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Le procès du chauffard accusé d'avoir tué Antoine Alléno, fils du chef Yannick Alléno, s'est ouvert ce jeudi à Paris. Depuis les faits, le chef étoilé s'est engagé pour la création d'un délit "d'homicide routier", qui fait l'objet d'une proposition de loi.

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Transcription
00:00On va d'abord aller au tribunal de Paris retrouver Mathias Tesson pour BFMTV, parce qu'il y a un procès exemplaire qui se tient en ce moment.
00:06C'est celui du conducteur qui a ôté la vie au fils du grand chef Yannick Aléno, Antoine Aléno, c'était en 2022.
00:12C'est Mathias Tesson qui est sur place pour BFMTV. En rappelant déjà ce qui s'est passé, Mathias.
00:19Oui, un soir de mai 2022, en plein cœur du très chic 7e arrondissement de Paris, un homme sort d'un restaurant.
00:25Il est ivre, il est à bord d'un véhicule particulièrement puissant.
00:30Il roule à une allure que l'on pourrait qualifier de particulièrement excessive,
00:34puisque la vitesse à ce moment-là est estimée à près de 120 km heure, alors que c'est limité à 30.
00:41Et en fait, il va percuter une première voiture et à l'issue de ce choc, il va y en avoir un second,
00:48puisqu'il y a un scooter qui se trouve à proximité, qui va lui aussi être emporté sur ce scooter.
00:54Où se trouve Antoine Aléno, âgé de 24 ans, il décédera sur le coup.
00:59Francky D, c'est son nom, était à bord d'un véhicule qu'il venait de voler, en fait, à la sortie de ce restaurant.
01:07Cet homme va dans un premier temps prendre la fuite avant d'être finalement interpellé.
01:12Il en court aujourd'hui jusqu'à 10 ans de prison et 150 000 euros d'amende.
01:16Le procès est toujours en cours pour l'instant.
01:19Comment s'est passée cette première audience, Mathias ?
01:22Eh bien, écoutez, il y a eu des moments, évidemment, particulièrement forts.
01:27Vous l'imaginez, notamment le récit des faits et la violence du choc.
01:32Mais ce que tout le monde attendait, finalement, eh bien, c'est le récit du principal mis en cause dans cette affaire.
01:38Un homme de 27 ans, son casier judiciaire porte mention de près de six condamnations pour des faits de vol,
01:45de tentatives de vol, recel de vol ainsi que d'escroquerie.
01:49Et lorsqu'il est arrivé ici, eh bien, il s'est caché le visage pour échapper aux caméras
01:55avant de prendre la parole, notamment à la lecture des faits.
01:57Il avait les yeux rivés vers le sol.
01:59Et puis, finalement, il a été appelé à la barre, évidemment, pour témoigner.
02:03Et il a eu ces mots.
02:04« Je n'étais plus maître de moi-même.
02:06Si j'avais été agent, ça ne se serait jamais passé.
02:09Je n'ai pas de mots pour expliquer ce que j'ai fait.
02:12Je m'excuse de tout mon cœur.
02:13Ce que j'ai fait, c'est impardonnable.
02:16Je reconnais tous les faits. »
02:17Voilà ce qu'il a déclaré à la barre.
02:19Le problème dans ce dossier, eh bien, c'est qu'en raison de sa consommation d'alcool
02:24le soir des faits, il n'a plus aucun souvenir des circonstances qui ont pu conduire à ce drame.
02:30Et il n'est donc pas en capacité de le dire et d'expliquer pourquoi ce drame,
02:35au grand désespoir, vous l'imaginez, des partis civils.
02:38– Justement, les partis civils, la famille Allénault est présente.
02:41Comment a-t-elle appréhendé, réagi à cette première journée de procès ?
02:45– Eh bien, écoutez, ils sont tous particulièrement dignes.
02:49Ils sont arrivés ici sans dire un mot à la presse et ils viennent tout juste
02:53de prendre la parole à la barre, à l'intérieur de cette salle d'audience,
02:55juste derrière moi.
02:56Yannick Allénault a raconté cette soirée d'horreur.
02:59Il a dit « Moi, je n'ai rien oublié.
03:01C'était une scène de chaos.
03:03Mon fils était sous une couverture, des litres de sang par terre.
03:06Je me suis allongé sur mon fils et j'ai crié.
03:09La maman d'Antoine Allénault a également pris la parole.
03:12Ma vie a tourné autour de mes deux enfants.
03:14J'ai tout perdu ce 8 mai.
03:16Ça a été un séisme.
03:17À ce moment-là, les trois prévenus avaient les yeux encore une fois
03:21rivés vers le sol, mais tous semblaient assez émus, évidemment,
03:26du récit fait à ce moment-là par les deux parents d'Antoine Allénault, la victime.
03:31– Mathias Tesson avec Vincent Berthézanne pour BFM TV.
03:34Nous sommes avec le restaurateur Stéphane Madigol.
03:35Habituellement, vous venez défendre votre profession,
03:38porter des combats sur la nourriture et autres.
03:41Mais là, vous êtes là en tant que proche de la famille Allénault.
03:44Vous soutenez Yannick Allénault dans ce combat politique qu'il a
03:48d'établir un délit d'homicide routier, Stéphane Madigol.
03:52– Oui, vous le rappelez, j'aimerais avoir une pensée pour le courage
03:56qu'ont les parents aujourd'hui, Laurence, Yannick et Thomas.
04:02Moi, j'ai eu Yannick au téléphone quand ce drame est arrivé.
04:11Un père n'a pas à prendre dans ses bras son fils, mort, plein de sang.
04:18La scène est une horreur et je crois que les téléspectateurs doivent le savoir,
04:24que cette scène a été horrible et à vie, il va être marqué,
04:27à vie, le frère va être marqué, à vie, la mère va être marquée.
04:32Et ça fait plus de deux ans qu'il mène ce combat pour que la loi change
04:37et rendez-vous compte que deux ans après, la loi n'a toujours pas changé.
04:40– Il y a eu la dissolution entre-temps, mais il faut arriver à cet homicide routier.
04:45– Et quand je vous parle de courage de la famille Alenau…
04:49– Sinon c'est l'homicide involontaire, parce que c'est ce que dit la défense,
04:52ça n'est qu'un accident, au maximum, ça sera dix ans de prison.
04:57– L'effet, c'est quoi ? Vous avez un criminel qui vole un véhicule
05:02qui se trouve à quelques pas du restaurant où Antoine travaillait,
05:09chez Burger Père et Fils, il a voulu ramener une de ses collègues de travail
05:17et il s'est arrêté, lui, au feu rouge, il s'est arrêté.
05:22Et vous avez un criminel alcoolisé qui vient de voler un véhicule…
05:24– Ça faisait cinq minutes qu'il roulait à 110 km heure dans les rues de Paris.
05:28Il faut comprendre, c'est une Audi RS6, c'est des bolides puissants.
05:33Et ce que je ne comprends pas, c'est qu'il y a des capteurs dans ce véhicule par exemple,
05:37et qu'il y a eu une alerte forcément sur le chauffeur,
05:41qui a fait qu'à un moment, le véhicule a détecté un obstacle,
05:45en l'espèce le scooter du fils de Yannick Alenau.
05:50Et il a accéléré, il a tué ce môme.
05:54Et nous, nous avons perdu, moi je connaissais bien,
06:00nous avons perdu un jeune qui a été balayé par un criminel,
06:05donc qui risque quoi au maximum ? – Dix ans.
06:08– Dix ans ?
06:09– Mais est-ce que ça changerait quelque chose, bonsoir Maître,
06:10le délit, enfin l'homicide routier, est-ce que ça changerait quelque chose ?
06:14– Alors c'est là tout le débat, c'est-à-dire que l'Assemblée nationale
06:17s'est emparé d'un texte qui prévoit de transformer l'homicide involontaire
06:22avec circonstances aggravantes d'alcoolémie ou stupéfiants en homicide routier.
06:26Mais la peine, c'est exactement la même, c'est-à-dire que ce soit un homicide routier
06:30ou un homicide involontaire avec alcool ou stupéfiants,
06:32on est sur dix ans maximum.
06:34Maintenant, je vais vous le dire, ça fait vingt ans que j'exerce dans ce domaine,
06:38en droits routiers et dommages corporels, et pendant ces vingt ans,
06:42je n'ai jamais vu une seule condamnation à dix ans, voilà, je vous le dis.
06:45– Alors ce n'est pas la loi qu'il faut changer alors ?
06:48Qu'est-ce qu'il faut changer ? La mentalité des magistrats ?
06:51– En réalité, ce n'est pas les magistrats qui décident,
06:53ils ont envie de prononcer des peines, mais les prisons sont pleines, il faut le dire.
06:58Il faut construire des prisons pour laisser la possibilité
07:02aux magistrats d'appliquer la loi correctement.
07:04Et le législateur, après, il pourra faire évoluer la loi,
07:07mais il faut déjà appliquer la loi actuelle.
07:08– Quand on a un acte comme celui-là, le magistrat n'a pas à se demander
07:11si on doit mettre la personne en prison pour plusieurs années,
07:13enfin le drame, il est absolu, toutes les circonstances…
07:15– Je ne vous ai pas dit qu'il ne va pas mettre la personne
07:17pendant plusieurs années en prison, je vous ai dit que je ne pense pas
07:20qu'il aille sur dix ans, voilà, c'est des peines qui sont rarement prononcées,
07:25peut-être une fois, deux fois dans l'année.
07:27– Vous savez, on a tous, cet après-midi, découvert pendant cette audience,
07:32un fait qui me choque profondément et je n'ose imaginer l'effroi de la famille
07:39d'apprendre que ce criminel, qui est sorti au mois de décembre,
07:44soit quelques mois après son meurtre, vient de passer son permis de conduire.
07:48Mais vous vous rendez compte ?
07:50On est sur un type qui vient de voler, qui vient de tuer,
07:54et qui peut, derrière, à la stupeur générale, y compris du magistrat,
07:59qu'ils ont appris qu'il vient de passer son permis de conduire,
08:02tout le monde l'a appris aujourd'hui.
08:03– Mais le magistrat peut très bien lui annuler son permis de conduire,
08:04même s'il a passé après le permis, il n'y a pas de problème, il va lui annuler.
08:08Pensez quoi qu'il va laisser un danger public comme ça,
08:10sans annuler son permis de conduire, sans toucher au permis de conduire ?
08:12– Ce qu'on a du mal à comprendre, c'est pourquoi on n'applique pas
08:14l'intégralité de la peine, et que les prisons sont pleines,
08:19ne paraît pas suffisante au grand public.
08:21– Et puis, il y a quand même quelque chose de très important,
08:23j'entends le terme criminel, alors c'est peut-être une expression,
08:27mais avant tout c'est un terme juridique,
08:29et quand on parle de criminel, il faut qu'il y ait un crime.
08:31– Il faut une qualification précise.
08:33– Or, aujourd'hui, cette infraction, qu'elle soit homicide involontaire
08:37ou homicide routier, n'est pas un crime, reste un délit.
08:41Donc, au magistrat, au législateur…
08:43– Reste un accident.
08:44– Alors, le délit, il y a des actes volontaires aussi, peu importe,
08:48mais ça reste un délit, c'est-à-dire qu'au-delà de…
08:51– Parce que la défense dit, il était peut-être ivre,
08:53il avait volé la voiture, il a perdu le contrôle de sa voiture,
08:56ça reste un accident, dramatique, mais ça reste un accident.
08:58– J'ose imaginer que l'auteur des faits, quand il s'est levé le matin,
09:02il ne s'est pas dit, je vais aller tuer M. Allénaud,
09:05donc c'est en ça qu'on dit que c'est un accident,
09:08mais en réalité, il a eu conscience de consommer de l'alcool
09:10et des stupéfiants et autres, et en prenant ce risque,
09:14finalement, on considère qu'il y a homicide routier, c'est ça,
09:18le sens de la loi de transformer l'homicide involontaire
09:20avec circonstances aggravantes, alcool, stupéfiants, en homicide routier.
09:24Voilà, c'est cette conscience-là,
09:26mais ce n'est pas la conscience de tuer volontairement.
09:28– Pardon Maître, mais elle est où la morale quand…
09:31– Ce n'est pas moi qui fais les lois, j'imagine bien.
09:33– Je ne vous fais pas grief, mais… – Non, j'espère bien, je défends l'éducation.
09:36– Elle est où la morale quand vous avez un môme de 24 ans
09:40qui travaille, qui s'arrête un feu rouge,
09:43à qui des parents ont transmis des règles de vie en société,
09:47et vous avez en face un type qui s'affranchit de toute règle,
09:51qui boit, qui vole, qui est un multirécidiviste,
09:54parce que je rappelle que ce criminel devait être en prison,
09:59il ne devait pas être dehors, et pourtant il l'a tué.
10:02Quelle morale !
10:03– Aucune morale, après, on ne fait pas de la morale, on fait du droit.
10:06Alors, ce n'est pas moi qui applique les lois, ce n'est pas moi qui crée les lois.
10:09Aujourd'hui, je vous présente les textes tels qu'ils sont
10:12et comment ils sont appliqués de part et d'autre mon expérience,
10:15mais ça ne veut pas dire que je cautionne.

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