Chroniqueuse : Julia Vignali
Au lendemain du drame de Nanterre, Julia Vignali et l’avocate de la famille de l’adolescent, Naël, tué à Nanterre, maître Jennifer Cambla, reviennent sur les faits et sur les images qui ont été prises. Grâce à ces images, ils ont pu revenir sur le premier témoignage des policiers, et porter plainte pour faux en écriture publique. Pour Maître Jennifer Cambla « Toute la lumière doit être faite et toutes les responsabilités doivent être établies », sur ce qui s’est réellement passé.
Au lendemain du drame de Nanterre, Julia Vignali et l’avocate de la famille de l’adolescent, Naël, tué à Nanterre, maître Jennifer Cambla, reviennent sur les faits et sur les images qui ont été prises. Grâce à ces images, ils ont pu revenir sur le premier témoignage des policiers, et porter plainte pour faux en écriture publique. Pour Maître Jennifer Cambla « Toute la lumière doit être faite et toutes les responsabilités doivent être établies », sur ce qui s’est réellement passé.
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00:00 Il est 8h13 et lors de l'interview d'actualité au lendemain du drame de Nanterre, Julia vous recevez l'avocate de la famille de ce jeune homme de 17 ans
00:06 tué dans des circonstances qui restent confuses après un refus d'obtempérer. Elle s'appelle Jennifer Cambla. Bonjour et bienvenue.
00:12 Bonjour madame, merci d'avoir accepté notre invitation. Alors est-ce que vous pouvez nous raconter exactement ce qui s'est passé hier, qu'on comprenne bien la situation ?
00:19 Alors hier matin, Naël était au volant d'un véhicule quand il a subi un contrôle de police.
00:27 Selon la préfecture, il aurait commis une infraction routière, donc une simple contravention quelques minutes avant l'effet.
00:33 Les services de police, et notamment un policier, l'a mis en joue
00:37 en le menaçant de tirer une balle en la tête. Il a redémarré le véhicule, il a tiré en plein thorax. Naël est décédé.
00:43 Alors dans une première version, les policiers ont affirmé que le conducteur, donc Naël, leur avait foncé dessus. Pourtant,
00:49 quand on regarde la vidéo, assez insoutenable d'ailleurs, du drame, on voit clairement que c'est pas le cas. Vous pensez que cette vidéo est contestable ?
00:56 Ah non, pour moi, cette vidéo, elle est absolument pas contestable. En revanche, c'est la version des policiers, du coup, qui est hautement contestable.
01:02 Et je pense même qu'ils ont
01:05 expliqué cela avant de savoir que la vidéo était présente.
01:09 D'accord, donc vous pensez qu'ils ont essayé de dissimuler la vérité, que quand tout le monde a vu cette vidéo, maintenant ils sont
01:15 obligés de revenir sur ce qu'ils ont dit ? Tout à fait, et c'est la raison pour laquelle on a décidé de porter plainte aussi pour faux en écriture publique.
01:21 Et ça, ça veut dire quoi ? Ça veut dire que leur premier témoignage était un faux ? C'est ça, tout à fait.
01:27 Donc pour vous, le policier qui a battu Naël a eu réellement l'intention
01:31 de tuer l'adolescent parce que vous avez dit et vous avez affirmé que ce geste est absolument
01:36 illégitime et ne rentre absolument pas dans le cadre de la légitime défense. Pourquoi ? Qu'est-ce qui vous permet d'affirmer ça ? Même si effectivement les images
01:43 nous parlent, mais vous êtes une spécialiste de cela. Qu'est-ce qui fait que c'est pas de la légitime défense ?
01:48 Parce que juridiquement, les policiers sont autorisés à tirer quand ils sont dans une situation d'absolue nécessité.
01:56 Il faut que ce soit strictement proportionné.
01:58 Voilà, il y a quatre autres conditions qui sont prévues par la loi et on voit bien ici que c'est pas du tout le cas,
02:03 puisqu'en fait il est sur le côté du véhicule.
02:05 Alors certains ont dit "il est sur le côté" mais il aurait pu
02:07 se rabattre et donc écraser le policier. Qu'est-ce que vous répondez à ça ?
02:10 C'est pas du tout le cas. À ce moment-là, si ça avait été le cas, mais c'est pas du tout le cas. On voit bien que là c'est
02:15 simplement des hypothèses qui sont faites encore pour discréditer la situation.
02:18 Et voilà, en réalité, pour moi, il n'y a aucun doute.
02:22 Il n'y a aucun doute quand vous utilisez une arme à feu et que vous tirez une balle en plein thorax de quelqu'un, c'est pour tuer.
02:28 Alors en parlant de discréditer,
02:30 on a entendu que Nahel avait un casier judiciaire, puis vous affirmez qu'il n'en a pas. On sait également qu'il est en fait connu des
02:37 policiers. Qu'est-ce qu'on peut dire de ces "antécédents" ?
02:42 Il y a une différence fondamentale entre le fait d'avoir un casier judiciaire, d'en être condamné définitivement par la justice,
02:47 et d'être connu du service des traitements des antécédents judiciaires.
02:50 Parce qu'il avait eu à son actif plusieurs refus d'obtempérer, c'est bien ça ?
02:54 Non, il n'y a pas eu plusieurs refus d'obtempérer.
02:56 Il avait déjà été placé en garde à vue pour ça, mais il n'y avait pas eu de suite à ce stade qui avait été donné.
03:00 Donc il n'a jamais été condamné.
03:02 Deux enquêtes ont été ouvertes. La première pour refus d'obtempérer et tentative d'homicide volontaire de la part du jeune homme de 17 ans, donc de Nahel.
03:09 L'autre confiée à l'IGPN, la police des polices pour homicide volontaire, par personne dépositaire
03:14 de l'autorité publique, c'est-à-dire le policier qui a tiré. Le policier a été mis en garde à vue et
03:19 je crois que vous avez regretté que ça soit fait dix heures après l'effet.
03:23 Bien sûr, bien sûr, on peut que le regretter.
03:25 N'importe qui qui tue quelqu'un sur la voie publique est immédiatement placé en garde à vue.
03:28 Cet homme a été laissé pendant dix heures libre de ses mouvements avec son arme de service.
03:34 Son arme de service n'a pas été placée sous les ailes non plus immédiatement.
03:37 Et puis en réalité, si le but de placer en garde à vue immédiatement quelqu'un, c'est de figer une situation,
03:41 c'est de figer des versions pour que justement toute la lumière puisse être faite.
03:45 Là, il a largement eu le temps de se mettre d'accord avec ses collègues, de préparer sa version.
03:49 Ce qui est absolument scandaleux.
03:51 Donc la famille de la victime a décidé de porter plainte contre le policier hauteur du tir.
03:54 Est-ce que vous avez déposé la plainte ?
03:56 Alors c'est en cours, là. Les plaintes vont être rédigées aujourd'hui et vont être déposées de manière imminente.
04:02 Vous déposez également une plainte contre l'autre policier, c'est ça ?
04:04 Oui, tout à fait, pour complicité, parce qu'il semble qu'on l'entend dire "shoot le" sur la vidéo.
04:11 Donc toute la lumière doit être faite et toutes les responsabilités doivent être établies.
04:15 C'est extrêmement important de rien laisser passer parce que c'est inacceptable.
04:19 Oui, parce que nous on ne l'entend pas ce "shoot le". Mais vous l'avez entendu ?
04:23 Moi je l'ai entendu, mais il n'en demeure pas moins qu'il faut que la lumière soit faite
04:27 puisque si des responsabilités doivent être établies, il faut qu'elles le soient toutes.
04:31 Et de la même manière, je pense qu'il faut faire vraiment attention parce que ces images sont extrêmement violentes.
04:36 Il ne faut pas les banaliser.
04:37 Dire que ce n'est pas parce qu'on les voit qu'elles sont normales,
04:40 c'est très important de comprendre que c'est une situation qui ne doit pas exister en France.
04:44 Gérald Darmanin a appelé à respecter la présomption d'innocence.
04:47 Qu'est-ce que vous avez à lui répondre ?
04:49 La présomption d'innocence, elle est toujours respectée. Il n'y a pas de difficultés avec ça.
04:53 Il n'en demeure pas moins que je pense que les images parlent d'elles-mêmes.
04:56 Et justement le fait d'avoir des images, c'est fondamental.
04:59 C'est assez inédit, non ?
05:00 Tout à fait, c'est inédit.
05:01 Et d'ailleurs on peut se poser la question dans les autres dossiers,
05:03 parce qu'il y a quand même 13 personnes qui sont décédées suite à des refus d'obtempérer l'année dernière,
05:06 où il n'y avait pas de vidéos qui ont été prises.
05:08 Et vu le comportement du policier qui a été tout de suite de donner une version qui n'est pas la réalité,
05:13 on peut se poser la question dans les autres dossiers si ça a été le cas également.
05:15 Oui, ça met un doute effectivement sur les autres affaires.
05:17 Bien sûr, bien sûr.
05:18 En 2022, 13 personnes ont été tuées par la police dans le cadre de contrôles en France,
05:21 vous étiez en train de le dire.
05:22 SOS Racisme appelle les pouvoirs publics à cesser la politique de l'autruche face à la répétition de ces drames.
05:27 Vous, vous pensez réellement, plus largement, qu'il y a une impunité envers la police en France ?
05:32 Je pense que oui, en effet, il y a une impunité qui s'installe,
05:35 puisqu'on voit bien même la manière dont les syndicats de police réagissent.
05:39 C'est les policiers en exercice, c'est les premiers à devoir faire respecter la loi.
05:43 Donc de les laisser comme ça, faire ce qu'ils veulent et discréditer tout le temps les victimes,
05:48 oui, on a un sentiment d'impunité.
05:50 Puis on voit bien que les procédures ne sont pas traitées de la même manière.
05:52 Donc c'est pour ça que là, on espère que le juge d'instruction va être saisi très rapidement
05:56 et que les choses se fassent normalement.
05:58 Il y a eu beaucoup d'échaufourées là ces dernières heures.
06:02 Qu'est-ce que vous pouvez en dire ?
06:04 Est-ce que vous appelez au calme parce qu'on a la sensation que c'est en train de s'enflammer ?
06:07 Alors moi je suis l'avocate de la famille avec mes deux autres confrères,
06:11 donc ce n'est pas moi qui vais appeler au calme, je ne suis pas du tout légitime pour ça.
06:14 Mais la famille est dans quel état d'esprit ?
06:16 La famille en fait, elle est dans un état de choc complet, notamment sa maman,
06:19 parce qu'elle vivait seule avec sa mère.
06:20 Sa mère est en état de choc, donc elle n'est même pas capable d'appréhender cette violence.
06:23 Vous pensez qu'elle ne comprend même pas la situation ?
06:25 Je pense qu'elle ne peut pas l'appréhender de manière sereine.
06:30 Elle est tellement choquée par ce qui est arrivé à son fils, c'est tellement détruit.
06:33 C'est un drame sans nom.
06:36 Et tout le quartier d'ailleurs, et les amis du petit Naël sont complètement sous le choc également.
06:41 On a vu un ambulancier s'attaquer à un des policiers, le prendre à partie.
06:45 Oui, justement, c'est là où on se posait la question.
06:47 Ce policier, alors même qu'il venait de tuer Naël, était aux urgences de Nanterre,
06:51 libre de ses mouvements.
06:52 On se demande même qu'est-ce qu'il faisait là ?
06:55 Merci beaucoup Jennifer Camblat, merci d'avoir accepté l'invitation de Télénat.