À 69 ans, Nanni Moretti se plaît à se mettre en scène comme un cinéaste en pleine débâcle... un homme qui ne mesure pas combien son statut, son autorité et sa magie vacillent. "Vers un avenir radieux" est le film de toutes les crises : du couple, de la soixantaine finissante, du cinéma, de la gauche italienne...
Vous l'avez déjà vu ? Vous en avez pensé quoi ?
#nannimoretti #cinemaitaliano #déprime
Vous l'avez déjà vu ? Vous en avez pensé quoi ?
#nannimoretti #cinemaitaliano #déprime
Catégorie
🎥
Court métrageTranscription
00:00 Qui est-ce qu'on aurait envie de suivre dans un film qui s'appelle "Vers un avenir radieux" ?
00:03 Ben c'est Nani Moretti, évidemment.
00:06 Je veux quitter Giovanni, mais je n'y suis pas capable, je n'y arrive pas.
00:09 On parle de tout, de politique, de cinéma, de travail, de tout, sauf nous deux.
00:13 Je suis si fatigué, comme dit ma mère.
00:17 Exactement.
00:18 Je peux dormir ici, ce soir, sur le sol, tu vas bien ?
00:21 Ou tu as des affaires ?
00:22 Je vais bien.
00:23 J'ai les somnifères, les antidépressifs, la crème pour le visage, tu en as ?
00:27 Excusez-moi, mais les antidépressifs ?
00:28 Et comment fais-tu sans la crème pour le visage ?
00:30 C'est le retour de Moretti à sa zone de confort, on va dire, ce qu'il fait de mieux,
00:35 c'est-à-dire la comédie égotiste, où ça parle beaucoup de lui, forcément,
00:41 ça parle beaucoup de politique et ça parle beaucoup de cinéma aussi.
00:44 C'est un peu le vieux tonton, un peu ringard, mais qui le sait.
00:49 Et c'est ça qui est très passionnant dans le film et qui fonctionne vraiment bien,
00:52 c'est-à-dire qu'il se met en scène en homme largué, par l'époque, par la jeunesse,
00:58 par le cinéma, par sa femme.
01:00 Et c'est sur la partie où il est largué par le cinéma qu'il m'intéresse le plus,
01:03 c'est-à-dire qu'il en vient dans un geste très hellenien.
01:08 On pense notamment à la séquence de Danny Hall,
01:11 dans laquelle Woody Allen tirait de derrière une affiche un intellectuel américain,
01:17 McLuhan, pour le faire intervenir.
01:19 Et lui, Nanny Moretti, il va chercher Renzo Piano,
01:22 parce qu'il veut discuter de cinéma et d'esthétique,
01:25 et de questions éthiques et de questions d'art.
01:27 Et c'est toute cette interrogation-là d'un type qui dirait "ouais, je suis un vieux schnock"
01:31 et en même temps "j'ai envie d'en parler, j'ai envie de m'intéresser au cinéma qui vous intéresse
01:36 et de comprendre pourquoi vous avez, par exemple, cette adoration de la violence".
01:39 Et on a vraiment l'impression que le film s'adresse directement à Quentin Tarantino.
01:55 Dans le même temps, Nanny Moretti s'offre une fin tarantinesque,
01:59 c'est-à-dire quand l'histoire s'écrit avec déci.
02:02 Et si le Parti communiste italien avait fait le bon choix ?
02:05 Et si on avait été du bon côté de l'histoire ?
02:07 Et si on était avancés tous ensemble vers un avenir radieux et fraternel ?
02:12 Il y a aussi beaucoup de l'amour du cinéma de Moretti,
02:22 c'est-à-dire c'est le plaisir du film de retrouver ce vieil ami,
02:25 un peu attrabilaire mais si attachant,
02:27 et il joue beaucoup là-dessus.
02:29 Il est de beaucoup de plans du film, c'est le personnage principal,
02:32 et il fait du Moretti encore plus que d'habitude,
02:35 c'est-à-dire qu'il articule, il articule, on pourrait vraiment,
02:38 vraiment chaque syllabe, comme s'il fallait vraiment asséner sa pensée,
02:42 comme il le fait toujours, mais là il accentue encore un petit peu plus ça.
02:44 C'est très bavard, c'est très autoréférencé, ça pourrait être très agaçant,
02:48 un peu vieux schnock aussi, et ça passe parce qu'il y a vraiment de l'autodérision tout le temps.
02:52 Notre rendez-vous est confirmé chez Netflix.
02:55 Notre premier point de retour arrive à quel moment ?
02:58 62.
02:59 Trop tard.
03:00 Alors 35.
03:01 14.
03:03 12.
03:03 2.
03:04 2 trop près.
03:05 Cette parade emprunte de beaucoup de nostalgie,
03:08 et aussi emprunte d'un certain espoir malgré tout,
03:13 dans l'avenir du cinéma, menacé par plein plein de choses,
03:17 dont les plateformes, et Dieu sait que la Moretti va assez fort dans sa critique
03:21 des plateformes en général, et de Netflix en particulier.
03:24 Il y a vraiment une scène très très drôle,
03:26 où à bout de financement pour son film, il va chercher de l'argent,
03:30 oui on en a, c'est-à-dire chez Netflix, et se retrouve face à des jeunes décideurs d'aujourd'hui
03:35 qui parlent en neuf langues administrative, technique, incompréhensibles, mais ridicules.
03:40 Et on pourra dire "il exagère, il exagère",
03:42 je ne suis pas sûr qu'il exagère tant que ça en plus,
03:44 je crois que c'est assez proche de la réalité.
03:46 Et ça, ça marche beaucoup, malgré tout, c'est un film assez noir,
03:51 sur ce que peut arriver au cinéma, ce que peut arriver à l'opolitique,
03:54 et dans le même temps, un film plein d'espoir, plein de chaleur,
03:58 voilà, c'est un film de Moretti.
04:00 Vous avez aimé la virée en Vespa dans "Journal intime",
04:04 je pense que vous apprécierez tout autant la petite balade en trottinette électrique,
04:07 car il faut bien vivre avec son temps,
04:09 d'envers un avenir radieux, donc forcément, c'est très bien.
04:12 On est tellement contents de le retrouver vénère comme il est,
04:17 et puis c'est tellement bon de l'écouter parler italien,
04:20 donc pour moi, ses retrouvailles avec Nanni Moretti, c'est vraiment bien.
04:24 [Musique]