"J'ai commencé avec des petits café-concerts à Nantes"
Premier flop, argent volé et création scénographique : le créateur du festival Hellfest, Ben Barbaud, nous raconte la FOOOOLLE histoire de ce festival de musiques extrêmes
Premier flop, argent volé et création scénographique : le créateur du festival Hellfest, Ben Barbaud, nous raconte la FOOOOLLE histoire de ce festival de musiques extrêmes
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00:00 Bonjour, je suis Ben Barbeau, le créateur du festival Hellfest et je vais vous raconter son histoire.
00:06 La première édition du Hellfest en 2006, elle fait suite à tout un tas d'expériences.
00:20 Ça naît chez moi, cette envie d'organiser des concerts à la fin des années 90.
00:25 Donc on est 98, 99, 2000.
00:28 Je suis un gros fan de musique hardcore, punk.
00:30 Beaucoup d'amis, de copains qui sont musiciens, qui écrivent dans des fanzines,
00:35 qui font tout un tas de trucs comme ça.
00:37 Et moi, étant très piètre musicien, je me prends vite au goût de l'organisation des concerts,
00:43 qui permet effectivement de se projeter.
00:45 J'adorais cette idée de pouvoir anticiper les choses, organiser les choses.
00:49 Je commence à organiser mes premiers petits cafés-concerts sur Nantes,
00:54 avec des copains, avec des passionnés.
00:56 Et puis, l'idée de monter un festival qui s'appelle FuryFest commence en 2002, déjà à Clisson.
01:03 Donc là, effectivement, je n'y connais absolument rien.
01:06 J'ai juste l'envie, effectivement, de muscler un petit peu mes activités, entre guillemets.
01:11 Organiser des cafés-concerts, c'est bien, mais voilà, un festival, ça a un peu plus d'impact, etc.
01:16 Donc je me prends vite au jeu.
01:17 De ce festival-là, effectivement, FuryFest, il y aura quatre années
01:21 pour lesquelles j'y suis beaucoup, beaucoup de plâtre.
01:24 Sans le FuryFest, le Hellfest en 2006 n'est pas exactement ce qu'il est, entre guillemets.
01:27 Ce festival disparaît en 2005, brutalement,
01:32 puisqu'à l'époque, nous étions associés à des investisseurs un peu scrupuleux,
01:38 qui finalement sont partis avec la caisse.
01:39 Et donc, à la suite de tout ça, je reviens dans mon petit village de Clisson.
01:43 Et j'ai encore cette folle envie de faire quelque chose,
01:46 parce que je suis persuadé que cette idée,
01:48 qui trotte dans ma tête depuis finalement déjà plusieurs années, a du potentiel.
01:53 Voilà, je décide de retourner un petit peu en 2006,
01:56 voir les collectivités, les élus en place.
01:59 Je choisis scrupuleusement mes mots,
02:01 parce que si j'avais à l'époque exposé le fait que j'avais de grandes ambitions
02:06 de faire un grand festival de musguée extrême,
02:09 qui un jour dépasserait plusieurs dizaines de milliers de personnes,
02:13 je pense que les portes seraient assez fermées.
02:15 Et c'est comme ça que naît la première édition du Hellfest,
02:20 sur le terrain de sport en fait,
02:23 qui m'a vu m'entraîner au foot dans ma jeunesse,
02:27 pour lequel j'ai fait tout un tas de conneries diverses et variées là-bas.
02:32 2006-2007 sont des années qui sont particulièrement difficiles.
02:35 Les résultats financiers escomptés ne sont pas ce qu'on attendait.
02:41 Mais il y a toujours en moi cette petite partie de moi,
02:45 une petite boule entre guillemets, qui me dit "mais si, si, si, t'as raison, continue".
02:49 Il faut savoir qu'en France à cette époque-là,
02:50 en plus il n'y avait pas véritablement d'événements "calibrés"
02:54 pour les fans de musique extrême,
02:55 donc moi j'y croyais dur comme fer.
02:57 Et puis passé ces deux, trois premières années,
03:01 on a commencé à voir quelque chose qui prenait.
03:05 On voyait vraiment qu'il commençait à y avoir de l'attachement,
03:08 on voyait de plus en plus de gens venir pour nous prêter un coup de main,
03:13 parce qu'ils avaient envie d'apporter eux aussi leur petite pierre à l'édifice.
03:16 Et c'est l'accumulation finalement de toutes ces énergies
03:19 qui ont fait que le Hellfest est devenu ce qu'il est aujourd'hui.
03:21 Il y a eu un gros tournant également en 2010,
03:23 où là effectivement on a été mis sous les feux des projecteurs
03:28 grâce à différentes personnalités politiques,
03:31 comme Madame Boutin, comme Monsieur De Villiers,
03:34 qui venaient effectivement s'empoumonner de voir un tel festival comme le nôtre,
03:41 festival sataniste, etc.
03:42 Et ça a permis de mettre une lumière effectivement sur notre événement,
03:46 mais inespéré quoi, entre guillemets.
03:48 Et voilà, tout s'est enchaîné finalement, petit à petit,
03:55 et on a réussi à ancrer cet événement,
03:58 alors que ce n'était pas gagné, comme un véritable événement de territoire.
04:01 Avec du recul maintenant,
04:03 c'est l'extraordinaire comportement du public
04:07 qui a amené à se construire ce festival-là.
04:11 Et évidemment les énergies de tous ceux qui ont donné
04:13 pour l'organisation, bénévoles, prestataires, intermittents, etc.,
04:18 qui ont tous œuvré, parce que je pense que chacun a réussi à s'approprier l'idée.
04:22 Et finalement, voilà, on a fait quelque chose d'assez énorme.
04:27 Alors le nom Hellfest, je vais être tout à fait franc avec vous,
04:29 j'étais fan de punk hardcore, et il existait à l'époque,
04:32 avant la création du Hellfest qu'on connaît aujourd'hui en France,
04:38 un autre festival qui s'appelait Hellfest, aux États-Unis,
04:40 dans la région de New York.
04:41 Nous, évidemment, on était fan à l'époque, j'avais 18-20 ans,
04:45 c'était un événement que j'aurais rêvé aux États-Unis d'aller voir.
04:47 C'était un événement assez intimiste,
04:51 c'était réservé uniquement à la micro-niche des passionnés de punk hardcore.
04:56 Et au moment où ce festival-là s'est éteint,
04:59 ça ne fonctionnait plus, je ne connais pas les raisons exactes.
05:03 Et lorsque nous, on était ressortis du "Furyfest",
05:07 nos investisseurs avaient décidé de partir avec la caisse,
05:11 il a fallu effectivement se reposer cette question,
05:14 de trouver un nom qui soit simple en termes d'élocution,
05:17 qui soit parlant, et ça fait tilt dans ma tête.
05:20 Je n'ai pas réfléchi avec 10-15 noms,
05:23 ça m'est venu assez naturellement de me dire
05:24 "oui, en termes de résonance, ça fonctionne bien".
05:29 Il y a plusieurs paliers, je pense, si on s'en tient uniquement à l'affiche artistique.
05:34 Il y a eu effectivement celle de 2010,
05:36 il y a également en parallèle cette pub inespérée
05:41 de la part d'un certain nombre de personnalités politiques,
05:45 qui vient s'ajouter à la présence de Kiss,
05:48 qui pour la première fois en 2010 décide, accepte notre invitation.
05:54 Donc quand on signe ce contrat-là,
05:57 on a un peu la boule au ventre en se disant "est-ce qu'on est réellement prêts ?"
06:00 Et puis finalement, tout s'est bien passé,
06:01 et tout le monde s'est rendu compte,
06:05 aussi bien les artistes et leur entourage que nous en interne,
06:09 avec les professionnels du monde du spectacle, intermittents, etc.,
06:13 qu'on avait franchi une étape et que cette étape allait en amener d'autres.
06:18 Donc à partir de là, tout s'enchaîne.
06:20 Et ensuite, il y a une autre année qui est symbolique pour nous, c'est 2014,
06:23 où là, on a un triptyque de tête d'affiche,
06:26 on a Iron Maiden sur le vendredi, on a Aerosmith sur le samedi,
06:29 et on a Black Sabbath sur le dimanche.
06:31 Donc on arrive comme ça, avec un alignement des planètes finalement,
06:34 qui est assez incroyable, à se dire "putain, on a une superbe affiche".
06:38 Je ne parle que des têtes d'affiche, évidemment,
06:39 parce que tout le reste du programme était, lui aussi, qualitatif.
06:44 Et là, on ressent vraiment, chez les fans,
06:46 mais également sur un public peut-être un petit peu extérieur,
06:51 un regard qui vient se poser sur l'événement,
06:53 et une curiosité qui vient se poser sur l'événement.
06:55 Et là, on affiche complet pour la première fois.
06:56 Et puis évidemment, il y a cette double édition de l'année dernière,
07:00 où un grand nombre de fans attendaient, évidemment,
07:04 qu'un groupe comme Metallica puisse venir pour la première fois jouer chez nous.
07:08 Donc c'est une consécration, entre guillemets.
07:10 C'est finalement quasiment 20 ans d'histoire à construire petit à petit,
07:15 à donner beaucoup, à prendre beaucoup de risques,
07:17 qui sont récompensés, et je ne suis pas le seul à être récompensé.
07:20 Si on voulait créer quelque chose d'important, qui perdure dans le temps,
07:29 il fallait aller plus loin qu'uniquement la conception de son affiche artistique.
07:35 Que d'avoir une scène dans le fond, les barres à droite, les frites à gauche,
07:39 ça fonctionnait, mais uniquement sur du one-shot en fonction de l'affiche.
07:44 Et que la fidélisation aujourd'hui, elle passait par autre chose.
07:47 Et j'ai eu la chance de rencontrer un certain nombre de gens
07:52 qui avaient des idées scénographiques, qui avaient des dons pour ça,
07:55 des véritables artistes aussi.
07:57 Et ça a fait tilt dans ma tête en me disant,
07:59 mais maintenant que le festival commence à se pérenniser,
08:02 qu'on est en forme associative, et que tous les bénéfices
08:06 qui sont retirés chaque année du festival,
08:09 plutôt que de les mettre dans une caisse en attendant je ne sais quoi,
08:13 autant les réinvestir pour essayer de créer au maximum
08:18 quelque chose qui vient entourer le projet.
08:21 Et la scénographie y participe beaucoup.
08:23 Et donc on a commencé à partir de 2012 à investir massivement sur le site.
08:26 On a vite compris qu'en plus, pour pouvoir fidéliser,
08:29 il fallait aussi être capable vis-à-vis des festivaliers
08:32 de leur offrir des conditions d'accueil vraiment au top.
08:35 Et là où on a été, je pense, on avance un petit peu sur pas mal de gens,
08:39 c'est qu'on a vraiment travaillé sur le détail.
08:44 Et les gens se sont rendus compte de tout ce travail-là qui a été fait.
08:47 Je sais que maintenant le Hellfest est considéré comme le Disneyland du métal.
08:52 Alors peut-être qu'une frange de notre public, même très certainement,
08:54 et je veux bien le comprendre, doit avoir la nostalgie de nos débuts plus punk,
09:00 plus "do it yourself" entre guillemets,
09:02 où c'était plus roots, où c'était certainement plus familial.
09:06 Et j'ai toujours eu l'impression qu'effectivement,
09:08 d'offrir un cadre spectaculaire visuel autour du projet artistique du Hellfest
09:16 allait avoir un impact.
09:17 En 2014, l'année où effectivement on a ce stripteak un peu légendaire
09:23 en tête d'affiche du Hellfest, on est à 45 000 par jour.
09:27 Donc ça fait un peu plus de 125 000.
09:29 Et puis ça a toujours été crescendo, crescendo, crescendo jusqu'au moment,
09:34 je ne serais pas trop situé l'année, je pense que ça devait être 2015, 2016,
09:38 où là on était arrivé au bout de nos capacités d'accueil.
09:43 Je sais que beaucoup de gens se plaignent aujourd'hui de la difficulté
09:47 d'obtenir les précieux sésames pour accéder au festival.
09:52 On a fait deux éditions l'an passé, qui ont été vendues coup sur coup
09:55 en à peine une heure.
09:57 Maintenant, on est sur une capacité d'accueil de 60 000 par jour,
10:01 qui fait du Hellfest avec les vieilles charrues, la jauge en termes de jours
10:06 la plus importante en France pour un festival de musique actuelle.
10:09 C'est une jauge qui nous convient, parce qu'après, effectivement,
10:12 on pourra agrandir, effectivement, on pourra faire 70, 80, 90, 100 000 par jour.
10:15 Mais après, pour les équipes aussi, c'est un impact qui est non négligeable
10:18 pour tout ce qui est.
10:19 Les gens ne se rendent pas forcément compte.
10:21 Il ne s'agit pas que de faire rentrer des gens.
10:23 Il faut effectivement prévoir toutes les infrastructures et la logistique
10:26 qui vont avec ce truc là.
10:28 Les ambitions, c'est de continuer à améliorer ce qui peut l'être,
10:31 c'est à dire être toujours à l'écoute des remarques
10:35 quand ils reviennent de chez nous, parce qu'effectivement,
10:37 ils nous ont aidés à construire cet événement.
10:40 Ils en apprécient maintenant l'accueil, mais il y a toujours du plus à faire.
10:43 On est des colosses au pied d'argile, entre guillemets,
10:45 parce que c'est une grosse économie qui se joue sur un court laps de temps
10:50 avec énormément d'investissements, avec énormément de risques qui sont pris.
10:54 Et on est finalement un petit peu comme tout le monde,
10:58 assujettis aux différentes tempêtes que peuvent être l'inflation,
11:04 que peuvent être plus récemment le Covid, que peuvent être...
11:06 Enfin voilà, il y a énormément d'événements qui peuvent venir perturber
11:09 une bonne organisation.
11:10 En étant moi déjà personnellement un enfant du territoire,
11:12 j'aimerais bien que maintenant, aujourd'hui, l'impact du festival
11:16 dépasse un petit peu son premier métier, c'est à dire la production de spectacles
11:19 et essaye de déborder sur des choses un peu plus touristiques,
11:22 un peu plus culturelles au sens large du terme.
11:25 Donc voilà, il y a des projets en cours qui vont être amenés à être divulgués,
11:28 pour lesquels je crois beaucoup,
11:31 qui effectivement s'éloignent un petit peu de l'aspect musical,
11:34 mais qui sont véritablement en lien et en trait d'union avec le territoire.
11:41 Colmini ! Colmini ! Colmini !
11:43 [Musique]