"Il y a 4 ans, je suis tombée dans l'anorexie" Le témoignage de Capucine

  • il y a 2 ans
"Il y a 4 ans, je suis tombée dans l'anorexie" Le témoignage de Capucine
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00:00 Je m'appelle Capucine et je viens d'avoir 24 ans et je suis ici parce que je suis tombée
00:09 dans une anorexie il y a 4 ans.
00:11 Je pense que le premier phénomène ça a été surtout de prendre une licence d'athlétisme
00:20 et de vouloir faire des performances.
00:22 Je voulais faire moins de 40 minutes sur 10 kilomètres et faire de belles courses en
00:27 crosse et donc j'ai décidé en même temps de prendre cette licence, de commencer un
00:31 régime et de faire attention à ce que j'allais manger.
00:33 La nourriture me faisait déjà...
00:34 Il y avait déjà des petites histoires avec la nourriture depuis quelques années quand
00:38 j'ai perdu notamment mon chien ou encore mon grand-père.
00:41 Je me suis rendu compte que je ne pouvais pas tout contrôler dans la vie.
00:44 Je me suis raccrochée à la nourriture et à ce que je pouvais contrôler.
00:47 Quand j'ai commencé j'étais environ 54 kg et au début c'était pas si méchant que
00:53 ça.
00:54 J'avais les aliments dans un carnet, j'avais des tableaux avec les chiffres, les calories,
00:58 je comptais à la fin de la journée.
00:59 Et au fur et à mesure j'ai commencé à perdre du poids et à vraiment rentrer dans
01:03 l'entraînement intensif.
01:04 Et là j'ai commencé à faire de belles performances.
01:07 Mon premier 10 kilomètres, je crois que j'ai perdu 2 minutes.
01:10 J'avais fait en 43 quelque chose et là je l'ai direct fait en 41 au bout de 2 mois.
01:15 Donc j'ai poussé la chose encore plus loin.
01:18 J'ai commencé à diminuer ma jauge de calories.
01:20 1300 à quelques mois, ensuite 700 calories.
01:24 Et là par contre j'ai commencé à supprimer des aliments, petit à petit des aliments
01:27 qui ont mis très très longtemps ensuite à revenir dans mon quotidien.
01:30 5 mois j'ai perdu 10 kg.
01:32 Je me demande parce que mes parents faisaient confiance en mon entraîneur.
01:40 Ils se sont dit, je le sais plus tard, mais ils se sont dit "enfin vraiment si lui ne
01:44 nous dit rien, tout va bien".
01:47 Ils se sont notamment dit ça parce que ma petite soeur disait "il y a quelque chose
01:50 qui ne va pas avec Capucine" parce que je la voyais rarement et elle a vu qu'en fait
01:53 je perdais du poids petit à petit.
01:55 Et c'est mon entraîneur au bout de quelques mois qui a appelé mes parents en disant "quelque
02:00 chose ne va pas avec Capucine, elle maigrit beaucoup".
02:02 Et donc ça a fait boule de neige.
02:06 Mes parents ont appelé mes soeurs, ils ont appelé les amis qui me restaient.
02:10 Et donc ils se sont rendu compte que vraiment en effet il y avait quelque chose qui déraillait
02:14 un peu chez moi sans vraiment savoir ce que c'était, ni même moi je ne savais pas vraiment
02:18 ce que c'était.
02:19 Je savais juste que je n'arrivais pas plus à manger comme avant.
02:23 Même si à des moments quand j'étais chez mes parents, des fois je les regardais et
02:28 dans ma tête je me souviens que je criais, c'était intérieurement mais je criais "j'ai
02:33 besoin de votre aide".
02:34 Et des fois même je me mettais à les regarder avec les yeux plein de larmes et je les implorais
02:41 de m'aider sans qu'aucun son ne sorte de ma bouche.
02:45 Et ensuite je suis partie à La Rochelle pour finir ma licence de maths.
02:49 Et à partir de ce moment-là il y a une rupture amoureuse très difficile, je perds ma filleule,
02:56 enfin il y a tout ça qui se met en place, je suis déscolarisée et là par contre la
03:01 dépression s'installe, les idées noires arrivent et l'hôpital psychiatrique arrive.
03:05 J'avais juste un rendez-vous normal avec ma psychiatre, je rentre dans le bureau et
03:14 là il y a une infirmière qui rentre et qui ferme la porte à clé.
03:16 Et là je commence à comprendre et la psychiatre appelle ma mère, la messieure au parleur
03:20 et elle m'explique qu'ils ont pris la décision de m'enfermer, clairement, il n'y a pas d'autre
03:25 mot, pour mon propre bien et parce qu'ils ont peur pour moi.
03:29 Et donc je commence un séjour en hôpital psychiatrique, shooté aux médicaments pour
03:35 me faire dormir, je ne mange pas plus que ça parce que ce n'est pas un hôpital spécialisé
03:40 dans les TCA et je continue de perdre du poids jusqu'à ce que mes parents viennent me chercher
03:45 parce que le confinement de 2020 va être annoncé.
03:47 Je suis enfermée pendant trois mois avec mes parents et ma petite sœur en Normandie.
03:56 Au début c'était très compliqué, je voyais mes parents complètement démunis et honnêtement
04:03 je ne voulais pas faire d'efforts parce que moi je voulais juste mettre fin à ce qui
04:06 se passait et donc mettre fin à ma vie, clairement c'était ce que je voulais faire.
04:09 Et au bout de quelques semaines du confinement, il y a ma petite sœur qui a eu une peine
04:13 de cœur et donc elle n'était vraiment pas bien et comme je déteste la voir triste,
04:19 je me suis promis de la faire sourire, de la faire rire et de l'aider à aller mieux.
04:24 Et c'est là que ça a recommencé à prendre vie en moi, la petite étincelle qui s'est
04:28 allumée et donc ma petite sœur m'a aidée à me remettre doucement au sport, elle m'a
04:33 aidée à manger notamment avec elle parce que j'avais un peu honte de manger devant
04:36 mes parents et elle m'a aidée à aller mieux.
04:40 Pendant le confinement vraiment il m'a sauvé la vie et elle aussi.
04:44 Je dirais qu'il s'est passé tellement de choses en Normandie, mon état s'y est dégradé
04:48 comme il s'y est amélioré donc c'est toujours un peu compliqué.
04:52 D'aller en Normandie et de devoir manger.
04:56 De toute façon les repas familiaux sont compliqués en soi parce que je veux pas qu'on me regarde
05:01 comme une bête de foire ou qu'on se dise "ouah c'est bien elle mange" parce qu'il
05:04 y a toujours ce petit sentiment de honte.
05:06 On se dit "j'ai fait tant d'efforts pour perdre du poids et aujourd'hui je mange parce
05:10 que j'en ai besoin" mais donc au final tous les efforts que j'ai faits n'ont servi à
05:14 rien.
05:15 Donc il y a toujours cette petite voix qui est là et je pense que ça, ça restera hyper
05:19 présent et c'est pour ça qu'au final même s'il y en a qui disent être guéris, je pense
05:24 qu'on garde beaucoup de séquelles.
05:25 C'est un sujet hyper important parce que justement je me souviens que quand j'ai commencé à
05:35 tomber malade, mon fond d'écran c'était des photos de sportives très très minces
05:41 mais maigres et en fait je voulais leur ressembler et en plus quand on commence à chercher quelque
05:46 chose sur les réseaux sociaux on tombe tout le temps sur ça après.
05:48 Et donc les images de sportives très affûtées, très maigres avec les côtes, les abdos,
05:54 clairement je voulais ressembler à ça et j'ai même réussi à un moment.
05:57 Plus je le voyais, plus ça me confortait dans l'idée de continuer mon régime et
06:00 enfin entre guillemets mon régime.
06:02 Et oui donc ça a eu un gros impact.
06:04 Ça l'a encore aujourd'hui parce que j'ai encore beaucoup de mal à poster des photos
06:12 de moi parce que je me dis "est-ce que je suis trop grosse pour la poster ?" et c'est
06:17 encore hyper présent mais d'un autre côté les réseaux sociaux peuvent nous aider à
06:22 aller mieux parce qu'il y a tous ces comptes qui prennent vie en ce moment sur le body
06:27 positivisme et je trouve ça génial et ça m'aide beaucoup.
06:30 Donc ça dépend ce qu'on veut voir sur les réseaux mais ça peut, comme le sport,
06:34 être autant destructeur que nous aider à nous reconstruire.
06:37 Quand j'ai commencé à écrire, je pensais pas déjà que j'écrivais un livre.
06:45 C'est quand j'ai commencé à aller très très mal que je me suis dit "je vais écrire
06:48 des lettres à ma maladie".
06:50 Non j'aime pas dire "ma maladie" parce que ça veut dire qu'elle m'appartient à
06:53 la maladie.
06:54 Donc j'ai commencé à écrire des lettres et au fur et à mesure ces lettres je me suis
06:58 rendue compte qu'elles donnaient vie à quelque chose.
07:00 Et pendant le confinement j'ai voulu écrire pour expliquer à ma famille, pour qu'ils
07:04 réussissent à m'accompagner.
07:06 Et au bout de quelques mois il y a une sorte de notice qui est née.
07:09 C'est vraiment ça, c'est une notice qui explique comment je suis tombée malade, qu'est-ce
07:16 qui s'est passé dans ma tête et comment on peut m'aider à m'en sortir en sachant
07:20 ce qui se passe dans ma tête.
07:22 Et donc mes parents ont eu le livre au bout de quelques mois et c'est eux qui m'ont
07:26 toussé à le publier ensuite parce que ça les a aidés à comprendre et ça les a aidés
07:31 à m'aider à m'en sortir en tout cas, à m'accompagner.
07:35 C'est l'encadrement des parents.
07:41 Il faut vraiment qu'ils restent, même si les enfants sont majeurs, il faut que les
07:45 parents soient fermes, qu'ils les obligent à assister au repas même si l'enfant va
07:49 avoir des difficultés, même si derrière l'enfant va...
07:52 Moi je sais que j'étais obligée d'assister au repas mais je mangeais plus à côté avec
07:55 ma soeur.
07:56 Il faut vraiment les encadrer, ne pas les laisser déborder parce que sinon ils peuvent
08:02 vraiment dévier et retourner dans des comportements destructeurs qui vont les faire perdre du
08:06 poids.
08:07 Il faut aussi, dans cet encadrement, apporter de l'espoir et de l'amour.
08:11 Il faut vraiment leur faire comprendre que la famille elle sera là et que l'enfant n'est
08:15 pas tout seul.
08:16 Dire "t'es pas tout seul" et "on s'en sortira tous ensemble parce qu'on est derrière toi".
08:24 Ma grande soeur a mis au monde Ambre qui était son cèdre, ma fille Eul.
08:31 Et donc certes ça a créé un grand désarroi mais aujourd'hui c'est aussi grâce à elle
08:37 que j'arrive à m'en sortir et que je m'en sors et que j'avance surtout parce qu'en fait
08:42 on s'est tous promis dans la famille que vu qu'elle n'avait pas eu la chance de vivre,
08:48 qu'on vivrait pour elle.
08:50 Et donc vraiment c'est un point hyper important et c'est pour ça aussi que j'en parle parce
08:54 que dans le livre il n'y a pas que l'anorexie, il y a aussi le deuil périnatal.
08:57 Et au final ça dit aussi que toute la famille peut être impactée parce que je ne suis pas
09:02 la maman, je ne suis que la marraine non officielle.
09:06 Mais je trouve ça hyper important et ce week-end je vais courir les championnats de France
09:13 de crosse avec son nom inscrit sur ma main parce que toutes les grandes courses maintenant
09:17 je les fais avec elle.
09:19 Merci.
09:20 Merci.
09:21 Merci.
09:22 Merci.
09:23 Merci.
09:24 Merci.
09:25 Merci.
09:26 Merci.
09:27 Merci.
09:28 Merci.
09:29 Merci.
09:30 Merci.

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