Marine Tondelier, secrétaire nationale d'Europe Écologie Les Verts et Sandrine Rousseau, députée EELV, ont été prises à partie et insultées ce lundi par des vignerons dans l'Aude.
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00:00 Marine Tondelier, bonsoir, vous étiez donc sur place avec Sandrine Rousseau
00:05 pour protester contre un projet de golfe et d'hôtel de luxe.
00:08 Pourquoi tout d'un coup cette agressivité de la part de ces agriculteurs ?
00:12 Que s'est-il passé ? Racontez-nous.
00:14 - Pour le coup, c'était avant la lutte contre le golfe.
00:19 C'est un golfe, il y en a déjà trois dans le secteur,
00:21 ils veulent en construire un quatrième sur les meilleures terres agricoles de l'Aude.
00:24 Je ne pense pas que c'était ça le problème des agriculteurs
00:26 parce que quand je leur ai demandé à un moment "mais qui est contre ce projet de golfe ?"
00:29 ils ont tous levé la main en disant "non mais là on est d'accord".
00:31 Comme d'ailleurs sur beaucoup d'autres sujets en réalité.
00:33 Je pense que ce qui se passe c'est qu'il y a une vraie détresse de cette profession,
00:37 moi je l'ai toujours dit, il y a 200 exploitations agricoles
00:39 qui disparaissent chaque semaine en France.
00:41 Je ne sais pas si vous vous rendez compte, il y a un suicide tous les deux jours
00:44 et le revenu médian des agriculteurs est inférieur au seuil de pauvreté.
00:48 Donc évidemment qu'on a un sujet.
00:49 Maintenant il y a deux possibilités.
00:51 Soit on explique que c'est de la faute des écologistes
00:53 qui peuvent être un bouc émissaire idéal comme dans plein d'autres situations
00:56 mais vous savez, vous pouvez supprimer tous les écologistes de France et même du monde,
01:00 il y aura toujours un problème d'accès à la ressource en eau,
01:02 toujours un problème de changement climatique,
01:04 c'est d'ailleurs ce qu'on dit depuis des années et nous y sommes.
01:07 Et donc je pense que celles et ceux qui...
01:08 - Mais pourquoi ce vitic, pardon, mais pourquoi ce vitic culturel ?
01:11 - Non mais vous savez que...
01:12 - On vous a insulté en fait, pour essayer de comprendre.
01:14 - Non mais je veux dire juste, quand on fait des boucs émissaires...
01:15 - Mais c'est pas un golfeur !
01:16 - Non mais quand on fait des boucs émissaires,
01:17 quand on fait des boucs émissaires en général,
01:19 c'est qu'un, on n'a plus rien à répondre aux gens,
01:21 donc on fait un bouc émissaire,
01:22 et deux, les boucs émissaires sont toujours innocents.
01:24 Je pense que celles et ceux qui ont emmené l'agriculture,
01:27 qui l'ont enfermée dans cet impasse productiviste
01:29 et qui aujourd'hui ne savent plus répondre à la détresse des agriculteurs
01:32 là où les ont emmenés,
01:33 présentent l'ennemi idéal des agriculteurs, les écologistes.
01:37 Mais c'est quand même un peu plus compliqué que ça,
01:39 parce que le mur dans lequel on les a envoyés,
01:41 on a alerté des dizaines d'années là-dessus.
01:44 On propose nous un autre modèle
01:46 qui fasse mieux vivre les agriculteurs,
01:48 qui fasse mieux vivre les consommateurs
01:51 et qui soit plus respectueux des écosystèmes.
01:53 Et vous savez, vu les défis qui nous attendent,
01:55 parce qu'on va quand même tous dans le mur,
01:57 y compris en termes d'habitabilité de la planète,
01:59 quand il n'y aura plus d'eau,
02:01 il n'y en aura plus pour les agriculteurs,
02:02 plus pour le consommateur,
02:03 plus pour l'écosystème, plus pour personne.
02:05 Donc on est condamné à coopérer.
02:07 Et c'est pour ça que quand on m'annonce
02:09 qu'il y a des gens qui sont très virulents,
02:11 qu'il ne faut pas que j'aille à tel endroit
02:12 parce qu'ils ne sont pas contents,
02:13 j'y vais toujours par principe,
02:14 parce qu'il faut discuter.
02:15 Et nous, ce que nous savons mieux faire
02:17 chez les écologistes,
02:18 c'est apaiser, protéger, réparer.
02:20 Et donc évidemment qu'on va les voir.
02:21 Et ça peut être virulent parfois.
02:22 Vous savez, moi j'ai quelques années
02:24 d'opposition au Rassemblement National
02:25 à Élimbaumont derrière moi.
02:26 J'ai été forgée dans l'adversité.
02:28 Donc je vais vous dire, j'en ai vu d'autres.
02:29 - Oui, mais Marine Tondelier...
02:30 - Mais pourquoi on y va ?
02:31 C'est parce qu'on est obligé de leur expliquer.
02:33 Et la plupart d'entre eux d'ailleurs ont compris.
02:35 Voilà.
02:36 - Oui, Marine Tondelier, en fait,
02:37 c'est parce que vous représentez
02:38 une espèce de bloc anti.
02:40 Vous êtes anti-chasse,
02:42 vous êtes anti-corrida,
02:43 anti-tradition, anti-bassine, anti-viande.
02:46 Et donc, voilà, vous représentez tout ce que, eux,
02:49 vivent en particulier dans certaines régions.
02:51 Et ils ne veulent pas de vous
02:52 parce que vous venez leur faire la leçon.
02:54 Vous symbolisez l'interdiction, en fait.
02:56 - Mais vous savez que la discussion
02:58 était très, très différente.
02:59 Parce que sur les bassines, par exemple,
03:01 ils me disent "vous nous interdisez
03:02 de récupérer l'eau".
03:03 C'est pas vrai.
03:04 J'ai comme plein de Français,
03:05 un récupérateur d'eau de pluie dans mon jardin.
03:07 Et je pense que tout agriculteur
03:08 devrait en avoir un dans sa ferme.
03:09 Là où nous sommes contre,
03:11 c'est quand on parle de projets de méga-bassines
03:13 qui vont pomper l'eau directement dans la nappe phréatique
03:16 et qui bouleversent le cycle de l'eau.
03:17 Et là, ils disent "oui, ça c'est sûr, faut pas le faire".
03:19 On est d'accord.
03:20 Sur la viande, je leur dis que moi,
03:22 je n'en mange pas depuis 2009.
03:24 Que d'autres manières, il faut en manger moins
03:25 parce que les grands élevages industriels
03:27 où on met des dizaines de milliers de poulets
03:29 en batterie, c'est même plus de l'élevage.
03:32 Ils sont d'accord avec ça.
03:33 Eux, ils veulent un élevage paysan.
03:35 Sur la corrida, je pense que c'était pas trop leur sujet hier.
03:38 Et sur tous les sujets que vous citez, on est là.
03:40 Sur y compris la défense de leurs prix,
03:42 de leurs sources de revenus
03:44 contre les traités internationaux, le Mercosur.
03:46 Qui se bat au Parlement européen ? C'est nous.
03:48 Et donc je veux bien que certains
03:50 veulent faire de nous les ennemis publics numéro un.
03:51 C'est un peu plus compliqué que ça.
03:53 - Alors Jean-Baptiste Moreau,
03:54 vous voulez vous interpeller sur le fait peut-être
03:56 qu'il faut sortir de cette crispation
03:59 entre les écologistes et les agriculteurs.
04:01 - Il ne s'agit pas de dire que les écologistes
04:02 sont l'ennemi public numéro un.
04:03 Ce n'est pas ça.
04:04 C'est qu'on a un état de tension dans ce pays
04:06 entre la population rurale et agricole
04:08 qui est majoritaire dans ces territoires-là,
04:10 qui se sent totalement non écoutée, incompris,
04:13 et qui voit de l'écologie effectivement
04:15 que des interdictions ou des obligations
04:17 qui tombent d'en haut,
04:18 conçues par des technos dans les ministères.
04:20 Mais à coups de pas, j'en fais partie
04:22 puisque j'ai été de 2017 à 2022 député.
04:24 - Qui ne sont pas des écologistes.
04:25 - Oui, il y en a quelques-uns quand même aussi,
04:27 pour être tout à fait honnête.
04:28 - Qui ne sont pas des écologistes.
04:29 C'est exactement ce qui se passe
04:30 quand l'écologie n'est pas faite par des écologistes.
04:32 - Oui, heureusement, parce que l'écologie
04:34 est trop sérieuse pour être confiée
04:36 à des écologistes politiques.
04:38 - Ça se voit, mais merci pour le résultat
04:40 et pour les ordres et les leçons que vous nous donnez.
04:43 - Vous avez expliqué pendant des années
04:45 qu'il fallait que tout le monde se convertisse
04:46 à l'agriculture bio.
04:47 Aujourd'hui, l'agriculture bio est économiquement plantée,
04:49 les agriculteurs n'arrivent plus à vivre
04:50 et certains se déconvertissent
04:51 parce qu'ils ne trouvent plus de bouchées.
04:53 - Moi, je ne suis pas venu pour écouter des imbécilités sur l'agriculture.
05:00 Le consommateur n'achète pas
05:02 parce que c'est trop cher.
05:04 - Vous avez raison, je suis agriculteur,
05:05 je ne connais pas mon métier.
05:06 - Je suis venue vous parler des violences faites en politique
05:09 et du risque qu'on arrive à faire parler.
05:11 - Non, c'est vous la sachant, je suis agriculteur,
05:12 je ne connais pas mon métier, je ne connais pas le secteur.
05:14 J'ai été présidente coopérative,
05:15 mais tout ça, je ne connais pas
05:16 la vie économique de l'agriculture.
05:17 - Les idées reçues en anti-bio, il y en a aussi beaucoup.
05:21 - Oui, mais Marie-Thourdelier, vous voyez...
05:23 - Moi, je viens d'une famille d'agriculteurs,
05:25 je ne suis pas ennemi des agriculteurs.
05:27 - Pourquoi vous apparaissez finalement comme leur ennemi ?
05:30 Pourquoi eux, ils vous considèrent comme leur ennemi ?
05:32 C'est ça qu'on essaie de comprendre.
05:34 Parce que si vous dites "moi, je suis là pour les aider"
05:36 et que quand vous arrivez, ils vous insultent,
05:38 c'est qu'il y a quelque chose qui a été loupé quand même.
05:40 - Alors, on va reprendre plusieurs choses.
05:42 La première, c'est que ce ne sont pas les agriculteurs
05:44 qui m'insultent, ce sont des agriculteurs en connaissance.
05:47 - À Sainte-Seline, vous avez été insultée aussi.
05:51 - Attendez, on ne peut pas tout mélanger.
05:52 Soit vous me laissez répondre, soit je ne réponds pas.
05:55 En fait, hier, on voyait bien qu'il y en avait avec qui
05:58 on pouvait discuter, que les plus virulents, on m'a dit,
06:00 lui, il est très en lien avec les straight droite.
06:02 Il y a aussi ça qui joue.
06:03 Il y a certains politiques qui instrumentalisent
06:05 les agriculteurs pour les remonter contre les écolos
06:07 parce qu'ils ont des intérêts politiques à le faire.
06:09 C'est une chose.
06:10 La deuxième, c'est que moi, je discute avec la plus grande
06:13 majorité des agriculteurs.
06:14 On a passé beaucoup de temps sur le stand de la FNSEA,
06:16 au sein de l'agriculture, où on avait des désaccords, certes,
06:19 mais aussi des accords.
06:20 Je viens d'une famille d'agriculteurs et je ne laisserai pas
06:22 des gens m'expliquer que je suis pour ou contre l'agriculture.
06:24 C'est un peu plus compliqué que ça, surtout celles et ceux
06:27 qui donnent des leçons d'amour de l'agriculture
06:29 à longueur de semaine et qui les ont amenées ça.
06:31 En fait, je n'entends pas ces leçons de morale-là.
06:32 Ce n'est pas possible.
06:33 On discute avec la plupart.
06:34 Certains sont très en colère.
06:36 Moi, je peux le comprendre.
06:37 Et il faut qu'on trace un chemin ensemble.
06:39 C'est ce qu'on va faire.
06:40 Il n'y a pas de problème.
06:41 On veut installer un million de paysans dans ce pays
06:43 d'ici 2050 parce qu'on veut se nourrir local.
06:45 On veut que ce métier puisse vivre correctement.
06:48 Et on veut un autre chemin pour l'agriculture.
06:50 - Peut-être parce que, alors, de ce que vous nous dites,
06:52 vous dites « moi, je suis pour le dialogue,
06:54 pour une agriculture constructive »
06:57 mais peut-être qu'on vous assimile aussi à ce qui casse.
06:59 - Qui les fasse bien vivre.
07:00 - Non, mais attendez.
07:01 Par exemple, le soulèvement de la terre
07:02 qui est allé détruire une serre,
07:04 alors que la personne qui était dans cette serre
07:06 dit qu'elle faisait des efforts écologiques
07:08 et qu'elle était en train de transformer son agriculture.
07:10 Peut-être que vous devez vous dissocier
07:12 de certains mouvements peut-être plus radicaux.
07:14 - Vous le confondez.
07:15 Ils ont construit une serre.
07:16 Ils ont construit une serre par ailleurs à 5 000 mètres.
07:18 - Et ça méritait la destruction.
07:19 - Bref.
07:20 - Ça a justifié la destruction ?
07:22 - Moi, je suis secrétaire nationale d'Europe Écologie-Les Verts.
07:25 Jamais je n'ai fait un seul acte qui soit violent.
07:28 - Oui, mais est-ce que vous dénoncez ce que fait Soulèvement de la Terre ?
07:31 - Je suis pour la désescalade.
07:33 Je suis pour la désescalade de la violence.
07:35 - Alors, est-ce que vous dénoncez ce que font les Soulèvement de la Terre ?
07:38 - C'est ce que j'ai toujours proné comme l'intégrité des adhérents de ce parti.
07:40 Par contre, quand un ministre de l'Intérieur parle d'éco-terrorisme,
07:44 quand toute la journée on dit que c'est la faute des écolos,
07:46 oui, ça crée des tensions sur les territoires.
07:48 - Oui, mais vous êtes ambigu, Marie-Thaudonnier.
07:50 - Des agriculteurs m'ont dit, il y a de l'agribashing, c'est pour ça qu'on n'est pas content.
07:55 Vous faites l'agribashing.
07:56 Je leur ai dit, à quel moment ?
07:57 Citez-moi une fois où j'ai dit un truc pas bien sur l'agriculture.
08:00 Ils n'avaient pas d'exemple.
08:01 Ils disaient, mais non, mais on le sait bien, vous en faites.
08:02 - Est-ce que vous désolidarisez des Soulèvement de la Terre ?
08:05 - C'est un sujet.
08:06 - Mais vous ne répondez pas à nos questions.
08:07 - Il y a aussi de l'écolobashing.
08:10 - C'est une technique.
08:11 - Omniprésent.
08:12 Et ça finira par causer un problème, parce que ça fait monter la violence.
08:16 Il faut désescalader la violence.
08:18 J'ai beaucoup de discussions avec les Soulèvement de la Terre, puisque vous m'en parlez.
08:22 Ce n'est pas facile d'être coupé comme ça quand je suis à distance, donc je ne vous vois pas.
08:26 Sur les Soulèvement de la Terre, on passe beaucoup de temps à discuter.
08:29 Oui, mais ne les posez pas pendant que je réponds à la précédente.
08:31 Il n'y a pas de problème avec les Soulèvement de la Terre.
08:33 J'ai toujours été très claire.
08:34 Je suis contre leur dissolution, parce que ce n'est pas comme ça qu'on règle des problèmes.
08:37 Mais si vous considérez que le problème pour l'humanité,
08:41 c'est les Soulèvement de la Terre, c'est que vous n'avez pas compris ce qui va nous tomber dessus,
08:44 ce qui commence à nous tomber dessus.
08:46 Il n'y aura plus d'eau cet été.
08:48 Si le problème, c'est celles et ceux qui dénoncent des méga-bassines,
08:51 vous risquez de vivre un été un petit peu compliqué.
08:53 Je ne suis pas d'accord tout le temps.
08:55 Quand je leur dis, je leur dis.
08:57 Mais est-ce qu'il faut les dissoudre ?
08:58 Est-ce que c'est ça la solution à tous les problèmes du monde agricole ?
09:01 Je pense que c'est un petit peu plus compliqué que ça.