Jeudi 15 juin 2023, BE SMART reçoit Wilfrid Galand (Directeur stratégiste, Montpensier finance)
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00:00 [Générique]
00:05 Donc on démarre avec Wilfried Galland. Salut Wilfried !
00:07 Salut Stéphane !
00:08 Stratégiste, mon pensier finance.
00:10 Alors j'ai mis Japon, Chine, ENCO.
00:13 Est-ce qu'une fois qu'on aura parlé du Japon et de la Chine, on verra si...
00:16 Il nous reste du temps pour parler du reste
00:18 et le reste ce sera quand même la zone euro, l'inflation, toutes ces histoires-là.
00:21 Ou le vent nous mène !
00:22 Hein ?
00:23 Ou le vent nous mène !
00:24 Ou le vent nous mène !
00:25 Mais donc, deux choses intéressantes.
00:27 Le premier c'est le Japon.
00:29 Donc, alors je t'ai dit "Ah, nouveau record !"
00:31 Ce que je voyais c'est le marketing des marchés, ça c'est normal.
00:34 Donc je voyais nouveau plus haut de 33 ans.
00:38 Ah oui mais il faut remonter à 34 ans.
00:40 Mais il faut remonter à 34 ans, voilà c'est ça !
00:43 C'est ça qui est incroyable avec le Japon, c'est qu'en fait on se dit
00:45 "C'est le plus haut depuis 1990 !"
00:47 Tout le monde se dit "Ça y est, c'est bon, on est au plus haut historique pour maintenant !"
00:50 Et on en est loin encore.
00:51 On en est loin puisqu'en 89, effectivement,
00:54 enfin décembre, vraiment toute fin décembre 89...
00:57 Le 28 décembre 89, c'est ça, le plus haut des plus hauts !
01:00 Exactement, le Nikkei atteint quasiment 39 000 points.
01:04 Donc aujourd'hui tout le monde est effectivement très content qu'on atteigne 34 000.
01:07 Mais on part de 35 000 il y a 34 ans.
01:11 C'est le vrai long terme pour les marchés.
01:13 C'est toujours l'exemple qu'on donne en disant
01:15 "A votre avis, le long terme c'est combien d'années ?"
01:18 En fait le vrai long terme c'est effectivement au moins 35 ans.
01:21 En fait, ce qui se passe vraiment pour le Japon...
01:24 Ce qui est très intéressant avec le Japon...
01:25 Je donne quand même 28% de progression depuis le 1er janvier.
01:28 Exactement. C'est qu'en fait on a une accélération depuis le 1er janvier
01:30 parce que d'un seul coup on a les autorités de marché japonaises
01:35 et ainsi que le ministère des finances
01:37 qui incitent les entreprises japonaises à renouveler leur gouvernance
01:42 et à accélérer leur retour à l'actionnaire.
01:46 Et donc ce que ne faisaient jamais les entreprises japonaises,
01:49 c'est-à-dire qu'en fait les dividendes d'un rachat d'actions,
01:52 ça leur passait meilleurs largement au-dessus du comité de direction,
01:54 il n'y avait aucun intérêt pour eux.
01:56 Et d'un seul coup elles se sont mises effectivement à accélérer leur croissance de dividendes.
02:02 Alors on est loin en termes de montant de ce qu'on a effectivement en Europe aux Etats-Unis,
02:06 mais on a plus de 30% d'augmentation de dividendes cette année par rapport à l'an dernier.
02:11 On a des bords qui se sont complètement renouvelés.
02:15 On a une gouvernance globalement qui laisse plus de place à l'actionnaire.
02:19 Ce qui est très intéressant c'est quand on compare avec...
02:21 Alors tout le monde se dit c'est à côté de la Chine,
02:23 mais quand on compare par exemple au marché indien,
02:25 le marché indien c'est un des plus chers au monde.
02:27 C'est un de ceux dont le marché interne en termes de multiples par rapport aux bénéfices,
02:32 c'est plus cher que Wall Street.
02:34 Et c'est historiquement plus cher, c'est pas juste en ce moment.
02:37 Il y a toujours une prime d'à peu près 25% sur le marché indien
02:40 parce que le capitalisme indien est réputé comme portant une attention toute particulière à l'actionnaire.
02:46 Le retour sur investissement, le retour du capital investi, c'est très très important pour les indiens.
02:50 Ça ne l'était pas du tout pour les japonais.
02:52 C'était pas du tout leur sujet.
02:54 Ça l'est devenu, ils l'ont communiqué très largement.
02:56 Et donc d'un seul coup on redécouvre que dans un monde très inflationniste,
02:59 on aura peut-être le temps d'en parler,
03:01 celui qui était le plus en proie à la déflation en fait c'est celui qui en profite le plus
03:05 parce qu'on était à 4% d'inflation, maintenant on est à 3%.
03:08 3% d'inflation ça convient à peu près à tout le monde, donc tout va bien.
03:11 Parce que Shinzo Abe a essayé d'arracher...
03:14 C'était les flèches de Shinzo Abe, vous vous souvienez à l'époque.
03:18 Les Abenomics, ça marchait pas et là tout à coup...
03:21 En fait ça a marché.
03:23 Le flux mondial a permis...
03:25 Exactement, si on veut être un peu caricatural, ça a marché parce que
03:29 les américains ont eu un déficit fiscal d'à peu près 30% du PIB.
03:33 Oui c'est ça.
03:35 Voilà, 28% au maximum.
03:38 Et que d'un seul coup quand vous mettez cet argent là sur la table,
03:40 tout est entraîné en termes économiques.
03:43 Et donc le Japon se retrouve...
03:45 L'arrosage de la pelouse américaine, il y a de l'eau partout.
03:48 Là c'est carrément le camion de la lance à incendie.
03:51 Et donc effectivement on se retrouve avec des investisseurs qui redécouvrent le Japon
03:56 et qui redécouvrent le Japon aussi en tant que point pivot d'une certaine stabilité asiatique.
04:00 C'est-à-dire qu'on a...
04:02 La Chine c'est très compliqué d'attirer des capitaux, on voit que la Chine attire.
04:06 Mais en fait elle n'arrive pas à attirer des capitaux internationaux sur son marché financier.
04:12 C'est différent sur les autres, sur les investissements directs c'est différent.
04:15 Mais sur son marché financier elle n'y arrive pas.
04:17 Et puis les autres pays, il y a des risques.
04:20 Quand on regarde par exemple la partie coréenne,
04:22 on se dit "est-ce qu'on a vraiment envie d'investir dans la Corée ?"
04:25 alors que juste à leur frontière ils ont...
04:28 En fait, régulièrement il y a énormément...
04:31 En fait il y a une prime géopolitique sur la Corée
04:34 qu'il y a beaucoup moins sur le Japon
04:36 qui en plus est revenu dans le jeu géostratégique depuis deux ans.
04:40 Ils ont créé une alliance militaire avec les Australiens,
04:44 ce qui n'a jamais été fait.
04:46 "Je vous achète des minerais, des terres, du ménage,
04:53 et en échange je vous fournis en matériel militaire"
04:57 parce qu'en fait le Japon s'associe à une industrie exportatrice militaire assez importante.
05:02 Et donc tout le monde se dit "si on veut jouer à la fois le dynamisme de la zone asiatique,
05:06 la protection américaine qu'il a n'a aucune ambiguïté."
05:10 Il peut y avoir une ambiguïté sur Taïwan, il peut même y avoir une ambiguïté sur la Corée,
05:13 il n'y a aucune ambiguïté sur le Japon.
05:15 Dans ce cas là, on va vers le Japon.
05:17 Et en plus ils nous disent "vous inquiétez pas maintenant l'actionnaire on a compris c'est important, allons-y."
05:21 Donc peut-être que d'ici, peut-être pas la fin de l'année,
05:24 mais d'ici on va dire quelques trimestres, on pourrait avoir ce fameux record.
05:28 Non, non, t'as raison, là aussi c'est vrai que c'est des zones dont on ne parle pas,
05:32 mais on en a déjà parlé autour de cette table,
05:35 mais la façon dont l'Australie, avec beaucoup de courage d'ailleurs,
05:40 a fait ce que l'Europe ne fait pas.
05:43 C'est-à-dire à un moment, notamment au gré de ce qui a été bel et bien la prise d'otage de deux de ses ressortissants par les Chinois,
05:49 on dit "bon maintenant ça suffit, c'est fini."
05:51 Et effectivement ça a été la rupture du contrat de sous-marin
05:54 parce qu'il voulait une alliance beaucoup plus solide avec les Etats-Unis, y compris avec le Japon.
05:58 Ce sont des environnements qui changent en profondeur et qui sont très intéressants.
06:04 Ce qui est très intéressant c'est que l'autre pays qui a fait ça d'une façon un peu similaire,
06:08 c'est le Canada, et que les deux se caractérisent par une très grande richesse en termes de matière première.
06:12 Le monde dépend des matières premières australiennes et canadiennes,
06:18 et même à un moment, la Chine ne peut pas se passer totalement des pays extraordinairement riches dans certaines matières premières.
06:26 Et ça c'est intéressant de noter la bonne stratégie.
06:28 Et les régimes politiques les plus stables du monde, le Canada et l'Australie.
06:32 Mais ce que je voulais dire sur le Japon,
06:36 alors c'est très intéressant, les histoires de gouvernance,
06:39 on se souvient tous de ce qui peut se passer dans une entreprise japonaise très importante,
06:45 construisant des automobiles, sans que le dirigeant de cette entreprise
06:49 même soupçonne ce qui est en train de se passer entre ses cadres dirigeants.
06:53 Donc c'est quand même quelque chose, nulle part ailleurs qu'au Japon, on aurait pu monter une telle opération.
07:00 Mais ça veut dire que ce n'est pas structurellement sur la solidité de l'économie,
07:05 ce n'est pas des changements profonds, la démographie est toujours anémiée,
07:09 enfin les sujets qui posaient problème au Japon restent entiers à ce moment-là, Wilfried ?
07:15 Les sujets restent entiers, mais en fait on a des facteurs de mise à l'écart qui ont été progressivement enlevés.
07:23 La blague qui circule évidemment sur les marchés, c'est si vous n'avez pas été brûlé par les marchés,
07:30 par les marchés japonais, ça veut dire que ça fait probablement plus de 30 ans que vous êtes sur les marchés,
07:36 et on y croit moyennement.
07:38 Et donc tous ceux qui effectivement avaient un intérêt sur les marchés financiers d'une façon ou d'une autre,
07:43 les gérants économistes, stratégistes, tous à un moment donné disaient "non mais de toute façon on ne va pas s'intéresser au Japon"
07:47 parce que tout le monde à un moment a été rincé par le Japon.
07:51 Voilà, c'est fait avoir par "cette année c'est l'année du Japon, ça va bien se passer", et en fait non.
07:55 Et en fait ce qu'on voit c'est que dans un monde où la géopolitique, la stabilité, la capacité d'avoir finalement un projet géostratégique,
08:05 géoéconomique, stable et crédible, si on rajoute à ça le fait qu'on vous dit "vous inquiétez pas en plus maintenant, on sait que maintenant vous êtes important",
08:13 de nouveau le regard change.
08:16 Je comprends, je comprends, je comprends, effectivement, stabilité.
08:19 C'est juste le terme rincé qui me fait penser à une phrase qu'avait dite une économiste "si tu n'as pas connu la pluie au Japon, tu n'as pas connu la pluie".
08:26 Voilà, c'est beaucoup plus poétique que sur les marchés.
08:30 Mais il paraît que quand ça tombe, ça tombe.
08:32 Alors, et justement, j'allais dire à côté, il y a quand même quelques milliers de kilomètres, mais la Chine,
08:38 et donc là on a ce chiffre spectaculaire, doublement spectaculaire d'ailleurs,
08:45 parce que, donc, taux de chômage de 20,8% pour les jeunes,
08:49 ce qui juste, c'était la ligne derrière, et je n'avais pas conscience de ça,
08:52 le taux de chômage pour la population active en Chine, il est quand même de 5,2% aujourd'hui.
08:57 On n'est pas au...
08:59 Il est supérieur à la moyenne de la zone euro.
09:01 Exactement. On n'est pas du tout sur un taux de chômage suisse, par exemple.
09:04 Exactement, ou même un taux de chômage américain.
09:06 Ce n'est pas du tout ce qu'on imagine.
09:08 Et la pression sociale en Chine, et c'est pour ça que, depuis quelques jours,
09:13 on a de plus en plus de bruit ou d'informations sur lesquelles il y a des réunions,
09:19 sur la nécessité, au plus haut niveau des autorités, de relancer véritablement l'économie,
09:25 avec des mécanismes très connus, sur "je fais des ponts même s'ils n'arrivent nulle part",
09:30 "je fais des autoroutes", "je relance les infrastructures parce que c'est la seule chose
09:34 qui peut me permettre de régler mon problème social", tout simplement mon problème social.
09:38 Aujourd'hui, la Chine a un énorme problème avec cette génération de jeunes qui souffrent du chômage.
09:45 C'est que c'est la première génération qui a été...
09:49 ...biberonnée, j'allais dire, à la supériorité du modèle chinois et du modèle du socialisme à la chinoise.
09:55 Et là, ils ressortent. Ils sortent des études. Ils ont fait énormément d'efforts.
09:59 Ils ont promu sur tous les réseaux sociaux le fait que leur pays, c'était le meilleur du monde
10:03 et que les autres, ils n'avaient rien compris et qu'ils allaient voir ce que vous allez voir.
10:06 Et ils arrivent et il n'y a plus de travail.
10:08 Et ça, ça commence à être un véritable problème très important.
10:12 Et moi, ce qui m'intéresse aussi, c'est de voir que depuis quelques jours,
10:18 par exemple à Wall Street, les entreprises qui font des infrastructures
10:23 ou qui fournissent des éléments pour les infrastructures profondes,
10:27 comme par exemple Caterpillar, sont en train de s'envoler, littéralement.
10:30 On parle beaucoup d'NVIDIA pour l'intelligence artificielle.
10:32 Mais quand vous regardez une société comme Caterpillar,
10:35 depuis quelques jours, la progression est quand même très spectaculaire.
10:38 Ce n'est pas aussi spectaculaire qu'NVIDIA, mais ça progresse beaucoup plus vite que le S&P 500.
10:44 Pourquoi ? Parce que depuis 10 jours, on a effectivement ces chiffres qui commencent à s'accumuler
10:50 et des bruits qui disent qu'ils vont devoir véritablement accélérer en faisant une vraie relance.
10:56 Ils ne veulent pas le faire, la relance avec le crédit, parce qu'ils ont peur pour leur système financier.
10:59 Mais entre la peur de déstabiliser le système financier et la peur de déstabiliser le régime tout court
11:04 parce qu'on est incapable de remplir le contrat social chinois,
11:08 c'est-à-dire que vous n'avez pas de liberté mais vous avez de la prospérité,
11:11 c'est ça le contrat social chinois, vous n'avez toujours pas de liberté mais vous avez moins de prospérité.
11:15 C'est compliqué.
11:17 On en discutait récemment avec Laurence D'Asiano, qui vient nous voir très régulièrement,
11:22 maître de conférence à Sciences Po, qui suit très très presque ce qui se passe en Chine.
11:25 Elle racontait que ce qui commence à se dire, et on se disait ensemble,
11:32 alors j'avais oublié que la famille de Xi Jinping avait été victime de la révolution culturelle,
11:37 et que le petit Xi, parce que ses parents étaient proches du pouvoir,
11:40 se sont retrouvés dans les champs de coton dans les provinces chinoises,
11:48 et qu'il y avait un petit peu ça qui commençait à sortir aussi.
11:51 En gros, on dit à la jeunesse, vous ne trouvez pas de travail, vous n'êtes pas content,
11:54 barrez-vous dans les campagnes, et si vous n'y allez pas, on va peut-être vous y emmener de force.
11:58 Elle est assez, elle, sur l'idée sortie du plénum du Parti communiste chinois d'il y a maintenant 5-6 mois,
12:07 que c'est le retour de la politique, que c'est le retour de l'autorité, enfin voilà.
12:12 En fait, effectivement, ce que promoge Xi Jinping depuis son arrivée au pouvoir en 2012,
12:19 c'est la primauté du politique.
12:22 Je rappelle souvent que le premier des 14 principes de Xi Jinping qui sont maintenant dans la constitution,
12:27 le tout premier, c'est assurer le leadership du Parti communiste chinois
12:31 sur toute forme d'organisation sociale en Chine.
12:33 Ce n'est pas plus clair.
12:35 Le problème de ça, c'est qu'effectivement, quand vous poussez la logique au bout,
12:39 vous vous retrouvez à dire, je dois piloter l'économie quasiment de A à Z.
12:44 Et quand ça ne marche pas, en fait, quand je veux faire diminuer un taux de chômage d'autorité,
12:48 je leur dis, je vous mets, c'est un peu dur, mais je vous mets au travail forcé.
12:53 Comme ça, je diminue le taux de chômage et la statistique montrera que le fils du ciel est toujours béni par les dieux.
12:59 Donc, il n'y a pas besoin de remplacer l'empereur.
13:03 Et c'est effectivement, en fait, je pense que le pouvoir hésite et va peut-être faire les deux choses.
13:09 C'est-à-dire à la fois des mesures très autoritaristes pour déplacer des masses,
13:13 pour leur dire, l'important maintenant, c'est la souveraineté.
13:15 Donc, soit vous travaillez à l'usine pour les semi-conducteurs, si vous n'êtes pas capable,
13:19 vous travaillez pour le bol de riz, le fameux bol de riz en fer de Mao.
13:23 Et puis, en parallèle, on va quand même s'assurer qu'il y a un peu plus de croissance.
13:28 Et donc, on va aussi remettre un peu d'argent dans la machine pour être sûr qu'au moins,
13:32 nos taux de croissance faciaux ne nous fassent pas perdre la face.
13:35 Donc, il doit y avoir un peu des deux, probablement, qui se met en place.
13:39 Et c'est un moment, je pense que c'est un des points de bascule de ce troisième quinquennat de Xi Jinping.
13:48 Parce que je ne pense pas qu'il imaginait que la réouverture post-Covid,
13:52 qui a quand même coûté extraordinairement cher en termes de vie.
13:55 - Bah, Wilfried, les ratios sont à peu près les mêmes que les nôtres.
13:59 Je suis désolé de le dire, mais en tout cas, les ratios officielles sont à peu près les mêmes que les nôtres.
14:04 - C'est ça, les ratios officielles.
14:06 Quand on lit des commentaires de personnes qui étaient dans les campagnes chinoises,
14:12 ça a été... Parce qu'en fait, toutes les statistiques en général chinoises concernent les villes.
14:16 D'ailleurs, le taux de chômage, c'est le taux de chômage urbain.
14:18 - Oui, c'est le taux de chômage urbain.
14:19 - Et en fait, les campagnes n'ont quasiment pas de système statistique, en fait.
14:23 Et le sentiment qu'on a, ce n'est que juste un sentiment, c'est qu'effectivement,
14:27 ça a été dans les campagnes extraordinairement violent en termes d'impact.
14:32 Et il y a toujours des liens qui sont quand même très forts entre la population des villes et la population des campagnes.
14:37 Donc là, il va falloir rééquilibrer les choses.
14:39 - Mais c'est quand même... J'y pensais aussi en termes statistiques,
14:43 puisqu'on dit beaucoup, j'ai toujours entendu, moi, depuis que je m'intéresse à ça,
14:46 qu'il ne faut pas croire les chiffres chinois.
14:48 Force est de constater qu'ils n'ont pas non plus la volonté de les manipuler plus que ça.
14:53 Là, le chiffre, il sort bel et bien des bureaux de statistiques chinois.
14:57 - Exactement. Soit, effectivement, ils n'ont pas la volonté de les manipuler,
15:01 soit même en les manipulant, ça sort très très mal.
15:04 Je ne sais pas quelle est la vraie...
15:10 - La vraie explication.
15:11 - La vraie explication. En tout cas, ce qui est certain, c'est que les statistiques chinoises...
15:17 Pourquoi est-ce que les statistiques chinoises attirent toujours le scepticisme ?
15:20 C'est parce qu'elles sortent extraordinairement vite.
15:22 Ce sont les statistiques mensuelles qui sortent toujours le plus vite de la planète.
15:27 Le mois est à peine fini, et on a automatiquement les chiffres qui sortent.
15:32 Soit, effectivement, ils ont des outils de projection tellement extraordinaires
15:35 que dès le premier du mois, ils sont capables de savoir précisément
15:38 tout ce qui s'est passé dans les 31 jours ou les 30 jours précédents.
15:41 Soit, effectivement, il y a quand même des biais statistiques qui sont très forts,
15:44 qui permettent d'avoir ces chiffres-là.
15:47 Mais l'important, c'est de les comparer en séquence
15:50 et de les prendre à valeur faciale en disant que ça se dégrade ou ça augmente.
15:56 A priori, il n'y a pas de changement dans les méthodes statistiques chinoises.
15:59 Donc, prenons-le à cette valeur-là.
16:02 Après, ça nous amène au troisième point.
16:04 C'est-à-dire que si, effectivement, la relance chinoise est moins efficace
16:07 que ce qu'ils pouvaient penser, c'est parce que la demande occidentale
16:11 est moins importante que ce qu'ils avaient pu anticiper.
16:14 Et on arrive sur nos fameuses banques centrales.
16:17 Je préfère parler sur notre banque centrale européenne.
16:25 - Je sais que tu l'as vilipende. - Beaucoup, oui.
16:29 - Moi, je trouve qu'on est très, très sévère avec ces gens qui font face à une crise exogène,
16:35 qui n'ont pas les armes adaptées pour essayer de juguler cette crise exogène
16:40 et qui font ce qu'ils peuvent.
16:42 Et ce n'est pas si mal, quoi.
16:47 Je ne sais pas, tu vois, comment on voit les choses.
16:51 - Moi, ce qui me surprend toujours, c'est que lorsqu'on a une arme aussi puissante
16:56 que la politique monétaire à disposition, qu'on a la capacité d'agir sans limite, en fait.
17:04 Il n'y a pas de contrôle démocratique, il n'y a pas de contrôle juridique, il n'y a rien du tout.
17:08 - Très clair.
17:09 - Pour moi, un des premiers éléments qui doit rentrer en ligne de compte
17:16 pour définir la politique monétaire, c'est faire le moins de mal possible.
17:22 Et c'est ça que je reproche profondément à la Banque centrale européenne,
17:26 c'est que ce principe fondateur de tout détenteur d'un outil ou d'une arme extraordinairement puissant
17:38 ne me paraît pas être aussi haut dans l'ordre des priorités.
17:44 Parce que lorsque l'on voit la diminution des indices d'inflation,
17:51 elle est extraordinairement rapide.
17:53 On peut raconter ce qu'on veut, on peut être un entrepreneur en affolement inflationniste
17:58 comme j'en entends énormément, ça n'est pas vrai.
18:01 C'est-à-dire que lorsqu'on regarde même l'inflation allemande,
18:03 tout le monde me dit "mais regarde l'inflation allemande est élevée, on est à 6%".
18:05 Alors effectivement, on est à 6%. En mars, on était à 9%.
18:09 On est passé de 9 à 6 en l'espace de 3 mois. C'est un effondrement.
18:16 Les prix à la production en Allemagne sont en déflation.
18:19 On n'est pas en inflation minimale, on est en déflation.
18:23 Lorsqu'on regarde l'ensemble des indicateurs les plus avancés,
18:27 tous les indicateurs nous laissent à penser qu'en fait,
18:31 effectivement il y a des poches qui résistent d'inflation,
18:34 mais heureusement qu'il y a des poches qui résistent d'inflation.
18:37 Si on a l'intégralité des prix dans une économie qui est inférieure en rythme manuel à 2%,
18:43 ça veut dire qu'en gros on est quasiment proche de la déflation.
18:45 - Bon, mais ça c'est le résultat en partie ?
18:48 Enfin, on n'en sait rien d'ailleurs.
18:50 - La vraie question c'est "en partie".
18:52 - En partie ? De la politique de la Banque Centrale Européenne ?
18:55 - Ce qui est très étonnant avec la Banque Centrale Européenne,
18:57 c'est qu'elle nous dit depuis peu de temps,
19:00 elle nous dit "il faut du temps pour que notre politique se propage dans l'économie".
19:06 - Exactement.
19:07 - François Villeroy de Gallo, un de mes idoles,
19:11 - Gouverneur de la Banque Centrale française.
19:14 - a récemment expliqué qu'il fallait, même pour moi ce que je trouve déjà quand même beaucoup,
19:20 au moins 24 mois.
19:22 Il a dit au moins 24 mois.
19:24 Il a ensuite fait, pour que la politique monétaire se propage,
19:26 il a ensuite fait une prévision qui est digne des meilleurs stratégistes et économistes,
19:30 c'est-à-dire que l'inflation redescendra à 2% d'ici, entre maintenant et 2025.
19:36 Je suis d'accord. Je supporte totalement cette précision.
19:42 Lorsqu'on a aussi peu de précision, et je comprends,
19:44 et là je suis totalement d'accord avec toi,
19:46 la situation est très incertaine, parce qu'on a modifié énormément de mécanismes dans l'économie.
19:52 - C'est pas le cycle quoi.
19:55 - Mais dans ce cas-là, on fait une pause, et on fait ce qu'a fait la Réserve fédérale,
20:02 à mon avis un peu tard, même pour elle,
20:04 on fait un petit pas de côté, pour dire,
20:06 laissons-nous du temps pour voir comment est-ce que l'économie réagit à ce tour de vis extraordinaire.
20:11 On parle beaucoup d'immobilier.
20:12 On parle beaucoup de la catastrophe que sont en train de vivre les professionnels de l'immobilier en ce moment.
20:18 La matière première de l'immobilier, c'est ni le bois, ni le béton, ni la pierre, ni le cuivre.
20:23 La matière première de l'immobilier, c'est le crédit.
20:26 On a fait un choc de cette matière première, on l'a multiplié par 4, le prix.
20:30 On est passé de 1% à 4%.
20:32 C'est au moins aussi important, voire plus, que le premier choc pétrolier de la guerre du Kipour de 1973.
20:37 Et là on se dit, c'est horrible.
20:39 Vous imaginez, on est en train de mettre des pans entiers de l'économie à l'arrêt,
20:43 et on va avoir des...
20:44 Voilà le premier impact.
20:46 Et donc, ça nécessite quand même, plutôt que de se dire,
20:49 je vais encore en faire deux ou trois, et puis après on verra,
20:52 de dire, là aujourd'hui, quand on parle de taux de croissance potentiel de l'économie européenne,
20:56 on doit être entre 1 et 1,5%.
20:58 Voilà.
20:59 On est aujourd'hui avec un taux européen, on sera tout à l'heure,
21:03 avec un taux européen, pas loin de 4, entre 3,5 et 4% sont le taux qu'on garde.
21:07 C'est considérable, c'est extraordinairement restrictif.
21:11 Donc tu trouves qu'ils avancent là-dessus avec un peu trop de légèreté ?
21:14 Je trouve qu'une fois qu'ils ont changé leur logiciel,
21:18 et là aussi, je rappelle quand même que Christine Lagarde,
21:21 les yeux dans les yeux, le botox dans le front,
21:23 nous disait en septembre 2021,
21:26 il n'y aura pas d'augmentation de taux en 2022.
21:29 C'est la même qui nous dit aujourd'hui, je ne baisserai jamais les taux.
21:32 C'est les mêmes.
21:34 Dans ce cas-là, un peu d'humilité ne fait jamais de mal.
21:36 C'est-à-dire, il y a eu énormément de hausses...
21:39 On ne peut pas anticiper qu'en février 2022,
21:42 Poutine va attaquer l'Ukraine, enfin, il le sait.
21:44 On ne peut pas anticiper en février 2022.
21:46 C'est un gars qui n'avait pas prévu l'Eman, c'est imprévisible ce genre de choses.
21:49 Alors quand tu regardes les chiffres d'inflation,
21:51 si tu es banquier central, et qu'en regardant les chiffres d'inflation en janvier 2022,
21:55 tu ne te rends pas compte qu'il y a un problème,
21:57 dans ce cas-là, il faut vite faire autre chose.
21:59 Je les aime beaucoup, mais il faut vite, vite, vite faire autre chose.
22:02 Il y avait une pression inflationniste qui était déjà très forte,
22:06 simplement liée à la réouverture de l'EU.
22:08 À l'engorgement post-COVID.
22:09 Et ça se voyait.
22:11 Et donc, par rapport à tout ça,
22:13 elle a démarré trop tard, et elle veut compenser en allant très vite, très fort et très loin.
22:17 Ce n'est pas comme ça que ça fonctionne.
22:19 Donc je pense qu'un peu de prudence...
22:21 La prudence est une vertu, y compris pour les banquiers centraux.
22:26 Et ce n'est pas parce qu'on est très agressif qu'on est forcément les plus efficaces.
22:31 Là, on vient d'aller très vite, très fort.
22:34 Je sais, la réponse, ça va être, écoute, l'inflation est à terre,
22:39 mais elle bouge encore, on va lui mettre deux balles dans la tête pour être sûr de la terminer.
22:43 Et après, on tourne la page, on passe à autre chose.
22:48 Mais moi, ce qui m'interpelle là-dedans, c'est que ce discours-là, normalement,
22:53 vient avec "et ne vous inquiétez pas, si on doit supporter l'économie, soutenir l'économie, on le fera".
22:58 On a vu que ça ne marchait pas.
23:00 Il a fallu la relance COVID et l'extraordinaire apport à la fois des États,
23:06 soutenus par les banquiers centraux d'ailleurs, pour relancer tout ça,
23:09 pour sortir du monde déflationniste dans lequel on a été.
23:11 Et là, on nous explique "ne vous inquiétez pas, de toute façon, on sera là".
23:15 Mais quelle blague ! Mais quelle blague !
23:17 Donc d'abord, effectivement, ne pas casser.
23:19 Et ensuite, là, on est vraiment déjà restrictif.
23:22 Quand on dit qu'on a minimum 24 mois, la Banque centrale européenne,
23:27 c'est depuis juillet seulement qu'elle a monté cette hausse.
23:29 Ça ne fait même pas un an.
23:31 Donc il est temps, effectivement, de...
23:33 Oui, comme tu le dis, les restrictions de crédit, on les voit là, aujourd'hui.
23:38 Exactement.
23:40 Arrêtons d'être monomaniaques sur ce sujet-là.
23:44 Et si on a 2,5% d'inflation ou 3% d'inflation,
23:47 ce n'est pas grave par rapport à un choc social qui serait monstrueux.
23:51 On ne parlera plus de la même chose.
23:52 Si, effectivement, on se rend compte qu'on a un choc social très important du fait du crédit...
23:56 Mais je ne suis pas sûr du tout qu'on ait un choc social très important.
23:58 Moi, c'est ça, le sujet.
24:00 Je l'espère pas.
24:01 Les conditions de recrutement sont...
24:03 Alors, c'est ça qui est intéressant.
24:05 On n'a pas le temps, on en reparlera ensemble, et puis on verra à la rentrée.
24:08 Mais, visiblement, ils regardent les indicateurs d'emploi.
24:12 Sauf que le monde de l'emploi est en train de se transformer en profondeur.
24:15 Et j'attends de voir, moi-même, sur le secteur du BTP,
24:20 les conditions de recrutement sont tellement dures
24:23 qu'avant que les gars licencient, il va falloir vraiment qu'ils soient au fond du trou.
24:28 C'est sûr.
24:29 Tu vois.
24:30 Mais, en fait, c'est un vrai...
24:32 Le débat, toujours, c'est...
24:34 Quels sont les indicateurs retard et quels sont les indicateurs avancés de l'économie ?
24:38 Comment est-ce que des banquiers...
24:40 Tu te rends compte de ce qui se passe ?
24:41 On parle de banquiers centraux, on parle pas de celui qui, à Bercy, va dire
24:45 "Comment est-ce que je soutiens l'économie ?"
24:46 C'est pas la même chose.
24:47 Chacun doit être dans son rôle.
24:49 Le banquier central, il doit regarder très loin.
24:51 Il doit regarder ce qui est en train de se passer en disant "J'essaie de me projeter."
24:54 Moi, ce qui m'a beaucoup marqué dans la conférence de presse de Jérôme Powell hier,
24:57 comme un tout petit peu de Jérôme Powell,
24:59 peut-être la phrase la plus importante, c'est
25:01 "Je reconnais que depuis deux ans, nos modèles d'inflation n'ont pas marché
25:05 et qu'en fait, on n'y comprend plus rien."
25:08 Quand on est à ce point dans le brouillard, ce que je comprends, et c'est extrêmement difficile,
25:12 on vient de faire un mouvement très important...
25:14 Ouais, on marque une pause.
25:15 On marque une pause, et puis...
25:18 Et puis, on se donne trois...
25:20 Et éventuellement, après, on dit "Je repars, je reprends, j'ajuste."
25:23 Mais une fois que l'économie est cassée, elle est véritablement cassée.
25:27 Donc...
25:28 C'est ça dont je suis pas...
25:29 En fait...
25:30 C'est là où je suis moins pessimiste que toi, du fait des tensions sur le marché du travail.
25:34 Mais je trouve qu'on n'a pas encore tout l'impact sur une économie qui a fonctionné à crédit.
25:40 L'économie européenne, l'économie mondiale, l'économie américaine,
25:44 fonctionnent à crédit depuis 2008.
25:46 Et c'est là que c'est vrai qu'on est en train de basculer dans des trésoreries négatives.
25:50 Et le choc que constitue la hausse de taux sur cette masse de dettes,
25:55 on en est au tout début des conséquences.
25:57 Au tout début.
25:58 Seuls quelques ménages endettés à taux variables...
26:02 Mais ils peuvent redescendre aussi vite qu'ils sont montés, les taux, Wilfried, dans ces conditions-là.
26:06 Oui, mais dans ce cas-là...
26:08 C'était bien sûr que le cas n'arrivait, tu vois.
26:10 Dans ce cas-là, ça veut dire que...
26:12 Bah t'auras tué l'inflation, t'auras fait ton job et on repart.
26:15 Ça veut dire que tu rebaisse les taux et là tu viens...
26:18 Tu donnes tout un discours en ce moment en disant "je ne baisserai pas les taux avant"...
26:23 Powell l'a dit hier, "avant de nombreuses années".
26:26 Enfin, avant plusieurs années.
26:27 Donc je suis d'accord avec toi, mais dans ce cas-là c'est incohérent.
26:30 Donc moi j'ai besoin de cohérence.
26:32 En fait j'ai besoin de banquiers centraux qui regardent de loin
26:34 et qui sont cohérents avec leur mission, qui est une mission d'équilibre.
26:38 La mission d'un banquier central, même si traité ou pas traité,
26:43 c'est d'abord et avant tout de piloter les équilibres macron-financiers.
26:46 C'est quoi c'est l'engagement des médecins là ?
26:50 Primum...
26:51 Exactement, primum natna chere.
26:53 Voilà, c'est ça.
26:54 Exactement.
26:55 D'abord ne pas faire de mal.
26:57 Exactement, d'abord ne pas nuire.
26:59 Bon, mon cher Wilfried.
27:01 Serge Stéphane.
27:02 On se souhaite un bon été.
27:04 Exactement.
27:05 Et puis on verra.
27:06 On verra où les vons nous mène.
27:08 On verra en septembre dans quel état on sera.
27:10 On continue Bismarck.