Mali : la junte militaire demande le retrait de la Minusma

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Transcription
00:00 en étant en direct avec Niagale Bagayoko, politologue, présidente de l'African Security Sector Network.
00:06 Bonjour, Niagale Bagayoko.
00:08 Bonjour.
00:10 Cette décision, donc, vendredi, les autorités maliennes, qui invoquent l'échec de la lutte contre les groupes djihadistes,
00:19 en tout cas, la MINUSMA, qui est présentée comme une entrave dans cette lutte.
00:26 Alors, la MINUSMA, qui est surtout accusée par les autorités maliennes de n'avoir pas rempli son mandat,
00:34 dont il faut rappeler qu'il ne portait pas sur la lutte contre les groupes djihadistes.
00:40 Le mandat actuel de la MINUSMA vise, d'une part, à accompagner l'accord de paix de 2015,
00:49 et d'autre part, à accompagner la transition tout en protégeant les civils.
00:54 Mais ce qui est reproché par les autorités maliennes à la MINUSMA,
01:00 c'est son incapacité à avoir eu un impact significatif sur le terrain et à empêcher l'aggravation de la crise.
01:11 Vous y voyez donc, pour vous, une fausse accusation ?
01:15 On accuse la MINUSMA d'une responsabilité qui n'était pas la sienne au départ ?
01:22 Alors, il y a plusieurs éléments qu'il est important, à mon avis, de rappeler.
01:29 On accuse la MINUSMA aussi d'avoir empêché, d'une certaine façon, la résolution de la crise,
01:41 mais aussi de n'avoir pas réussi à apporter un soutien satisfaisant à la population malienne et aux autorités maliennes.
01:55 Mais on l'accuse aussi, très directement par exemple, d'avoir politisé et instrumentalisé les droits de l'homme,
02:03 puisque l'un des grands succès de la MINUSMA, à mon avis, qu'il convient de saluer,
02:09 est la façon dont elle a toujours, avec beaucoup de courage, enquêté et dénoncé les violations des droits de l'homme,
02:18 quels qu'aient été les acteurs impliqués dans ces exactions,
02:22 qu'ils se soient agis des milices d'autodéfense au Gosago, par exemple,
02:27 qu'ils se soient agis des forces armées étrangères, par exemple, lors du bombardement de Bounty,
02:32 dans lequel était impliquée la force Barkhane,
02:35 ou plus récemment, à travers le rapport de Moura, qui met très gravement en cause
02:40 à la fois les forces armées maliennes et les instructeurs russes dans les massacres commis dans cette ville.
02:47 Il y a eu aussi, de la part des autorités maliennes, dès le renouvellement du mandat l'an dernier,
02:55 il faut le rappeler, une affirmation de la volonté de ne pas favoriser un certain nombre de mouvements de la MINUSMA,
03:05 non pas seulement sur le front des droits de l'homme, mais aussi en ce qui concerne la rotation des effectifs,
03:11 le survol du territoire ou la mobilité des troupes au sol.
03:15 De très nombreuses initiatives ont été prises par les autorités maliennes,
03:21 qui ont contribué à entraver le fonctionnement de la force.
03:25 Oui, et pourtant, les autorités maliennes, qui semblent, par cette demande,
03:28 donner voie aux demandes d'un certain nombre de Maliens eux-mêmes,
03:31 qui visiblement ont à cœur de voir la MINUSMA quitter leur pays.
03:36 Alors, la difficulté, c'est que ce qui se produit aujourd'hui avec la MINUSMA
03:44 s'inscrit dans le droit fil de la perte de légitimité et de crédibilité des acteurs internationaux qui interviennent au Sahel,
03:54 qu'il s'agisse des acteurs multilatéraux ou des acteurs bilatéraux.
03:58 On a vu que la CDEAO a été considérée comme contribuant à déstabiliser le Mali,
04:08 de par les mesures qu'elle avait prises, qui ont été jugées beaucoup trop sévères envers les populations.
04:15 On a vu que les autorités maliennes se sont retirées du G5 Sahel,
04:19 ce qui n'a pas permis à sa force conjointe de poursuivre les opérations.
04:24 La force Barkhane, la task force Takuba ont été forcées de quitter le territoire.
04:30 Et d'une manière générale, cette décision malienne apparaît comme un signal de remise en cause
04:38 de la pertinence des instruments internationaux de gestion des conflits qui ont été forgés depuis le début des années 90.
04:48 La MINUSMA, vous l'avez dit, Nagale Biagayoko,
04:51 censée jouer un rôle important dans la mise en oeuvre de l'accord d'Alger de 2015,
04:55 qui était déjà à l'époque censée pacifier le pays,
04:57 avec l'annonce de son départ, ou en tout cas cette demande de départ par Bamako,
05:02 est-ce que cet accord est définitivement aujourd'hui enterré ?
05:07 Cet accord, de toute façon, est aujourd'hui au point mort.
05:12 On a vu une dégradation de la relation entre les partis signataires,
05:18 c'est-à-dire entre d'un côté les groupes armés et d'autre part le gouvernement malien.
05:23 Les groupes armés ne siègent plus depuis un certain nombre de mois au sein du comité de suivi de l'accord.
05:30 La médiation internationale, dont l'Algérie est chef de file,
05:34 n'a pas réussi à ramener les différentes parties autour de la table des négociations,
05:41 la MINUSMA non plus.
05:42 Ce qui est très inquiétant aujourd'hui, c'est que l'on sent des deux côtés une virulence
05:49 et des propos qui pourraient faire craindre un retour des affrontements directs,
05:56 et finalement une situation très comparable à celle de 2012,
06:01 où les forces armées de Bamako ont affronté les groupes armés du Nord,
06:06 en lien avec des groupes djihadistes,
06:08 et on sait que certains groupes armés se sont en effet entretenus,
06:14 via des pourparlers, avec Yadagali, le chef du GSIM.
06:21 Le Burkina Faso qui aujourd'hui salue cette demande de Bamako de voir la MINUSMA partir,
06:26 faut-il s'en inquiéter ?
06:30 La difficulté est que, bien sûr, d'un côté il y a ces gouvernements dominés par les militaires,
06:38 qui s'inscrivent dans une surenchère de rejet des solutions et des injonctions
06:44 de la communauté internationale,
06:48 mais qu'aussi plus largement, il y a une forte contestation des populations
06:54 face à des interventions ou des instruments, des mécanismes qu'elles jugent inefficaces.
07:00 Il est très intéressant de se pencher sur le cas de la MONUSCO, justement, en sortant du Sahel,
07:05 qui depuis un grand nombre d'années fait régulièrement l'objet de dénonciations de la part des populations,
07:12 et dont d'ailleurs le retrait a été programmé à travers une discussion entre les autorités et les Nations Unies.
07:21 Donc ce qui est préoccupant, c'est que le recul du multilatéralisme,
07:26 qu'on constate d'ailleurs partout dans le monde, se traduit en Afrique
07:31 par la remise en cause de toute cette architecture de paix et de sécurité
07:37 qui a été forgée à la fois par les acteurs extérieurs,
07:41 mais aussi par les acteurs du continent, y compris la CDEAO et l'Union Africaine.
07:46 Merci N'yagelé Bagayoko d'avoir été avec nous en direct de Niamey.

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