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[#InterviewExclusive] JISA 2023 : Entretien avec le Dr Stéphanie Ntsame Ngoua

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00:00 Le 13 juin de chaque année, nous célébrons la journée internationale de sensibilisation
00:12 à l'albinisme.
00:13 A cette occasion, nous recevons sur notre plateau une invitée et pas des moindres.
00:17 Il s'agit de Dr Stéphanie Tzam Ngoa, dermatologue et présidente de l'association de lutte pour
00:24 le bien-être de l'albinisme au Gabon.
00:27 Bonjour docteur.
00:28 Bonjour.
00:29 Comment vous allez ?
00:30 Ça va.
00:31 Ok.
00:32 C'est gentil d'avoir accepté notre invitation sur le plateau.
00:35 Pouvez-vous nous présenter la structure que vous représentez ?
00:39 Alors l'association de lutte pour le bien-être des albinos au Gabon, c'est une association
00:46 qui est faite de plusieurs membres différents.
00:52 Donc il y a les personnes atteintes d'albinisme qui, selon nos statuts, sont tous membres.
00:57 Après il y a les personnes qui portent le gène de l'albinisme, c'est-à-dire les parents
01:01 et les descendants.
01:02 Et puis il y a tous ceux que les questions inhérentes à l'albinisme intéressent, qui
01:06 peuvent intégrer notre groupe.
01:10 C'est une association qui a pour mission principale la sensibilisation.
01:15 Pourquoi ? Parce que l'albinisme ce n'est pas juste une histoire de couleurs.
01:20 Il y a des choses à savoir.
01:22 Il y a des choses à savoir pour avoir une belle vie, mais il y a aussi des choses à
01:26 savoir juste pour survivre.
01:28 Et contrairement à ce que les gens croient, l'albinisme c'est compliqué.
01:33 D'accord.
01:34 Quelles sont les actions menées par votre association depuis sa création ?
01:39 Alors l'association a été créée dans les années 90 par des parents d'enfants albinos
01:44 qui étaient un peu embêtés par le fait qu'ils ne savaient pas trop quoi faire par
01:51 rapport à la particularité de leurs enfants.
01:53 Donc ils se sont mis ensemble pour partager les informations.
01:56 C'est d'abord une amicale de parents.
01:58 Et puis avec le temps, les enfants de ces personnes-là ont grandi.
02:02 Et ils ont commencé à s'occuper de cette association.
02:06 Et là, c'était vraiment informer les gens sur ce qu'est l'albinisme, sur ce qu'il
02:12 faut faire quand on est atteint d'albinisme, aider les gens à s'intégrer dans la société
02:19 avec la particularité qu'est l'albinisme.
02:22 Et surtout notre grand ennemi, le soleil, savoir quoi faire pour ne pas avoir le cancer
02:28 de la peau.
02:29 Et si le cancer de la peau est là, comment se soigner, vers qui se tourner, comment le
02:36 prévenir, etc.
02:38 D'accord.
02:39 Le 13 juin de chaque année, nous célébrons la journée internationale de sensibilisation
02:45 à l'albinisme.
02:46 Et le thème de cette année, c'est "l'inclusion fait la force".
02:49 Quel est le commentaire que vous pouvez faire sur ce thème ?
02:53 Alors, l'UNESCO, quand ils ont instauré cette journée, c'était par rapport aux
03:00 attaques que subissaient les personnes atteintes d'albinisme dans les pays d'Afrique australe.
03:08 Et pour les protéger, on a fait des sortes de parcs, des réserves, en tout cas on les
03:18 a mis à l'écart pour essayer de les protéger des agressions.
03:23 Donc le nombre d'agressions a effectivement diminué.
03:28 Mais ça exclut les albinos du reste du monde.
03:33 Quand ils ont instauré cette journée internationale, ils se sont rendu compte que tout le monde
03:39 n'avait pas les mêmes problèmes et que ceux qui n'avaient pas les problèmes d'agression
03:43 avaient d'autres problèmes, étaient exclus d'une autre manière.
03:46 Et là maintenant, en tout ce qui est matière de handicap, on prône l'inclusion.
03:52 Pourquoi ? Parce que ce ne sont pas les minorités visibles et les personnes vulnérables qui
03:57 doivent s'adapter au monde, puisque ils sont vulnérables et qu'ils sont handicapés.
04:02 C'est le monde qui doit les inclure.
04:04 Il faut trouver les voies et moyens de faire que chacun, avec sa particularité, trouve
04:09 sa place.
04:10 Et c'est au monde de trouver une place, de prévoir une place pour tous.
04:16 Lorsque je suis handicapée moteur et que je suis en fauteuil roulant et qu'il n'y
04:24 a pas de rampe pour aller en classe, on ne me donne pas l'opportunité d'être le
04:29 premier de la classe, ni même le dernier, puisque je ne peux pas y aller.
04:32 Et donc toutes ces actions que le monde va poser pour prévoir celui qui a une insuffisance
04:39 ou une particularité différente du grand groupe, ça va inclure les personnes qui portent
04:46 une différence.
04:47 Ça va leur donner l'occasion d'exprimer leur plein potentiel et donc d'être plus
04:53 fort, au lieu de me débattre à ramper par terre pour aller en classe.
04:57 Je prends mon fauteuil, j'y arrive et là-bas je fais comme tout le monde.
05:02 C'est là-bas que je vais exprimer ce qui peut faire en sorte que je montre mes forces.
05:07 Donc vraiment, cette journée internationale, le thème de cette année, c'est qu'il faut
05:11 bien comprendre, qu'il faut complètement arrêter de dire "oui mais toi aussi, fais
05:15 comme tu veux, tu vas faire quoi là où il y a les gens ?"
05:17 Il faut absolument qu'on comprenne que chacun a une place et c'est aux autres de donner
05:22 la place à chacun.
05:23 Ce n'est pas à nous de nous débattre pour expliquer aux gens que si je reste au soleil,
05:28 je me brûle et que si je me brûle tout le temps, j'aurai le cancer de la peau.
05:33 C'est aux autres de m'accepter avec mon parapluie, mes longues manches, mes lunettes,
05:38 que je me tartine de crème en public.
05:40 C'est aux autres d'accepter ça.
05:42 Et quand je fais ça, je peux pratiquer la médecine.
05:45 Vous voyez ? Je peux exprimer tout mon potentiel et montrer ma force.
05:49 Et un monde plus tolérant, plus inclusif, c'est un monde plus fort puisque si on diminue
05:54 la quantité de personnes qui va exprimer les compétences avec des sensibilités différentes,
05:59 on diminue le potentiel de tous puisque chacun peut apprendre à l'autre.
06:05 D'accord, merci pour la réponse.
06:07 De ce fait, quelles sont les actions prévues pour cette journée internationale ?
06:12 Dans un premier temps, comme tous les 13 juin, on essaye de faire de la médiatisation.
06:16 Comme nous le faisons ici, on parle de l'albinisme.
06:21 On parle de l'albinisme dans les médias parce que c'est notre véhicule pour tous les messages.
06:28 Et dans un deuxième temps, on va faire une célébration à notre siège à Ton Abbé
06:33 où on va discuter des questions d'inclusion.
06:37 Comment inclure l'albinosme ? Mais pas seulement.
06:40 Comment percevoir l'inclusion elle-même ?
06:42 Pourquoi inclure l'albinosme ? Qu'est-ce qui fait que c'est important ?
06:47 La personne atteinte d'albinisme voit mal, hein, donc, à les problèmes de scolarisation
06:53 parce qu'on voit au tableau.
06:55 Si on ne peut pas voir au tableau, on a du mal à apprendre à écrire, à lire, etc.
07:00 Et tout ce qui s'ensuit.
07:02 La personne atteinte d'albinisme ne pouvant pas se protéger du soleil
07:05 va avoir une peau qui sera sujette au cancer de la peau
07:08 et mourir trop tôt dans des souffrances longues, douloureuses,
07:13 pour tout le monde, pour la personne atteinte d'albinisme, mais aussi pour son entourage.
07:16 Et va coûter à la société en termes de soins
07:19 parce que même quand on est traité, on guérit et ça récidive.
07:24 Il faut que la société comprenne que protéger les personnes, les inclure,
07:29 leur permettre de faire ce qu'il y a à faire dans des conditions
07:33 qui ne mettent pas leur vie en danger, c'est bon pour la société.
07:37 C'est bon pour nous tous.
07:39 Parce que quand un albinosme est hospitalisé depuis deux mois
07:42 pour une histoire de... il perd la moitié de son visage,
07:45 c'est la place de quelqu'un qui aurait pu être traité pour paludisme.
07:49 C'est la place de quelqu'un qui aurait pu être traité pour AVC.
07:52 C'est la place de quelqu'un qui aurait pu être traité pour méningite,
07:55 qui sont des maladies infectieuses que les gens attrapent et qu'ils y peuvent pas grand-chose.
07:59 Alors que l'albinisme, quand on est atteint d'albinisme,
08:03 on n'est pas obligé de faire le cancer de la peau.
08:05 Si on s'est protégé du soleil, on n'aura pas le cancer.
08:08 Donc c'est une maladie évitable.
08:10 Mais ça n'est pas possible si je fais des petits boulots assez au soleil,
08:13 en train de vendre du piment, ou que je suis en train de cultiver dehors.
08:17 Mais je suis au soleil, donc j'aurai le cancer de la peau.
08:22 L'inclusion, ça nous aide.
08:24 Et ça aide aussi la société à ne pas porter un poids trop lourd.
08:27 Puisque de toute façon, les malades, on les soigne.
08:30 Et même si on les soigne pas, on les voit mourir.
08:32 Ce qui n'est pas, à proprement parler, intéressant.
08:35 D'accord. En vue des stigmatisations, des nombreuses stigmatisations,
08:40 des préjugés qu'il y a sur l'albinisme,
08:42 est-ce que vous pensez que le regard des gens a changé ces dernières années ?
08:46 Alors, le regard des gens a changé, on va dire la proportion a changé.
08:50 Il y aura toujours des irréductibles qui trouveront que
08:53 s'il te manque quelque chose, c'est que tu n'as pas à être là.
08:56 Il y aura toujours des superstitieux, les chrétiens, les animistes,
09:00 qui trouveront que si tu n'es pas comme tout le monde,
09:02 c'est qu'il y a une valeur mystique, positive ou négative.
09:05 Parce que certains disent que quand tu as un enfant qui est bizarre,
09:08 c'est parce que tu as laissé Satan rentrer chez toi, c'est une punition.
09:12 Il y aura toujours ceux-là.
09:13 Mais il y a maintenant de plus en plus de personnes qui n'en pensent rien,
09:19 qui se disent que c'est des gens qui n'ont pas de point de vue.
09:23 Et de ce point de vue-là, c'est ça notre cible.
09:27 Ce sont les gens à qui on va expliquer que,
09:29 attention, maintenant, que vous n'avez pas peur.
09:35 Il faut comprendre que c'est des personnes à part entière,
09:38 avec des particularités,
09:40 qu'il faut prendre en compte pour leur sauver la vie
09:43 et pour leur permettre la survie.
09:45 C'est vraiment ça qui est intéressant,
09:48 parce qu'on trouve de plus en plus de personnes
09:51 qui ne te diront pas « Ah, moi, quand j'étais petite, je me tirais un cheveu. »
09:55 Quand j'en voyais un parce qu'on avait dit qu'il fallait faire ça pour ne pas attraper ça.
10:01 C'est de plus en plus fréquent de voir des gens qui n'ont aucun préjugé.
10:07 C'est quelque chose qui était extrêmement rare quand j'étais plus petite.
10:11 Maintenant, on trouve beaucoup de personnes qui se disent « Bon, ça existe, mais rien de plus. »
10:18 Et c'est ces personnes-là à qui on va expliquer que,
10:21 oui, ça existe et il y a des particularités à prendre en compte.
10:24 Si jamais vous en croisez un,
10:26 si jamais vous êtes l'enseignant de l'une de ces personnes,
10:29 il ne faudra pas faire exactement comme tout le monde,
10:32 parce que l'égalité, ce n'est pas forcément l'équité.
10:36 Si vous avez une personne de petite taille
10:39 qui doit regarder un spectacle et que vous lui donnez le même siège que tout le monde,
10:43 ce n'est pas équitable.
10:45 C'est la même chose que pour tout le monde, mais ça ne l'arrange pas.
10:49 Et ça, ce n'est pas stigmatiser quelqu'un.
10:52 Il faut bien comprendre que quand vous prenez en compte la particularité de quelqu'un,
10:56 vous ne le stigmatisez pas.
10:58 Les gens ont toujours l'impression qu'on dit « Oui, mais quand on fait ça, on ne le prend pas comme tout le monde. »
11:01 Il n'est pas comme tout le monde.
11:03 Il faut l'accepter sans donner à ça une valeur négative.
11:06 C'est ça, respecter l'autre.
11:08 On n'a pas à faire comme si tout le monde était pareil.
11:11 Parce que ça veut dire que ne pas être pareil, c'est mauvais.
11:15 C'est ça qui est stigmatisant même.
11:17 De se dire « Moi, je le traite comme… » Non.
11:21 Parce que ça veut dire que vous niez la particularité.
11:24 Cette particularité qui fait partie de sa personne,
11:27 qui fait partie de son identité.
11:29 Ce n'est pas ce qui la définit complètement,
11:31 c'est quelque chose qui la caractérise.
11:33 Si on nie ça, ça veut dire que quelque part,
11:36 on est aussi d'accord avec ceux qui n'en veulent pas.
11:39 Ça veut dire qu'on discrimine encore plus.
11:42 Parce que là, on fait vraiment comme si dans notre monde,
11:45 ce n'est pas permis d'être autrement, de faire autrement, de vivre autrement.
11:50 Et c'est vraiment quelque chose pour lequel nous, on milite.
11:55 Que les personnes qui n'ont pas le problème du rejet
11:58 comprennent que l'acceptation, c'est une base dans le respect de l'autre.
12:05 Merci docteur. Nous arrivons au terme de cette interview.
12:09 Est-ce que vous avez un mot de fin ?
12:12 J'aimerais vraiment dire, parce que j'ai eu une conversation
12:15 avec certaines personnes de l'autorité.
12:18 Notre association fait beaucoup de travail avec les autorités
12:20 pour permettre d'améliorer la prise en charge
12:23 des structures existantes de l'albinisme.
12:28 Dire que nous ne sommes pas pareilles, ce n'est pas nous discriminer.
12:33 On peut respecter l'autre.
12:35 Moi, je m'appelle Stéphanine Samgwa.
12:38 Si on dit que je m'appelle Stéphanine Sam, on nie que je suis la fille de mon père.
12:42 Je suis moi, dans toute mon entièreté, avec mes faiblesses et mes forces.
12:49 Faire comme si mes faiblesses ne font pas partie de moi,
12:52 ce n'est pas me respecter.
12:55 J'encourage chacun à respecter l'autre tel qu'il est.
12:58 Le respect vient avant, l'amour vient ensuite.
13:02 On va tout le temps nous demander de nous aimer, de nous aimer.
13:04 Mais comment peut-on aimer les gens qu'on ne respecte pas ?
13:08 Et donc, vraiment, commençons par respecter l'autre dans sa globalité.
13:13 Après, on va s'aimer pour faire un meilleur monde.
13:16 Merci beaucoup docteur.
13:17 C'était une interview exclusive à l'occasion de la
13:20 Journée internationale de sensibilisation à l'albunisme.
13:23 Nous vous remercions de nous avoir suivis. Au revoir.
13:27 [Musique]

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