• l’année dernière
Brigitte Liso, députée Renaissance du Nord
Elle a été visiteuse médicale, commerciale chez Hachette, patronne d'un restaurant et même d'une pâtisserie. Rien ne la prédestinait à se lancer en politique. Elle a pourtant tout quitté à 57 ans pour se lancer en politique, avec l'ambition de faire autrement.

Pourquoi s'engage-t-on en politique ? Comment tombe-t-on dans le grand chaudron de l'Assemblée ?
Chaque jour, Clément Méric, dans un entretien en tête à tête de 13 minutes, interroge un parlementaire sur les personnalités, les évènements - historiques ou personnels - qui l'ont conduit à choisir la vie publique.
Car on ne naît pas politique, on le devient !

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Transcription
00:00 -On accuse parfois les responsables politiques d'être hors sol.
00:03 Difficile de faire ce reproche à mon invitée.
00:06 Elle a connu pas moins de 4 métiers très différents les uns des autres,
00:10 avant d'ajouter une dernière ligne à son CV,
00:13 celle de députée de la majorité présidentielle.
00:16 Générique
00:30 -Bonjour, Brigitte Liseau. -Bonjour, Clément Méric.
00:33 -Vous êtes une députée plutôt discrète,
00:35 où vous ne cherchez pas la lumière.
00:37 Mais pendant le débat sur la réforme des retraites,
00:40 on a découvert une autre Brigitte Liseau.
00:42 Vous êtes mise en colère quand un député communiste
00:46 a demandé à la majorité de ne rien y connaître au travail.
00:49 On regarde.
00:50 -En termes de travail,
00:53 je crois que nous n'avons pas de leçons à recevoir.
00:55 J'ai commencé à travailler à 18 ans.
00:58 J'ai eu 4 métiers différents.
01:00 Rires
01:01 J'ai une mère...
01:02 J'ai une mère qui a commencé à travailler à 15 ans.
01:05 Elle s'est arrêtée à 65 ans.
01:09 Si vous calculez, ça fait 55 ans de travail.
01:12 Elle a aujourd'hui 90 ans.
01:15 Alors, s'il vous plaît, les leçons, vous les gardez.
01:18 Merci.
01:19 Acclamations
01:21 -On sent que cette attaque de l'opposition,
01:24 elle a touché une corde sensible en vous.
01:27 -Oui, là, c'est tout ce que je suis, en fait,
01:29 et tout ce que je représente.
01:31 Ma famille, la valeur travail est une valeur essentielle chez moi,
01:35 et là, ils ont piqué juste là où il ne fallait pas.
01:38 -Tout au long de votre vie,
01:40 vous avez enchaîné des métiers très différents.
01:43 Vous avez commencé jeune, à 18 ans.
01:45 Vous étiez démonstratrice dans des supermarchés pour Pernod Ricard.
01:49 Vous avez ensuite été commerciale chez Hachette,
01:52 visiteuse médicale pour un laboratoire pharmaceutique,
01:55 vous avez tenu un restaurant à Lille,
01:57 et vous avez ouvert une pâtisserie spécialisée dans les éclairs,
02:01 pas seulement au chocolat.
02:02 Qu'est-ce que ça dit de vous, ce parcours professionnel ?
02:07 -Ca dit de moi que rien n'est impossible
02:10 quand on a un peu d'audace et de courage.
02:12 Des opportunités de vie aussi,
02:14 puisque les choses sont venues progressivement à moi,
02:18 je les ai remarquées, et je me suis engouffrée
02:21 à chaque fois dans une autre vie, un autre métier.
02:24 -Il y a aussi l'idée de relever des défis,
02:27 sortir un peu d'une zone de confort.
02:30 Ca vous plaît ?
02:31 -Oui, c'est exactement ça,
02:33 et peut-être aussi éviter la lassitude, à un moment,
02:37 et aller là où on ne m'attend pas et où je ne pensais pas aller.
02:41 -Et là où on ne vous attendait pas, effectivement,
02:44 c'est la politique.
02:46 Après ces 1 001 vies professionnelles,
02:48 vous avez répondu à l'appel lancé par Emmanuel Macron,
02:51 appel à la société civile, en 2017,
02:53 et vous avez décidé de briguer l'investiture
02:56 aux législatives à Lille.
02:58 La politique, avant cela,
02:59 elle occupait quelle place dans votre vie ?
03:02 -Alors, une conscience politique,
03:05 de toujours, mais la politique, pour moi,
03:08 je la faisais depuis mon canapé.
03:10 Avec des idées très précises et très arrêtées,
03:14 et en me disant que c'est quand même fou
03:16 qu'une telle décision ait été prise,
03:18 ils ne savent pas ce que vivent les Français, etc.
03:21 -Avec une sensibilité plutôt de gauche ?
03:24 -Plutôt de gauche, oui.
03:26 -Vous avez été investie pour La République en marche
03:29 aux législatives à Lille,
03:31 et face au vieux routier de la politique
03:33 qui était face à vous, vous avez fait
03:36 de votre propre inexpérience un argument de campagne.
03:40 Pourquoi ? Vous avez senti que ça pouvait répondre
03:42 à une attente des électeurs ?
03:44 -Parce que c'était aussi la réalité.
03:46 Je n'étais pas une politique attendue,
03:49 ni formatée.
03:50 En revanche, j'avais mon expérience de vie pour moi,
03:53 et ça répondait aussi à une demande,
03:55 à un désir d'Emmanuel Macron de changer un peu les comportements
03:59 et de changer la politique.
04:01 -Et ça répondait à une attente des gens ?
04:03 Vous l'avez ressenti ?
04:05 -Ils étaient un peu déstabilisés,
04:07 parce que certains se disaient que si elles le faisaient,
04:10 ils pouvaient peut-être aussi le faire.
04:13 Et là, c'est aussi un message que j'ai pu envoyer
04:16 involontairement, mais aussi inconsciemment aux femmes.
04:19 Rien n'est impossible.
04:21 Et puis, il y avait aussi toute l'autre partie,
04:25 les politiques locaux bien implantées,
04:28 qui ont vu débarquer une femme pas si jeune, en plus,
04:32 et qui a un peu bousculé quand même les habitudes.
04:36 -Et vos adversaires, comment ça s'est passé ?
04:39 Ils vous ont pris de haut ? Y a-t-il eu des moqueries ?
04:42 -Ah oui, je peux vous dire qu'on m'attendait en ricanant.
04:45 Et puis, j'ai donné ce que j'avais à donner,
04:48 c'est-à-dire moi, ma personne, telle que je suis,
04:51 et le résultat a été, effectivement,
04:54 que j'ai été élue assez largement, d'ailleurs.
04:58 -J'ai lu que certains de vos adversaires
05:00 vous ont surnommée la vendeuse d'éclairs de Lille.
05:03 -C'est possible, ou la pâtissière.
05:05 J'essayais de démentir, tout simplement,
05:08 parce que je ne suis pas pâtissière
05:10 et que c'est un métier tout à fait respectable,
05:12 mais ça n'était pas le cas. Mais bon, peu importe.
05:16 -Vous avez été élue sur cette idée du renouvellement,
05:19 mais pas seulement, c'est aussi sur l'idée
05:21 de faire de la politique différemment.
05:24 Si on devait faire le bilan, aujourd'hui,
05:26 quelques années plus tard,
05:28 est-ce que vous avez vraiment fait la politique différemment ?
05:31 -Alors, y a deux...
05:34 Deux points de vue.
05:35 Y a le mien et puis peut-être la politique nationale.
05:39 -Et vous, personnellement,
05:41 qu'est-ce que vous avez apporté de différent ?
05:43 -J'ai apporté mon passé de citoyenne,
05:46 lambda, si j'ose dire, et ça, je n'oublie pas.
05:49 C'est quelque chose qui vit avec moi
05:52 et j'ai encore quelques fois ce réflexe de dire
05:55 "Mais non, c'est pas comme ça.
05:57 "Les Français ne réagiraient pas comme ça."
05:59 Alors après, bon, effectivement,
06:02 j'ai été prise dans un grand groupe,
06:04 donc quelquefois, les idées que l'on aimait
06:08 ne sont pas retenues, et puis là, j'ai une certaine loyauté,
06:12 mais là aussi, je l'attire de mes expériences professionnelles.
06:16 Vous avez dit que j'étais dans un grand groupe pharmaceutique.
06:19 Effectivement, on porte le groupe individuellement.
06:23 -Une fois élue, vos premiers pas à l'Assemblée
06:26 ont été un peu compliqués.
06:27 Une journaliste radio vous a interrogée
06:30 sur la première loi du quinquennat, la loi travail,
06:33 en vous demandant ce que vous compreniez de cette réforme.
06:36 Votre réponse a été un peu confuse.
06:38 -On a beaucoup parlé de l'inversion de la...
06:42 Attendez.
06:43 L'inversion de...
06:45 Pour quelqu'un comme moi qui est assez direct,
06:51 qui va vite à l'essentiel,
06:53 quelquefois, je suis un peu perdue.
06:55 Les salles de commissions...
06:57 L'inversion de la...
06:59 -C'est des échanges de textos ?
07:02 -Oui, ça, c'est la boucle Télégramme.
07:05 Là, c'est la boucle "les députés du Nord".
07:08 Bon, écoutez, là, je trouve plus.
07:10 On va laisser tomber.
07:12 Alors, votre autre question.
07:14 -Vous dites que ça a été un baptême du feu
07:17 un peu violent et douloureux.
07:19 -Vous savez, je ne l'ai pas réécouté
07:21 depuis un bon moment.
07:23 J'entends ça avec beaucoup de tendresse, en fait.
07:26 Alors, effectivement, je ne suis pas un grand tribun.
07:30 Je ne veux pas dire tribune.
07:32 -Il y a un côté absence totale de langue de bois.
07:35 -Il n'y a pas de langue de bois.
07:37 Je ne vais pas passer trop de temps sur ce sujet,
07:40 mais il y a un contexte, à savoir qu'on était venus visiter
07:43 mon bureau. C'était mes premiers pas...
07:45 -Vous n'attendiez pas à être interrogée ?
07:48 -Pas du tout. La formule était que je devais m'auto-poser
07:51 les questions. Ca faisait beaucoup de choses.
07:54 Et puis, voilà, c'était un épisode.
07:56 -Vous en avez tiré une leçon, vis-à-vis des médias ?
07:59 -Oui, peut-être de la méfiance,
08:01 parce qu'en fait, effectivement, là, j'étais un peu piégée.
08:04 C'est un sujet qui a été diffusé
08:06 plusieurs mois après l'enregistrement.
08:09 Effectivement, au mois d'octobre,
08:11 je n'aurais certainement pas répondu de cette façon-là.
08:15 -Ce qui peut ressortir aussi de ça,
08:17 c'est que votre inexpérience a été un atout pendant la campagne.
08:20 Est-ce que ça n'a pas été une faiblesse
08:23 dans vos débuts en tant que députée ?
08:25 -Je vous dis, c'était les 15 premiers jours.
08:28 Probablement, et comme quand on entre dans un nouveau monde,
08:31 une nouvelle entreprise, il y a des codes
08:34 que l'on doit s'approprier, c'était peut-être un peu tôt.
08:38 -En 2018, vous expliquiez que vous ne faisiez pas partie
08:41 de ces députés qui visent un ministère,
08:43 vous revendiquiez votre absence d'ambition personnelle,
08:46 pas d'ambition politique. "Je fais un travail de fourmi",
08:50 expliquiez-vous. C'est louable, mais en politique,
08:53 est-ce que ce n'est pas aussi une erreur
08:55 que d'être toujours dans l'ombre ?
08:57 Est-ce qu'il ne faut pas, à un moment, s'affirmer,
09:00 se montrer pour avoir un peu de poids dans les débats ?
09:03 -Je crois que c'est une micro-société,
09:05 le monde politique, et on ne peut pas tous prendre la lumière,
09:09 on n'a pas tous ce désir-là.
09:11 Moi, je ne fais pas partie de ces personnes-là.
09:13 Je pourrais aussi encore vous dire
09:15 que je n'ai pas d'ambition politique personnelle,
09:18 je n'attends pas de ministère ou de secrétariat d'Etat.
09:22 -Vous n'avez pas l'ambition de changer les choses.
09:25 -Mais je suis une députée de terrain,
09:27 et les choses, je les change, même si elles n'apparaissent pas
09:30 dans les vidéos TikTok, même si elles n'apparaissent pas
09:34 dans les émissions du soir.
09:35 On arrive à changer les choses
09:37 en étant une députée de terrain
09:39 et en remontant les sujets locaux à l'Assemblée.
09:42 -En 2017, vous avez déclaré...
09:44 "Je ne voterai jamais une loi avec laquelle je ne suis pas d'accord."
09:48 Un an plus tard, léger changement de ton,
09:51 vous avez expliqué...
09:52 C'est le métier qui est rentré, en quelque sorte ?
10:00 C'est l'apprentissage de la politique ?
10:02 -Il y a certainement de ça.
10:04 Et encore, là, je vous dis, quand on fait partie d'un groupe,
10:07 on y va, après, il y a toujours cette possibilité,
10:10 dans le jargon de l'Assemblée,
10:12 on dit qu'on a "piscine", quelquefois,
10:15 donc on est absent des votes.
10:17 -Vous avez appris un peu à vous fendre aussi
10:19 dans les codes de la politique à l'ancienne ?
10:22 -Oui. -C'est finalement...
10:24 -C'est un peu ça, mais d'un autre côté,
10:26 des lois, on en vote assez peu,
10:28 on vote énormément au cours d'une session,
10:30 mais des lois, il y en a relativement peu.
10:33 Donc on peut aussi ne pas voter des articles,
10:36 on peut ne pas voter des amendements,
10:38 c'est aussi une forme d'expression.
10:40 -Au législatif de 2022,
10:41 vous pouvez plus jouer la carte du renouvellement de l'inexpérience.
10:45 Vous étiez plus la vendeuse d'éclairs au chocolat
10:48 que la députée en fonction politique,
10:50 vous étiez la députée sortante.
10:52 L'expérience a du bon ?
10:54 Vous avez joué la carte de l'expérience ?
10:56 -J'ai joué la carte de l'expérience
10:58 et j'ai eu aussi en retour cette expérience,
11:01 c'est-à-dire que je n'étais plus regardée de la même façon
11:04 et j'étais vraiment la sortante.
11:06 Effectivement, ça aide beaucoup.
11:08 -On va passer à notre quiz.
11:10 Je vous explique le principe,
11:11 vous allez devoir compléter les phrases.
11:14 -Allez-y. -On y va.
11:15 Un bon député, c'est comme un bon chef pâtissier,
11:19 il doit...
11:20 -Il doit mettre la main à la pâte.
11:22 -Oui, et respecter...
11:24 Respecter le dosage des ingrédients, en politique.
11:27 -Oui, peut-être, mais on peut être aussi créatif.
11:30 -C'est vrai.
11:32 A l'Assemblée, tout est devenu plus simple quand j'ai compris que...
11:35 -Quand j'ai compris que...
11:38 On ne jouait pas sa vie à tous les moments.
11:41 -Parce qu'au début, vous aviez peur...
11:44 -C'était pas une peur, mais c'était vraiment...
11:47 Le rôle de députée est très important pour moi.
11:51 Porter, par exemple, une écharpe,
11:53 tous ces symboles-là...
11:55 -Ca pouvait vous paralyser dans votre action ?
11:57 -J'avais un tel respect, une telle image de ce rôle-là
12:01 que ça pouvait peut-être me déstabiliser.
12:04 -Enfin, deux mandats, ça va, trois mandats.
12:07 -Ah ! On verra.
12:09 -On verra. Bonjour les dégâts, pourquoi pas ?
12:11 -Pourquoi pas ? -Pourquoi pas ?
12:13 -Pourquoi pas ? -On suivra ça.
12:15 Merci, Brigitte Puzo, d'être venue dans "La Politique".
12:19 Générique
12:20 ...

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