfaisants.
16:39 En revanche, ce qu'il faut bien dire, c'est si on regarde la séquence qu'on vient de traverser, c'est-à-dire la crise sanitaire suivie par l'invasion de l'Ukraine par la Russie.
16:49 Globalement, les économies européennes qui étaient en première ligne ont plutôt bien résisté.
16:56 Et on aurait pu craindre face à des chocs aussi élevés.
16:59 En fait, c'était même en partie le plan de la Russie.
17:01 C'est que l'impact économique sur l'Europe soit tel que ça puisse entraîner une dislocation, une crise économique persistante.
17:08 De ce point de vue-là, l'Europe a quand même parfaitement résisté.
17:12 Xavier Thimbault, vous êtes économiste, directeur de l'Observatoire français des conjonctures économiques.
17:17 Vous serez rejoint dans une vingtaine de minutes par Nicolas Bouzou, économiste, directeur de la société d'études Astérès.
17:24 On va voir effectivement si les perspectives de l'économie française doivent permettre d'être optimistes ou pas.
17:33 Il est 8h sur France Culture.
17:36 7h-9h.
17:38 Les matins de France Culture.
17:42 Guillaume Erner.
17:43 Les Français devraient-ils être plus optimistes en matière d'économie, en matière de situation économique pour notre pays ?
17:52 Nous sommes en compagnie de Xavier Thimbault.
17:54 Vous êtes économiste, directeur de l'Observatoire français des conjonctures économiques.
17:58 Et nous recevons Nicolas Bouzou.
18:00 Bonjour.
18:00 Bonjour.
18:01 Vous êtes économiste, directeur de la société d'études Astérès.
18:04 On va parler d'économie avec vous, mais l'économie politique, ça existe aussi.
18:09 Nicolas Bouzou, vous venez de signer une tribune dans le Figaro en compagnie d'autres publics de personnalité.
18:17 Chloé Morin, notamment.
18:19 Olivier Babaud.
18:21 Et cette tribune, elle porte sur des mesures simples, je vous cite, qui pourraient résoudre notre crise démocratique.
18:28 Lesquelles ? En quelques mots.
18:30 En fait, il y a des pénuries d'emploi dans l'économie française.
18:33 Il y a aussi une pénurie de compétences dans le domaine démocratique.
18:35 C'est-à-dire qu'on manque d'élus.
18:36 On le voit à chaque élection.
18:38 De moins en moins de personnes veulent se présenter, par exemple, aux élections municipales, qui est un mandat absolument formidable.
18:44 Mais même quand il y a un remaniement gouvernemental, vous en parlez souvent.
18:46 D'ailleurs, il y a de plus en plus cette difficulté à trouver des ministres.
18:50 Et donc, notre idée, c'est de dire il faut revaloriser la fonction d'élu, donc la revaloriser dans tous les sens du terme, la revaloriser financièrement,
18:57 avec des indemnités qui sont plus importantes, la revaloriser en rétablissant une forme de cumul des mandats,
19:05 la revaloriser en déjudiciarisation, en déjudiciarisant, pardonnez-moi, une partie des activités des élus.
19:11 Vous dites en substance que l'action politique est complexe.
19:17 Elle impose de prendre des décisions délicates.
19:20 Il est anormal que des personnes, que des personnalités politiques comme Agnès Buzyn ou Olivier Véran aient eu maille à partir avec la justice.
19:30 Agnès Buzyn a été mise en examen, quoi qu'on pense de son action, pour mise en danger d'autrui.
19:35 C'est absolument hallucinant quand vous êtes ministre de la Santé, pour une raison générale d'être mis en examen pour ça.
19:41 Ça a été cassé, heureusement, par la Cour de cassation.
19:44 Mais grosso modo, ce qu'on dit, c'est que les élus, aujourd'hui, ont des indemnités qui sont faibles.
19:50 Ils courent un risque pénal qui est très important.
19:53 Ils ont un risque d'image qui est très important.
19:57 Et donc, si on ne veut pas se retrouver dans une situation qui soit une situation avec une dégradation, au fond, de la qualité des élus,
20:03 une dégradation de la qualité de la prise de décision au public, il faut avoir le courage de regarder ça et de proposer ces mesures
20:11 dont je suis parfaitement conscient qu'elles sont absolument impopulaires.
20:15 Mais ça, ce n'est pas mon problème.
20:18 C'est pas de Robert.
20:18 C'est pas compris par une majorité de la population, forcément, nécessairement, même si, en soi, on comprend bien l'histoire du cumul des mandats.
20:24 Je ne suis pas élu.
20:25 Non, non, mais bien sûr.
20:26 Pas encore.
20:27 L'histoire du cumul des mandats, c'est assez représentatif de ça.
20:30 C'était, entre guillemets, une sorte de fausse bonne idée, puisque le cumul des mandats permet, en gros, de faire le lien entre la situation de terrain et les responsabilités nationales.
20:41 Mais comment est-ce qu'on fait comprendre ça à une majorité de la population sans partir dans la démagogie, sans se couper d'une partie de la population, justement ?
20:54 Il faut que les gens comme vous, justement, si vous partagez ce type d'analyse, mais il faut que les gens qui ne sont pas des élus le disent,
21:02 en expliquant au fond que la qualité de la décision publique, ça a un coût, que la démocratie, ça a un coût,
21:10 et qu'on doit être collectivement capable d'assumer ce coût.
21:14 Et puis aussi qu'il faut arrêter de dévaloriser toutes les professions.
21:17 Vous savez, moi, je suis très frappé dans le débat public de voir aujourd'hui qu'on dit les fonctionnaires,
21:22 c'est des plans qui aient les enseignants, c'est des feignants.
21:26 J'ai, comme vous savez, soutenu la réforme des retraites, mais je me souviens d'un débat avec un parlementaire qui me dit
21:33 "Ah mais votre réforme, c'est une réforme d'experts comptables".
21:35 Mais qu'est-ce que c'est le problème avec les experts comptables ?
21:37 Donc il faut arrêter d'insulter tout le monde, et il faut arrêter aussi d'insulter les élus qui sont aujourd'hui très maltraités.
21:43 Grosso modo, on pense que les élus sont des escrocs incompétents, mais c'est pas vrai.
21:48 - Sévier Timbou. - Non, moi je suis d'accord. Il faut revaloriser le métier d'élu
21:56 qui administre un certain nombre d'échelons de la vie politique, sociale et économique française.
22:04 Et donc, il faut vraiment accepter qu'il y ait des gens qui vont en faire leur profession.
22:09 Peut-être un jour on fera le bilan, par exemple, de ce moment très particulier,
22:12 après l'élection d'Emmanuel Macron, où beaucoup du personnel politique a été renouvelé à l'Assemblée,
22:19 et où beaucoup de gens sont arrivés avec peu d'expérience dans le domaine politique,
22:23 et je ne suis pas sûr qu'en fait le travail parlementaire en ait été véritablement amélioré.
22:28 Alors, ça ne veut pas dire qu'il n'y en a pas certains qui ont pris leur rôle à cœur et qui l'ont fait avec toute la compétence,
22:33 mais je pense quand même qu'il faut bien avoir ça en tête.
22:36 Ensuite, moi je pense qu'il y a un autre élément, si je peux faire une suggestion à Nicolas Bouzou,
22:41 c'est que je pense qu'il est important de créer aussi des échelons politiques
22:46 dans lesquels il y a une forme d'autonomie, de prise de responsabilité,
22:50 qui permettent de créer un vivier dans lequel on aura ensuite des hommes politiques, des femmes politiques,
22:55 qui vont émerger et qui auront une expérience.
22:57 Et je pense que cet échelon devrait être l'échelon, non pas municipal, mais plutôt au niveau des regroupements de communes,
23:05 des métropoles, des petites métropoles.
23:08 Il y en a une centaine en France et cette centaine de métropoles en France
23:14 pourrait être l'occasion pour des maires ou des adjoints aux maires d'acquérir l'expérience de terrain,
23:20 d'avoir le contact avec la population, d'être aussi des gestionnaires
23:24 et donc confronter à ces responsabilités-là et qui ensuite peuvent devenir des personnels de qualité.
23:30 Nicolas Bouzou, sur la situation économique,
23:35 nous en parlions il y a quelques instants avec Xavier Thimbault,
23:38 une situation économique qui est en train d'évoluer,
23:41 diminution du chômage, on en parlait,
23:44 et diminution également de l'inflation.
23:47 Alors il y a certes des bémols à cette situation, notamment une hausse des taux d'intérêt.
23:52 Comment voyez-vous l'avenir économique de la France ?
23:55 Alors en fait, depuis un an et demi,
24:00 à chaque fois qu'il y a des données économiques, on est plutôt agréablement surpris en fait.
24:04 Et c'est logique parce qu'on a connu le Covid, la pire pandémie depuis 100 ans,
24:08 on a une guerre en Europe, qui au-delà des effets géopolitiques,
24:12 mais en plus nous coûte très cher,
24:15 on a le réchauffement climatique qui a aussi des effets aujourd'hui très concrets sur l'économie,
24:19 notamment sur les rendements agricoles, sur la multiplication des catastrophes naturelles.
24:24 Donc c'est vrai que quand on regarde les choses sur le papier,
24:26 on pourrait prédire une forme d'effondrement.
24:29 Or on n'a pas du tout d'effondrement.
24:30 Ce qui est le plus frappant, c'est la résilience de nos économies
24:34 et des économies occidentales en particulier, Europe, Etats-Unis.
24:38 Et donc je trouve qu'en effet, c'est plutôt un signal de confiance pour l'avenir.
24:42 Donc je vois bien les problèmes, les énormes problèmes dont j'ai parlé.
24:46 Je vois bien d'autres problèmes aussi qui sont des problèmes beaucoup plus endogènes à l'économie,
24:52 comme le fait qu'il n'y a pas beaucoup de productivité, par exemple,
24:54 comme le fait qu'on a une dette publique en France,
24:57 mais dans tous les pays développés, en réalité quasiment tous les pays développés, qui est élevé.
25:02 Je vois bien aussi factuellement que la croissance est en train de ralentir.
25:06 Mais je me dis quand même, ces trois dernières années, les entreprises ont acquis,
25:10 alors pardonnez-moi pour le terme qui est très galvaudé,
25:12 mais enfin bon, une sorte de résilience quand même, de capacité d'adaptation très forte.
25:17 Il y a des soutiens publics aussi qui sont absolument massifs,
25:20 mais enfin qui sont relativement efficaces.
25:22 Je vous prends un exemple concret.
25:23 Il y a un an, même pas, il y a six mois,
25:26 on était tous très inquiets du fait qu'on pourrait avoir une vague de faillite colossale dans les boulangeries.
25:31 Vous vous souvenez de ça, on en avait beaucoup parlé, et à fort juste titre.
25:34 Parce que quand vous êtes boulangerie, vous utilisez des fours,
25:37 et ce qui consomme le plus d'électricité, c'est pas le froid, c'est le chaud.
25:40 C'est les fours.
25:41 Finalement, on n'a pas l'impression,
25:43 alors il y a sans doute eu des difficultés, bien évidemment, il y a eu des hausses de prix du pain,
25:47 mais on n'a pas eu la vague de faillite chez les boulangers, fort heureusement qu'on attendait.
25:51 Donc vous voyez, je me dis quand même,
25:54 voilà, on peut toujours prévoir des crises en permanence, c'est facile,
25:58 certains le font, bon c'est comme l'horloge cassée qui annonce la bonne heure une fois par jour,
26:03 mais je me dis au fond, on a aujourd'hui un mélange de politique publique et de stratégie d'entreprise
26:09 qui font que, mine de rien, ça tient, et même un peu mieux que ça.
26:13 Quelle est la part de cette situation qui est imputable aux réformes, bonnes ou mauvaises,
26:18 si vous pouvez les qualifier, aux réformes économiques du gouvernement Nicolas Bouzou ?
26:21 Moi je les ai trouvées bonnes, je pense que ça dépend des sujets en fait.
26:26 Sur la question de l'emploi, au fond, on a eu une espèce de continuité des politiques publiques,
26:32 mais depuis longtemps en réalité, c'est-à-dire qu'on avait un marché du travail qui était très rigide,
26:37 et on l'a normalisé, mais depuis, les premières réformes ont été faites par Nicolas Sarkozy
26:41 avec l'instauration de la rupture conventionnelle,
26:43 et puis François Hollande a continué en réalité avec le pacte de responsabilité, la loi travail,
26:48 Emmanuel Macron avec les ordonnances Pénicaud, la réforme de l'apprentissage,
26:50 donc vous voyez, il y a eu une espèce de continuum en réalité.
26:53 C'est intéressant d'ailleurs, dans un pays qui est très clivé,
26:57 et où chaque réforme donne l'impression d'une crise d'hystérie nationale,
26:59 en réalité quand on va un peu plus au fond des choses, on voit qu'il y a une forme de continuité.
27:03 Ce que je trouve en revanche vraiment le plus positif dans ce qui a été fait ces 6 dernières années,
27:07 c'est le fait, pour parler en excellent français, vos militaires me pardonneront,
27:11 que la France est devenue beaucoup plus business-friendly.
27:14 C'est vraiment quelque chose qu'on a vu au moment, et là encore je vous présente mes excuses, de tous les...
27:17 - C'est accueillante pour les grandes entreprises.
27:21 Voilà, et on commence... Donc ça a été les réformes, la baisse de la fiscalité sur le capital,
27:26 suppression de la partie financière de l'ISF, mais aussi de la baisse de l'impôt sur les entreprises, etc.
27:32 Et en fait, on le voit quand on regarde les chiffres de projets d'implantation en France,
27:37 qui sont très élevés, ils n'ont jamais été aussi élevés, et on est au-dessus de l'Allemagne et du Royaume-Uni.
27:42 Alors ce sont des petites implantations avec pas beaucoup d'emplois, bien sûr, mais enfin,
27:44 il se passe quand même quelque chose, mais surtout, un indicateur que je regarde,
27:48 c'est les surfaces d'usines autorisées, les permis de construire qui sont autorisés,
27:56 en matière de surfaces d'usines. Et on voit qu'on est haut en France.
27:59 Donc en matière de réindustrialisation, alors je vais faire quelque chose qui n'est pas radiophonique,
28:03 je ne vais pas prendre un avis qui est tranché, là aussi vous m'excuserez,
28:06 mon sentiment, c'est qu'il est possible qu'il commence à se passer quelque chose.
28:10 - Sévier Thimbault.
28:12 - Oui, je rejoins Nicolas sur un point, c'est...
28:17 - Décidément, c'est... - Non, non, mais il faut le dire.
28:20 On a traversé des crises graves, et on aurait pu craindre des catastrophes, des effondrements,
28:26 une dislocation de l'Europe. On a vu au contraire plutôt un renforcement,
28:30 et des réactions de politiques, publiques, à commencer par la France,
28:36 qui ont été marquées par une forme de pragmatisme et de choix,
28:40 que même certains n'auraient pas imaginé avant.
28:44 On avait tendance à dire qu'on était dans une espèce d'univers tout économique.
28:48 On a vu au moment de la pandémie que la question de la santé, de la vie humaine,
28:52 passait avant la question économique, et qu'on a su mettre l'économie en quelque sorte au deuxième plan,
28:58 comme disait Keynes, les économistes non pas derrière le volant, mais sur le siège du passager.
29:03 Donc ça, c'est des choses qui sont assez intéressantes,
29:07 et c'est plutôt des choses dont on peut se nourrir en termes d'optimisme pour le futur, par exemple,
29:12 en disant que si on applique les mêmes échelles de valeur à la crise climatique,
29:17 on ne va pas être pris dans le piège de penser que notre économie pourrait être pénalisée
29:22 par la lutte contre le changement climatique, et donc on fera la lutte contre le changement climatique,
29:26 malgré l'économie, ou même si ça a des effets négatifs sur l'économie.
29:29 Donc ça, c'est des aspects qui sont plutôt positifs, ce pragmatisme et ces échelles de valeur.
29:36 Par contre, il y a quand même un élément qu'il faut pointer, c'est la situation sociale du pays.
29:42 C'est toujours très difficile d'avoir des thermomètres sociaux,
29:45 mais si on s'en tient aux perceptions, aux ressentis,
29:50 on a peut-être traversé toutes ces crises avec beaucoup de brio,
29:54 mais avec une cohésion qui a tendance à se déliter.
29:59 La réforme des retraites est peut-être une réforme indispensable, juste, pertinente,
30:05 mais elle est quand même jugée à plus de 80% par les Français comme étant une mauvaise réforme.
30:10 Alors on peut dire qu'il y a une mauvaise pédagogie qui a été faite, il faut expliquer plus,
30:14 on peut dire ça, mais on peut dire aussi que peut-être que tous ces succès
30:18 et toutes ces crises qui sont traversées,
30:21 on a quand même raté cet aspect-là, qui est que c'est quand même curieux quand on fait les choses aussi bien
30:27 que la cohésion s'en trouve aussi peu marquée et que l'adhésion soit aussi faible.
30:35 Et ça c'est un vrai problème parce que cette adhésion, elle est nécessaire,
30:40 en particulier pour les prochaines crises.
30:43 Et si on n'a pas une forme de ressenti de justice,
30:47 si on n'a pas une forme d'acceptation et de sentiment que chacun fait sa part,
30:53 il y a un moment où le système va craquer et il est possible qu'il craque très très vite
30:56 parce que les choses vont se jouer dans les urnes.
30:58 Aux prochaines élections, ça va commencer avec les européennes,
31:01 mais ça sera aussi ensuite l'élection présidentielle.
31:04 Et toute cette belle mécanique de résistance aux crises peut s'arrêter d'un coup,
31:08 avec une situation politique qui se dégrade.
31:11 Et on a des exemples dans des pays voisins dans lesquels les choses sont devenues extrêmement difficiles,
31:15 à commencer par l'Italie.
31:17 Nicolas Bouzou, qu'en pensez-vous ?
31:19 Alors, je vois bien que la situation sociale est difficile,
31:24 mais je ne suis pas sûr, ce que je vous dirais très contre-intuitif,
31:27 de faire le lien avec la question de la réforme des retraites.
31:31 Au fond, je ne suis pas très vieux comme vous,
31:33 mais enfin, on est quand même suffisamment vieux pour avoir vu un certain nombre de réformes des retraites.
31:37 Et les réformes des retraites, on le sait, sont celles qui demandent le plus de capital politique,
31:43 en France, qui suscitent le plus de réactions dans la rue.
31:47 Et au fond, quand on regarde le nombre de manifestants, le nombre de jours de grève,
31:51 on était avec cette réforme à peu près dans la norme.
31:55 Et cette réforme, elle a fini par se faire dans un contexte politique qui est très particulier,
31:59 qui est beaucoup plus compliqué que lors de la réforme que Nicolas Sarkozy avait faite il y a une dizaine d'années,
32:04 puisque le gouvernement n'est pas majoritaire à l'Assemblée nationale.
32:08 Et donc, finalement, ça s'est fait.
32:11 Et je pense que ça finira par être accepté.
32:14 Donc, pour moi, le climat social aujourd'hui,
32:18 les difficultés liées au climat social sont beaucoup plus liées à des facteurs purement économiques,
32:23 comme l'inflation, par exemple, et les pertes de pouvoir d'achat,
32:25 qui, ça, à mon avis, sont un véritable problème.
32:29 Et d'ailleurs, vous voyez, tout libéral que je suis,
32:30 dès qu'une antenne qui m'est ouverte,
32:33 je fais part de mon souhait de voir les entreprises aller plus loin,
32:37 celles qui le peuvent aller plus loin en matière d'augmentation des salaires,
32:40 parce que moi, j'ai fait partie de ceux qui ont dit aux Français
32:43 « collectivement, il faut qu'on essaie de travailler plus ».
32:46 Mais vous ne pouvez pas dire d'un côté « on travaille plus »
32:49 et de l'autre « le travail, ça ne paie pas et vous travaillez comme des fous
32:52 et vous n'avez pas les moyens de partir en vacances une semaine par an ».
32:56 Vous voyez, ce n'est pas possible.
32:57 C'est la raison pour laquelle je pense que pour conjurer cette crise sociale,
33:00 les entreprises qui le peuvent doivent prendre leurs responsabilités
33:03 et doivent augmenter les salaires davantage qu'elles ne l'ont fait jusqu'à maintenant.
33:07 Xavier Timbaud.
33:08 J'ai peur que l'injonction faite aux entreprises d'augmenter les salaires,
33:14 d'augmenter les salaires quand elles le peuvent,
33:16 ce ne soit pas un élément suffisamment convaincant.
33:18 De ma part, je vous concède que c'est absolument insuffisant.
33:21 Mais c'est plus qu'insuffisant, je pense que c'est même un cache-misère en quelque sorte.
33:25 C'est-à-dire que c'est presque ce qu'on dit quand on n'a plus rien d'autre à dire.
33:29 On ne peut pas résumer une politique sociale à dire
33:32 « ça serait bien que les entreprises augmentent les salaires ».
33:34 On ne peut pas dire la contrepartie à la réforme des retraites
33:37 qu'on a fait passer au forceps et qui reste quand même extrêmement impopulaire.
33:41 Moi, je veux bien qu'on ne fasse pas le lien avec la situation sociale
33:43 et qu'on dise « mais c'est toujours comme ça avec la réforme des retraites
33:45 et puis vous verrez bien, les gens finiront par l'accepter ».
33:47 C'est sûr, les gens finiront par l'accepter.
33:50 Mais moi, je suis moins optimiste sur les conséquences politiques
33:55 que va avoir cette réforme des retraites aux prochaines élections.
33:57 Et je pense qu'il peut y avoir des choses catastrophiques
33:59 qui se produisent réellement catastrophiques.
34:01 À quoi pensez-vous ?
34:01 Je pense qu'on peut vraiment avoir d'abord une polarisation
34:08 de notre espace politique très forte,
34:10 une montée des extrêmes et on peut basculer dans le populisme
34:13 avec, une fois que le populisme est au pouvoir,
34:16 des réformes économiques qui vont être totalement à contresens de ça.
34:21 C'est-à-dire, Thimbaud, l'une des justifications de cette réforme des retraites
34:25 est une question de dette, une question d'équilibre de l'économie.
34:29 Or, tout à l'heure, vous avez évoqué la situation relativement positive de l'économie
34:36 avec le corollaire qui est une dette de plus en plus importante.
34:40 Non mais sur le plan budgétaire, je pense que oui,
34:43 il y avait une nécessité pour une réforme des retraites.
34:45 Je ne pense pas que la contestation ou la non-acceptation de la réforme des retraites
34:51 soit strictement liée à cet aspect-là.
34:53 Il est difficile de faire passer des réformes budgétaires après le quoi qu'il en coûte.
34:56 Ça, c'est effectivement quelque chose d'avéré et de compliqué.
35:02 Mais par ailleurs, la demande de justice,
35:07 le constat dans la crise du Covid, dans la crise inflationniste,
35:12 que certaines entreprises font des profits,
35:14 le sentiment qui n'est pas toujours réel, mais que les inégalités augmentent,
35:20 et puis aussi des choses qui sont, elles, tout à fait importantes,
35:23 comme l'éducation qui n'assure plus l'égalité des chances,
35:27 l'égalité des opportunités.
35:29 Tout ça sont des éléments qui s'ajoutent les uns aux autres
35:33 et qui alimentent le sentiment qu'on tient des discours.
35:37 Encore une fois, je reviens sur cette phrase,
35:39 dire aux entreprises "augmentez les salaires quand vous le pouvez",
35:42 c'est un discours qu'on entend, mais qui en fait, malheureusement, n'est pas une politique.
35:46 Et même s'il fait preuve de compassion et d'empathie, ça n'est pas suffisant.
35:52 Nicolas Bouzou.
35:54 Moi, je pense que tout ne doit pas être politique, donc j'assume parfaitement de pouvoir dire ça.
35:57 Non, mais je crois que pour moi, il y a deux sujets aujourd'hui d'urgence en France absolue.
36:02 Ce sont deux services publics.
36:03 C'est la question 1) de l'éducation et 2) de l'hôpital.
36:06 Et là, il s'agit vraiment de réparer des services publics qui se sont absolument effondrés.
36:10 Parce que Xavier Thimbault parle du sentiment d'injustice très bien,
36:13 mais le sentiment d'injustice, il vient en grande partie du fait
36:17 qu'il y a dans notre pays des phénomènes d'assignation sociale
36:20 et que ces phénomènes d'assignation sociale sont très largement liés au fait
36:24 qu'aujourd'hui, l'école ne remplit plus son rôle.
36:27 Pardonnez-moi de rappeler ces chiffres qui sont un peu cruels,
36:30 mais lors du dernier classement Tims, c'est le classement dans lequel on fait faire un examen
36:35 à tous les pays de l'Union Européenne.
36:37 On prend un échantillon d'élèves en CM1 et en 5e, me semble-t-il,
36:41 et on leur fait faire le même examen.
36:43 En CM1, les élèves français sont 27e sur 27.
36:48 Et ça monte un peu en 5e, on est 26e sur 27.
36:51 Avec une dépense publique dans le domaine de l'éducation qui est dans la moyenne,
36:55 qui n'est pas très élevée en France, mais qui est dans la moyenne.
36:58 On pourrait se dire dépense moyenne, résultat moyen.
37:00 Non, dépense moyenne, résultat mauvais.
37:02 Donc ça, c'est un premier sujet.
37:03 Et puis vous avez bien évidemment le sujet de l'hôpital.
37:06 Parce que pendant longtemps, on a pu dire qu'on mettait pas assez d'argent dans l'hôpital.
37:09 Je suis tout à fait prêt à entendre ça.
37:11 Bon, cette année, dans le procédé de financement de la Sécurité Sociale,
37:14 ça représente plus de 100 milliards d'euros.
37:15 Donc on peut pas dire que ça ne représente pas d'argent.
37:17 Vous avez des hôpitaux, le maire de Saint-Raphaël m'expliquait
37:20 que le budget de son hôpital, c'est 150 millions d'euros.
37:22 Donc on ne peut pas expliquer que ça ne représente pas beaucoup d'argent.
37:24 Ce n'est pas vrai.
37:25 Donc on a des problèmes de désorganisation qui font qu'on a un certain nombre de services publics
37:30 qui s'effondrent avec ce sentiment très pénible pour les Français,
37:33 notamment ceux qui travaillent, qui payent beaucoup.
37:36 Alors en France, on paye surtout des cotisations sociales.
37:39 On paye des impôts à peu près normalement.
37:41 Mais enfin bon, les Français, nos concitoyens, ont l'impression à juste titre
37:44 de payer beaucoup de prélève obligatoire avec des services publics
37:47 qui n'offrent pas le service qu'on attend.
37:49 Ça, je pense que pour moi, c'est le sujet politique et social majeur aujourd'hui.
37:53 Un mot de conclusion, Xavier Timbaud, sur ce qui va suivre,
37:57 avec un certain nombre de signaux qui incitaient plutôt à l'optimisme
38:02 sur la solidité de l'économie malgré différentes crises du Covid à l'Ukraine.
38:06 Et aujourd'hui, quelques inquiétudes.
38:10 Ce qui va suivre, il y a déjà une chose qu'il ne faut pas oublier.
38:12 Là, on est entré dans l'été, mais il faudra passer l'hiver prochain.
38:17 Ça peut paraître un peu bizarre.
38:18 Vous pensez qu'on ne va pas le passer ?
38:19 On a quand même un petit souci du côté du gaz.
38:23 Et donc, de ce côté là, il faut quand même faire attention.
38:28 Les exportations de gaz de la Russie sont arrêtées.
38:33 Notre consommation de gaz, elle dépend beaucoup de la température
38:36 qui fera pendant l'hiver.
38:37 On a eu un hiver extrêmement clément l'année dernière,
38:39 ce qui nous a permis de passer l'hiver.
38:42 Mais la question va se reposer l'hiver prochain.
38:45 Et puis ensuite, je pense que j'ai participé à la mission Pisaniféri Makhfouz
38:49 sur la question du changement climatique.
38:51 Je pense qu'il faut qu'on prenne conscience aujourd'hui
38:55 qu'on a dix ans pour mettre en place une transformation de la société en profondeur
38:59 et pour tenir nos engagements, mais surtout pour nous mettre dans cette trajectoire
39:05 qui doit nous amener à une économie neutre en carbone.
39:08 Et que ça, c'est quand même un chantier fantastique et extraordinairement difficile
39:15 et qu'il faut qu'il soit vraiment réussi dans dix ans.
39:18 Nicolas Bouzou, allez, un petit point d'optimisme juste avant la guerre.
39:21 Les importations de gaz russe dans l'Union européenne,
39:25 c'était 65% à peu près de notre consommation.
39:28 On est aujourd'hui à peu près à 5%.
39:30 C'est à dire qu'on a parfaitement réussi cette diversification.
39:33 On utilise en effet plus de gaz russe.
39:35 De toute façon, il y a un embargo.
39:37 On utilise du gaz, en fait, du gaz qu'on a acheté ailleurs.
39:43 C'est vrai que certains pays ont fait remarcher un peu les centrales à charbon,
39:46 mais finalement, pas tant que ça.
39:47 Et le résultat de tout ça, ce sont les filtrants stats qui ont été publiés vendredi.
39:50 C'est que les émissions carbone de l'Union européenne ont baissé de l'ordre de quasiment 3% en 2022.
39:57 4% pour la France.
39:59 C'est quand même formidable.
40:01 Donc, vous voyez qu'on arrive à faire des choses.
40:03 On avance. On va dans la bonne direction.
40:06 Merci, Nicolas Bouzou.
40:08 On vous doit notamment la France de l'à peu près aux éditions de l'Observatoire.
40:12 Merci, Xavier Thimbault.
40:14 Vous êtes directeur de l'Observatoire français des conjonctures économiques.
40:19 On se retrouve dans quelques secondes pour le point sur l'actualité.

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