Avertissement : les propos que vous allez entendre abordent et décrivent des violences.
Nicolas est fondateur de l’association Supersero. Lui-même séropositif, il dénonce la sérophobie dont souffrent les personnes vivant avec le VIH et milite pour leur accompagnement.
Son livre, “Le petit dico des superséros” aux éditions Kiwi est disponible en ligne.
Nicolas est fondateur de l’association Supersero. Lui-même séropositif, il dénonce la sérophobie dont souffrent les personnes vivant avec le VIH et milite pour leur accompagnement.
Son livre, “Le petit dico des superséros” aux éditions Kiwi est disponible en ligne.
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00:00 Y'a pas un mois où j'ai pas quelqu'un au téléphone qui me dit qu'il va se suicider.
00:03 Voilà, c'est ça la sérophobie aussi.
00:04 De quoi je parle sur les réseaux ?
00:07 Essentiellement de VIH, des droits des personnes séropositives.
00:11 Et étant donné qu'on est très peu à parler de séropositivité à visage découvert,
00:15 du coup on a plein de demandes.
00:16 La version courte pour expliquer la différence entre VIH et SIDA,
00:19 VIH c'est le virus, quand on est séropositif,
00:21 on est séropositif à une infection,
00:23 ça peut être le VIH, ça peut être la grippe, ça peut être le Covid.
00:25 Moi je suis séropositif au VIH.
00:27 Et le SIDA c'est la maladie provoquée par le virus du VIH quand il n'est pas traité.
00:30 Moi mon quotidien c'est des dizaines, des dix, vingt, trente demandes d'aide par jour.
00:35 C'est des appels à l'aide de "je suis en train de mourir, je sais pas quoi faire,
00:38 je suis perdu, aidez-moi par pitié".
00:40 Et y'a des personnes que j'ai accompagnées jusqu'à leur mort.
00:43 Les anecdotes les plus dures, j'en ai plusieurs.
00:45 J'ai échangé avec des personnes en Afrique
00:48 où leur compagnon qui était séropositif ça s'est su,
00:51 il a été retrouvé gorgé à l'appartement avec écrit "Salpédé" de SIDAIC sur le mur avec son sang.
00:55 Un autre qui avait été retrouvé, qu'ils avaient torturé,
00:59 il avait attaché une bagnole, il avait traîné sur trois kilomètres sur le bitume
01:03 et il avait laissé pour mort sur la route.
01:06 En fait tout ce qu'on va retrouver autour des violences, sur l'homophobie, ce genre de choses,
01:11 on va le retrouver au niveau du VIH.
01:13 Sauf que c'est quelque chose qui est complètement invisible
01:15 parce que vu qu'on en parle pas de la sérophobie et que c'est complètement invisibilisé,
01:18 c'est des histoires qu'on sait pas.
01:19 On nous rattache à une vision où on va nous juger comme des meurtriers, comme des assassins.
01:23 Et ça peut aller extrêmement loin les maltraitances qu'on subit.
01:28 Une jeune fille que j'ai accompagnée pendant plus d'un an, qui vivait à Paris,
01:31 qui a appris sa séropositivité, qui en a parlé à sa mère,
01:34 et sa mère n'osait plus toucher, sa fille elle la touchait plus.
01:37 Et elle passait sa journée à nettoyer tout ce qu'elle touchait à l'appartement, elle avait elle.
01:42 Et elle avait, je crois qu'elle avait 19 ans, je crois, ou 20 ans.
01:45 Et en fait un jour j'ai pu une nouvelle d'elle.
01:47 Et quelques semaines plus tard c'est sa soeur qui m'a réécrit en me disant
01:50 "Tu te rappelles cette jeune fille que t'as accompagnée ?"
01:51 Elle me disait "Oui c'est ma soeur, elle vient de se suicider."
01:55 C'était terrible parce que cette gamine elle avait 19 ans, elle était en parfaite santé.
01:58 Voilà c'est ça la sérophobie aussi.
02:00 En fait ça s'arrête pas.
02:01 Y'a pas un mois où j'ai pas quelqu'un au téléphone qui me dit qu'il va se suicider.
02:05 Que ce soit en suicide brutal ou que ce soit aussi ce qu'on appelle des suicides longs,
02:09 ça aussi on en parle très peu,
02:11 ce qu'on appelle en suicide long, c'est des personnes séropositives
02:14 qui sont tellement isolées et qui ont vécu tellement de violences,
02:16 qui finissent par arrêter de prendre le traitement et se laisser mourir.
02:19 En termes de culpabilité c'est difficile à gérer.
02:22 Et là ça va, avec le temps j'apprends un peu plus à me dire
02:25 "Ok il faut vraiment que tu fasses une séparation et il faut que tu te renforces
02:30 parce que je sais que je vais encore avoir des gens qui vont mourir."
02:32 Pour moi c'est un devoir.
02:34 On a quasiment 1 million de morts du sida par an,
02:36 alors que c'est une pathologie qu'on s'est traité depuis 1996.
02:41 Ça fait 30 ans qu'on est plus censé mourir du sida.
02:43 On est quand même plusieurs, on parlait sur les réseaux,
02:45 y'a Andréa Maître, y'a Journal Positif,
02:47 mais on est une poignée, on est peut-être 4-5 en France.
02:50 Je sais pas comment les rediriger,
02:51 et puis les associations c'est très compliqué,
02:52 la plupart des associations font beaucoup de prévention,
02:55 et l'axe de l'accompagnement des personnes séropositives
02:58 il est presque inexistant.
03:00 Et le problème aussi de la prévention,
03:02 c'est qu'en ne parlant que de prévention, c'est-à-dire en parlant de l'avant,
03:05 finalement on a mis de côté l'après.
03:07 Donc qu'est-ce qui se passe, qu'on a le VIH, on sait pas.
03:09 Je pense qu'une campagne d'information qui expliquerait aux gens
03:12 ce qu'est un cégide, où faire des dépistages, quand faire des dépistages,
03:16 qu'est-ce que c'est être séropositif,
03:18 donner des informations concrètes c'est beaucoup plus efficace.
03:20 Donc je pense qu'il faut le prendre sur un autre angle.
03:22 Et l'autre angle c'est l'accès aux soins,
03:24 c'est le non-jugement, c'est l'information, c'est la sensibilisation,
03:28 et c'est surtout rendre le sujet du VIH aux premières personnes concernées,
03:31 à savoir les personnes séropositives.
03:33 Aujourd'hui, en 3 ans, ça fait 3 ans que je n'arrête pas de contacter des associations,
03:37 je n'ai pas de relais.
03:38 Ça fait 3 ans que je dis j'aimerais avoir une personne qui me sert de relais,
03:42 dans lequel je peux rediriger les gens, je n'en ai pas.
03:44 Je n'en trouve pas.
03:45 Ce qui est proposé aujourd'hui, c'est bien.
03:47 Le souci ce n'est pas la prévention, c'est qu'il n'y ait que la prévention.
03:52 Et qu'à côté de ça, il y a un no man's land avec un vide absolu,
03:55 ce qui fait que la prévention n'est pas efficace.
03:57 C'est ce que j'ai dit à un mois à Cide Action,
03:59 je suis sûr qu'on met un séropositif à Koh Lanta,
04:02 ça a 1000 fois plus d'impact que toutes les campagnes de prévention
04:05 qui peuvent coûter beaucoup d'argent.
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