Jade Grandin de l’Eprevier, correspondante à Bruxelles pour l’Opinion, détaille les difficultés rencontrées par l’UE pour faire face à la crise migratoire
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00:00 Ce que reprochent les ONG au gouvernement,
00:02 c'est non seulement de leur déléguer complètement
00:05 la recherche et le sauvetage en mer,
00:07 mais en plus de les entraver dans ce sauvetage.
00:10 Si on doit résumer, en ce moment, dans l'Union européenne,
00:23 il y a un peu trois grands blocs d'État
00:25 qui ont des points de vue différents sur l'immigration.
00:28 Ça explique que les négociations entre les États
00:31 soient si compliquées sur ces sujets.
00:33 Il y a d'abord le bloc des pays de première entrée
00:38 pour première entrée dans l'Union européenne.
00:40 Ce sont principalement les pays méditerranéens,
00:43 donc l'Italie, la Grèce, l'Espagne, Chypre et Malte.
00:47 Ce sont les pays qui supportent la plus forte pression migratoire.
00:50 Ce que ces pays disent, c'est qu'ils demandent plus de solidarité
00:53 de la part des autres États membres de l'Union.
00:56 Ils disent qu'ils accueillent la majorité des migrants,
00:58 qu'ils doivent avoir beaucoup de centres d'accueil, de centres de rétention,
01:02 où tous les demandeurs d'asile vont attendre
01:04 le temps que leur procédure de demande d'asile aille à leur terme.
01:07 Donc ça demande beaucoup de personnel, beaucoup d'argent,
01:10 c'est très compliqué à gérer.
01:11 Et ils reprochent aux autres pays
01:13 de ne pas vouloir accueillir une partie de ces migrants.
01:16 Dans les discussions européennes qui ont lieu en ce moment,
01:18 les pays de première arrivée, en gros, demandent une solidarité obligatoire,
01:23 c'est-à-dire qu'il y ait l'obligation à ce que tous les autres pays de l'Europe
01:27 prennent des quotas de migrants.
01:29 On parle aujourd'hui de 30 000 relocalisations minimums
01:33 obligatoires de migrants dans l'Union européenne.
01:36 C'est un peu ça qui est en jeu aujourd'hui
01:37 et qui est demandé par ces pays de première arrivée.
01:39 Ensuite, le deuxième groupe, c'est celui des pays de deuxième arrivée,
01:43 où les migrants peuvent aller dans un second temps.
01:45 Par exemple, la France, l'Allemagne, la Suède.
01:48 Le mot d'ordre de ces pays, c'est responsabilité.
01:51 Ce deuxième groupe reproche aux pays de première arrivée,
01:54 comme l'Italie et la Grèce, de ne pas bien filtrer les migrants,
01:57 de ne pas faire leur travail d'enregistrement
02:00 et de ne pas correctement prendre les empreintes digitales des migrants,
02:02 par exemple.
02:03 Donc, ils disent aux pays de première arrivée,
02:06 pour que nous soyons solidaires
02:07 et que nous prenions plus de migrants sur notre territoire,
02:11 vous devez d'abord vous engager à mieux mettre en œuvre
02:14 les procédures de gestion des frontières, de filtrage des migrants.
02:18 Puis, il y a le troisième bloc,
02:19 un groupe de pays d'Europe centrale, avec la Pologne, la Hongrie,
02:23 la République tchèque et la Slovaquie.
02:25 Ce groupe de pays, historiquement,
02:27 est complètement hostile à toutes les migrations.
02:29 Donc, eux, la politique migratoire qu'ils souhaitent,
02:31 c'est pas de migration dans l'Union européenne.
02:34 Aujourd'hui, la Pologne et la Hongrie font un peu blocus
02:38 sur la réforme des règles de l'asile et de la migration,
02:40 parce qu'ils ne veulent pas de solidarité obligatoire,
02:43 donc ils ne veulent pas accueillir certains quotas de migrants
02:46 pour alléger un peu le poids qui pèse sur l'Italie et la Grèce,
02:49 et ils ne veulent pas non plus dédommager ces pays,
02:52 c'est-à-dire leur donner de l'argent
02:53 en échange de la gestion des demandeurs d'asile que feraient ces pays.
02:57 Il y a une obligation pour tous les bateaux
03:04 de secourir les navires en détresse,
03:07 et ça, ça figure dans plusieurs textes du droit maritime.
03:09 Il y a notamment un texte qui est assez connu,
03:11 qui est la Convention des Nations unies du droit de la mer,
03:14 qui dit qu'il faut secourir aussi vite que possible
03:16 les personnes en détresse,
03:18 dès qu'on est informé qu'elles ont besoin d'assistance,
03:20 et du moment que ça ne met pas en danger le bateau ou son équipage
03:24 qui va porter secours aux navires en détresse.
03:26 Donc les États côtiers de la Méditerranée
03:28 ont l'obligation de faciliter le fonctionnement
03:31 des services de recherche et de sauvetage,
03:33 et même de collaborer entre eux pour faire du sauvetage en mer.
03:37 Ce que reprochent les ONG au gouvernement,
03:39 c'est non seulement de leur déléguer complètement
03:42 la recherche et le sauvetage en mer,
03:45 mais en plus de les entraver dans ce sauvetage.
03:48 Par exemple, l'Italie a promulgué en début d'année un décret
03:52 qui oblige les ONG qui aident, qui secourent des migrants en mer,
03:56 dès qu'elles ont secouru un navire,
03:58 de retourner immédiatement vers un port.
04:00 Pourquoi ça entrave les ONG ?
04:02 Parce que du coup, elles ne peuvent pas optimiser
04:04 leur présence en Méditerranée
04:05 et en profiter pour secourir d'autres bateaux.
04:07 Elles reprochent aussi à l'Italie d'avoir publié un code de conduite
04:11 qui veut interdire aux ONG la recherche systématique de migrants.
04:15 En résumé, certains États de la Méditerranée
04:17 considèrent que si on fait de la recherche systématique
04:20 de navires en détresse,
04:21 on risque d'augmenter les flux de migrants
04:24 et de jouer le jeu des passeurs.
04:25 Et ce discours n'est pas du tout accepté par les ONG,
04:28 qui, elles, voudraient que l'Europe mette en place
04:31 une véritable force de recherche et de sauvetage européenne.
04:40 Donc là, il y a trois points à retenir.
04:42 Le premier, c'est que les règles sont déjà censées
04:45 empêcher ce type de naufrage,
04:47 puisqu'il y a l'obligation de porter secours à un navire en détresse.
04:51 Donc il y a en ce moment beaucoup d'appels pour dire
04:54 qu'il faut simplement mettre la pression politique
04:56 sur les pays concernés, par exemple, dans ce cas-ci, la Grèce,
05:00 pour qu'ils appliquent vraiment le droit international
05:03 qui les oblige à porter secours aux navires en danger.
05:06 Le deuxième, c'est que si les personnes concernées
05:08 n'ont pas vraiment suivi les règles du droit international,
05:11 il y a la question de poursuites judiciaires.
05:13 C'est ce qui est discuté en ce moment en Grèce,
05:15 de faire une enquête indépendante
05:17 pour voir s'il y a eu, du coup, un délit.
05:20 Donc ce qui peut se passer,
05:21 c'est si les règles du droit maritime international ont été enfreintes,
05:24 c'est des poursuites judiciaires envers les acteurs
05:27 qui auraient dû porter secours à ce bateau.
05:29 Et ces poursuites judiciaires pourraient concerner l'agence Frontex,
05:33 qui est celle qui avait vu le bateau et qui ne lui a pas porté secours.
05:38 Et deuxièmement, il y a en ce moment la réforme
05:41 du pacte Asile et Immigration qui est discutée en Europe.
05:45 En quoi ce pacte pourrait changer les choses ?
05:47 Parce qu'il pourrait alléger le fardeau
05:50 des pays de première arrivée dans l'Union européenne.
05:53 Et puisque ces pays pourraient relocaliser toute une partie des migrants
05:57 vers d'autres pays dans l'Union européenne,
05:59 comme la France ou l'Allemagne,
06:00 ils seraient moins réticents à aider les navires en détresse,
06:04 puisque quand ils les aident,
06:06 ils doivent les ramener vers leur propre pays.
06:08 Donc aujourd'hui, ça crée des réticences de la part de ces pays
06:11 à porter secours aux navires,
06:13 puisqu'ensuite, ils voient ça comme une charge supplémentaire
06:15 de gestion des migrants.
06:17 Sous-titrage ST' 501
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