• il y a 3 ans
Bigorexie : quand le sport devient une prison. Le témoignage de Servane Heudiard auteure du livre "Le sport ma prison sans barreaux" ed Bold

Category

🗞
News
Transcription
00:00 Je m'appelle Servane Ludiard, je suis auteur, traductrice, relectrice, freelance, forcément,
00:10 c'était un choix par rapport à la bigorexie.
00:12 Disons que j'ai pris conscience de la bigorexie, c'est quand je suis rentrée dans la vie active,
00:21 où ça a été un choix tout de suite de travailler en freelance et pas en tant que salariée.
00:27 Travailler en freelance, c'était la seule manière pour moi de faire du sport tous les jours.
00:31 Il était hors de question pour moi d'être enfermée toute la journée, j'ai besoin de sortir.
00:35 Au moment de basculer dans la vie active, il n'y avait plus d'hésitation, c'était sport tous les jours,
00:42 sinon je ne vais pas tenir le coup.
00:43 C'est clairement le manque de confiance en moi.
00:51 C'est-à-dire qu'il n'y a vraiment que dans le sport où je prends confiance en moi.
00:55 J'ai l'impression de valoir quelque chose.
00:58 Dans tous les autres domaines, je n'ai l'impression de rien valoir du tout,
01:00 je me sens toujours excessivement nulle, j'ai toujours l'impression que je vais rater, etc.
01:06 Après, il y a souvent un rapport au corps aussi qui entraîne la bigorexie,
01:09 parce qu'on trouve beaucoup de bigorexiques dans les salles de sport.
01:12 Il y a beaucoup de bigorexiques aussi dans toutes les disciplines ultra-trail,
01:17 parce que l'endurance aussi, c'est facteur de bigorexie.
01:22 Le corps va chercher toujours à puiser très loin dans les ressources,
01:27 donc ça, ça favorise la bigorexie aussi.
01:30 Je deviens hyper nerveuse, fébrile, je suis comme un humain en cage si je ne fais pas de sport.
01:40 Même si j'ai assez peu de vie sociale, je deviens détestable parce que j'ai besoin de me défouler.
01:48 Et professionnellement, si je n'ai pas le sport pour me ressourcer, c'est pareil, ça ne va pas.
01:53 Alors, j'insiste, c'est que je les ai eues et aujourd'hui, je ne les ai plus.
02:06 Même si je fais encore beaucoup de sport et trop de sport, j'en conviens.
02:10 Je n'ai plus les comportements déviants du genre partir faire du vélo le matin, de nuit,
02:15 quand je suis hyper fatiguée ou qu'il y a du brouillard, on ne voit rien,
02:20 ou le pire, c'est les plaques de verglas.
02:22 Quand il y a du verglas, quand il y a...
02:25 Oui, je l'ai fait, ça, j'y suis allée.
02:27 Donc, ça veut dire que quand on part, je parle du vélo,
02:30 quand on part faire du vélo, on sait qu'il y a un danger et on y va quand même.
02:34 Ça, c'est des comportements déviants, c'est des comportements hyper dangereux.
02:38 Ça, c'est de la bigorexie pure.
02:41 Il n'y a pas de plaisir à rouler en se disant, il faut que je fasse attention à tous les mètres
02:46 parce que je risque de glisser ou parce qu'on a les yeux qui se ferment,
02:50 on est fatigué, on a juste envie de dormir, on serait mieux au lit.
02:53 C'est là où, quand on parle d'addiction au sport, c'est pour ça, c'est une vraie addiction.
02:58 Malheureusement, les accidents, ça fait prendre conscience de beaucoup de choses.
03:07 Ça montre aussi qu'on est capable de s'arrêter, de vivre sans sport,
03:10 parce que même si on le vit mal, ça montre quand même qu'on est capable de s'arrêter.
03:15 On prend conscience que le corps aussi, plus on vieillit, plus on aura du mal à récupérer des accidents.
03:21 Moi, j'en ai eu trois, j'estime que j'ai de la chance.
03:24 Je me dis que j'aurais très bien pu finir dans une chaise roulante ou pire, être au cimetière actuellement.
03:29 Pour s'en sortir, il faut quand même commencer à s'écouter.
03:33 Ce que je vous disais tout à l'heure, les comportements déviants,
03:36 quand on part, quand on sait qu'on fait quelque chose,
03:39 il y a un moment où il faut se dire, là, je fais une bêtise, il faut vraiment que j'arrête.
03:43 Après, il y a aussi des solutions comme pratiquer un sport,
03:46 enfin une activité de groupe ou avec d'autres gens, parce que quand on pratique tout seul,
03:51 il n'y a personne pour vous dire, tu te rends compte que ce que tu fais, c'est trop ou c'est dangereux.
03:56 Je le vis tout le temps, tous les jours.
04:04 Et justement, quand on est dans la bigorixie à fond, où on n'est pas bien,
04:09 on y va parce qu'on en a besoin et que les gens, en plus, vont vous dire,
04:13 c'est super courageux, c'est vachement bien, vous faites encore plus.
04:17 Et là, maintenant, j'ai toujours regardé les autres, c'est toujours cette réflexion-là.
04:23 Quand je vais rouler, qu'il pleut ou qu'il ne fait pas beau, qu'il fait froid ou ceci ou cela,
04:27 c'est toujours effectivement, vous êtes courageuse.
04:31 Bon, d'accord, je suis courageuse peut-être, effectivement, mais il y a aussi un besoin.
04:37 La bigorixie, c'est très ambivalent.
04:39 Et quand on parle d'addiction au sport, les gens ont du mal à comprendre.
04:43 Il y a même encore des gens qui ont lu mon livre et qui sont capables de me dire,
04:46 ouais, j'aimerais bien être comme toi.
04:47 Et maintenant, je dis non, surtout pas, surtout pas.
04:50 Vous connaissez des gros sportifs autour de vous, faites attention.
04:54 Et justement, ce qu'on disait tout à l'heure, tu es courageux parce que tu vas courir,
04:58 tu es blessé, tu vas courir quand même.
05:00 Ce n'est pas forcément bien quand vous avez un sportif autour de vous
05:04 qui fait du sport tous les jours et qui vous dit, je n'ai pas envie d'y aller,
05:07 mais j'y vais quand même.
05:08 Ne lui dites pas, c'est vachement bien, c'est courageux.
05:09 Non, ça veut dire qu'à un moment, il a besoin d'une pause.
05:11 Ne dévalorisez pas le sport, surtout pas.
05:14 Il faut en faire, c'est bon pour la santé.
05:16 Mais il faut aussi que l'entourage, il sache gérer, il sache s'apercevoir quand c'est trop.

Recommandations