Sur fond de restriction de la consommation d'eau potable, une partie des habitants de la région de Volvic en France met en cause les prélèvements d'eau effectués par la société d'embouteillage d'eau minérale. L'entreprise se défend tandis que l'État pointe du doigt le changement climatique.
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00:00 ...
00:07 -Vous avez un des 3 hauteurs de la pisciculture
00:11 qui, malheureusement, a été à sec toute l'année.
00:14 La conséquence de sources à sec.
00:16 Vous êtes à Saint-Genest-L'Enfant, la plus vieille pisciculture d'Europe
00:23 et la seule à être classée monument historique.
00:26 Et...
00:28 ...
00:30 Cette pisciculture est maintenant complètement asséchée.
00:34 ...
00:42 -Niché au coeur de l'Auvergne, région de France connue
00:47 pour ses volcans et la qualité de ses eaux,
00:50 le site a été créé au XVIIe siècle
00:52 par les ancêtres d'Edouard de Féligonde.
00:56 La pisciculture produisait 60 tonnes de poissons par an.
00:59 Mais les sources qui l'alimentaient sont presque taries
01:03 et l'activité est à l'arrêt depuis 5 ans.
01:06 -Là, vous avez la source de la grotte,
01:08 qui est la plus haute de la propriété.
01:12 Donc, l'eau se trouve en dessous, mais elle ne gèle plus.
01:15 Ca allait alimenter ce bassin,
01:17 qui alimentait tous les bassins du haut, qui sont tous à sec.
01:21 ...
01:25 Alors, l'eau est artificiellement maintenue
01:29 pour stopper les dégâts sur les bassins.
01:31 Du fait de l'assèchement,
01:35 eh bien, vous avez les berges qui s'effondrent.
01:38 ...
01:41 Vous voyez la prolifération des lentilles d'eau,
01:45 propres à une eau stagnante.
01:48 Dans ces temps, vous aviez 10 000 enfants
01:50 qui, chaque année, venaient apprendre à pêcher.
01:53 -Le groupe Danone et sa filiale,
01:56 la Société des eaux de Volvic,
01:58 accusent le féligonde.
02:00 Les forages du producteur d'eau minérale en bouteilles
02:03 sont situés non loin de sa propriété.
02:05 -Depuis la prise de contrôle du groupe Danone
02:09 de la Société des eaux de Volvic, en 1993,
02:13 les prélèvements ont été multipliés par 4.
02:16 Le groupe Danone produit à Volvic 1,75 milliard de bouteilles
02:20 de 1,5 litre, tout en plastique.
02:23 C'est comme ça que nous arrivons,
02:24 non pas à une sécheresse, comme beaucoup aimeraient le faire croire,
02:29 mais à un assèchement des sources de la propriété.
02:33 Cet assèchement est organisé par Danone et le préfet.
02:37 Le préfet donnant les autorisations et Danone faisant sa marge.
02:41 On voudrait vous faire croire que ce qui se passe à Volvic
02:45 est dans un environnement de sécheresse nationale,
02:49 ce qui est complètement faux.
02:51 Si Danone s'arrête, l'eau revient.
02:55 -Edouard de Féligonde a engagé des actions en justice
02:59 contre le groupe Danone et les pouvoirs publics
03:02 qui accordent les autorisations de pompage.
03:04 Un récent arrêté de restriction de la consommation d'eau potable
03:08 a été imposé dans une trentaine de communes du département.
03:12 La mesure relance le débat sur l'impact des prélèvements industriels
03:16 sur la baisse des débits des sources et des nappes phréatiques.
03:19 Les restrictions ne concernent pas la société des eaux de Volvic.
03:23 L'entreprise pompe en profondeur de l'aquifère,
03:27 dit "impuvium", à distance de la galerie
03:30 qui alimente les réseaux de distribution d'eau potable.
03:34 Déclinant mes demandes d'interview,
03:39 l'entreprise me fait parvenir une communication écrite.
03:42 "Étant effectuée en aval de la source d'eau potable,
03:45 "les activités de Volvic n'ont pas d'impact
03:48 "sur la disponibilité de la ressource dans les réseaux d'eau potable.
03:51 "Néanmoins, nous avons acté une baisse de 5 %
03:54 "de nos autorisations de prélèvement pendant l'arrêté."
03:57 -La société des eaux de Volvic est autorisée
04:00 à prélever 2,8 milliards de litres d'eau par an.
04:03 En 2020, les ponctions s'élevaient à 2,3 milliards de litres,
04:07 bien moins que le seuil autorisé.
04:09 L'engagement de l'entreprise à pomper moins que le plafond fixé par l'Etat
04:13 ne diminue pas les prélèvements actuels.
04:16 Le message passe mal auprès de la population locale,
04:18 dans une zone déjà mise sous pression par les besoins en eau
04:22 de l'agriculture intensive.
04:24 J'ai tenté d'interroger les riverains et les petits agriculteurs,
04:27 mais rares sont ceux à accepter de parler devant la caméra,
04:31 de peur de fâcher la société des eaux de Volvic,
04:33 l'un des plus gros employeurs locaux.
04:36 Comme pour toutes les entreprises recourantes au réseau d'eau potable,
04:44 Jeff, passeur artisanal, a dû réduire sa consommation de 25 %.
04:49 De quoi mettre la clé sous la porte, dit-il.
04:52 Il y a 5 ans, l'entrepreneur avait déjà diminué de plus d'un tiers
04:57 la quantité d'eau nécessaire à sa production de bière
04:59 par souci pour l'environnement.
05:02 -Je me demande si c'est un geste que je vais continuer à faire
05:07 dans mon entreprise,
05:08 parce qu'avec les restrictions d'eau,
05:12 je mets en danger mon entreprise.
05:14 -Je n'ai pas attendu un arrêt préfectoral
05:17 pour diminuer ma consommation d'eau.
05:19 -On a qu'à regarder qui pompe le plus.
05:22 On peut être un grand groupe international
05:25 et avoir vraiment une vision de partage et de gestion
05:28 des ressources et des matières premières intéressantes.
05:32 -Je vois que Danone n'a pas de contrôle sur le volume.
05:36 -Leur mentalité, c'est d'épuiser les sols, d'épuiser les gens,
05:41 et de servir ceux qui sont à l'autre bout du monde.
05:44 Donc, voilà, que chacun fasse un effort.
05:47 -Des efforts déjà engagés par la Société des eaux de Volvic.
05:52 C'est ce qu'affirme le responsable
05:54 de la direction départementale des territoires du Puy-de-Dôme.
05:58 -Fin 2021, on a effectué une 1re baisse de 10 % structurelle
06:03 et définitive de son autorisation de prélèvement.
06:06 Ils avaient déjà réduit d'au moins 10 %,
06:08 donc on peut nous dire que ça ne change rien,
06:11 parce qu'ils ont déjà réduit.
06:12 En fait, on engrange une baisse qu'ils ont commencée.
06:15 Dans notre arrêté de fin 2021, on a d'ores et déjà prévu
06:18 une 2e baisse de 10 % à horizon 2025,
06:21 dans le cadre d'un projet de réutilisation de leurs eaux de lavage.
06:24 Du côté de l'Etat, on est toujours en suivi
06:27 de la situation de l'impluvium.
06:29 On constate qu'il y a une baisse structurelle.
06:31 L'élément déclencheur, et plus de notre point de vue,
06:34 a trouvé dans d'autres facteurs, notamment le changement climatique,
06:37 mais c'est pas la Société des eaux de Volvic
06:40 qui déclenche la baisse de la ressource.
06:42 -Une affirmation qui ne convainc pas François-Dominique de Larousière,
06:49 géologue et membre de l'association locale
06:51 de défense de l'environnement, Préva.
06:54 L'impact de la baisse des débits des ruisseaux
06:57 est visible dans son propre étang.
06:59 -Sur la petite île centrale,
07:01 il y a un petit joueur de pipeau qui est installé.
07:04 Jusqu'à il y a 2 ans, il avait les pieds dans l'eau.
07:09 -Une baisse qui ne peut pas être imputée à la dérive climatique,
07:13 dit le géologue,
07:14 du fait de la particularité de la zone aquifère de Volvic.
07:18 -L'eau qui tombe ne va pas tomber sur des terrains imperméables,
07:25 comme ici, mais sur des terrains volcaniques
07:27 qui sont extrêmement poreux et extrêmement perméables.
07:31 Tout pénètre à l'intérieur de la Terre.
07:33 Et surtout, ça va mettre un certain temps à se propager
07:37 depuis la zone où l'eau tombe jusqu'à l'exutoire de Volvic.
07:41 Quelle que soit la pluviométrie instantanée,
07:44 il n'y a pas de variation de débit à ce niveau-là,
07:47 puisque ça va être lissé sur plusieurs années.
07:50 Tous les ans,
07:52 il y a une maintenance de l'usine de Volvic.
07:55 Ils arrêtent de pomper pendant quelques jours.
07:58 Au bout d'une quarantaine de jours,
08:00 on voit le débit des résurgences qui remonte de façon extrêmement importante
08:04 et sans aucune corrélation avec une pluviométrie à ce moment-là.
08:08 C'est vraiment un élément qui montre
08:10 que Volvic ne prélève pas dans une poche à part totalement isolée du reste,
08:16 mais que ses prélèvements ont de l'influence
08:18 sur l'ensemble des débits, des résurgences,
08:21 qui sont situés très en aval.
08:23 Il y a aussi l'alimentation en eau potable des populations locales.
08:26 Et ça, ça représente à peu près le double
08:28 de ce que prélève la société des eaux de Volvic.
08:32 On est arrivé à des prélèvements qui sont bien supérieurs
08:35 aux capacités de renouvellement de la ressource.
08:38 Nous rejoignons un autre membre de l'association Préva,
08:43 hydrobiologiste,
08:44 aux abords d'un ruisseau dont le niveau a baissé au fil des ans.
08:48 Il y a 30 ou 35 ans,
08:51 je ne serais pas rentré dans le lit de ce ruisseau,
08:55 avec des bottes, parce que j'aurais eu de l'eau jusqu'à mes cuisses.
08:59 Outre une concentration croissante de polluants,
09:02 les conséquences de la baisse des niveaux d'eau sont alarmantes,
09:05 souligne l'hydrobiologiste.
09:08 L'impact est sur toute la biodiversité,
09:10 notamment au niveau de la végétation.
09:12 Et puis, avec ça, il y a évidemment toute une faune associée
09:16 aux ruisseaux qui n'existe plus.
09:18 Ce n'est pas exagéré que de dire
09:20 que c'est un début de désertification de la zone.
09:24 On demande le respect de la loi qui dit explicitement
09:27 quelles sont les priorités d'usage de la ressource en eau,
09:30 l'adduction d'eau potable et l'alimentation des écosystèmes,
09:34 qu'ils soient naturels ou agricoles.
09:36 On n'a pas une opposition de principe à la commercialisation de l'eau,
09:40 mais il ne faut pas inverser les priorités.
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