Emmanuel Metais, directeur général de l'Edhec, est l'invité éco de franceinfo, vendredi 16 juin. Il explique en quoi son école de commerce, la quatrième française selon les classements, peut jouer un rôle dans la crise climatique, avec ses élèves. Et notamment au travers de la finance "durable".
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00:00 *L'invité éco, Olivier Delagarde*
00:04 Et on s'intéresse souvent aux résultats de Parcoursup du vu du côté des bacheliers,
00:09 moins du côté des établissements d'enseignement supérieur.
00:12 C'est pour ça qu'on va faire ça avec vous. Bonsoir Emmanuel Mettez.
00:15 Bonsoir Olivier Delagarde.
00:16 Vous êtes directeur général de l'EDEC.
00:18 L'EDEC c'est l'une des grandes écoles de commerce et de gestion française,
00:22 la quatrième selon les classements.
00:24 Vous avez des campus à Lille, Nice, Londres, Singapour, Paris.
00:28 Campus qui accueille près de 10 000 étudiants.
00:31 Alors la plupart de vos étudiants ne sont pas concernés par Parcoursup.
00:34 Vous recrutez beaucoup à Bac +2, Bac +3, mais quand même il y a les bachelors,
00:38 pas loin d'un millier.
00:39 Comment est-ce que vous, de votre côté, vous voyez le système Parcoursup, ça fonctionne ?
00:43 Ça fonctionne. C'est un système assez lourd, mais ça fonctionne.
00:48 De notre côté, c'est 7 000 candidatures qu'il faut traiter.
00:52 Et puis, c'est vrai que du côté des familles, on voit l'algorithme, la plateforme.
00:56 Mais de notre côté, c'est des êtres humains, effectivement,
00:59 qui doivent étudier les dossiers, trier, sélectionner les meilleurs, les retenir.
01:03 Et évidemment, leur ouvrir les portes de l'EDEC.
01:06 Alors, vous cherchez à vous positionner comme une référence en matière de finances durables.
01:13 Finances dans le climat, pourquoi ? C'est à la mode ?
01:16 Alors, c'est plus qu'à la mode.
01:18 Bon, la finance à l'EDEC, déjà, ça a démarré il y a 20 ans.
01:20 On est devenu une marque mondiale en fait, en gestion d'actifs.
01:24 Et puis, effectivement, aujourd'hui, on voit bien les grandes transformations du monde auxquelles nous sommes confrontés.
01:30 Et la raison d'être de l'EDEC, c'est de former des futurs dirigeants
01:33 qui vont précisément s'emparer des grandes transitions, des grandes transformations du monde.
01:37 Donc, la finance et les grandes transformations du monde.
01:40 Mais c'est quoi la finance durable, finalement ?
01:42 La finance durable, c'est une finance...
01:44 Alors, la finance, c'est des milliers de milliards de dollars qui sont investis tout autour du monde.
01:48 Et ce qu'on veut, c'est que ces milliers de milliards de dollars soient orientés
01:52 de manière à lutter contre le changement climatique.
01:54 Alors, à l'EDEC, c'est un centre de recherche.
01:56 20 millions d'euros qu'on va dépenser sur les cinq prochaines années
01:59 pour avoir des chercheurs sur nos campus de Nice, de Londres et de Singapour
02:02 qui vont essayer de bien comprendre, finalement,
02:04 d'une part, l'influence du changement climatique sur la finance
02:07 et d'autre part, comment la finance, effectivement, peut avoir un impact positif sur le changement climatique.
02:12 Alors, vous dites que c'est important pour la planète, on vous entend.
02:15 C'est important pour vos élèves ? Il y a une appétence pour ce type de formation ?
02:18 Alors, la chance qu'on a, c'est que nos élèves, aujourd'hui, ils veulent changer le monde.
02:21 Et surtout, ils ont confiance dans l'entreprise pour changer le monde.
02:24 Quand on interroge nos élèves, 95, 98% d'entre eux ont confiance dans l'entreprise pour changer le monde
02:30 et en particulier pour faire face au changement climatique.
02:33 Par contre, ils sont conscients qu'il faut changer l'entreprise.
02:35 Alors, certains vont se lancer dans des carrières traditionnelles pour, effectivement, changer le monde.
02:40 D'autres vont créer des entreprises. D'autres vont travailler dans des ONG.
02:43 Mais la chance qu'on a, c'est qu'ils sont prêts.
02:45 Emmanuel Mettet, quand on travaille dans la finance, quand on veut devenir trader, c'est qu'on veut gagner de l'argent ?
02:51 C'est en train d'évoluer. C'est en train d'évoluer.
02:53 Bien sûr, ils veulent gagner de l'argent et ce n'est pas incompatible avec le fait de défendre des grandes causes.
02:58 Ce n'est pas impossible.
02:59 Alors, on a, par exemple, créé, il y a deux ans de cela, un master avec l'école des mines de Paris en finance du climat.
03:06 Et il y a aujourd'hui plus de 50 étudiants qui sont rentrés dans ce master.
03:10 Et les mines de Paris font le climat, nous on fait la finance.
03:13 Et puis, au sortir de cela, il y a des élèves qui vont se positionner partout, y compris dans des grandes banques,
03:18 pour faire en sorte que ces banques, effectivement, se mettent au service de la lutte contre le changement climatique.
03:23 Donc, l'argent, mais pas seulement.
03:24 Vous avez l'impression que les étudiants ont changé depuis 10, 20 ans ?
03:27 Absolument, clairement.
03:29 Chaque génération a ses côtés très positifs, mais la génération d'aujourd'hui a ce site particulier que vraiment, elle veut changer le monde.
03:36 Et effectivement, nous, il faut qu'on les prépare à cela.
03:39 Alors, je le disais, vous avez des campus en France, mais aussi à Londres, à Singapour.
03:44 Les étudiants sont les mêmes partout ou est-ce que vous les sentez plus enclins en France qu'ailleurs ?
03:50 Alors, en France, il y a vraiment une forte appétence pour justement ces questions, ces grandes transitions.
03:56 Je dirais que quand même, on sent dans le monde entier cette volonté de cette génération des 20 à 25 ans à transformer le monde.
04:04 J'allais dire, c'est une espèce d'invariant, quels que soient les pays, on le retrouve un peu partout.
04:09 On parle finance et on parle d'argent.
04:11 Un mot des frais de scolarité à l'EDEC qui s'élève quand même à 50 000 euros pour les trois ans d'études.
04:16 Alors certes, il y a des emprunts étudiants, mais est-ce que ça ne freine pas quand même la mixité sociale ?
04:22 Est-ce que ça ne fait pas de vous une école de gosses de riches ?
04:25 Alors d'abord, l'EDEC, c'est une association loée 1901, but non lucratif.
04:30 Donc on n'est pas là pour faire de l'argent ou pour servir de l'argent à des actionnaires.
04:34 C'est un point important. On est reconnu d'intérêt général.
04:36 Notre mission, c'est l'éducation et la recherche. C'est pour ça qu'on se lève tous les matins.
04:40 Mais ça ne rend pas les frais de scolarité élevés ?
04:42 Les frais de scolarité sont élevés parce qu'effectivement, on est quand même une institution privée, certes à but non lucratif, mais privée.
04:47 On a un budget à équilibrer. L'État ne nous donne quasiment pas d'argent.
04:50 Et 80% de notre budget, finalement, c'est ce que nous donnent les frais de scolarité que nous donnent les familles.
04:56 Juste un point, c'est l'EDEC redistribue sur ses frais de scolarité qu'elle prélève chaque année 10 millions d'euros sous forme de bourses pour aider les étudiants boursiers.
05:05 L'école prend sur son budget. Et puis la fondation EDEC, de plus en plus de diplômés de l'école, nous donne parfois 500 000 euros, 1 million d'euros.
05:14 Vous avez des dons d'un million d'euros ?
05:16 Absolument, pour notamment financer des bourses et aider des étudiants défavorisés.
05:20 Alors, vous souhaitez également former de futurs entrepreneurs, pas seulement des traders et des banquiers. Pour quelle raison ?
05:29 On a besoin de changer le monde, je l'ai dit tout à l'heure. Et quand même, un des bons moyens de changer le monde, c'est l'entrepreneuriat, c'est la création d'entreprises.
05:36 Aujourd'hui, l'EDEC, c'est trois grands incubateurs, donc à Lille, à Nice et puis à Paris. On est à Station F. On a la chance d'être à Station F, une centaine de places à Station F.
05:45 On incube à peu près 120 startups par an. Et aujourd'hui, ce qu'on veut, c'est incuber des startups qui vont à la fois avoir une dimension technologique de développement et de recherche de profit, bien sûr, mais aussi travailler sur des causes sociétales fortes.
06:04 Par exemple, Yuka a été incubée à l'EDEC, je pense que tous nos auditeurs connaissent. Par exemple, on a aujourd'hui, alors je vais en parler d'une qui est moins connue, qui s'appelle Abracadabra.
06:13 Et qu'est-ce qu'ils font ? Ils reconditionnent des soutiens-gorge. Ce sont deux filles étudiantes à l'EDEC qui reconditionnent des soutiens-gorge et qui ont énormément de succès.
06:20 Donc, développement entrepreneurial, profit, mais aussi et surtout impact sociétal positif.
06:25 Et puis, un petit mot de votre diversification. Vous vendez de la data maintenant et des travaux de recherche aux entreprises. C'est pour vous une obligation de trouver des moyens de financement supplémentaires ?
06:34 Absolument. On parlait de financement tout à l'heure. On vend de la data. On le fait depuis maintenant un certain nombre d'années et on le fait sur la base de la recherche de nos professeurs.
06:42 On a créé une startup qui vend des indices à des financiers tout autour du monde. Startup qu'on a revendu 200 millions d'euros il y a de cela deux ans. 200 millions d'euros au profit de la fondation EDEC.
06:52 Donc, 200 millions d'euros qui vont financer des bourses, qui vont financer le centre de recherche sur la finance climatique dont je parlais tout à l'heure. Un modèle vertueux qu'on essaye évidemment de faire grandir.
07:02 Merci Emmanuel Mettez, directeur général de l'EDEC. Merci d'avoir été ce soir l'invité de l'écho sur France Info.
07:08 Merci Olivier de Moyne.