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Jean-Louis Borloo, ancien ministre, président de la Fondation "Énergies pour le monde", est l'invité du Grand entretien. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien-du-jeudi-22-juin-2023-9078874

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00:00 Avec Léa Salamé, nous recevons aujourd'hui le président de la fondation « Énergie pour le monde »,
00:04 question réaction 01 45 24 7000, et sur l'application de France Inter. Jean-Louis Borloo, bonjour.
00:11 Bonjour.
00:12 Et bienvenue à ce micro, on est très heureux de vous entendre ce matin, car votre parole est rare,
00:17 on ne va pas refaire le CV, mais tout de même, vous avez été maire de Valenciennes, ministre de la Ville,
00:22 de l'Emploi, du Travail, du Logement, de l'Économie, des Finances, de l'Écologie.
00:26 Aujourd'hui, vous vous définissez comme un mécanicien de l'action publique.
00:30 Alors, comment le mécanicien voit-il la voiture France quand il en ouvre le capot en sept mi 2023,
00:37 après cinq mois de crise sociale, une inflation toujours très forte, et dans un contexte de guerre en Europe ?
00:46 Comme vous.
00:48 On est dans un paradoxe extraordinaire d'un pays avec des talents fous,
00:54 des plateaux de saclés, 300 labos, des médailles filles, enfin bon, t'as des trucs qui vont bien.
01:00 Mais ce qui fait l'essentiel de notre nation, les poutres essentielles,
01:05 qui fait qu'on vit ensemble le logement, la sécurité, la justice, l'énergie,
01:15 l'état de nos prisons avec les sorties sèches,
01:18 on voit bien que ces poutres, elles sont en train de s'effilter petit à petit.
01:22 Et moi, j'ai un peu le sentiment qu'on va finir par se lancer des anathèmes dans tous les sens.
01:30 Vous dites "ça va mal finir". Vous dites "ça va mal finir" dans un petit livre que vous avez publié il y a un an,
01:36 17 jours précisément avant l'élection présidentielle.
01:39 C'était un manifeste, c'est un manifeste, ça s'appelle "L'Alarme", clair, percutant, didactique, 92 pages,
01:45 sorte de plaidoyer pour une vraie décentralisation.
01:48 Vous parliez dans ce livre des fameuses poutres essentielles de la République qui étaient fissurées, en danger.
01:52 Vous écriviez "le sursaut doit être immédiat, ordonné, coordonné, puissant parce que ça va mal finir".
01:58 Bref, l'alarme a sonné, il faut se réveiller.
02:01 Pensez-vous qu'un an après la présidentielle, le sursaut a eu lieu ?
02:05 Quel est le fond de la question ?
02:07 Le fond de la question, c'est qu'on est dans un imaginaire dans lequel l'État est globalement tout puissant.
02:14 Sauf que depuis qu'on a cet imaginaire, il y a eu l'Europe, les régions, les agglos, le paritarisme.
02:20 Si vous regardez l'architecture des pouvoirs publics, 500 milliards gérés par les partenaires sociaux,
02:26 ce qui fait la vie quotidienne des gens, la Caisse nationale de l'allocation familiale,
02:30 la Caisse nationale de vieillesse, Clacnam, etc. qui sont dans leur coin.
02:36 Vous avez l'État, 400 milliards avec 80 déficits, et les collectivités locales dans leur coin à 300 milliards.
02:43 Or, aucun des sujets essentiels, Madame, aucun, je vais vous donner deux exemples,
02:47 aucun ne peut se traiter par un seul des acteurs.
02:50 Vous prenez l'éducation, vous prenez les enfants.
02:53 Un enfant, quand il est à Grigny, à Henri IV, il n'est pas dans la même configuration.
02:57 Pour élever un enfant, vous savez, le dicton africain, il faut tout un village pour élever un enfant.
03:03 Eh bien un enfant, il faut qu'il y ait autour de lui de la santé, de l'association,
03:07 la collectivité locale, le département et ses travailleurs sociaux, et l'éducation nationale.
03:12 Vous prenez le problème du logement. On va vers une crise, on est à -40% de production.
03:17 Le logement, ce n'est pas juste l'État.
03:19 Le logement, c'est la ville, c'est l'agglo, c'est le département, c'est les régions,
03:22 c'est les HLM, c'est le privé, c'est la fiscalité.
03:24 Donc on en entend trop de l'État et pas assez de la décentralisation.
03:30 Vous savez, moi je pense à ce grand discours de De Gaulle en 69,
03:34 qui a d'ailleurs provoqué son départ,
03:37 quand il disait "Français, Française, il faut redonner aux provinces
03:43 le pouvoir d'agir pour ce qui est de la proximité,
03:47 il faut que les forces vives et les partenaires sociaux soient engagés,
03:51 et il faut que l'État fasse la part qui concerne l'État".
03:54 C'est le fameux référendum. Relisez-le, il n'a pas pris une ride.
03:58 Il était en avance, il est parti à l'époque.
04:01 Aujourd'hui, on a un problème d'architecture des pouvoirs publics.
04:04 Moi, ma conviction, c'est qu'il faut des coalitions sur chacun des six grands sujets.
04:10 Ce n'est pas un acteur qui va régler le problème.
04:12 Vous ne construirez pas de prison sans l'accord du département, de la région.
04:16 Et qui s'occupe par exemple des mamans, des mamans isolées,
04:21 des familles monoparentales, des adultes handicapés ?
04:24 C'est la Caisse nationale de la location familiale,
04:27 qui a un budget supérieur à celui de l'éducation nationale.
04:30 Donc on vit en silo. Donc moi ce que je dis,
04:32 au lieu de pleurnicher, ce que je dis,
04:34 nos capacités de redressement sont gigantesques.
04:38 À condition qu'il y ait sur les six sujets un diagnostic, une feuille de route,
04:43 et que chaque partenaire dise quelle est sa part de contribution dans son champ de responsabilité.
04:48 - Dans "L'Alarme", la proposition charnière du livre résidait dans l'idée de créer un Conseil national de la République.
04:55 Avec des coalitions, à l'image de celles que vous aviez mises en place dans votre territoire, le Valenciennois,
05:01 et une méthode dans tous les domaines, ce que vous avez décrit à l'instant,
05:05 mettre autour de la table tous les acteurs, Etats, collectivités, partenaires sociaux,
05:09 afin de faire un diagnostic objectif, partager, définir une feuille de route commune et co-construire des solutions.
05:16 Emmanuel Macron vous a écouté, ça s'appelle les CNR aujourd'hui,
05:20 CNR santé, CNR logement, CNR jeunesse, est-ce que ça marche ?
05:24 - Ecoutez, ça débute, ça démarre.
05:28 - Est-ce que ça va dans le bon sens ça ?
05:30 - Oui, d'une manière générale, ça va dans le bon sens.
05:32 Mais il faut bien comprendre qu'il faut toujours partir d'un document écrit.
05:37 On est la France de l'oral.
05:39 Alors on fait des discours et après on donne des solutions orales.
05:43 La vérité, pour mobiliser tout le monde, il faut une feuille de route rédigée, diagnostic.
05:48 Prenez l'exemple de l'immigration par exemple.
05:50 Mais on va aller se déchirer, ça va être épouvantable, alors que, objectivement,
05:55 qui peut être content ou se contenter d'avoir 40 000 mineurs isolés près des gares ?
06:00 D'avoir 700 000, 800 000 personnes qui n'ont ni avenir, ni départ du territoire ?
06:04 Que les obligations de quitter le territoire sont appliquées à 9% ?
06:07 Il ne s'agit pas de dire "c'est l'extrême droite"... Non !
06:10 On a des sujets extrêmement opérationnels.
06:13 - Et bien comment on fait ? Comment on gère les 40 000 mineurs ?
06:16 - On écrit la situation, diagnostic, l'OFPRA, combien de temps, modifications,
06:19 est-ce qu'il faut que le tribunal administratif soit pas en harmonie avec le tribunal judiciaire ?
06:24 On écrit les dysfonctionnements, ça se décrit, et après,
06:29 chaque partie prenante va compter sur une feuille écrite,
06:33 chaque partie prenante va compter sur sa réponse.
06:35 - Prenez le CNR Logement, on avait reçu Véronique Bédag,
06:39 il a mis en place, Emmanuel Macron, un CNR Logement.
06:42 Pendant plusieurs mois, tous les acteurs, ce que vous parlez, ont discuté ensemble,
06:46 ont établi un diagnostic, ont établi des solutions.
06:49 C'était dirigé par la patronne de Next City, donc Véronique Bédag,
06:53 et Christophe Robert de la fondation Abbé Pierre.
06:56 À la fin, ils ont donné les solutions, et eux-mêmes sont allés dans les médias pour dire "on est déçus".
07:01 Donc à quoi ça sert, si vous voulez ? Les diagnostics ne sont-ils pas déjà connus ?
07:06 À quoi ça sert ? Pourquoi ça va pas jusqu'au bout ?
07:09 - Il faut, un, le diagnostic, et deux, rédiger ensemble.
07:12 Mais ça prend des centaines d'heures.
07:15 Le Grenelle de l'environnement, ça a pris des milliers d'heures.
07:18 Le plan de cohésion sociale, ça a pris des milliers d'heures.
07:21 La rénovation urbaine, ça a pris des milliers d'heures.
07:25 Mais il faut rédiger.
07:27 Pour que chaque acteur puisse apporter sa contribution, le bonjour, à la bonne heure,
07:31 tel que c'est prévu, il faut écrire et il faut rédiger.
07:34 - Donc vous dites que c'est superficiel, en fait ?
07:35 - Non, je ne dis pas ça. - Ça sert à rien de se réunir et de dire "voilà les solutions".
07:38 - Non, je dis qu'il faut perfectionner la méthode.
07:40 Ce que je dis surtout aux Français, c'est que ces six grands chantiers,
07:44 il faut qu'on les traite.
07:46 Et ces six grands chantiers, ils sont vitaux, et on a la capacité de le faire.
07:50 Moi, je suis un enthousiaste, un optimiste.
07:52 Les marges de manœuvre sont conservées. Je vous donne un exemple.
07:54 C'est ce...
07:56 Personne ne sait qui fait quoi, en réalité.
08:00 Vous savez, vous, que fait la CNAF, la CNAM ?
08:02 Je vous donne un exemple. Le paritarisme, qu'est-ce qu'on en fait ?
08:06 C'est la guerre avec les syndicats ?
08:08 C'est eux qui président la Caisse nationale d'assurance vieillesse.
08:13 On a un changement d'équipe, là.
08:16 Sylvie Binet qui arrive, il va y avoir un nouveau patron du MEDEF,
08:20 il va y avoir... Marie... Pardon.
08:22 - Marie Lesléon, Sophie Binet...
08:25 - C'est quoi la place du paritarisme ?
08:27 Ils continuent à gérer 500 milliards, mais en fait, c'est l'État qui décide et qui nomme les gens.
08:31 Quelle est, dans notre société moderne, la place moderne du paritarisme français ?
08:37 Voilà. Donc, je pense qu'on a un problème d'architecture.
08:41 On a des dirigeants globalement engagés,
08:44 plutôt un qui essaie de bien faire, un pays intelligent,
08:47 et on a quand même des résultats qui ne sont pas très très bons.
08:50 Est-ce qu'on peut se poser juste la question de notre architecture de l'action publique ?
08:54 Comment on fonctionne ?
08:56 - Mais regardez, appliquez-le à la réforme des retraites, parce que c'est ça qui s'est passé pendant 5 mois.
09:00 Qu'est-ce qui a raté, à vos yeux, puisque vous avez été critique de cette réforme, et de la méthode ?
09:06 - Qui faille, globalement,
09:10 allonger la durée de cotisation ou de travail, je veux dire, ça me paraît tout à fait raisonnable.
09:16 On a des partenaires sociaux.
09:18 Il faut qu'on se mette d'accord sur l'objectif, et puis voir les moyens d'y arriver.
09:21 Pourquoi il y a de la tension, aujourd'hui ?
09:24 Parce que, vous savez, on dit toujours "il pleut toujours ou c'est mouillé".
09:30 Donc, quand vous êtes une famille, et que la gamine s'est fait bousculer à la gare de Lisieux,
09:35 que le passeport faut 6 mois,
09:37 que le service public vous a la pression à l'hôpital, regardez ce qui s'est passé au CHU de Grenoble,
09:42 vous avez le sentiment, alors que vous avez fait le Covid, vous étiez en première ligne,
09:46 c'est pour vous que les services publics sont plus importants.
09:50 Pardon, c'est ni pour vous, ni pour moi.
09:52 C'est pour les gens qui en ont vraiment besoin.
09:54 Et ceux-là, ils ont le sentiment qu'ils ont été en première ligne pour un problème de déficit.
10:01 Je veux dire, il faut qu'on apprenne à dialoguer et à trouver des solutions.
10:05 Moi, je suis convaincu qu'on aurait pu faire du touret d'améliorer,
10:09 on aurait pu faire des tas de choses.
10:10 - Mais il faut le vouloir, non ?
10:12 - Non, mais on était parti sur un système qui était le système à points,
10:17 qui était progressiste, où il y avait des partenariats sociaux.
10:19 Bref, maintenant, c'est derrière nous le sujet.
10:22 - Oui, mais d'accord, mais sur le fond, il décide 64 ans.
10:25 À un moment, il prend la décision, il dit "ce sera 64 ans".
10:28 Et que les syndicats suivent ou pas, ce sera 64 ans.
10:31 À la fin, c'est 64 ans. D'une certaine manière, il y est arrivé.
10:36 - Mais non, mais vous voulez ça...
10:37 - Non, la question, c'est de savoir...
10:40 Au fond, c'est aussi ça de gouverner, c'est de décider, d'appliquer,
10:43 d'utiliser au Parlement tous les biais possibles, 49-3, 47 ans, etc.
10:48 - Mais moi, je ne critique pas le processus tel qu'il a été fait.
10:50 Ce que je vous dis, madame, simplement, c'est que vous pouvez faire ça,
10:54 mais si en même temps, l'ensemble des services publics,
10:57 la politique du logement énergétique, le système judiciaire,
11:01 la sécurité dans la rue, le contrôle du peuplement,
11:04 quand même, je veux dire, on a quand même le droit de contrôler notre peuplement.
11:09 Moi, je veux dire, je ne comprends pas une seconde que personne à gauche ou à droite
11:12 se satisfait de la situation actuelle.
11:14 Simplement, où on traite le problème méthodiquement et méthodologiquement,
11:19 où on va partir sur un truc inflammable qui me paraît extrêmement dangereux ?
11:23 - Et là, le projet de loi immigration qui arrive ?
11:25 - Alors, oui, je pense qu'il faut rédiger d'abord le diagnostic et ensuite faire les propositions.
11:32 La France se précipite avec toujours des solutions
11:34 avant de regarder les raisons pour lesquelles on en est là.
11:37 On n'est pas un pays de crétins.
11:39 Si un truc ne marche pas, il a été une bonne décision il y a 20 ans,
11:41 tout a évolué, il faut s'adapter, il faut trouver...
11:45 Si nous ne mettons pas tous les pouvoirs publics,
11:48 quels qu'ils soient, en ordre de marche, ensemble,
11:51 dans la partie qui les concerne, nous n'y arriverons pas.
11:54 - Une question au Standard Inter, c'est Emeraude qui nous appelle de Roubaix.
11:58 Bonjour !
11:59 - Bonjour !
12:00 - On vous écoute !
12:01 - Oui, merci.
12:02 Bonjour et merci à toute l'équipe de France Inter pour le travail que vous faites.
12:06 Moi, je suis de Roubaix, mais originaire de Valenciennes, Jean-Louis.
12:10 J'ai beaucoup collaboré avec Dominique Riquet,
12:13 donc c'était un vrai plaisir.
12:15 La question est assez simple par rapport à ce que vous venez de dire.
12:19 Je trouve que notre région est un bel exemple
12:21 et le travail que fait Xavier Bertrand est intéressant,
12:23 puisqu'il nous soutient.
12:24 Moi, je suis directrice d'un organisme de formation
12:27 qui est d'éducation permanente pour apprendre tout au long de la vie,
12:29 donc j'aide les plus démunis.
12:31 Et ma question, c'est comment vous verriez la 6ème République
12:36 après tout ce que vous venez de nous dire ?
12:38 - Merci Emeraude pour cette question.
12:40 Alors, à quoi ressemblerait une 6ème République, Jean-Louis Borloo ?
12:44 - Je vous renvoie au référendum qu'avait proposé Charles de Gaulle.
12:47 Il faut, pour que l'action publique marche bien,
12:49 il faut mettre le pouvoir de décision, y compris législatif,
12:53 là où il doit être.
12:55 Je vous donne un exemple.
12:56 On ne peut pas avoir une politique du logement.
12:59 On a décentralisé de manière réelle un certain nombre de choses,
13:03 sauf que les décrets, les circulaires, elles sont d'État.
13:07 Et donc, on est dans une cacophonie absolument épouvantable.
13:10 Moi, je pense qu'il faut qu'il y ait des sujets qui relèvent de la province,
13:14 avec un pouvoir législatif de province, avec des évaluations,
13:18 des sujets qui relèvent de l'État et des sujets qui relèvent du paritarisme.
13:23 On peut même imaginer des choses intelligentes.
13:25 C'est quoi le paritarisme d'aumain ?
13:27 C'est juste, on va s'engueuler, on fait des manifestations ?
13:30 C'est le plus gros budget de finances publiques de notre pays.
13:33 - Oui, mais ça fait 20 ans qu'on dit ça.
13:35 - Non, non, pardon. - Et ça ne marche pas.
13:36 Et les syndicats perdent, à part sur la réforme des retraites
13:38 où ils ont retrouvé des couleurs, les syndicats...
13:39 - Je parle du rôle.
13:40 Je parle...
13:42 Vous voyez, en fait, c'est assez simple après la guerre.
13:44 L'État faisait tout et les syndicats faisaient la Sécu.
13:48 Au moins, on savait qui était responsable, qui était le chef.
13:50 Depuis, il s'est passé plein de choses.
13:52 Il y a l'Europe, il y a l'euro, plus de dévaluation compétitive.
13:55 Il y a les régions, les départements qui sont plus aux autorités des préfets.
13:58 Il y a les agglos, il y a les villes, les autorités indépendantes.
14:01 On est un pays émietté.
14:03 Un pays émietté, il ne peut pas continuer à être conduit par une ou deux personnes.
14:08 - Comment vous expliquez, Jean-Louis Borloo,
14:10 l'ascension continue du Rassemblement national et de Marine Le Pen ?
14:13 Vous êtes un combattant de l'extrême droite depuis longtemps.
14:16 88 députés à l'Assemblée nationale, des sondages au beau fixe,
14:19 que ce soit les sondages de popularité de Marine Le Pen, de Jordane Bardella,
14:22 ou les sondages d'intention de vote pour les européennes ou la présidentielle.
14:24 Comment vous l'analysez ? Qu'est-ce qu'il apporte ?
14:28 - Si vous voulez, quand les poudres d'être obsédé, mais essentiel, ne fonctionnent pas.
14:34 Quand vous avez l'impression qu'à Bordeaux, la maman est le petit.
14:40 Quand vous avez l'impression que le service public ne marche pas.
14:43 Quand vous appelez et qu'on ne vous répond pas.
14:46 Quand vous voyez que les sorties de prison se font dans des conditions
14:49 où on est condamné pour la dixième fois pour traitement indigne.
14:52 Quand vous voyez que la chaîne justice-police est embolisée.
14:55 Quand vous voyez... On a failli avoir une crise de l'énergie l'été dernier,
14:59 alors qu'on était exportateur net.
15:01 Quand vous voyez l'école, quand vous voyez l'hôpital,
15:04 j'allais dire la complexité entre l'hôpital, présidé par les EU,
15:08 l'agence, l'ARS, l'agence, enfin tout ça.
15:12 Et l'État... Enfin tout ça est une machine que plus personne ne comprend
15:17 et qu'il faut remettre à plat. Qui fait quoi dans ce pays ?
15:20 Qui est responsable de quoi ?
15:22 Oui, parce que quand vous êtes dans l'incertitude,
15:25 quand vous avez le sentiment... Hier, ici, votre micro,
15:28 Dominique de Villepin disait ça, il disait
15:31 "il va y avoir de plus en plus de tensions parce qu'il y a un sentiment de dégradation des services publics".
15:36 Or la dégradation des services publics, pardon,
15:38 elle touche surtout une partie de la population.
15:40 Donc il faut reprendre le contrôle de la gestion des affaires publiques.
15:44 Et puis vous avez un fait d'être beaucoup plus large,
15:46 qui est le sentiment d'un certain nombre d'Européens,
15:50 que le destin leur échappe un peu, que tout va à une vitesse absolument folle.
15:54 Vous avez cette conférence mondiale aujourd'hui,
15:58 mais c'est depuis 2009 qu'à Copenhague, il y a eu un engagement des pays du Nord
16:03 de financer à hauteur de 100 milliards les pays pauvres.
16:06 Ça n'a pas été fait !
16:07 Après on a inventé des trucs pour expliquer.
16:09 On l'a fait, on a financé le tramway de Singapour.
16:12 Non, enfin c'est une blague !
16:13 Et c'était financé, je rappelle, par les émetteurs de CO2,
16:17 et plus ils amélioraient leur performance, moins ils payaient.
16:20 On l'a pas fait.
16:21 Qu'est-ce qui va se passer ?
16:22 Tout le monde comprend bien, l'Afrique aujourd'hui c'est 1 milliard de 100 millions de personnes,
16:26 2 milliards et demi dans 20 ans, 40% des moins de 20 ans.
16:30 Il y a toujours 60% des gens qui n'ont pas d'accès à l'énergie.
16:33 Mais l'énergie c'est la base de tout !
16:35 C'est la base pour les mamans, c'est la sécurité.
16:37 Elle fait quoi la jeunesse africaine ?
16:39 Elle marche sur des chemins de terre vers la lumière et vers la musique.
16:43 Et dans des villes qui ne peuvent plus les accueillir.
16:45 Donc tout ça !
16:47 Et alors on annonce des chiffres extraordinaires pour ne rien faire.
16:51 En réalité, prenons les points main par un, on commence par quoi ?
16:54 La base de la base, y compris pour l'eau, c'est l'énergie.
16:56 Et bien qu'on mette à la diffusion de l'Afrique par exemple, les moyens, moi j'avais...
17:00 - Vous aviez voulu électrifier l'Afrique, il y avait un projet...
17:04 - Et on a signé !
17:05 3 milliards et demi de fonds européens par an.
17:08 Pendant juste 15 ans ça suffisait.
17:10 Et puis ça s'est perdu dans...
17:11 Ben là il y a eu d'autres priorités, il y a eu de...
17:14 Voilà, donc on peut traiter les problèmes.
17:16 C'est à force de les grossir, de les généraliser, qu'on ne les traite pas.
17:20 Eric nous appelle du Val d'Oise. Bonjour, bienvenue !
17:23 - Bonjour à tous, bonjour M. Borloo.
17:26 Je voudrais simplement vous exprimer un paradoxe.
17:28 C'est qu'au niveau national, notamment, moi en commission,
17:32 le gouvernement officiellement ne veut pas du tout, du tout discuter.
17:36 Et il a dit par la voix d'Olivier Véran, son porte-parole, avec le RN.
17:41 Donc moi je suis d'accord avec vous qu'il faut justement prendre tous les forces,
17:44 discuter avec tout le monde.
17:46 Et au niveau national, officiellement, par principe,
17:49 on refuse au niveau gouvernemental de discuter avec le RN
17:52 et peut-être 40% de la population.
17:55 Comment voulez-vous que ça soit compréhensible ?
17:58 On vous écoute, mais ça marche pas.
18:01 Vous dites "on va travailler tous ensemble, sauf le RN".
18:04 Est-ce que ça a du sens ?
18:06 - Merci Eric.
18:07 - Vous êtes militant RN ou vous êtes...
18:10 - Je l'écrivais de plus en plus, parce que j'en ai marre.
18:13 Parce qu'il y a des choses qui sont...
18:15 C'est pour ça que vous entendez mon ton qui est un peu élevé.
18:17 Parce que je pars vers ce parti,
18:20 parce que par principe on le refuse,
18:23 alors qu'il y a des choses qui sont intelligentes.
18:25 Et je me dis "mais quel racisme".
18:28 Ça n'a pas de sens, vous n'écoutez pas des gens par principe.
18:31 - Merci Eric pour cette question. Jean-Louis Borloo vous répond.
18:34 - Si vous voulez, moi je ne suis pas dans le champ de la politique.
18:40 Je dis simplement, je veux que les mamans de notre pays,
18:45 que le logement qui est le lieu d'unis, ça fonctionne.
18:48 C'est pas un sujet de parler avec le FN, le PS, la NUPES, etc.
18:53 C'est juste que les opérateurs aillent au fond des questions pour les résoudre.
18:58 Quand on met 40 milliards sur le logement,
19:01 avec des décisions nationales, la même pour Chambéry et pour Mayotte,
19:08 et que l'État est en conflit avec les partenaires sociaux,
19:13 lui a piqué 10 milliards dans les 7 dernières années,
19:16 et qu'on constate une crise de logement, je pense que notre mécanisme n'est pas bon.
19:20 - Vous fuyez un peu la question.
19:22 - Non, je veux la question de citoyens, c'est pas une question politicienne.
19:26 - On a posé, d'ailleurs hier à Dominique de Villepin, on lui a dit
19:28 "qu'est-ce que vous diriez à un français qui expliquerait
19:29 "j'ai essayé la gauche, j'ai essayé la droite, j'ai essayé le centre avec Emmanuel Macron,
19:32 "rien n'a marché, maintenant je vais au front à Marine Le Pen".
19:36 Je ne vous demande pas un jugement moral,
19:37 mais est-ce que c'est quelque chose qui vous inquiète ou non ?
19:39 - Mais ça m'inquiète autant que de la violence.
19:44 Le débat écologique entre le Grenelle et l'environnement,
19:47 il y a 15 ans, ou après des milliers d'heures,
19:49 il y a 250 décisions signées par les ONG, par les agriculteurs,
19:54 par les industriels, par la CGT, par les collectivités.
19:57 Et je vois aujourd'hui le niveau de tension, je dis
20:00 il faut qu'on refasse nation,
20:04 et on ne fait nation qu'en faisant des choses ensemble,
20:07 pas en faisant des déclarations.
20:09 - Il y a trop de com' comme dit Dominique de Villepin ?
20:12 - Probablement. En tous les cas, pas assez documenté préalablement.
20:16 Moi je ne suis pas dans ce champ-là, je suis parti il y a 12 ans.
20:18 - Je sais que vous êtes parti de la politique, donc c'est pour ça,
20:20 votre parole est libre.
20:21 - Ma contribution est peut-être plus utile justement
20:24 parce que je ne suis pas dans ce champ-là.
20:25 - Caroline nous appelle de la Drôme, bonjour !
20:28 - Oui bonjour.
20:29 - On vous écoute.
20:30 - Moi j'aurais aimé savoir ce que Jean-Louis Borloo pense
20:33 au sujet des décisions qui ont été prises hier
20:36 sur le mouvement du soulèvement de la terre.
20:40 - Merci, 10 solutions hier effectivement au Conseil
20:43 des ministres des soulèvements de la terre.
20:45 Décision contestée devant le Conseil d'État par le
20:48 mouvement écologiste.
20:50 Le gouvernement reproche au collectif d'appeler et de participer à des violences.
20:54 Qu'en pensez-vous Jean-Louis Borloo ?
20:56 - Tout ça menavre, que dans ce pays où tout le monde a à peu près
21:01 la même conscience sur le problème de l'eau,
21:03 sur le problème du dérèglement climatique,
21:05 sur les problèmes migratoires, les réfugiés climatiques,
21:09 qu'on n'arrive pas, on peut ne pas être d'accord sur 20% des...
21:13 Mais je vous jure que vous réunissez tout le monde,
21:16 80% des points, il y aura des chemins et des points d'accord.
21:20 Nous exacerbons le malentendu par impuissance.
21:26 J'ai le sentiment que notre impuissance apparente,
21:29 parce qu'on sait résoudre un certain nombre de problèmes,
21:31 notre impuissance apparente amène à de la tension dans tous les domaines.
21:38 Et je trouve ça impitoyable.
21:40 On est un grand pays, on a des forces vives exceptionnelles.
21:43 Vous savez, le progrès c'est comme la guerre.
21:47 Il faut juste bien s'organiser.
21:50 Il faut étudier le terrain avant, faire la topographie,
21:52 avoir l'information, savoir quand on envoie tel ou tel corps d'armée.
21:56 C'est un mode d'organisation.
21:57 On a un point de gouvernance.
21:59 Alors bizarrement, un pays de plus en plus émietté,
22:02 sur lequel l'État est fracturé,
22:04 et émietté dans les pouvoirs, l'architecture est fracturée,
22:10 on ne peut pas continuer à avoir un ou deux décideurs
22:15 donnant le "là" tout le temps.
22:17 Quant à la conférence de ce matin initiée par la France,
22:19 je trouve que c'est une bonne chose.
22:21 - Alors vous avez arrêté la politique il y a 11 ans,
22:23 vous vous êtes retiré totalement.
22:24 Ça ne va peut-être pas vous plaire,
22:25 mais on a un tsunami de réactions sur les réseaux
22:30 et sur la plateforme France Inter pour dire "Borlo à Matignon".
22:35 - Non mais attendez, moi je suis parti, ça va.
22:36 - Non mais je vous les livre.
22:39 - Non mais ça me touche beaucoup.
22:41 Mais vous savez, j'étais heureux de faire Valenciennes.
22:46 Vraiment, c'était dur.
22:49 Mais j'ai trouvé tellement d'affection.
22:52 J'étais très heureux d'être ministre de tout ce que vous avez raconté.
22:56 J'étais très heureux de m'occuper d'Afrique.
22:58 Aujourd'hui, je fais d'autres choses.
23:00 Mais si je peux...
23:00 - Et si on vous appelait, on vous disait "non".
23:02 - Non, la question ne se pose pas.
23:03 Non, la question est non, je ne vais pas tourner autour du pot.
23:06 En revanche, si je peux continuer, mais je ne peux pas le faire seul.
23:10 Moi, je veux bien, je vais essayer de refaire
23:13 une proposition de diagnostic et de solution.
23:15 - Mais vous l'avez envoyé l'alarme à Emmanuel Macron.
23:17 - Mais pas à Emmanuel, à Dominique de Villepin, à Thierry Breton,
23:20 parce que ce n'était pas une note pour...
23:22 - En l'occurrence, Emmanuel...
23:22 - Ecoutez-moi, écoutez-moi, je vous en supplie.
23:25 Je ne peux pas le faire tout seul, tout ça.
23:28 Je veux bien qu'on ne soit pas d'accord avec 20-30%.
23:30 Je ne prétends pas que j'ai la solution.
23:31 Et en plus, je ne l'ai pas, moi, tout seul.
23:34 Mais on a besoin qu'un certain nombre de Français,
23:38 des maires, des syndicalistes, des artisans, des entrepreneurs, des élus,
23:42 disent "attendez, on va changer le modèle.
23:44 On va redéfinir le récit national.
23:48 On va le faire en fraternité et au moins,
23:50 il y a 80% des objectifs qu'on partage."
23:52 Mais j'aurais besoin à ce moment-là d'un soutien populaire.
23:55 - Mais vous êtes optimiste ?
23:56 - Je suis très... Vous savez...
23:58 - Vous êtes très, très pessimiste.
23:59 - Je suis très optimiste si on prend les moyens.
24:02 On a de telles marges de progression, telles marges...
24:05 Je vous donne un exemple.
24:06 Il y a 20 ans, on produisait 250 000 logements.
24:08 On est passé avec le même outil à 500 000.
24:10 On retombe à 250 000.
24:12 Donc on a un problème d'organisation.
24:14 Donc je suis...
24:15 C'est pas parce qu'il y a une difficulté.
24:16 Si elle est identifiée, c'est que vous avez des marges de manœuvre considérables.
24:19 Et quand je vois ce pays, je me dis "on a des marges de manœuvre considérables".
24:24 - Merci Jean-Louis Borloo.
24:25 - Merci Jean-Louis Borloo.

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