Elles ont débuté hier matin, pour les terminales qui passent actuellement leur Bac, les épreuves du Grand Oral. Pour tout savoir en quoi consiste cette épreuve, Julia Vignali reçoit les invités, Bertrand Périer, avocat et enseignant de la prise de parole en public et Élodie Mielczareck, sémiologue.
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00:00 Et à 8h13, c'est l'heure d'aller bosser pour Jérémie, de préparer son grand oral, celui que passent les élèves de Terminal depuis hier.
00:05 Et pour en parler, pour le préparer de grand oral, vous recevez la sémiologue Élodie Mielzarek et Bertrand Perrier,
00:11 avocats, écrivains et spécialistes de l'art oratoire. Bonjour et bienvenue à tous les deux.
00:15 Bonjour à tous les deux, merci d'avoir accepté l'invitation de Télématin.
00:18 Alors Thomas le disait, hier les épreuves du grand oral ont commencé pour les classes de Terminal, des Voies Générales et Technologiques.
00:24 Ces épreuves se poursuivront jusqu'au 30 juin pour 530 000 candidats au baccalauréat.
00:30 Alors tout d'abord, Bertrand, est-ce que vous pouvez nous expliquer en quoi consiste cette épreuve et surtout qu'est-ce qu'on attend des candidats ?
00:36 Alors c'est une épreuve qui a été préparée en amont pendant toute la classe de Terminal avec les professeurs puisque le candidat choisit son sujet.
00:43 Donc il arrive, il a déjà deux propositions de sujet, le jury choisit l'une des deux.
00:47 Donc c'est quelque chose qui a été préparé.
00:50 On lui demande cinq minutes d'exposé, debout, sans notes ou en tout cas avec quelques notes mais pas un texte écrit et surtout pas quelque chose d'appris par cœur.
00:58 Ensuite, un échange avec le jury pendant une dizaine de minutes sur l'exposé qu'il a choisi.
01:04 Et ensuite, une dernière partie où l'échange va plutôt basculer sur le projet futur de l'élève pour une insertion dans le monde professionnel ou dans les études supérieures.
01:13 Et ce qu'on attend, c'est surtout une capacité à prendre position.
01:16 Ce n'est pas un oral classique de cours, on ne vous demande pas de réciter un cours, on vous demande de prendre position sur un sujet et de l'argumenter.
01:23 Et en l'occurrence, un sujet que les élèves ont choisi.
01:26 Alors vous dites Bertrand que l'oral est une compétence clé dans le monde contemporain.
01:30 Expliquez-nous pourquoi il est si important de nos jours de savoir bien s'exprimer à l'oral.
01:36 On se juge forcément les uns les autres sur notre capacité à prendre la parole en public.
01:40 C'est une compétence pour aller chercher un stage, pour aller chercher un emploi.
01:43 Inévitablement, vous savez, il y a une étude qui montre que votre interlocuteur vous a déjà classé dans une catégorie socio-professionnelle au bout de sept mots.
01:51 Vous avez dit sept mots à quelqu'un et il s'est déjà fait une idée de vous.
01:54 Et donc, c'est très important que l'écrit et l'oral marchent sur un pied d'égalité pour les élèves de Terminal.
02:00 Alors Elodie Mielzarek, le grand oral est une épreuve récente, ça fait trois ans.
02:04 Ça a été inauguré par Jean-Michel Blanquer en 2021.
02:08 On comprend franchement que ça puisse être une source de stress pour les élèves.
02:13 Quels seraient vos conseils à vous, justement, pour ceux qui s'apprêtent à passer le grand oral et notamment en termes de posture ?
02:19 Vous disiez, Bertrand, qu'ils vont se tenir debout. Ça veut dire quoi ?
02:23 Je pense qu'effectivement, il y a quand même deux écueils à éviter.
02:26 Le texte qui est totalement récité, parce que c'est vrai qu'on est très sensible à la question de l'incarnation, pouvoir incarner son discours.
02:33 C'est très important et il est très beau ce mot, d'ailleurs, parce que dans incarnation, il y a carne, c'est la viande.
02:37 Il faut que le discours passe par le corps. La récitation, ça ne va pas être le mieux, parce qu'il ne va pas y avoir d'interaction,
02:44 il ne va pas y avoir de clignement de paupières, il ne va pas y avoir de mouvement du corps.
02:47 Or, c'est tout ça qui va donner vie au discours.
02:49 Déjà, effectivement, de pouvoir incarner son propos, incarner son discours, c'est quelque chose qui semble assez fondamental.
02:55 Souvent, on dit dans les petites astuces, c'est de préparer sa première phrase d'introduction et puis sa phrase de conclusion,
03:01 et puis de se laisser un petit peu la capacité à pouvoir même improviser, mais en tout cas, d'être dans quelque chose qui est incarné
03:08 pour ne pas avoir un corps complètement rigide, statique.
03:11 Après, le deuxième écueil, ça peut être le stress.
03:13 C'est vrai que souvent, c'est le stress de fuite, les personnes arrivent et puis, il va falloir se lancer.
03:18 Et le corps, lui, il n'a qu'une envie, c'est de partir.
03:20 Donc là, on va commencer à bégayer, on va commencer à bafouiller, on va commencer à gesticuler, à rougir, à transpirer.
03:27 Donc là, il y a plusieurs techniques, il y a plusieurs astuces.
03:31 Il peut y avoir des astuces qui passent également par le corps, la respiration, mais rien que le fait de verbaliser,
03:36 d'avoir que l'étudiant lui-même dise "Oh là là, ça y est, ça commence à être les grandes eaux, si jamais ils transpirent".
03:43 Voilà, tout de suite, de lui-même, du coup, ça va le calmer, lui, et puis ça va apporter un petit peu d'autodérision, un peu d'humour,
03:49 et ça, le jury est aussi assez sensible.
03:52 Et pourra apprécier cette honnêteté, en tout cas.
03:54 Exactement.
03:54 Bertrand Perrier, vous nous l'avez dit, le par-coeur, c'est plutôt contre-productif.
03:58 On a le droit d'avoir des petits mots-clés, un petit papier en main.
04:01 Oui, c'est d'ailleurs dans les circulaires ministériels, il n'y a aucune difficulté, on peut avoir un papier.
04:06 Je recommande vraiment de ne pas essayer d'apprendre par-coeur, parce que vous ajoutez au stress de la prise de parole, le stress du trou de mémoire.
04:12 Donc là, c'est encore pire.
04:13 Je vais donner juste un chiffre qui va peut-être rassurer les gens, c'est la moyenne de l'épreuve.
04:17 La moyenne de l'épreuve, c'est 14.
04:19 Donc c'est plutôt une épreuve "rentable".
04:21 Donc vous y allez pour gagner des points et surtout, vous y allez pour une fois avec un sujet que peut-être vous connaissez mieux que les examinateurs,
04:30 parce que eux, ils ne sont pas forcément professeurs de la matière que vous abordez.
04:34 Il y en a un qui l'est et l'autre qui ne l'est pas.
04:36 Et donc, il y a une espèce de pédagogie à l'envers, c'est-à-dire qu'il faut faire preuve de pédagogie à l'égard des professeurs.
04:42 Mais c'est quelque chose qu'on fait dans la vie quotidienne, savoir expliquer ce que l'on fait, ce que l'on aime à quelqu'un qui ne connaît pas.
04:47 Alors, il y a le fond qu'ils ont travaillé toute l'année et puis la forme, on a commencé à en parler.
04:51 Éviter évidemment les tics de langage, les "euh", enfin, je ne sais pas, il y en a plein des tics de langage, chacun le sien.
04:58 C'est important également, je vous pose la question à tous les deux, d'entraîner sa voix, faire des variations, des pauses, voire des silences.
05:04 C'est envisageable ?
05:05 Oui. Alors moi, je recommande, si vous avez un petit problème avec ça, le côté un peu monotone de la voix, mettez des coups de stabilo de couleurs différentes.
05:14 Ça vous force à changer d'émotion. Ou mettez un petit smiley, après tout, personne ne voit votre petit papier, votre petit doudou.
05:20 Et donc, mettez-vous un petit smiley en disant "Allez, je relance l'intérêt".
05:23 Et ce qui est important aussi, vraiment, c'est d'avoir une structure, d'avoir quelque chose, d'un fil directeur, un plan et annoncez-le clairement.
05:33 Vraiment, il faut que vous soyez capables d'emmener le jury d'un point A à un point B.
05:38 Et puis, peut-être la dernière chose, il y a une question qui viendra forcément, c'est pourquoi vous avez choisi ce sujet ?
05:44 Il faut être capable de dire "J'ai choisi ce sujet parce que ça m'intéresse, parce que j'ai fait un stage, parce que j'ai fait un voyage, parce que j'ai un projet de formation".
05:52 Vraiment, ça doit venir de vous, c'est votre sujet.
05:55 Alors pour la préparation, Élodie, comment on fait ? On récite, entre guillemets, on récite, pardon, c'est pas le bon mot, on exprime ce qu'on va faire à l'oral devant, je sais pas, ses amis, sa famille, le miroir.
06:04 Qu'est-ce que vous préconisez, justement, pour les répétitions, entre guillemets ?
06:07 Ça c'est vrai que les répétitions, c'est quand même une étape importante, et c'est plus... En fait, plus on aura répété, et plus on pourra se permettre le jour J, justement, d'oublier un petit peu, parce que ça arrive, on est stressé, donc on oublie un peu une partie.
06:20 Mais ça permet justement de pouvoir se réadapter et d'avoir cette part d'improvisation.
06:24 C'est vrai que sur la question de la voix que vous évoquiez, il y a beaucoup d'études qui montrent que, quand on parle un peu plus lentement, quand on a une voix un petit peu posée,
06:32 de suite, en termes de perception, on paraît plus sachant, on paraît plus sûr de soi. Et l'être humain est sensible à ces questions-là.
06:40 Donc c'est vrai que de s'entraîner, ne serait-ce qu'à poser sa voix, pas que d'un point de vue de l'argumentation, c'est quelque chose qui est tout à fait fondamental, et vous évoquiez les silences,
06:48 mais ils sont très importants, ils sont importants et pour la personne qui parle, parce que ça lui laisse le temps et de ne pas avoir sa langue qui va fourcher,
06:56 mais aussi pour l'autre, que l'autre puisse entendre et recevoir sa parole. Donc c'est fondamental.
07:00 Et que tout le monde puisse un peu respirer pendant ce Grand Oral. Merci à tous les deux d'avoir accepté l'invitation de Télématins.
07:05 Élodie Mielzarek, je rappelle votre livre "Ce que les gestes et les mots disent des autres, et surtout des cons".
07:11 Quant à vous Bertrand Perrier, vous avez sorti ce livre "Petit manuel pour Grand Oral" et c'est paru chez Maniard. Merci à tous les deux.
07:18 Merci.
07:18 Hélodie, on met les bras comme ça ? Qu'est-ce qu'on fait de nos bras quand on parle ?
07:22 Oui.
07:22 On se positionne.
07:23 Comme ça c'est bien.
07:24 Comme ça c'est bien, oui.
07:25 Un peu tanqué comme ça.
07:26 On y va, on se donne un peu de courage.
07:28 Après il faut, il faut pas. Moi je suis toujours un peu dubitative là-dessus.
07:32 On fait ce qu'on peut.
07:34 Merci beaucoup à tous les deux d'être venus.