• l’année dernière
En février 1953, une énorme tempête a balayé la mer du Nord et provoqué un raz-de-marée aux Pays-Bas, en Belgique et en Grande-Bretagne. La vague de submersion a emporté la plupart des digues et l'eau s'est répandue loin dans les terres : 300 personnes sont mortes en Grande-Bretagne et 1 800 aux Pays-Bas. Dans ce pays partiellement en-dessous du niveau de la mer, ce sont plus de 2 000 kilomètres carrés de terres qui ont été inondées, presque toute la province de Zélande. Des ouvrages de protection ont été créés depuis. Mais seront-ils suffisants face à la montée prévisible du niveau des eaux ? Le reportage d'Alix Le Bourdon.
À la suite de cette catastrophe, appelée aux Pays-Bas le "Watersnoodramp", a été lancé le plan Delta aux Pays-Bas, pour la protection des côtes : 500 kilomètres de digues et de barrières, le plus grand ouvrage de défense contre les eaux au monde.Aujourd’hui encore, les rehaussements de digues et les créations de dunes se poursuivent. Mais avec le changement climatique, l'élévation du niveau de la mer, et les événements météo extrêmes qui se multiplient, ces précautions sont remises en question. 

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Transcription
00:00 [Musique]
00:13 C'est une catastrophe naturelle qui a causé plus de 2500 morts en une seule nuit en Europe du Nord.
00:20 C'était il y a 70 ans.
00:22 En 1953, une énorme tempête qui a balayé la mer du Nord et provoqué un raz-de-marée.
00:28 Aux Pays-Bas mais aussi en Belgique et en Grande-Bretagne.
00:32 La vague de submersion a remporté la plupart des digues et l'eau s'est répandue loin dans les terres.
00:38 300 morts en Grande-Bretagne, 1800 morts aux Pays-Bas.
00:42 Dans ce pays, en partie en dessous du niveau de l'eau, ce sont plus de 2000 km² de terre qui ont été inondées,
00:49 presque toute la province de Zélande.
00:52 Suite à cette catastrophe, a été lancé le plan Delta pour la protection des côtes.
00:57 500 km de digues et de barrières, le plus grand ouvrage de défense contre les eaux au monde.
01:03 Et aujourd'hui encore, les rehaussements de digues et les créations de dunes se poursuivent.
01:08 Mais avec le changement climatique, la montée prévisible du niveau des eaux
01:12 et les événements météo extrêmes qui nous attendent, ces précautions seront-elles suffisantes ?
01:18 Pour les survivants de 1953, pour ceux qui sont encore en vie aujourd'hui,
01:22 le souvenir de la catastrophe est toujours bien présent.
01:25 Billet retour en Zélande, c'est un reportage d'Alix Le Bourdon.
01:30 Le river. Où est-ce que ça vient ?
01:33 Il regardait autour et voyait une petite ouverture dans la digue,
01:37 où un petit jet de river passait.
01:40 Chaque enfant en Hollande râlait à la pensée d'un lac dans la digue.
01:45 Et il comprenait rapidement ce qui lui restait à faire.
01:49 Il pressionnait ses doigts pour le fermer.
01:52 La jetée s'était arrêtée.
01:56 Le conte "Dance Brinker" est bien connu des Néerlandais.
02:00 Mais il y a 70 ans, même le courage de ce petit garçon
02:04 n'aurait pas suffi à sauver ces polders de l'eau.
02:08 Le 1er février 1953, le pire raz-de-marée de l'histoire des Pays-Bas
02:13 frappe la Zélande, et la vieille ville de Zélande est en danger.
02:17 Le pire des catastrophes, c'est la mort de la petite fille.
02:21 Le 1er février 1953, le pire raz-de-marée de l'histoire des Pays-Bas
02:25 frappe la Zélande, des milliers d'habitations sont emportées,
02:29 près de 2000 personnes meurent noyées.
02:32 Yap a survécu, mais n'a pas oublié une seconde
02:35 de cette dramatique journée d'hiver.
02:38 C'est là que les vagues ont frappé le plus fort.
02:45 Et c'est là que la digue a rompu, parce qu'il y avait de plus en plus d'eau,
02:49 et que l'eau entrait dans le polder, qui a fini par être entièrement noyé.
02:54 Vivre dans un polder derrière une digue de mer,
02:57 c'est être en permanence lié à la mer.
03:00 Vous vivez avec, vous la prenez en compte constamment.
03:03 Lorsque vous vivez ici, vous savez toujours quand ce sera marée haute
03:07 et quand cela deviendra dangereux.
03:10 Et en 1953 aussi, les gens gardaient ça à l'esprit.
03:13 Seulement, ils ne s'attendaient pas à ce que l'eau arrive aussi haut.
03:17 Cela était déjà arrivé, que l'eau monte beaucoup,
03:20 mais jamais autant qu'en 1953.
03:23 À l'époque, Yap vit dans cette ferme,
03:28 à seulement quelques dizaines de mètres de la digue.
03:31 Lorsqu'il se réveille ce jour-là,
03:33 les constructions ont déjà sauté dans la nuit.
03:36 Depuis la fenêtre du grenier où il s'est réfugié avec ses frères et soeurs,
03:40 il voit de l'eau partout.
03:42 Mais c'est la combinaison de cette grosse tempête en mer du Nord
03:46 et la grande marée ce jour-là qui va mener à la catastrophe.
03:50 Le matin, mon père nous a dit que l'eau ne monterait pas plus haut
03:57 parce qu'elle était aussi haute qu'en 1944,
04:00 quand les Allemands avaient inondé les polders.
04:03 Mais dans l'après-midi, la marée haute est arrivée
04:06 et avec elle, 3 mètres et demi d'eau sont montées.
04:09 Au début de l'après-midi, cela continuait à monter
04:12 et pénétrait dans la maison de plus en plus haut.
04:15 Nous étions là-haut dans le grenier et nous avons entendu les vaches dans la grange,
04:19 d'abord marcher, puis nager, puis c'est devenu complètement silencieux,
04:23 elles se sont toutes noyées.
04:26 Des heures d'attente et de terreur
04:31 a jamais gravé dans la mémoire du vieil homme.
04:34 Si ses proches-parents ont survécu,
04:36 Yap a perdu plusieurs membres de sa famille dans la catastrophe.
04:40 Là, c'est ma tante avec ma cousine.
04:43 Là, son mari, ils se sont tous les trois noyés.
04:46 Sur les 1800 victimes des inondations,
04:49 104 personnes n'ont jamais été retrouvées.
04:52 D'autres personnes ont été retrouvées,
04:54 mais elles n'étaient plus reconnaissables.
04:57 Au-delà du drame personnel,
05:02 c'est toute une région qui est restée traumatisée par le raz-de-marée.
05:06 Dans le cimetière de Stavenis,
05:08 une grande partie des tombes portent la date du 1er février 1953.
05:13 D'autres sont restées anonymes.
05:16 Ici, il y a quelqu'un dont le corps a été retrouvé,
05:20 mais on ne sait pas qui il était.
05:23 70 ans après,
05:25 Yap vient régulièrement se recueillir ici.
05:28 Nous sommes ici devant la tombe de mon grand-père
05:33 qui a été tué en novembre 1946.
05:36 Pour ma grand-mère, il y a juste une pierre commémorative
05:39 parce qu'en 1953, elle n'a jamais été retrouvée.
05:43 Il s'agit donc d'un simple mémorial.
05:46 En mémoire des victimes,
05:50 il est un geste que Yap n'oublie jamais de faire,
05:53 aller voter tous les 4 ans pour les offices de l'eau,
05:56 21 bureaux à travers les Pays-Bas,
05:58 qui s'occupent de l'entretien des digues.
06:01 En 1953, le pays tout entier
06:03 était tourné vers sa reconstruction d'après-guerre.
06:06 Résultat, l'entretien des digues
06:08 avait un temps été mis entre parenthèses.
06:11 Un ingénieur avait pourtant alerté sur l'état des constructions.
06:15 - Le dernier rapport qu'il a soumis
06:19 une semaine avant l'inondation de 1953
06:21 indiquait qu'en cas de forte montée des eaux,
06:24 l'eau pouvait monter de 60 à 90 cm au-dessus des digues.
06:30 Musique douce
06:33 - Mais les Néerlandais vont tirer des leçons de cette catastrophe.
06:41 Les idées avancées par cet ingénieur visionnaire
06:44 vont finalement être reprises dans le plan Delta.
06:47 Plutôt que de se protéger en pensant uniquement
06:50 à agrandir ou surélever les digues,
06:52 l'idée est de fermer les estuaires.
06:54 En 30 ans, 8 énormes barrages
06:56 vont être construits pour protéger la Zélande,
06:59 notamment ici, à l'embouchure de l'Esco-Orientale.
07:03 Musique douce
07:06 Dès que les prévisions indiquent un niveau d'eau
07:12 qui dépasse les 3 m,
07:14 les dizaines de portes glissières
07:16 de cette immense infrastructure s'abaissent.
07:19 - Quand la décision est prise de fermer le barrage,
07:22 alors nous allons au panneau de commande
07:25 et ensuite, on appuie sur le bouton.
07:27 On agit environ 4 heures
07:29 avant que le niveau d'eau risqué soit atteint.
07:32 Depuis sa création, le barrage s'est fermé à 28 reprises,
07:40 des données sur lesquelles les autorités néerlandaises
07:43 ont les yeux rivés.
07:45 Avec les chiffres actuels,
07:47 le barrage pourrait remplir sa mission jusqu'en 2100.
07:54 - L'élévation du niveau de la mer est actuellement
07:57 de 2,9 mm par an.
07:59 C'est ce qui se passe à l'heure où je vous parle.
08:02 Imaginez que ce soit 1 cm par an.
08:04 Il pourrait même y avoir des scénarios qui iraient plus vite.
08:07 Et donc, bien sûr, nous devons commencer
08:09 à nous pencher sur cette question.
08:11 OK, qu'est-ce qu'on fait après ça ?
08:13 - Tous les scénarios sont étudiés, même le pire,
08:16 celui qui envisage la fonte totale des pôles
08:19 entraînant une montée des eaux de plus de 10 m.
08:24 En plus de ces barrages,
08:26 les digues sont rigoureusement entretenues
08:29 depuis la catastrophe de 1953.
08:32 - Le pays s'enfonce de plus en plus
08:34 et le niveau de la mer monte lentement.
08:36 Il est donc de plus en plus important d'avoir de bonnes digues.
08:39 Si nous n'avions pas de digues,
08:41 60 % des Pays-Bas seraient sous l'eau.
08:44 - Cette construction fait l'objet
08:46 d'une attention toute particulière.
08:48 L'Office de l'eau prévoit de la surélever
08:51 de plus de 3 m et de l'élargir tout autant.
08:54 - Les conséquences d'une inondation ici seraient énormes.
08:58 En même pas 3 heures, il y aurait 5 m d'eau
09:01 et plus de 800 vies seraient en danger.
09:04 Un danger aigu.
09:06 Les habitants n'auraient pas le temps de fuir
09:09 parce que toutes les autoroutes seraient également sous l'eau.
09:13 - Mais la menace que fait peser la montée des eaux
09:16 sur les Pays-Bas amène aussi ces digues.
09:19 Ces digues amènent aussi ces ingénieurs
09:22 à envisager d'autres approches.
09:24 - Avec le renforcement actuel des digues,
09:27 nous prenons en compte l'élévation du niveau de la mer
09:30 pour les 5 ans de prochaines années.
09:32 A terme, nous devrions nous pencher sur notre manière de penser les digues.
09:36 Pouvons-nous continuer à les renforcer de cette manière
09:39 ou devrions-nous peut-être commencer à travailler
09:42 sur des îles au large de la côte ?
09:46 - Envisager l'avenir du pays face à la montée des eaux,
09:49 c'est un des thèmes abordés dans ce musée
09:52 consacré à la catastrophe de 1953.
09:55 Nous y retrouvons Yap, qui l'a dirigé pendant des années.
09:59 Après de 80 ans, il vient encore aujourd'hui
10:02 raconter inlassablement son histoire à la jeune génération.
10:06 - Quand on s'est réveillé le dimanche matin,
10:09 cette ferme était encore debout.
10:11 Elle était sur une île sèche,
10:13 avec des bâtons là et là, partout.
10:15 - Ma grand-mère aussi a survécu.
10:17 A l'époque, elle n'était encore qu'un petit bébé.
10:20 Quel âge avais-tu à l'époque ?
10:22 - J'avais 9 ans. Il y avait un bateau de pêche
10:25 qui nous a emmenés à Rotterdam.
10:27 - Fleur est particulièrement curieuse de l'histoire de Yap,
10:30 qui partage les mêmes souvenirs que sa propre grand-mère.
10:33 Mais la fillette veut aussi apprendre du passé
10:36 pour mieux aborder l'avenir.
10:38 - Nous devons prendre soin du climat
10:41 parce que si la glace commence à fondre au pôle Nord et au pôle Sud,
10:45 alors elle pourrait entraîner une très grande inondation de la Hollande,
10:49 parce que les Pays-Bas sont très bas, et c'est dangereux.
10:53 - Moi, je n'ai pas peur de ça.
10:57 Maintenant, tout est très moderne,
10:59 et les dikes sont beaucoup plus solides qu'avant.
11:02 Les dunes de la plage sont également beaucoup plus résistantes,
11:05 donc je n'ai pas peur.
11:07 - L'inquiétude pousse pourtant de plus en plus de jeunes néerlandais
11:11 à visiter ce musée.
11:13 C'est le cas de Sal, jeune militant écologiste.
11:17 - Bonjour.
11:19 - Deux générations s'affrontent, mais aussi deux visions
11:22 de la manière de maintenir le pays hors de l'eau.
11:25 - Je ne vois pas de dirigeants apparaître avec la réelle volonté
11:28 de faire prendre une autre direction au pays.
11:31 Bien sûr, on peut continuer à élever des dikes indéfiniment,
11:34 mais quoi qu'il en soit, je pense qu'à un moment donné,
11:37 cela ne suffira plus.
11:39 - Moi, je crois vraiment qu'avec le temps, il va y avoir
11:42 des solutions, des gens qui ont une vision et qui voient plus loin.
11:45 Je pense qu'il y aura aussi de plus en plus
11:48 de possibilités techniques.
11:50 - Il faut envoyer des messages aux hommes politiques.
11:53 Nous voulons que les choses changent, nous avons besoin d'agir,
11:56 et c'est eux qui prennent les décisions.
11:58 On aura beau faire des efforts individuellement,
12:01 mais on aura aussi besoin d'un soutien positif dans la société.
12:04 C'est pour ça que je manifeste dans la rue.
12:07 - Pour opérer ce changement, Sal participe régulièrement
12:10 à des actions environnementales.
12:13 Cette nuit-là, il a rendez-vous devant l'unique centrale nucléaire
12:16 néerlandaise pour commémorer l'anniversaire
12:19 de l'accident de Tchernobyl et surtout pour exiger
12:22 une transition énergétique plus rapide vers le renouvelable.
12:25 Protesté, encore et toujours, le seul moyen pour Sal
12:28 d'exprimer la rage de toute une génération
12:31 face à des décideurs politiques
12:34 qui n'agissent pas assez vite, selon lui.
12:37 - Sérieusement, permettez au peuple néerlandais
12:40 d'avoir son mot à dire.
12:43 Oui, je suis en colère, j'ai le sentiment de ne pas être pris au sérieux.
12:46 Et c'est quelque chose que je remarque chez beaucoup de gens
12:49 de ma génération. Dans le cas du changement climatique,
12:52 on opte toujours pour de petites solutions à court terme.
12:55 Mais sérieusement, à long terme, ils ne le font pas.
12:58 - Et ces écologistes ne sont pas les seuls à s'inquiéter
13:12 du réchauffement climatique. Les agriculteurs zélandais aussi.
13:15 Hendrik Jahn doit faire face à un phénomène inquiétant.
13:18 Avec la montée des eaux,
13:21 les terres cultivables sont de plus en plus salées.
13:24 - En période très sèche,
13:27 nos cultures doivent aussi affronter la salinisation.
13:30 Le sel empêche les cultures de pousser,
13:33 voire les tue.
13:36 - Car la salinisation est accentuée
13:39 par la sécheresse qui s'aggrave d'année en année aux Pays-Bas.
13:42 Cet agriculteur craint que ses terres
13:45 deviennent un jour incultivables.
13:48 - Il y a 10 ans, nous avons entamé des discussions
13:51 avec l'Office de l'eau pour voir comment l'eau douce
13:54 pourrait être acheminée.
13:57 L'une des mesures prises a été la construction
14:00 de ces nouveaux fossés il y a 4 ans,
14:03 où l'eau douce est transportée dans toute l'île,
14:06 car nous sommes au milieu d'une île.
14:09 - Mais en matière d'eau douce,
14:12 la priorité est donnée aux digues aux Pays-Bas.
14:15 En cas de sécheresse, les plus anciennes risquent la fissure.
14:18 Les terres peuvent donc être arrosées régulièrement.
14:21 Dans l'ordre des priorités, la protection de ces constructions
14:24 passe même avant la fourniture d'eau potable aux citoyens,
14:27 avec une question pour sale,
14:30 jusqu'où le pays ira pour se sauver des eaux ?
14:33 - Si le changement climatique se poursuit
14:36 et que le niveau de la mer augmente,
14:39 ce qui, nous le supposons, se produira de toute façon
14:42 dans les prochaines décennies, voire dans les prochaines années,
14:45 ça va s'aggraver toujours.
14:48 En plus, nous savons que les tempêtes vont s'aggraver.
14:51 On ne peut pas se battre indéfiniment contre l'eau.
14:54 ...
14:57 - Le constat est déchirant
15:00 pour ce jeune Zélandais amoureux de sa région,
15:03 des terres qui pourraient devoir un jour être rendues à la mer.
15:06 ...
15:09 ...
15:12 ...
15:15 ...
15:18 ...
15:21 ...
15:24 - Et voilà pour ce reportage en Zélande,
15:27 70 ans après le raz-de-marée.
15:30 Un reportage que vous pourrez retrouver sur france24.com.
15:33 A très vite pour un nouveau numéro de "Billet retour".
15:36 ...
15:39 ♪ ♪ ♪

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