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French connection - Une histoire de famille
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00:00 (Bruit de moteur)
00:26 (Tirs)
00:29 (Bruit de moteur)
00:32 Le juge Pierre Michel a été tué aujourd'hui à 12h50 à Marseille par des inconnus circulant à motocyclette.
00:39 Aujourd'hui, Pierre Michel venait de quitter le palais de justice.
00:42 Il est rejoint par une autre moto sur laquelle sont assis deux jeunes hommes. L'un conduit, l'autre tient une arme.
00:46 Et c'est au moment où il ralentissait près de son domicile que les deux hommes ont ouvert le feu.
00:52 Le juge d'instruction Pierre Michel est atteint de trois balles de 11,43 dont deux à la tête. La mort est instantanée.
00:58 L'assassinat du juge Michel était un travail de professionnel, une commande.
01:02 Le juge Michel qui se savait menacer selon certains témoignages, travaillait sur des dossiers de trafic de drogue.
01:07 Le magistrat qui a déclaré la guerre à la French Connection vient de tomber.
01:11 Il était un adversaire redoutable pour le milieu.
01:14 (Bruit de moteur)
01:18 (Bruit de moteur)
01:21 (Bruit de moteur)
01:26 Au cours des années 60, les Etats-Unis sont gangrénés par le trafic de drogue.
01:32 On dénombre 150 000 toxicomanes.
01:36 Les autorités américaines sont dépassées.
01:40 80% de l'héroïne vient de France.
01:44 L'héroïne marseillaise est alors la meilleure du monde.
01:48 Pure à 98%, on se l'arrache.
01:52 Les trafiquants américains ont leur filière française.
01:57 Gage de qualité et de professionnalisme.
02:00 Ils ont leur French Connection.
02:04 En février 1971, le ministre de l'intérieur Raymond Marcellin rencontre la tournée générale des Etats-Unis, John Mitchell.
02:13 Ils signent ensemble un protocole d'accord de collaboration de leur police afin d'endiguer le trafic.
02:19 En août, les autorités américaines envoient en France un de leurs meilleurs représentants.
02:26 Ancien de la Navy, ancien directeur Europe du BNDD, le célèbre narcotique bureau américain,
02:32 l'organisme chargé de lutter contre le trafic de stupéfiants.
02:36 Cet homme a passé plus de 50 ans à lutter contre le trafic de drogue.
02:41 (Bruit de moteur)
02:45 John Cusack fut l'américain posté à Rome, Paris, puis Marseille, qui aida les autorités à lutter contre le trafic.
02:55 En 1971, à peine nommé, il accuse.
02:59 Et en première page.
03:02 Vous savez, c'était tellement scandaleux que je comprends que ça ait rendu dingue pas mal de gens au gouvernement.
03:10 (Musique)
03:15 Le gouvernement français était tellement énervé qu'il voulait que je quitte le pays dans les 24 heures.
03:21 Mais des personnes plus raisonnables sont intervenues et je pense qu'ils ont compris que je disais la vérité.
03:30 L'héroïne de la French Connection était la meilleure héroïne de contrebande au monde.
03:35 (Musique)
03:52 Lucien Aimé Blanc, commissaire divisionnaire, ancien chef de l'OCRB, l'office central de répression du grand banditisme,
04:00 est un ancien de la brigade des stups de Marseille, du temps où la French sévissait.
04:05 (Musique)
04:12 Les services du ministère à l'époque ont nié cette affaire parce qu'on se sentait un peu responsables.
04:19 Alors on a dit mais non, les américains exagèrent, etc.
04:22 Mais on savait qu'ils disaient la vérité.
04:24 Cusack n'y était pas allé, il avait le dos de la cuillère.
04:27 La vérité ça a été le détonateur et je pense qu'il a fait avec l'accord des autorités américaines au plus haut niveau.
04:33 Le département d'état a pensé que c'était une bonne idée de faire ces déclarations pour créer un peu d'action.
04:41 J'ai moi-même soutenu cette initiative.
04:45 Il faut dire que je n'avais pas le choix, c'était mes supérieurs.
04:50 En fait, John Cusack ne fait que répercuter le mécontentement que le président Nixon fait peser sur les services américains,
04:58 incapables de juguler le trafic aux Etats-Unis.
05:01 Très médiatique, John Cusack, après avoir accusé les autorités françaises,
05:06 va même jusqu'à citer les noms de gros trafiquants à la presse.
05:10 (Musique)
05:14 Dominique Venturi dit "Nick, grande intelligence en affaires".
05:17 Il obtient dès 1953 des marchés de la mairie de Marseille et se dote de nombreuses protections politiques.
05:24 Antoine Guérini, fils de berger corse, grand parrain de la pègre.
05:31 Avec son frère Barthélémy, dit "mémé", ils ont fait main basse sur Marseille.
05:35 Assassiné dans un règlement de compte en 1967, son clan lui a survécu.
05:43 Marcel Franzisi, résistant, médaillé, conseiller général RPR de Zicavo, en Corse.
05:50 C'est dans la drogue, les jeux et la politique qu'il a bâti sa notoriété.
05:54 Joseph Orsini, plus discret, ancien de la Carlingue, la Gestapo française.
06:03 Condamné à mort à la Libération, il a fui aux Etats-Unis et a monté une filière canadienne d'approvisionnement d'héroïnes.
06:11 D'après un rapport rédigé par deux députés américains,
06:14 ces quatre familles sont depuis dix ans au cœur de la production illégale d'héroïnes à Marseille.
06:40 Pendant ses années fastes pour la French Connection,
06:43 un homme a réussi à approcher et fréquenter les princes de l'héroïne.
06:47 Spécialiste des filières de la drogue,
06:57 Roger Colombani fut l'un des journalistes d'investigation les plus en contact avec ce qu'on a appelé "le milieu".
07:08 Je les ai tous connus et rencontrés, j'ai eu des conversations avec eux.
07:11 Les Guérini, c'était une famille de bergers de Calenzane,
07:16 famille d'extrême modestie qui touchait à la misère en Corse.
07:23 Ils avaient su tourner "Kazak" au bon moment pendant la guerre,
07:26 parce qu'ils avaient d'abord été pour la Gestapo, puis ensuite ils avaient changé de bord, changé de cap,
07:31 et ils étaient devenus des personnages assez puissants qui avaient la haute main sur les grosses affaires illicites marseillaises,
07:40 c'est-à-dire le trafic de la drogue, la prostitution, bon voilà quoi.
07:45 Les fantaisies ne jouaient pas du tout le côté mafieux,
07:50 c'était des hommes qui s'occupaient de maisons de jeux, d'affaires, etc.,
07:55 surtout Marcel, et c'était aussi des hommes qui se savaient très soutenus par le pouvoir de l'époque.
08:01 Venturi avait monté des entreprises qui travaillaient avec la ville de Marseille.
08:05 Il a été aidé avec les capitaux du milieu, il a des liens avec la municipalité,
08:12 veut jouer les honnêtes hommes et s'insurge lorsqu'on lui dit qu'il a quand même un passé de gangster.
08:19 Il est fiché au grand banditisme.
08:23 On trouve des corses parmi justement ce milieu-là,
08:26 parce que c'était des gens qui étaient dans une misère noire,
08:29 exactement comme les Italiens qui ont formé la Little Italy à New York,
08:34 comme les Irlandais qui étaient chassés par l'ostracisme anglo-saxon,
08:38 comme les Juifs qui représentaient exactement l'une des mafias de New York à cette époque-là.
08:45 Voilà, c'est la misère qui fait quelquefois le crime aussi.
08:50 Comment John Cusack en savait-il autant sur les familles ?
08:54 Pourquoi les autorités américaines semblent-elles si bien connaître le trafic ?
09:01 L'histoire commence aux États-Unis, 40 ans plus tôt, en 1930.
09:06 La révolte de la guerre de 1930,
09:09 qui a fait l'émergence de la guerre de 1930,
09:12 a été une épreuve de la vie de la population américaine.
09:15 La révolte de la guerre de 1930 a été une épreuve de la vie de la population américaine.
09:20 La révolte de la guerre de 1930 a été une épreuve de la vie de la population américaine.
09:25 L'histoire commence aux États-Unis, 40 ans plus tôt, en 1930.
09:30 La prohibition fait rage.
09:36 Le trafic est partout, ainsi que sa répression.
09:39 Le grand patron de la prohibition, chef de la mafia de New York,
09:51 l'homme qui a su transformer la mafia artisanale en un syndicat du crime puissant et organisé,
09:56 celui qui fait partie de la jeunesse de la French Connection,
09:59 se nomme Lucky Luciano.
10:02 Je l'ai rencontré en Apple, c'était un homme particulièrement taffable, bien élevé,
10:07 intelligent, vif.
10:09 Il ne s'appelait pas Luciano, il s'appelait Lucan.
10:14 Lucky était venu du fait qu'il avait été pris dans des fusillades énormes,
10:18 et il était toujours passé à travers. Et donc on l'appelait Lucky, le chanceux.
10:23 La chance sourit aux audacieux, mais avec Luciano, elle a fait son temps.
10:28 En 1936, après avoir passé 20 ans entre raquettes, proxénétisme et trafic en tout genre,
10:34 la tournée générale le condamne à plus de 30 ans de prison pour fraude fiscale.
10:39 Il est incarcéré à la prison de Denamora.
10:43 Mais un événement va contrecarrer les plans de la justice américaine.
10:47 Le 9 février 1942, le célèbre paquebot français, le Normandie,
10:57 utilisé comme transporteur de troupes, est détruit par un incendie.
11:01 Officiellement, on l'attribue aux nazis.
11:07 Officiellement, c'est un pays qui a été détruit par un incendie.
11:11 Officieusement, c'est une réalisation de Lucky Luciano, depuis sa prison,
11:16 pour convaincre l'armée de sa force et de ses moyens.
11:19 Alors que le Normandie gît comme un iceberg dans le port de New York, Luciano négocie.
11:28 Il veut se mettre au service des alliés en échange de sa libération.
11:34 L'armée dans un premier temps ne marche pas.
11:37 Mais en 1943, les Américains projettent un débarquement en Sicile.
11:42 De sa prison, Luciano et associés font appel à la mafia sicilienne.
11:53 Il va mobiliser la mafia pour aider les Américains à servir de guide,
11:58 se livrer à des travaux de sabotage, et même faire intervenir des femmes
12:03 pour retorner les Allemands le jour où l'alerte sera donnée,
12:06 afin qu'ils n'arrivent pas sur les lieux de débarquement à temps,
12:09 pour empêcher les Américains de débarquer.
12:11 Et donc, ils vont mener la guerre jusque sur le continent italien,
12:15 en aidant les alliés de façon extrêmement active.
12:18 Le débarquement allié en Sicile est une réussite.
12:21 Mais chaque marché a un prix.
12:23 Et le prix à payer, c'est la libération de Luciano.
12:26 Dix ans après avoir été incarcéré dans sa prison Grand Lux,
12:30 le bon appart de la drogue, qui devait être écroué au minimum pour 30 ans, est libéré.
12:35 Mais ce prisonnier est trop encombrant pour les autorités américaines.
12:39 Il est renvoyé dans son pays natal avec mission, si possible, de ne pas revenir.
12:43 En 1946, il embarque pour l'Italie.
12:47 Tous les parrains de la mafia sont là.
12:51 Ils sont là, ils sont venus, ils sont venus le saluer,
12:53 ils sont montés sur le pont, ils sont venus l'embrasser.
12:55 Et comme cela se passe naturellement dans un mariage ou à une cérémonie mortuaire,
13:01 on fait un cadeau.
13:03 Et chacun des parrains, en embrassant Lucio,
13:08 lui met tant une enveloppe que Luciano donne à l'un de ses sbires qui est derrière lui.
13:13 Et peu à peu, le tas des enveloppes se grossit.
13:18 Et quand le bateau lève l'encre, après avoir débarqué,
13:21 les parrains de la mafia emportent Luciano vers l'Italie.
13:26 Luciano, qui était censé partir sans un centime aux Etats-Unis,
13:31 est archi-millionnaire parce qu'on lui a versé là, dans ses enveloppes, des sommes considérables.
13:38 En arrivant à Naples, Luciano, qui est surveillé de près par les autorités italiennes,
13:43 tente de se faire oublier.
13:45 En 1947, il investit dans une fabrique de matériel chirurgical nommée Ciapparelli.
13:50 Ce n'est évidemment qu'une couverture.
13:53 Lucio Luciano rencontre Jorenoci.
13:59 Jorenoci, le gangster français, qui a une influence considérable dans les milieux politiques de l'époque.
14:05 Et ils décident ensemble d'abord de saisir tout le trafic des petits bateaux en Méditerranée
14:12 et d'utiliser ces bateaux pour un trafic, mais un trafic qui serait organisé.
14:18 À partir du port de Tangier, qui demeure un des rares ports libres de la Méditerranée,
14:22 Lucio Luciano et Jorenoci arraisonnent les bateaux d'approvisionnement à destination de l'Europe
14:27 et revendent les marchandises au marché noir.
14:30 Cigarettes, banilons, produits de première nécessité.
14:33 Le vieux continent manque de tout, les affaires sont juteuses.
14:37 Mais à 1000 kilomètres de là, un événement imprévu va interrompre le trafic florissant de Luciano.
14:47 Une autre pègre va faire parler d'elle.
14:50 Marseille, novembre 1947.
14:56 Suite à un mécontentement social grandissant, une grève éclate avec les dockers en tête.
15:02 Des manifestants s'en prennent au bien du clan Guérini.
15:06 À la Libération, Antoine et Barthélémy sont sortis auréolés de leur choix de la résistance.
15:14 Barthélémy a même été décoré de la croix de guerre pour fait d'armes.
15:17 Bien installés sur le vieux port, ils ont ouvert de nombreux établissements,
15:21 bordés les boîtes de nuit, symboles d'argent facile et de marché noir,
15:24 ce qui agace les grévistes.
15:26 Les dockers veulent en découdre avec le milieu.
15:29 La boîte de nuit était occupée par des grévistes dockers
15:34 qui étaient en train de tout casser dans la boîte de nuit.
15:37 Guérini va prendre d'assaut sa propre boîte de nuit,
15:40 tirer les coups de revolver et tuer un jeune garçon gréviste.
15:44 Le jeune Vincent Voullant est abattu.
15:46 Les manifestants ont vu les Guérini tirés dans la foule.
15:49 Mais devant le juge, il y a des amnésies subites.
15:53 La grève s'étend au niveau national.
15:56 Elle inquiète le milieu car elle bloque l'ensemble des trafics.
15:59 La grève préoccupe aussi le gouvernement américain.
16:03 La CIA craint que les communistes ne prennent le contrôle de toutes les activités du port
16:08 et ne viennent bloquer le tout fraîchement élaboré plan Marshall.
16:11 La CIA tente une partie en deux coups.
16:16 Tout d'abord, elle va utiliser la gauche pour lutter contre la gauche.
16:21 Elle va se servir du syndicaliste américain Irvin Brown
16:24 qui va encourager à coups de milliers de dollars des services secrets
16:27 une scission au sein de la toute puissante CGT
16:30 qui se scindera en CGT et force ouvrière.
16:36 FO est un syndicat dit libre, socialiste, anticommuniste
16:40 qui sera acquis à la reprise du travail et à l'idée du plan Marshall.
16:44 Deuxième coup, la CIA réalise que la grève génocide le milieu.
16:52 Ses agents vont donc fournir argent et armes aux gangs de Marseille
16:55 pour qu'ils cassent la grève.
16:57 Les hommes des Guérini ne vont pas faire dans le détail.
17:01 La grande technique c'était sur le terrain que ça se passait
17:04 parce qu'en définitive avec les dockers, c'était comme on dit à Marseille,
17:08 à la castagne.
17:10 La castagne étant quelquefois prolongée d'un bâton ou d'un revolver.
17:14 Après 30 jours de grève et d'affrontements musclés,
17:18 la CIA remporte la partie.
17:20 Marseille, la tête de pont du plan Marshall en Europe,
17:24 peut reprendre son activité.
17:26 Les frères Guérini s'affirment comme les véritables maîtres
17:29 de la pègre marseillaise.
17:31 Mais la maîtrise des docks n'est pas encore totale.
17:34 1947 n'est que la répétition générale de ce qui va se passer 3 ans plus tard.
17:38 En 1950, le conflit indochinois s'enlise.
17:48 Les victimes sont toujours plus nombreuses.
17:51 Le bateau Le Pasteur revient chargé de jeunes soldats morts au combat.
17:54 Les dockers réagissent.
18:01 Le bateau Le Pasteur est un des bateaux les plus chers.
18:04 Il est le bateau le plus cher du monde.
18:06 Il est le bateau le plus cher du monde.
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19:20 Il est le bateau le plus cher du monde.
19:22 Il est le bateau le plus cher du monde.
19:24 Nous avons dit, pour les aider,
19:26 nous allons refuser d'embarquer des armes pour le Vietnam.
19:28 Pour sauvegarder la vie de nos soldats,
19:30 de nos jeunes soldats.
19:32 On a dit comme ça, sans armes, la guerre va s'arrêter.
19:34 Jusqu'au jour où ils ont pris la décision
19:36 de licencier 800 dockers.
19:38 Tous ceux qui ont enregistré,
19:40 qui ont participé à ces mouvements,
19:42 nous avons dit, en soutien de nos 800 camarades
19:44 licenciés du port, nous faisons grève générale
19:46 sur le port, et ça a été la fameuse grève de 1950.
19:48 et ça a été la fameuse grève de 1950.
19:50 Le 10 mars 1950,
19:52 Les 4000 dockers de Marseille se mettent en grève.
19:54 Les 4000 dockers de Marseille se mettent en grève.
19:56 Vite suivi au niveau national,
19:58 ils seront 35 000 de semaines plus tard
20:00 à bloquer l'ensemble des ports de France.
20:02 Là encore,
20:06 le gouvernement américain,
20:08 les politiques,
20:10 l'Ukulele Chiano et le clan Guérini ont un objectif commun.
20:12 Mettre fin à cette grève.
20:14 Ils vont tout faire pour la briser.
20:16 Ils ont fait sortir des prisons,
20:20 des voyous,
20:22 des voyous, des gangsters emprisonnés,
20:24 avec la promesse naturellement de leur libération.
20:26 Ils ont été libérés
20:28 pour organiser ces équipes de briseurs de grève.
20:30 Les services secrets US rôdent encore sur les docks.
20:34 Thomas Braden,
20:36 l'ancien directeur du département des affaires internationales
20:38 de la CIA,
20:40 déclarait en 1967.
20:42 C'est moi qui ai eu l'idée de donner 15 000 dollars
20:44 à Irving Brown.
20:46 Il en avait besoin pour payer ses escouades
20:48 de gros bras des ports de la Méditerranée
20:50 afin que les cargaisons américaines
20:52 puissent être déchargées
20:54 en dépit de l'opposition des dockers communistes.
20:56 Après avoir divisé la CGT,
21:02 Irving Brown, le syndicaliste
21:04 made in CIA,
21:06 paye et casse la grève à l'aide de gros bras
21:08 qui étaient en l'occurrence les sbires des clans Guérini,
21:10 Franz Sisi et Venturi.
21:16 Peu à peu, tout cela a,
21:18 en quelque sorte, découragé
21:20 les combattants aussi.
21:22 Les combattants, enfin, les dockers
21:24 qui ont compris que la partie
21:26 de toute façon,
21:28 à long terme, serait perdue.
21:30 Après 40 jours de grève,
21:32 les docks sont libérés,
21:34 et durablement, cette fois.
21:36 Le succès du milieu est total.
21:38 Les bateaux repartent
21:40 vers l'Indochine
21:42 et les politiques reconnaissants
21:44 déclarent les trafics.
21:46 A Naples,
21:48 Loki Luciano, qui n'a assisté que de loin
21:50 aux événements, ne peut que s'en réjouir.
21:52 Il trouve à Marseille une pègre puissante
21:54 qui maîtrise les docks
21:56 et qui plus est, a des appuis politiques.
21:58 Ses trafics vont enfin pouvoir reprendre.
22:00 Luciano s'associe avec la filière Corse
22:06 et notamment avec les Venturi et Franz Sisi
22:08 sous le haut patronage d'Antoine Guérini,
22:10 alors grand parrain de la pègre marseillaise.
22:12 Une rencontre décisive
22:14 qui sera à l'origine
22:16 d'un des plus grands trafics de l'histoire.
22:18 Les équipes de Luciano
22:20 vont convoyer la morphine base
22:22 issue de l'opium, de l'Indochine,
22:24 du Moyen-Orient et surtout
22:26 de Turquie jusqu'à Marseille,
22:28 où les labos du milieu la transforment en héroïne.
22:30 Elle est ensuite exportée vers les Etats-Unis.
22:34 C'est à cette période que la pègre marseillaise
22:38 s'entoure d'un nouveau venu,
22:40 Joseph Césari, ou Monsieur Joe.
22:42 Ce chimiste hors pair
22:44 parvient à mijoter dans des laboratoires
22:46 de fortune une héroïne pure à 98%.
22:48 Une qualité jamais atteinte
22:50 qui fait de la marseillaise
22:52 la meilleure héroïne au monde.
22:54 La cité fosséenne devient le laboratoire
23:04 d'héroïne des Etats-Unis.
23:08 La French Connection est lancée.
23:10 Les années 50 et 60 sont florissantes
23:22 pour les familles.
23:24 La French Connection prospère.
23:26 En 1953,
23:32 Dominique Venturi crée une entreprise
23:34 de travaux publics, la CEGM,
23:36 et empochera pendant près de 30 ans
23:38 un grand nombre de marchés municipaux
23:40 de la ville de Marseille.
23:42 Son frère Jean est responsable
23:46 de la société Ricard au Canada
23:48 et assure une filière canadienne de l'héroïne.
23:50 Marcel Franzisi, le joueur,
23:54 est surnommé Mister Héroïne
23:56 par la presse américaine.
23:58 Il est lié au SAC, le service d'action civique,
24:00 une police parallèle,
24:02 lié au Parti Gaulliste,
24:04 qui ne fait que des services secrets
24:06 que dans le milieu de la pègre.
24:08 Propriétaire de salles de jeux en France
24:10 et en Angleterre,
24:12 il migre quelques affaires sur Paris
24:14 où il s'offre même le Fouquet's,
24:16 le Cercle Haussmann,
24:18 où le gratin vient flamber.
24:20 Antoine et Mémé Guérini
24:22 sont les juges de paix du milieu.
24:24 Leur quartier général n'est autre
24:26 que l'hôtel méditerranée situé
24:28 sur le Vieux-Port.
24:30 Grand parrain,
24:32 il est un des plus grands
24:34 de la France.
24:36 - C'était une époque où Alain Delon
24:38 et Nathalie Delon fréquentaient
24:40 un peu tous ces gens-là.
24:42 Et aussi ces gens-là recherchaient
24:44 aussi la fréquentation de vedettes
24:46 parce que ça leur permettait
24:48 de s'installer dans la société de l'époque.
24:50 Mémé, c'était le chargé
24:52 de relations publiques.
24:54 C'était lui qui recevait.
24:56 Il avait le whisky et le pastis facile.
24:58 Et c'était des gens plutôt affables
25:00 qui avaient la poignée de main facile
25:02 et qui discutaient ouvertement
25:04 des affaires du moment.
25:06 Pas dès l'heure, mais des affaires du moment
25:08 en disant "ah ben de notre point de vue,
25:10 c'est comme ça ou comme ça".
25:12 - Le milieu prend ses aises
25:14 à Marseille.
25:16 Gaston de Fer, l'inamovible maire,
25:18 règne depuis 1953
25:20 et ne semble pas s'en soucier.
25:22 C'est tout naturel.
25:24 L'éventurier Guérini n'était pas moins
25:26 que ses gardes du corps et colleurs d'affiches.
25:28 (musique)
25:30 Ses complicités politiques
25:40 procurent à Marseille
25:42 un rôle unique de plaque tournante
25:44 dans tous les trafics.
25:46 (bruit de vent)
25:48 En ce début des années 70,
25:56 les autorités américaines
25:58 ne se trompaient pas.
26:00 Le scandale de John Cusack
26:02 orchestré par le département d'Etat
26:04 a l'effet escompté.
26:06 Paris, qui faisait la sourde oreille,
26:08 n'a plus le choix.
26:10 La presse s'est emparée du sujet brûlant
26:12 et découvre que la consommation de drogue
26:14 en France, qui était marginale dans les années 60,
26:16 explose en ce début des années 70.
26:18 - Si vous voulez, on n'avait pas pris la mesure, nous,
26:24 de la dimension de ce trafic
26:26 et les services de ces péfilants
26:28 étaient un peu considérés comme des parents pauvres
26:30 parce que, vous comprenez,
26:32 un gros braquage dans Marseille,
26:34 ça a secoué les médias,
26:36 mais le trafic de ces péfilants, ça restait
26:38 quelque part confidentiel.
26:40 Le problème qui a surgi, c'est que lorsque ces trafiquants,
26:42 au lieu de continuer,
26:44 comme les anciens,
26:46 à approvisionner l'Amérique dans des filières
26:48 relativement confidentielles,
26:50 se sont mis à vendre
26:52 de l'héroïne dans les villes françaises.
26:54 - C'est à ce moment qu'ils ont compris la situation.
26:56 En 1971,
27:00 c'était la seule période où j'ai vu des drogués
27:02 ici à Marseille.
27:04 J'ai travaillé ici à Marseille
27:06 et je n'avais jamais vu de drogués.
27:08 Mais en 1971, j'en voyais,
27:10 des héroïnomanes, juste là.
27:12 - On avait identifié, identifié,
27:16 pas détecté, on le savait,
27:18 on avait identifié à peu près
27:20 2500-3000 consommateurs
27:22 d'héroïne rien qu'à Marseille.
27:24 - 4000 points, c'est pas à moi, c'est à...
27:26 - Oui, mais lui avait acheté le paquet.
27:28 - A moi? Je n'étais pas avec lui.
27:30 - Je vous ai vu tous les 4 ans.
27:32 - Je l'ai acheté.
27:34 - 4000 points, c'est la préparation d'un petit sachet.
27:36 Ça ne veut pas dire que c'est pour ta consommation personnelle.
27:38 - Depuis combien de temps que tu te drogues?
27:40 - Trois ans.
27:42 - Tu l'as envoyé depuis trois ans?
27:44 - Oui.
27:46 - Tu l'as piqué ou toujours par poison hasard?
27:48 - Oui, comme un jour.
27:50 - Tu l'as piqué ou autre chose?
27:52 - Comme un autre matin.
27:54 - Donc Marcelin, qui était pas...
27:56 qui était un très bon ministre intérieur,
27:58 qui avait les pieds sur terre,
28:00 avait bien compris qu'on était acculé,
28:02 qu'il fallait faire quelque chose.
28:04 Du jour au lendemain, on nous a donné tous les moyens qu'il fallait.
28:06 Des voitures rapides, des écoutes téléphoniques,
28:08 de la disponibilité et même des...
28:10 des crédits qui provenaient des fonds secrets.
28:12 - L'effectif de la brigade des stupéfiants de Marseille
28:16 passa de 8 en 1969
28:18 à 77,
28:20 deux ans plus tard.
28:22 Des deux côtés de l'Atlantique,
28:28 la collaboration entre Truand
28:30 accélère une collaboration policière.
28:32 Plusieurs rencontres internationales
28:34 sont mises en place.
28:36 - C'était plus qu'une simple collaboration.
28:42 Nous travaillions main dans la main.
28:44 On ne travaillait jamais seul.
28:46 - Il nous donnait tous les renseignements
28:48 qu'il pouvait recueillir.
28:50 En même temps, s'il voulait,
28:52 il n'hésitait pas à nous fournir
28:54 un apport financier important pour payer les informateurs.
28:56 À cette époque-là, un accord avait les Américains.
28:58 Quand on avait un informateur,
29:00 pour crédibiliser l'informateur,
29:02 on lui couvrait un transport de drogue
29:04 à destination d'Amérique.
29:06 Il y avait l'accord des douanes françaises,
29:08 de la police de l'air des frontières
29:10 et puis l'accord des pays réceptionnaires,
29:12 que ce soit les Américains ou les Canadiens.
29:14 Au 3e passage,
29:16 lorsqu'on avait pratiquement tous les éléments
29:18 pour faire tomber le réseau,
29:20 on intervenait.
29:22 Il est évident que ces méthodes,
29:24 ce n'est pas moral,
29:26 puisqu'on laissait partir de la cam'
29:28 dans les bras des jeunes quilles.
29:30 Mais de toute façon,
29:32 même si on ne l'avait pas fait,
29:34 cette héroïne serait partie quand même
29:36 par des canaux qu'on n'aurait pas sus.
29:38 Et donc, finalement,
29:40 on est arrivé à des bons résultats,
29:42 à des résultats positifs par des méthodes,
29:44 c'est clair, qu'on peut appeler de basse police,
29:46 mais je crois que
29:48 c'est des méthodes de police tout court.
29:50 À la fin de l'année 1971,
29:54 pour se calquer sur le modèle américain,
29:56 les peines de réclusion passèrent
29:58 de 5 ans à plus de 20 ans
30:00 pour les trafiquants de drogue.
30:02 Ces images du Narcotics Bureau américain
30:04 montrent l'arrestation en plein New York
30:06 de deux trafiquants français,
30:08 s'apprêtant à livrer de la marchandise.
30:10 Ces enregistrements vidéos servaient de preuve
30:14 aux autorités américaines dès les années 60
30:16 et permettaient parfois de convaincre un jury.
30:18 À cet arsenal s'ajoute
30:24 une politique dite du "Repenti".
30:26 Pour eux c'était simple, ils disaient aux détenus
30:30 "Mon cher ami, vous expliquez tout,
30:32 ou alors vous avez 30 ans de prison
30:34 avec les portoriquains dans un pénitentiaire très dur,
30:36 ou si vous parlez,
30:38 vous aurez 3 ans dans une résidence surveillée
30:40 au bord de la mer si vous voulez,
30:42 si vous voulez jouer du piano,
30:44 on vous donnera un piano,
30:46 la nourriture que vous souhaitez,
30:48 à la sortie vous aurez des faux papiers,
30:50 le système de protection des témoins."
30:52 Il est évident que ce schéma a été
30:54 colossalement ressenti
30:56 par les voyous marseillais
30:58 qui n'étaient pas habitués à ça.
31:00 On a ouvert un poste en New York
31:02 où il y avait trois fonctionnaires
31:04 qui suivaient les déclarations
31:06 et qui nous les communiquaient immédiatement.
31:08 Et grâce aux révélations,
31:10 un gars comme Berdin a fait arrêter 40 personnes.
31:12 Le 23 septembre 1970 à New York,
31:18 Richard Berdin,
31:20 un trafiquant d'héroïne française, fut arrêté.
31:22 Il attendait la livraison
31:24 d'un véhicule par bateau.
31:26 Une fois démonté,
31:28 on y découvrit 90 kilos d'héroïne pure.
31:30 Berdin dénonça son réseau
31:32 en échange de protections et d'anonymat.
32:00 Si des Français sont si fortement impliqués
32:02 dans le trafic international,
32:04 si les meilleurs chimistes sont à Marseille,
32:06 si Marseille est la capitale mondiale
32:08 de l'héroïne, c'est qu'il y a
32:10 des filières, des racines,
32:12 des antécédents historiques dont il faut se souvenir.
32:14 La France n'a pas un passé
32:16 des plus glorieux concernant l'opium.
32:28 En 1978, alors que le Vietnam
32:30 fait partie de l'Empire français,
32:32 le futur président de la République, Paul Doumer,
32:34 alors gouverneur général de l'Indochine,
32:36 décide de créer un monopole d'État
32:38 de l'opium dans le Sud,
32:40 sous forme de régie générale.
32:42 Charles Fourneau,
32:48 historien et écrivain, est spécialiste
32:50 de l'histoire du Vietnam.
32:52 -Doumer institue
32:54 un ensemble de régie
32:56 qui porteront
32:58 sur le sel et l'alcool,
33:00 mais aussi sur l'opium.
33:02 Par conséquent, c'est l'administration
33:04 elle-même qui achète
33:06 l'opium, le fait préparer
33:08 et vend l'opium.
33:10 Un tiers des recettes
33:12 du budget du gouvernement général
33:14 est fourni par l'opium.
33:16 On a ce spectacle
33:18 qui a révolté pas mal de fois
33:20 des voyageurs français
33:22 qui arrivaient pour la première fois en Indochine
33:24 dans un village, dans une petite ville.
33:26 Le seul endroit
33:28 où il y a un drapeau français,
33:30 c'est la maison qui distribue l'opium
33:32 dans la région.
33:34 -Doumer fait même construire à Saigon
33:36 une raffinerie d'opium, moderne,
33:38 à haut rendement.
33:40 Durant les 4 premières années de son mandat,
33:42 ces réformes accruent de 50%
33:44 les bénéfices produits par l'opium.
33:46 Pour la première fois en 10 ans,
33:48 les finances des autorités coloniales
33:50 enregistrèrent un excédent.
33:52 -En 1906,
33:54 un accord international
33:56 a été solennellement conclu
33:58 disant que tout un chacun
34:00 ferait en sorte
34:02 que le trafic de l'opium
34:04 soit supprimé.
34:06 Une fois ces belles décisions
34:08 prises sur le plan international,
34:10 le gouverneur général
34:12 de l'Indochine a répondu
34:14 au gouvernement métropolitain
34:16 "C'est bien gentil votre affaire,
34:18 mais que devient mon budget ?"
34:20 Et par conséquent, il lui a été répondu
34:22 "Bon, vous continuez."
34:24 -La diplomatie française
34:26 appuyait les efforts internationaux
34:28 pour supprimer le trafic d'opium
34:30 alors que le gouvernement général d'Indochine
34:32 continuait en partie à vivre
34:34 sur les recettes de l'opium.
34:36 Jusque dans les années 40,
34:42 des marins trafiquants
34:44 font arriver l'opium à Marseille.
34:46 C'est l'âge d'or du trafic.
34:48 Nombre d'écrivains, artistes, poètes
34:50 y trouvent une source intéressable
34:52 d'inspiration.
34:54 Deux hommes,
35:02 François Spirito et Paul Bonaventure Carbone,
35:04 véritables chefs qui dominent Marseille,
35:06 ont leurs entrées à la mairie.
35:08 Rien ne leur échappe.
35:10 Au très lucratif marché de la ville
35:12 s'ajoutent leurs activités traditionnelles.
35:14 Prostitution, boîte de nuit et lieu de plaisir,
35:16 hold-up, raquettes,
35:18 mais aussi trafic de drogue.
35:20 Spirito organise même une des premières
35:22 filières d'héroïne vers les États-Unis.
35:24 Spirito et Carbone sont les premiers grands parrains de Marseille.
35:28 "Les piliers du bidet, ils en...
35:30 Marseille.
35:50 Ici, tout de suite, c'est l'ovation.
35:52 Après le premier salut officiel,
35:54 c'est la descente vers ces rues
35:56 où se pressent un million d'hommes,
35:58 de femmes, d'enfants,
36:00 qui de toutes leurs voix acclament le chef,
36:02 qu'ils veulent suivre
36:04 et qu'ils peuvent aimer."
36:06 De son côté, le régime de Vichy
36:16 continue, malgré les pressions internationales,
36:18 à commercialiser l'opium
36:20 dans ses colonies d'Indochine.
36:24 Une part non négligeable de son budget
36:26 est issue de la production d'opium
36:28 qui passe de 7,5 tonnes en 1940
36:30 à plus de 60 tonnes en 1944.
36:32 Soit une production huit fois plus grande
36:36 en l'espace de quatre ans.
36:38 Cela suffisait pour garantir
36:40 un approvisionnement aux quelques 100 000
36:42 toxicomanes indochinois
36:44 et produire une augmentation régulière
36:46 des revenus du gouvernement.
36:48 [Musique]
36:50 Lorsqu'en 1945, la France est libérée,
37:08 les services secrets tout juste remaniés
37:10 vont malheureusement, avec la guerre d'Indochine,
37:12 être compromis dans le trafic d'opium.
37:14 [Musique]
37:16 En 1946, l'Indochine
37:32 est encore une colonie française.
37:34 Sous la pression internationale,
37:38 le gouvernement décide d'y supprimer
37:40 la consommation et la vente légale d'opium.
37:42 Mais les services secrets
37:44 ne sont pas de cet avis.
37:46 Et l'opération X va être élaborée.
37:48 Pour contrer le vietmine communiste,
37:52 les services secrets français montrent le GCMA,
37:54 littéralement
37:56 "Groupement de commandos mixtes aéroportés".
37:58 Ce corps d'élite forme des tribus
38:02 des hauts plateaux du Laos, à la lutte
38:04 et au maquis.
38:06 Saut en parachute, contre-guérilla,
38:08 mission de sabotage en tout genre,
38:10 de délimement d'armes et d'explosifs.
38:12 Parmi les tribus formées se trouvent
38:14 les méos, paysans
38:16 et cultivateurs d'opium.
38:18 Alors que le gouvernement vient de signer un décret
38:22 ayant pour but de supprimer la production,
38:24 la vente et la consommation d'opium
38:26 en Indochine, le GCMA,
38:28 à travers l'opération X,
38:30 va pourtant acheter l'opium des méos
38:32 pour les garder dans le giron français.
38:34 [Musique]
38:40 Mais le GCMA va aussi revendre
38:42 cet opium à des trafiquants de Saigon
38:44 pour en tirer des bénéfices
38:46 qui serviront à l'effort de guerre.
38:48 Une note de mars 1953
38:54 prouve que suite à une
38:56 perquisition, plus de 1500
38:58 kilos d'opium sont trouvés dans une cantine
39:00 du GCMA.
39:02 Cela ne représentait qu'une quantité
39:04 résiduelle. Le trafic
39:06 apportait sur plusieurs dizaines de tonnes.
39:08 Le colonel Trinquier,
39:12 expert en contre-guérilla,
39:14 commandant responsable des maquisards,
39:16 révélait quelques années plus tard.
39:18 L'argent de l'opium finança
39:20 les maquis du Laos.
39:22 Un DC3 acheminait la drogue.
39:24 L'argent placé servait à réapprovisionner
39:26 en vivres et en armes les guérillas.
39:28 Bien sûr, nous taisions ces pratiques.
39:30 Nous n'en parlions pas aux autorités d'Hanoï,
39:32 moins encore à celles de Paris.
39:34 En l'espace de quelques années,
39:40 le gouvernement stoppa
39:42 effectivement son monopole sur l'opium.
39:44 Mais à travers l'opération X,
39:46 ce sont les services
39:48 secrets français qui s'en emparèrent.
39:50 [Musique]
39:52 Services secrets,
40:06 politiciens, truands,
40:08 tous ont été impliqués dans le commerce de l'opium,
40:10 contribuant à faire de la France
40:12 une zone de transit
40:14 de la marchandise et de Marseille,
40:16 capitale coloniale de l'Empire,
40:18 un laboratoire de transformation
40:20 mondialement réputé.
40:22 Les laboratoires n'étaient pas
40:32 dans des sites commerciaux.
40:34 Ils étaient habituellement dans de belles villas
40:36 dans la périphérie.
40:38 Et en général, il y avait
40:40 un vieux couple marié dans la maison,
40:42 avec un beau grenier
40:46 qui pouvait faire sécher l'héroïne.
40:48 Ils appréciaient aussi les garages
40:50 où les véhicules pouvaient entrer.
40:52 Ils pouvaient fermer la porte
40:54 et décharger tous les produits chimiques.
40:56 Moi, j'ai jamais eu la chance de faire un labo
41:00 en flagrant délit, mais c'était le fin du fin.
41:02 Mais ce n'était pas suffisant,
41:04 parce que dans le laboratoire, finalement,
41:06 vous arrêtez le chimiste et son aide.
41:08 Mais en vérité,
41:10 il fallait aussi démanteler les réseaux.
41:12 Je me suis vu détecter un box
41:14 où on pensait qu'il y avait de l'héroïne.
41:16 On n'allait pas planquer trois semaines
41:18 pour savoir s'il y avait de l'héroïne
41:20 et si les gens allaient venir la chercher.
41:22 Alors qu'avec ce qu'on faisait,
41:24 on ouvrait le box.
41:26 On avait des services spécialisés
41:28 dans les ouvertures de serrure.
41:30 Donc on ouvrait le box.
41:32 S'il y avait de la cam,
41:34 on attendait que quelqu'un vienne la chercher.
41:36 Si on estimait utile, on l'arrêtait.
41:38 Si on estimait qu'il n'était plus rentable
41:40 de laisser partir, de le suivre,
41:42 pour aller plus loin,
41:44 tous les moyens étaient bons.
41:46 C'était des moyens illégaux.
41:48 Le seul problème, c'est de ne pas se faire attraper.
41:50 Pas vu, pas pris.
41:52 En 1972,
41:56 la police française remporta de nombreux succès
41:58 dans sa tentative d'éradication
42:00 de l'industrie marseillaise de l'héroïne.
42:02 Le 29 février,
42:04 les douanes arraisonnent le bateau,
42:06 le caprice détend.
42:08 Une cache est découverte dans le lest du bateau.
42:10 Plus de 425 kilos d'héroïne sont saisis,
42:12 ce qui représentait alors
42:14 la plus grosse prise mondiale d'héroïne pure
42:16 jamais réalisée.
42:18 Joseph Cesari,
42:22 le chimiste favori de la French Connection,
42:24 tombe aussi.
42:26 Il se fait arrêter au mois de mars 1972
42:28 et est condamné à 20 ans de prison.
42:30 Il se suicidera dans sa cellule.
42:34 Cette même année,
42:38 le nombre de clandestins sans découvert
42:40 soit plus qu'au cours de la dernière décennie.
42:42 Cette série de prises et d'arrestations
42:46 qui tentent à prouver l'efficacité
42:48 de la collaboration entre les polices
42:50 ne met cependant pas fin au trafic.
42:52 Ils produisaient un tel volume
42:56 que nous faisions plus de prises.
42:58 Ils prenaient davantage de risques,
43:02 on avait alors plus de chances
43:04 de saisir de la marchandise.
43:06 Il y avait un risque de 5 à 15 %
43:08 qui était saisi.
43:10 Mais ce n'est pas parce que nous saisissions
43:14 de la marchandise que la production s'arrêtait.
43:16 Le seul moment où c'est vulnérable,
43:24 c'est lorsque ça pousse dans la terre.
43:26 C'est planté dans des champs
43:28 et ça ne bouge pas pendant environ 6 mois.
43:30 Et c'est là qu'il faut la saisir.
43:32 80 % de l'opium transformé en héroïne
43:34 à Marseille provenait de Turquie.
43:36 John Cusack eut l'idée de faire pression
43:38 sur le gouvernement turc
43:40 pour faire cesser la production illicite d'opium.
43:42 J'ai travaillé en solo sur ce projet
43:48 pendant environ un an et demi.
43:50 Et en 1967, ils ont accepté
43:54 d'arrêter la production d'opium
43:56 envers les policiers de la région.
44:00 Ils ont accepté d'arrêter la production d'opium
44:02 en l'espace de 5 ans.
44:04 Ainsi, en 1972,
44:10 eut lieu la dernière récolte d'opium en Turquie.
44:12 Et pendant quelques années,
44:18 l'offre d'héroïne aux États-Unis
44:20 était en régression.
44:22 Malgré ces mesures,
44:28 l'Opium Collections sut s'approvisionner
44:30 via d'autres canaux.
44:32 Le Vietnam devint son principal fournisseur d'opium.
44:34 Puis la mondialisation du trafic,
44:36 de ses sources, de ses consommateurs,
44:38 créa de facto d'autres filières.
44:40 Des concurrents très sérieux apparurent
44:44 et mirent en difficulté nos 4 familles.
44:46 Vous n'avez plus la même activité criminelle
44:52 quand vous avez 45, 50 ans,
44:54 quand vous en avez 70.
44:56 C'est peut-être des jeunes,
44:58 comme le Belge à l'époque,
45:00 les jeunes loups dans l'ongue.
45:02 Les règlements de comptes,
45:04 c'est une façon de se faire une place au soleil.
45:06 Et les choses ont changé.
45:08 Et peu à peu,
45:10 ces familles-là ont perdu de leur influence.
45:12 Le clan Guérini fut le premier à sombrer.
45:16 Trop puissant,
45:18 il ne s'était pas adapté
45:20 aux changements structurels du milieu.
45:22 La chute commença dès 1967.
45:24 (tirs)
45:26 Antoine, le parrain,
45:34 est abattu dans une station-service.
45:36 Pendant l'enterrement,
45:38 un petit truand de Besançon,
45:40 Claude Mondroyan,
45:42 accompagné d'un complice espagnol,
45:44 cambriole la villa familiale.
45:46 - Quand Mémé découvre
45:50 qu'on vient de voler sa maison,
45:52 il entre dans une colère folle.
45:54 Lui, attaché à la presse de la bande,
45:56 il mobilise ses frères
45:58 et dit "on nous a insultés".
46:00 On fait venir donc Mondroyan.
46:02 Mémé arrive,
46:04 on va lui faire faire un tour,
46:06 un peu découvrir les environs.
46:08 Et ils vont amener le malheureux Mondroyan
46:10 qui ne se doute absolument pas de ce qui va lui arriver.
46:12 Ils partent évidemment dans un circuit habituel
46:14 des voyous marseillais.
46:16 Quand ils veulent se débarrasser de quelque chose qui les gêne,
46:18 et notamment d'un cadavre,
46:20 ils se débarraillent, c'est-à-dire sur les falaises de Cassis.
46:22 Et là, ils jettent le cadavre.
46:24 Malheureusement, le corps reste accroché
46:26 très près
46:28 de terre pleine où la voiture s'est arrêtée.
46:30 Et on le découvrira
46:32 dès le lendemain matin.
46:34 Dès le lendemain matin, on saura que c'est Mémé Guérini
46:36 et sa bande qui ont tué Mondroyan.
46:38 Et Mémé commencera
46:40 à entrer dans les ennuis à ce moment-là.
46:42 - Le 4 août 1967,
46:46 la police débarque dans le club de Mémé
46:48 et l'arrête,
46:50 ainsi que ses gardes du corps.
46:52 La chute du clan Guérini
46:54 est amorcée.
46:56 Pour Marcel Francisi, le joueur,
47:00 rien ne va plus.
47:02 Il est rattrapé par la guerre des Jeux
47:04 et est assassiné dans le parking de son domicile parisien
47:06 en 1982.
47:08 Dans les années 80,
47:12 Dominique Venturi, l'industriel,
47:14 refait surface.
47:16 Elle est impliquée dans une sombre affaire
47:18 de fausses factures et de marchés truqués.
47:20 - Mais si on vous poursuit, monsieur,
47:22 depuis 30 ans, c'est parce que, comme on dit,
47:24 vous êtes fiché dans le milieu,
47:26 comme on dit dans la police.
47:28 - Écoutez, monsieur, ça, vous demanderez à la police.
47:30 Maintenant, est-ce que vous, monsieur,
47:32 vous avez vu des malfaiteurs que, depuis 30 ans,
47:34 on parle d'eux et que la police
47:36 n'a jamais pu les arrêter ?
47:38 - Mais vous faites partie des "intouchables",
47:40 comme on dit, des mandarins de la côte.
47:42 C'est ce qu'on dit.
47:44 - Mais de quoi et de qui ?
47:46 - La preuve, c'est que, monsieur,
47:48 si j'étais si "intouchable" que ça,
47:50 on m'aurait pas sali depuis 30 ans, comme on le fait.
47:52 - Dominique finira par payer l'addition
47:58 et tombera quelques années plus tard.
48:00 Quant à Joseph Orsini, le discret,
48:04 après avoir purgé une peine
48:06 de 10 ans de prison aux Etats-Unis
48:08 dans les années 50,
48:10 il s'installe en Espagne, avec ses hommes,
48:12 où il a finalement rendu service
48:14 à d'autres réseaux et a disparu depuis.
48:16 Marseille,
48:24 la Porte de l'Orient.
48:26 Marseille et ses docs, son milieu,
48:28 sa pègre.
48:30 Marseille et son or blanc, l'héroïne,
48:32 qui a fait sa renommée dans le monde entier.
48:34 Marseille n'a pas supporté
48:36 les enquêtes du juge Pierre Michel.
48:40 Entre 1974 et 1981,
48:42 année de sa mort,
48:44 le juge Pierre Michel était parti en croisade
48:46 contre le milieu et avait démantelé
48:48 pas moins de 5 laboratoires.
48:50 - Si on n'avait pas eu l'apport d'un juge d'instruction
48:54 comme Michel, notre action
48:56 aurait été nettement moindrie.
48:58 En plus, il avait une haine
49:00 des trafiquants de subventions.
49:02 Il ne comprenait pas ça, il n'admettait pas ça.
49:04 Et qui plus est,
49:06 il avait une confiance absolue
49:08 avec la brigade des stupéfiants
49:10 avec laquelle il travaillait main dans la main.
49:12 A tel point que moi, à certaines époques,
49:14 quand j'étais avec lui,
49:16 il n'hésitait pas
49:18 à me signer des mandats de dépôt en blanc.
49:20 Il me disait, "Vous mettrez le nom que vous voudrez,
49:22 je suis sûr que vous ne tromperez pas."
49:24 C'est une image.
49:26 Mais enfin, disons qu'avec Michel,
49:28 on pouvait aller très loin
49:30 dans les investigations
49:32 et pour lui, la fin justifiait les moyens.
49:36 Le juge avait raison.
49:38 Dans les années 80 et 90,
49:40 la French n'était pas morte.
49:42 Et de nombreux autres laboratoires
49:44 furent découverts.
49:46 Le trafic de drogue s'est démultiplié.
49:50 Hélas, depuis l'époque
49:52 de la French Connection,
49:54 où c'était déjà une grosse affaire.
49:56 Mais ça s'est incroyablement démultiplié.
49:58 Il y a plus de mafias
50:00 sur le terrain.
50:02 Elles utilisent plus de moyens
50:04 juridiques, comptables, etc.
50:06 Donc, elles sont plus savantes
50:08 et plus sophistiquées
50:10 pour monter leur coup
50:12 et évidemment, pour échapper
50:14 à la police
50:16 ou à la justice.
50:18 C'est devenu
50:20 une des plaies de l'Europe.
50:22 Les dispositifs européens,
50:24 comme l'espace Schengen, etc.,
50:26 sont assez inopérants par rapport
50:28 à ces questions, parce que les incriminations
50:30 ne sont pas les mêmes d'un pays à l'autre,
50:32 parce qu'il y a une grande différence
50:34 dans les jugements, dans les peines qui sont applicables,
50:36 dans les procédures judiciaires
50:38 qui sont utilisées.
50:40 Le milieu s'accroche,
50:52 saigne,
50:54 mais se reconstitue toujours.
50:56 Assassinats,
50:58 règlements de comptes,
51:00 ils luttent, ils se transforment.
51:02 Blanchiments, paradis fiscaux,
51:04 ils s'adaptent,
51:06 ils mutent.
51:08 L'artisan est devenu cadre,
51:12 homme d'affaires,
51:14 voire parfois, politicien.
51:16 Les quatre familles n'étaient qu'une des
51:20 nombreuses filières qui composaient la French Connection.
51:22 La mondialisation du trafic,
51:28 avec la complicité active ou passive
51:30 des gouvernements, services secrets,
51:32 compagnies bancaires
51:34 et sociétés transnationales,
51:36 semble sans limite.
51:38 Les héritiers de la French Connection
51:44 ont encore de beaux jours devant eux.
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