Sylvie raconte son parcours : après des années d'errance médicale, elle est diagnostiquée enfin. Elle souffre d'un trouble du neurodéveloppement, longtemps appelé syndrome d'Asperger.
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00:00 Je m'appelle Sylvie et j'ai été diagnostiquée très tardivement,
00:06 porteuse d'un trouble du neurodéveloppement qu'on appelait autrefois syndrome d'Asperger,
00:12 qui est une forme d'autisme sans déficience intellectuelle et sans retard de langage.
00:18 À titre d'exemple, j'avais déjà des gros soucis pour socialiser quand j'étais enfant.
00:23 À l'école maternelle en particulier, quand je suis entrée à l'école, c'était un vrai traumatisme pour moi.
00:29 Les enfants, en particulier dans la cour de récréation, me terrorisaient complètement.
00:34 J'avais aussi quelques difficultés quand ma mère invitait des petites copines à la maison.
00:41 Pour elle, c'était important puisque j'étais physique et elle était vraiment dans cette dynamique de m'aider à socialiser avec les gens,
00:49 en constatant que j'avais quand même des difficultés.
00:51 Et c'était pour moi toujours douloureux. Je n'aimais pas que les enfants viennent chez moi, dérangent mes jouets.
00:57 En plus, on avait assez rarement les mêmes préoccupations.
01:01 Souvent, les petites filles, elles jouaient à la poupée, alors que moi, je n'aimais pas du tout ça.
01:05 Les poupées, pour moi, c'était plutôt pour les peigner, pour les habiller, éventuellement,
01:11 mais on n'était pas du tout dans les mêmes dynamiques de jeu.
01:15 Et puis, au niveau socialisation aussi, quand il y avait des fêtes de famille
01:20 et quand les gens commençaient à bouger un peu, à chahuter, à s'agiter, à chanter, à danser,
01:26 moi, j'étais là aussi complètement terrorisée.
01:30 Et je pleurais souvent, et mes parents, quelquefois, ont dû me ramener.
01:34 Donc, j'avais hérité du qualificatif « t'es une sauvage ».
01:38 Mais pour mes parents, ce n'était pas forcément quelque chose de très inquiétant.
01:42 Ils s'imaginaient que j'allais améliorer cet aspect de ma personnalité avec le temps.
01:47 Il y avait d'autres choses aussi qui leur paraissaient un petit peu étranges.
01:52 Ils me disaient souvent que j'aimais toujours ce que les autres n'aimaient pas
01:57 et que je n'aimais pas ce que les autres aimaient.
01:59 Si, par exemple, j'avais une fête d'anniversaire et que les enfants s'amusaient avec des ballons,
02:02 moi, j'avais peur des ballons. Les ballons m'effrayaient.
02:05 Je sais maintenant pourquoi, c'est parce que les ballons, ça éclate.
02:08 Et le fait de savoir qu'un bruit inattendu et très fort pouvait d'un seul coup m'agresser,
02:15 me faisait très peur aussi.
02:17 J'avais peur, quand on est dans les fêtes foraines, des gens qui tiraient à la carabine.
02:23 J'avais peur quand il y avait des fanfares.
02:26 Les bruits, les percussions me donnaient mal au ventre.
02:30 Donc, il y avait tout un tas de choses comme ça un peu étranges,
02:33 comme aussi tout renifler dans la maison.
02:35 J'ai un sens de l'odorat particulièrement développé.
02:37 Et j'avais tendance à prendre conscience de mon environnement, entre agape l'odorat.
02:43 Je reniflait les choses pour savoir si c'était bien ou si c'était pas bien.
02:47 Donc, ça leur paraissait un petit peu étonnant.
02:50 J'avais des difficultés aussi à accepter qu'on me touche, qu'on me donne un bain,
02:57 qu'on me fasse un bisou, qu'on me prenne dans les bras.
03:00 Au niveau du toucher, c'était un peu compliqué.
03:03 Donc, c'est pour ça que mes parents disaient tout le temps,
03:05 « T'es bizarre, t'es une sauvage, j'aime rien comme tout le monde. »
03:08 Et puis, ce qui a surtout conduit mes parents à consulter quand j'étais petite,
03:12 c'était que j'avais des difficultés à m'alimenter.
03:15 Ça, c'est quelque chose qui a duré assez longtemps.
03:18 Alors, je sais maintenant que c'est en lien avec ce qu'on appelle la sélectivité alimentaire,
03:22 c'est-à-dire qu'il y avait certains types d'aliments,
03:24 en fonction de leur texture et de leur odeur, en ce qui me concerne,
03:27 que je ne pouvais absolument pas avaler.
03:29 Et le fait de manger, c'était quelque chose d'un peu curieux.
03:32 J'ai toujours eu un rapport au corps un petit peu étonnant aussi.
03:37 Et mes parents s'inquiétaient parce qu'à force de maigrir,
03:42 puisque je mangeais très peu, plus sans doute le stress quand j'ai été scolarisée,
03:47 j'ai commencé à avoir des maladies psychosomatiques importantes.
03:52 J'avais aussi une baisse des défenses immunitaires
03:55 qui me conduisait à voir le médecin presque toutes les semaines ou tous les 15 jours.
04:01 Et mes parents ont vu des spécialistes et à chaque fois,
04:03 ils disaient « ce n'est pas très grave, c'est un petit problème de croissance, ça va passer ».
04:08 Après, dans mon adolescence, mes parents commençaient à s'inquiéter
04:11 en pensant à des troubles psychiques parce qu'ils voyaient bien
04:14 que j'étais très en décalage par rapport aux autres personnes de mon âge.
04:20 Et mes parents avaient souhaité à ce moment-là que je consulte un psychiatre.
04:24 Ils m'ont envoyé voir un psychiatre.
04:26 Et le psychiatre avait conclu à une immaturité affective importante.
04:31 J'ai toujours d'ailleurs un petit peu de mal à gérer les émotions
04:34 et je sais maintenant que ça fait partie aussi des troubles du spectre de l'autisme.
04:38 Et comme c'était la mode à l'époque et encore un petit peu aussi aujourd'hui,
04:43 mes parents avaient été mis en cause.
04:46 C'est-à-dire qu'on disait que c'était à cause de leur éducation,
04:51 d'une relation probablement trop fusionnelle avec ma mère,
04:54 que j'avais ces particularités.
04:58 Et encore un petit peu plus vieille, j'ai voulu vraiment faire de très gros efforts
05:04 pour corriger ces particularités.
05:08 Alors j'ai pris des cours de théâtre quand j'étais jeune adulte
05:11 et puis j'observais beaucoup comment les gens se comportaient.
05:15 Et j'arrivais à faire illusion et à avoir une existence qui paraissait
05:20 tout ce qu'il y a de plus normal et un comportement tout ce qu'il y a de plus normal.
05:23 Il m'arrivait encore de temps en temps de dire des choses inappropriées.
05:26 Mais dans l'ensemble, je me contrôlais beaucoup.
05:29 D'une part, je faisais beaucoup d'efforts aussi.
05:32 Et ça ne m'a pas été très bénéfique en fait, parce que j'ai à ce moment-là frôlé la dépression.
05:39 Alors je ne dirais pas que je suis entrée en dépression,
05:41 parce que j'ai un tempérament plutôt combatif,
05:44 mais j'ai vraiment eu des gros problèmes de TOC,
05:48 de troubles obsessionnels compulsifs à cette époque.
05:52 Et puis les problèmes alimentaires qui ont repris le dessus.
05:55 Donc j'étais toute jeune adulte, je venais d'avoir mon premier enfant,
05:59 et je me suis retrouvée à peser 40-41 kg.
06:04 Donc là il y avait eu une hospitalisation,
06:07 mais encore une fois, personne n'a pensé que derrière tout ça,
06:12 il pouvait y avoir un trouble du neurodéveloppement.
06:15 Donc on m'a dit que c'était des troubles anxieux, intenses, de l'anorexie.
06:20 On m'a conseillé de suivre une psychothérapie.
06:23 Et ce que je n'ai pas fait, parce que le psychiatre que j'avais consulté
06:29 m'avait mis très mal à l'aise,
06:32 et j'avais le sentiment que je n'avais pas été du tout entendue, comprise.
06:36 Par contre j'ai eu droit à ce moment-là à des médicaments.
06:40 Et puis petit à petit j'ai mis en place des stratégies,
06:45 j'ai voulu arrêter les médicaments, je prenais pas mal d'oxylithique,
06:50 et j'ai découvert que certaines pratiques m'aidaient beaucoup.
06:54 Donc il y a eu la méditation, l'auto-hypnose qui m'a énormément aidée
06:59 à gérer le stress, l'anxiété, les problèmes émotionnels,
07:03 yoga, sophrologie, voilà, toutes ces pratiques qui m'ont aidée.
07:07 Puis des changements de vie aussi qui ont été importants.
07:10 Changement de métier, un métier qui ne me convenait absolument pas,
07:13 qui ne convenait pas du tout à ma personnalité.
07:15 Changement d'époux aussi, ça c'était important
07:19 parce que l'environnement familial c'est quand même une grosse partie
07:22 de notre existence, donc autant que ce soit confortable.
07:26 Et ça allait un petit peu mieux, j'étais toujours un petit peu en équilibre
07:30 avec des périodes bonnes et des périodes moins bonnes,
07:33 mais tout allait à peu près bien.
07:35 Et j'ai eu un dernier enfant, mon fils cadet,
07:40 qui s'est révélé quand il était petit quasiment identique à moi
07:44 au niveau de ses comportements.
07:46 Pareil, des gros problèmes de socialisation,
07:49 si on allait au parc ensemble et qu'il voyait des enfants,
07:52 il ne voulait pas jouer, il attendait qu'il n'y ait personne
07:55 pour aller sur les structures.
07:57 Pareil, il pleurait quand il y avait des fêtes d'anniversaire,
08:00 si on chantait "Joyeux anniversaire", il fondait en larmes.
08:04 Toujours jouer un peu avec les mêmes jeux sans avoir grand intérêt
08:08 à partager ses jeux avec les autres.
08:10 À l'école, pareil, assez sauvage, assez solitaire,
08:14 il n'exprimait très peu.
08:16 Et évidemment, comme on m'avait dit pendant toute mon enfance
08:18 que ce n'était pas grave et que ça passerait,
08:20 je me suis dit qu'il était juste comme moi et que ce n'était pas grave.
08:23 Sauf que quand il est arrivé au collège,
08:25 il a eu des gros soucis de socialisation vraiment très importants
08:29 et un début de phobie scolaire.
08:31 Donc, ça s'est manifesté pour lui par des troubles obsessionnels compulsifs aussi,
08:36 différents des miens, mais quand même très envahissants.
08:40 J'avais peur à ce moment-là qu'il décroche complètement au niveau de l'école.
08:44 Et parallèlement, il a rencontré, quand il était en 5e,
08:47 un jeune garçon dans sa classe avec qui il s'entendait très bien
08:52 et qui s'avérait avoir reçu un diagnostic d'autisme du type Asperger.
08:57 Et c'était très rare que mon fils invite des amis à la maison
09:01 auquel je suis invitée. Là, ça a été le cas.
09:03 Et en les voyant parler ensemble, en observant leurs intérêts,
09:08 leur façon d'interagir et puis en discutant avec les parents,
09:12 j'ai commencé à me poser des questions.
09:14 C'est là que je me suis dit, si cet enfant-là a des troubles autistiques,
09:19 il est fort probable que mon fils, lui aussi,
09:22 présente le même fonctionnement autistique.
09:26 Donc, c'est à partir de là que j'ai commencé à m'interroger,
09:30 à aller sur Internet pour avoir des informations,
09:34 à acheter des livres, à parler autour de moi,
09:37 à me questionner et puis nous avons débuté une démarche diagnostique pour mon fils.
09:41 Et par la suite, j'ai d'abord donné priorité à mon fils par rapport à son âge
09:47 et par la suite, j'ai entamé des démarches de concernement.
09:50 Les troubles autistiques, quand il n'y a pas d'efficience intellectuelle
09:55 et quand il n'y a pas retard de langage,
09:57 est un problème masculin et féminin à la base, de toute façon.
10:02 Pourquoi ? Parce que les professionnels de santé ne sont pas suffisamment formés.
10:08 Donc ça, c'est un gros souci.
10:10 Ils ne sont pas pour la plupart capables de repérer ces troubles,
10:14 comme je disais, sauf si vraiment les signes sont très présents, très marqués.
10:20 Les médecins, à titre d'exemple, ne reçoivent pas de formation à l'autisme
10:25 dans leur cursus universitaire à ce jour.
10:27 Quant aux personnes suffisamment formées pour poser un diagnostic,
10:31 elles sont encore très peu nombreuses.
10:33 Donc il y a quand même d'énormes progrès à faire en France dans ce domaine.
10:38 Donc ça, c'est quand même une chose.
10:40 Maintenant, les femmes, effectivement, je pense qu'il y a plusieurs choses à dire
10:43 concernant les femmes.
10:45 Peut-être d'une part, pour commencer, que les femmes, d'une manière générale aussi,
10:52 indépendamment du champ de l'autisme, ont peut-être tendance à souffrir
10:57 d'un biais de genre dans le domaine des soins.
11:00 C'est quelque chose qui m'a interpellée.
11:02 J'ai fait quelques recherches là-dessus.
11:03 Je me suis perçue que certaines études montraient que dans d'autres domaines
11:07 de la santé, les femmes, quelquefois, n'étaient pas prises au sérieux
11:10 autant que les hommes.
11:11 Avec des symptômes identiques, on aura tendance à adresser les hommes
11:16 plus rapidement vers des spécialistes, alors que les femmes, on aura cette tendance
11:20 à laisser entendre qu'il s'agirait de troubles anxieux, de nervosité,
11:26 qu'il suffirait qu'elles aillent voir un psychologue et que les choses s'arrangeraient.
11:31 En particulier dans le domaine cardiovasculaire, par rapport aux diagnostics
11:36 d'infarctus du myocarde, il y a des études qui portent sur ce sujet.
11:41 Je pense qu'on retrouve ça dans le champ de l'autisme aussi.
11:44 Et il semblerait que dans le domaine de l'autisme, les femmes présentent
11:50 des caractéristiques légèrement différentes des hommes.
11:53 En particulier, elles seraient un petit peu plus douées pour la socialisation
11:58 et pour la communication.
12:00 Alors ça, c'est quelque chose qu'on retrouve aussi apparemment dans la population
12:04 non autiste.
12:05 J'ai été instillée pendant quelques années, effectivement, dans les cours
12:09 de récréation, les garçons sont plus attirés par des jeux, jouer à la balle
12:14 ou jouer autour du Pokémon ou autre chose, et les filles ont tendance
12:18 à plus papouter, parce que c'est effectivement quelque chose qu'on retrouve
12:21 par rapport aux gens.
12:23 En tout cas, ce qui est sûr, c'est que les filles ont plus d'aptitude
12:27 et plus d'envie, peut-être, ou peut-être que c'est la société aussi
12:31 qui leur impose ça, mais de paraître normale.
12:34 Alors on peut se poser la question, est-ce que c'est vraiment une envie
12:38 des filles ou est-ce que c'est une attente sociétale, je ne sais pas.
12:41 Et les filles seraient plus aptes à camoufler.
12:47 Alors camoufler, c'est-à-dire chercher à compenser les difficultés,
12:54 par exemple en répétant des conversations à l'avance, c'est quelque chose
12:59 que beaucoup de personnes avec un trouble autistique pratiquent, répéter
13:03 à l'avance, arranger ses phrases, prendre le temps d'observer comment
13:08 on va se positionner, on se met devant sa glace et on s'entraîne un petit peu.
13:12 Elles sont un petit peu plus dans l'évitement aussi, quand elles savent
13:16 que les difficultés sont présentes.
13:19 Donc toutes ces choses peuvent expliquer que les filles sont moins bien repérées.
13:28 Après d'une manière générale, même si c'est vrai que le livre parle
13:32 des femmes, parce que j'en suis l'une et que j'ai constaté qu'on était
13:34 vraiment très, très, très nombreuses à avoir été diagnostiquées tardivement,
13:40 souvent à la suite d'enfants, comme moi, je ne suis pas la seule dans ce cas-là,
13:45 mais quand même d'une manière générale, ce que je souhaite faire aujourd'hui,
13:48 ce que j'espère que ce livre va me permettre de réaliser, c'est de contribuer
13:54 à sensibiliser les gens à ces signes, qu'ils soient féminins ou qu'ils soient
13:58 masculins, sortir des caricatures.
14:02 L'autisme n'est pas qu'un retard très important de langage ou une déficience
14:08 intellectuelle, et à l'inverse, ce n'est pas non plus que des gens surdoués
14:12 du type petit génie, comme on peut le voir quelques fois sur les écrans.
14:16 Entre les deux, il y a des personnes qui vous ressemblent et qui, à première vue,
14:22 semblent tout ce qu'il y a de plus normal, mais qui en réalité ont un fonctionnement,
14:27 un fonctionnement perceptif, un fonctionnement cognitif, sensoriel,
14:31 qui fait que l'environnement est très, très, très dur à gérer et sont mises
14:36 en difficulté pour des choses qui, pour vous, vous paraissent anodines,
14:40 vous paraissiez insensibles, et vous nous demandez souvent de faire
14:43 un petit effort, mais pour nous, un petit effort, c'est un immense effort.
14:47 Et ça peut aller jusqu'à des conséquences dramatiques, comme beaucoup
14:51 d'enfants qui sont déscolarisés, souvent dans ces circonstances,
14:55 ou des gens un peu plus âgés qui ne peuvent pas rester dans leur milieu
15:00 professionnel parce que c'est trop dur à gérer, qui sont en précarité,
15:05 et pour certains qui sont dépressifs, qui tombent dans des addictions,
15:09 qui ont des tentatives de suicide, la situation n'est quand même pas
15:12 toute rose et elle pourrait être améliorée si les gens qui sont majoritaires
15:18 dans la société, c'est-à-dire ce qu'on appelle les neurotypiques,
15:22 donc qui n'ont pas de troubles du neurodéveloppement, avaient plus de connaissances.
15:26 Je ne crois pas que les gens soient malveillants. Je pense que les gens
15:30 sont ignorants et que c'est cette ignorance que des personnes comme moi,
15:35 je ne suis pas la seule non plus, il y a beaucoup de gens maintenant
15:38 qui ont des livres, qui expliquent comme je suis en train de le faire,
15:42 qui ont des chaînes YouTube aussi, il y en a pas mal actuellement,
15:47 et qui expliquent. Je pense qu'on va contribuer, j'espère que petit à petit
15:52 la situation s'améliorera. Dans un milieu professionnel par exemple,
15:56 avoir un neuroatypique dans son équipe, c'est une chance.
15:59 Après, il faut savoir se blinder et ne pas se fusquer quand le neuroatypique
16:04 dit des choses un peu déplacées, et puis savoir le protéger aussi,
16:10 et lui demander de quoi il a besoin, parce que je sais très bien
16:14 que chaque neuroatypique est aussi différent que l'est chaque neurotypique,
16:18 et je ne peux pas livrer de recettes. Des fois on me demande
16:22 qu'est-ce qu'il faudrait faire, je ne sais pas, je sais moi ce qu'il faudrait faire
16:26 pour moi, mais ne pas hésiter à aller vers la personne, lui poser des questions,
16:32 découvrir quelle est sa façon de percevoir son environnement.
16:36 C'est curieux quand même de constater qu'on ne voit pas les mêmes choses,
16:41 qu'on ne les voit pas de la même façon, qu'on ne les réfléchit pas de la même façon.
16:44 C'est très enrichissant, et puis lui demander qu'est-ce qui pourrait lui être utile
16:47 pour que la cohabitation se passe bien. C'est mon rêve.
16:52 À partir du moment où vous avez un diagnostic, vous gagnez en légitimité.
16:57 Donc ça c'est important. Vous gagnez en légitimité et vous gagnez en connaissance
17:02 de votre fonctionnement. Donc ça c'est très très important aussi.
17:07 Pour savoir qu'est-ce qui nous fait du bien ou qu'est-ce qui au contraire peut nous déstabiliser,
17:13 il faut quand même avoir pris le temps de réfléchir à ce fonctionnement
17:18 et apprendre à se connaître. Le diagnostic le permet, puisque jusqu'au moment
17:24 où j'ai découvert que mon fils avait des troubles autistiques,
17:29 je ne m'étais jamais penchée sur cette question-là. Je savais plus ou moins
17:33 ce qui me faisait du bien, mais je n'avais pas tout compris.
17:35 Donc la compréhension c'est important. La légitimité aussi, parce que sinon,
17:39 tant que vous n'avez pas ce diagnostic, les gens continueront à vous dire
17:43 "fais un petit effort", ce qui pour eux leur paraît simple, forcément,
17:47 ne l'est pas pour vous, mais pour eux ce n'est pas évident.
17:50 Et enfin pour terminer, le diagnostic ouvre des droits, donc ça c'est très très important aussi.
17:54 Pour moi c'est un peu tard, mais pour des jeunes, des aménagements scolaires par exemple,
17:59 ou pour des personnes qui entrent en emploi, des aménagements du temps de travail,
18:04 il y a des droits aussi financiers, il ne faut pas les oublier.
18:07 Donc tout ça c'est très important. Maintenant, en ce qui me concerne,
18:11 je sais qu'il a été important que je lâche ce souci que j'avais pendant tellement longtemps
18:19 de vouloir paraître comme tout le monde et de vouloir être appréciée.
18:24 Je sais que les gens ne m'aiment pas. Les gens ne m'aiment pas parce que j'ai toujours
18:29 une attitude un peu raide, un peu rigide, un peu hautaine.
18:36 Ce n'est pas que je me sens supérieure aux autres, mais c'est mon attitude,
18:40 c'est rigidité du fonctionnement autistique, plus le fait que je ne reconnais pas
18:46 les gens dans la rue, donc par rapport au voisinage, on peut imaginer que ça pose des problèmes.
18:51 Je peux vexer aussi des gens de ma famille en leur refusant de participer à des fêtes, des festivités.
19:00 Tout cela m'épuisait quand je me forçais à l'accomplir.
19:03 Et maintenant je me dis, je suis comme ça, si ces gens-là ne m'aiment pas, ne m'apprécient pas,
19:09 je finis par dire tant pis. Ce qui compte pour moi, c'est que les gens proches de moi,
19:13 les quelques, très peu amis proches, mais j'en ai quelques-uns, m'apprécient,
19:18 et ma famille proche aussi, c'est très important.
19:22 Donc pour moi c'est ça, arrêter de faire semblant. Garder un minimum d'effort pour ne pas choquer
19:29 les autres, c'est sûr, parce que j'ai compris qu'il y avait des vérités qu'il ne fallait pas dire,
19:33 mais sans vouloir aller trop loin, c'est un équilibre en fait.
19:37 Et puis, ce qui m'a été aidée énormément, c'est de savoir parler à mon entourage proche
19:43 et que mon entourage comprenne certains besoins.
19:46 Ça c'est quelque chose que j'apprécie beaucoup. Ne cherche pas à forcer.
19:51 Quand j'ai besoin d'être tranquille, d'être seule, on me laisse tranquille et il n'y a pas de reproches.
19:57 Pas d'inquiétudes non plus. Je sais très bien que ce n'est pas parce que je n'ai pas envie qu'on me prenne
20:02 dans les bras, que je n'ai pas envie qu'on parle, qu'on me touche, que je ne l'aime pas.
20:06 Et donc, c'est important aussi d'avoir compris ce fonctionnement.
20:11 Et puis moi, d'une manière générale, mon fils est pareil. J'ai tout le temps besoin que tout soit anticipé,
20:17 que tout soit expliqué clairement. Je n'aime pas du tout les surprises.
20:21 Tout ce qui sort de mes routines me stresse beaucoup et j'aime qu'on m'aide à ça.
20:30 C'est-à-dire que les gens de mon entourage savent qu'il est préférable de ne pas m'appeler à l'improviste,
20:36 de ne pas sonner chez moi à l'improviste. Si je suis toute seule, je ne réponds pas.
20:42 Et c'est tout un aménagement autour de moi que ceux que j'aime et qui m'aiment ont mis en place
20:50 et qui me permettent de garder cet équilibre. Après, la difficulté, c'est toujours d'aller à l'extérieur,
20:55 en terrain inconnu, et je n'ai pas de recettes à donner. Trouver le juste milieu entre l'évitement total,
21:03 qui n'est pas bon, c'est clair, on ne peut pas vivre dans sa tour d'ivoire, comme disait ma mère quand j'étais petite,
21:08 et à la lace, ne pas trop s'exposer non plus pour éviter les surcharges sensorielles, émotionnelles,
21:17 qui peuvent être vraiment délétères. Il y avait beaucoup de chat chez mes grands-parents
21:22 et j'aidé beaucoup avec eux, tout le temps. J'aime beaucoup tous les animaux en général,
21:28 mais c'est vrai que les chats, ils ont une beauté, une élégance, ils ont un mode de communication qui me convient.
21:39 Ils ont un peu un fonctionnement autistique aussi. Ils sont assez solitaires, ils ne suivent pas une meute,
21:47 un chien par exemple. Ils ont un code de communication que je comprends très bien, beaucoup mieux que celui des humains,
21:55 alors qu'ils ont un visage assez inexpressif, mais leur façon de regarder, de bouger, ils sentent bon,
22:04 ça pour moi c'est quelque chose d'important, l'odeur du chat, et puis son côté calmant.
22:11 Mes chats, ce sont quatre, quand je ne les vois pas bien, le sentent et viennent tout près de moi et ronronnent.
22:21 Cette douceur et ce ronronnement, c'est quelque chose de très très apaisant.
22:27 [SILENCE]