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Anne Brassié reçoit le pianiste Yves Henry, directeur du festival Chopin de Nohant, à l'occasion de la parution de son CD, "Chopin-Valses-Double intégrale", joué sur un piano 1837 puis sur un piano de 2020 (Soupir Edition). Lumineux exercice qui révèle d'abord des valses peu connues et les qualités et défauts des pianos des deux époques.
Transcription
00:00 Votre mobilisation est réelle, mais pas encore suffisante.
00:05 Aidez-nous, vraiment, maintenant.
00:07 Financer TVL, c'est essentiel.
00:10 D'avance, merci à tous.
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00:53 Chers amis de TV Liberté, bonjour.
00:56 Je vous emmène au concert à Nohant.
01:00 Nous allons voyager en compagnie d'Yves-Henri,
01:05 grand pianiste devant l'Eternel.
01:07 Bonjour, monsieur.
01:08 Bonjour, madame.
01:09 Vous êtes aussi directeur de cette belle maison et du festival.
01:14 Pas de la maison, mais c'est le centre des monuments nationaux.
01:17 Oui, du festival.
01:18 Mais le festival, qui s'appelle Nohant Festival Chopin.
01:20 Nohant Festival Chopin.
01:22 Et cela va être un très beau voyage.
01:26 À l'occasion de la publication d'un CD
01:30 qui s'appelle "Chopin Waltz double intégrale",
01:34 puisqu'il est joué, le premier CD,
01:39 ces waltz sont joués sur un Playel de 1837
01:43 et le second CD est joué sur un Bernstein 2020.
01:49 Avec une jolie couverture, rose et or.
01:58 C'était une très belle idée.
02:00 Alors, d'où est venue, d'abord peut-être,
02:06 citer cette phrase très jolie de Georges Sand.
02:13 "Ce Chopin est un ange.
02:15 Sa tendresse et sa patience m'inquiètent quelquefois.
02:20 Je m'imagine que c'est une organisation trop fine,
02:24 trop exquise et trop parfaite pour vivre longtemps
02:28 de notre grosse et lourde vie terrestre."
02:32 Georges Sand, lettre à la comtesse Mariani,
02:36 28 avril 1839, Marseille.
02:39 - Voilà, 28 avril 1839, Marseille.
02:42 Pourquoi Marseille ?
02:43 Parce qu'ils viennent de passer ce fameux séjour à Mallorque
02:47 de l'hiver 1838-1839.
02:49 - C'était dur.
02:50 - Qui a été très très dur pour la santé de Chopin
02:53 et qui va précéder, c'est important,
02:55 qui va précéder justement les sept étés
02:58 que Chopin passera juste après, à Nohant,
03:01 après Marseille.
03:02 La première destination ne sera pas Paris,
03:04 mais elle sera Nohant le 1er juin 1839.
03:06 Ils arriveront à Nohant depuis Marseille.
03:08 - Alors à Nohant, la vie est plus douce.
03:11 - À Nohant, surtout, Chopin retrouve un paysage,
03:15 une atmosphère qui lui rappelle sa masovie natale.
03:18 C'est un milieu rural très simple
03:20 et sans doute que ça, ça l'apaise énormément.
03:23 Et puis surtout, il va trouver à Nohant,
03:26 dans cette demeure de Georges Sand,
03:28 qu'elle a héritée de sa grand-mère,
03:30 qui calme ce lieu dans lequel il va pouvoir composer.
03:33 Alors qu'à Paris, il est soumis à un rythme effréné
03:36 parce qu'il donne des leçons de piano pour gagner sa vie,
03:39 même s'il est payé très très cher pour chaque leçon.
03:42 En tout cas, il passe son temps à ça.
03:44 Le soir, il va à l'opéra, il a des dîners mondains.
03:46 - C'est pas du tout son...
03:47 - Et donc, il n'a pas le temps matériel de composer,
03:49 en tout cas pas beaucoup.
03:50 Et là, il va sentir à Nohant, qu'il est bien,
03:53 que tout est fait finalement pour lui donner un écrin
03:57 dans lequel il va pouvoir composer.
03:59 Il va composer à Nohant, dans cette maison,
04:02 les deux tiers de son oeuvre, à partir justement de 1839.
04:06 - Merci Georges Sand.
04:07 - Oui, absolument.
04:09 - Je n'ai pas du tout de...
04:13 Je n'ai jamais lu de biographie,
04:14 il faut que je me corrige, de Chopin.
04:16 Quelle était sa famille ?
04:17 - Alors, la famille de Chopin, comme son nom l'indique,
04:20 est originaire de France,
04:22 puisque son père était français,
04:24 c'est un non-français,
04:25 et il était précepteur des enfants d'un aristocrate polonais
04:29 qui vivait en Lorraine,
04:31 au moment où il y avait une relation très forte
04:35 avec la Pologne dans cette partie de la France.
04:37 Et puis, quand cet aristocrate est rentré en Pologne,
04:40 le père de Chopin est rentré en Pologne avec lui,
04:43 et puis à Varsovie, il a rencontré une jeune polonaise
04:46 qu'il a épousée, et Chopin est né donc en Pologne,
04:49 à Géla Zowa Wola, qui est un tout petit village
04:51 au sud-ouest de Varsovie,
04:53 dans un milieu rural,
04:55 donc un domaine, quelque part, qui ressemble un peu à Norvège.
05:00 - Les artistes doivent toujours retrouver leur enfance.
05:03 - Oui, surtout quand ils ont été, comme Chopin,
05:06 exilés par la force,
05:08 puisque en 1830, Chopin est à Vienne,
05:11 et il y a une insurrection à Varsovie
05:13 qui est jugulée par l'occupant russe,
05:15 et Chopin va prendre finalement la voie de l'exil,
05:17 et il arrive en 1831 à Paris,
05:19 et donc il restera la deuxième moitié de sa vie,
05:21 de 1831 à 1849, puisqu'il meurt en 1849,
05:24 il va rester en France,
05:26 il va vivre en France, il ne retournera jamais en Pologne.
05:29 - Les Polonais le célèbrent parfaitement,
05:33 j'ai eu l'occasion d'aller à Gracovie et à Varsovie,
05:36 et d'avoir eu la surprise, m'asseyant sur un banc,
05:39 d'entendre du Chopin,
05:42 parce que les Polonais ont installé des bancs,
05:47 dont l'esthétique est quelconque,
05:49 mais des bancs qui résonnent.
05:52 - Ils ont fait ça à l'occasion du bicentenaire
05:54 de la naissance de Chopin en 2010,
05:56 ils ont installé ces bancs, ils ont fait beaucoup d'autres choses,
05:58 mais en tout cas c'est resté,
06:00 vous arrivez déjà par l'aéroport Frédéric Chopin,
06:02 vous vous asseyez dans un chariot à bord,
06:04 vous entendez du Chopin, évidemment c'est le grand personnage polonais.
06:08 - C'est tout à fait émouvant,
06:10 je trouve qu'on devrait suggérer à Madame Hidalgo
06:12 de nous faire des bancs qui résonnent de Gounaud, de Masney,
06:16 ça serait fantastique.
06:17 - Bien sûr, ça serait une très très bonne idée.
06:19 - Alors, vous rendez hommage à vos maîtres,
06:28 bien évidemment,
06:30 vous jouez alternativement,
06:37 à Nauron ce sont les pianos d'époque.
06:40 - Pas seulement, parce que le festival a été créé en 1966
06:43 par mon défunt maître grand pianiste,
06:46 qui s'appelait Aldo Ciccolini,
06:48 qui était un amoureux de Nauron absolument,
06:50 et de cette atmosphère extraordinaire.
06:52 Et bien sûr, les plus grands pianistes viennent au festival,
06:57 depuis 1966, je ne peux pas citer la liste,
07:00 mais si on parle de Brendel, d'Arao, de Jorge Bolet,
07:03 de Samson François, d'Arthur Rubinstein,
07:05 et plus récemment de Kissine,
07:07 tous viennent ici parce que c'est un lieu de pèlerinage,
07:10 presque, pour les artistes.
07:11 Et donc on a des pianos modernes, bien sûr,
07:13 parce que ce sont des pianos qui sont joués partout dans le monde,
07:16 et il faut que les artistes retrouvent ce à quoi ils sont habitués.
07:19 - Leur marque.
07:20 - Oui, parce qu'il y a une différence considérable
07:22 entre le piano de l'époque de Chopin et le piano moderne,
07:25 ce qui est d'ailleurs un peu mis en lumière par cet enregistrement,
07:28 puisque c'est un double enregistrement, comme vous l'avez dit,
07:31 il y a une version sur piano moderne,
07:32 et puis une version sur piano d'époque,
07:34 souvent les gens me disent,
07:35 mais c'est quoi la différence finalement avec le piano d'époque ?
07:38 Alors c'est assez simple, le piano de l'époque de Chopin
07:41 est un piano qui est destiné au salon,
07:44 et qui est entièrement en bois,
07:46 donc qui a un son peu puissant,
07:50 mais extrêmement, et qui rayonne autour de l'instrument,
07:53 parce que l'instrument est fait pour, finalement, les gens qui sont autour.
07:55 - Bien sûr.
07:56 - Voilà.
07:57 Et puis, il va se passer en 1840,
07:59 quelque chose de tout à fait inédit,
08:01 Franz Liszt va inventer ce qu'on appelle le récital,
08:04 d'ailleurs c'est un nom qui va être donné par un journal anglais,
08:07 parce que c'est un nom qui n'est pas français,
08:09 qui est plutôt anglais,
08:10 et donc ce nom va rester,
08:11 le récital c'est quoi ?
08:13 C'est un seul instrumentiste, pianiste en l'occurrence,
08:16 un seul instrument,
08:17 et toute une soirée de musique,
08:19 avec, à l'époque, seul Liszt sait faire ça,
08:22 jouer ses propres oeuvres bien sûr,
08:25 jouer des transcriptions des Lieder,
08:27 - Qu'il a fait !
08:28 - Voilà, qu'il a été le premier vraiment à faire,
08:30 et aussi des transcriptions des symphonies,
08:32 il a fait transcrire les symphonies de Beethoven,
08:34 et donc ça, ça émerveille les gens,
08:36 parce que tout d'un coup,
08:37 ils ont une espèce de démurge,
08:39 qui est là, qui fait des prodiges,
08:41 et donc ça, ça va avoir un succès fou,
08:42 mais qui dit succès fou, dit beaucoup de monde,
08:44 donc grande salle,
08:45 et là, le piano de l'époque ne tient plus la route,
08:48 d'ailleurs, Liszt très souvent utilisait deux pianos
08:51 pour la même soirée,
08:52 parce qu'au bout de la première partie,
08:54 le piano ne tenait plus déjà,
08:55 les cordes étaient cassées,
08:56 enfin, la puissance n'était pas là,
08:58 donc on a inventé, à partir de 1850,
09:00 le piano moderne,
09:01 qui lui, a un cadre en fond, plein,
09:04 et qui permet d'avoir des cordes très tendues,
09:06 et donc ces pianos peuvent envoyer le son très loin,
09:08 donc c'est un autre univers,
09:10 d'un côté, vous avez le piano de l'époque de Chopin,
09:12 qui est plutôt intime,
09:14 beaucoup plus favorable pour chanter,
09:18 rendre la couleur au piano,
09:20 dans un espace réduit,
09:22 et puis de l'autre, vous avez un piano,
09:24 qui est capable aussi de jouer les répertoires
09:26 qui ont été écrits depuis,
09:27 et qui sont injouables sur le piano de l'époque de Chopin,
09:30 donc celui de Chopin,
09:31 on peut l'utiliser pour Chopin,
09:32 pour Mozart, pour Bach,
09:33 pour tout ce qu'on veut,
09:34 et pour Schubert,
09:35 mais même déjà pas tellement pour la musique de Liszt,
09:38 et surtout pas pour tout ce qui suivra.
09:40 - Alors, c'est très intéressant,
09:41 parce que vous citez une lettre,
09:44 ou des propos de Chopin à Liszt,
09:48 et qui sont très instructifs.
09:50 Voilà ce qu'il dit à son ami, Franz Liszt.
09:54 "Je ne suis point propre à donner des concerts,
09:57 la foule m'intimide,
09:59 je me sens asphyxiée
10:01 par ces haleines précipitées,
10:03 paralysée par ces regards curieux,
10:06 muets devant ces visages étrangers,
10:09 mais toi, tu y es destinée,
10:11 car quand tu ne gagnes pas ton public,
10:14 tu as de quoi l'assommer."
10:16 C'est drôle.
10:17 - Oui, et c'est tellement vrai,
10:19 parce que le jeu du pianiste,
10:23 et on imagine bien celui de Liszt, effectivement,
10:25 avec cette virtuosité époustouflante,
10:29 pouvait capter l'attention
10:32 de même un auditeur très inattentif,
10:34 devenait forcément attentif.
10:36 - Ou il ne pouvait pas.
10:37 - Et Chopin, lui, ne faisait pas ça du tout,
10:39 mais il avait un autre système,
10:41 qui est très efficace,
10:43 il jouait tellement doucement,
10:45 que les gens étaient obligés de tendre l'oreille,
10:48 et ça créait une espèce de tension formidable.
10:50 Et donc, voilà,
10:51 ce sont deux personnalités extraordinaires
10:53 de l'histoire de la musique,
10:55 mais chacun dans un monde bien différent.
10:57 - Néanmoins amis.
10:58 - Et ils ont été amis,
10:59 parce qu'en plus, Liszt a beaucoup aidé Chopin
11:01 à son arrivée à Paris.
11:02 Il l'a introduit dans tous les milieux qu'il fréquentait.
11:05 - Mais Liszt a été l'ami de tous les musiciens.
11:07 Il a fait une publicité pour Wagner,
11:10 il a joué à une époque où il n'y avait pas d'enregistrement,
11:13 ou que des fois les musiciens étaient morts.
11:16 Il s'est fait le propagateur de cette musique partout.
11:22 - Il a aussi œuvré beaucoup pour rassembler des fonds,
11:26 soit pour des gens qui avaient été victimes d'inondations,
11:30 mais aussi pour irriger la statue de Beethoven à Bonn.
11:34 Il a fait énormément de choses.
11:36 Il a aidé César Franck dans la première édition
11:38 de ses toutes premières œuvres.
11:39 Enfin voilà, il a fait énormément de choses.
11:41 - C'était un grand génie généreux.
11:44 - Tout à fait.
11:45 - C'est à ça qu'on voit les grands génies,
11:47 d'ailleurs, c'est qu'ils sont souvent généreux.
11:49 Ils débordent.
11:50 - Oui, c'est cela.
11:51 - Ils débordent.
11:53 - Alors, vous allez nous expliquer ce piano,
11:59 ce piano, le premier piano ancien,
12:02 ce piano de 1837.
12:05 Comment est-il ?
12:06 D'abord, il est très…
12:08 - Ce sont des instruments magnifiques.
12:10 - Ils ont des pieds…
12:12 - Aujourd'hui, on est habitué à des pianos noirs.
12:14 Ils sont tous standards.
12:15 - C'est celui que j'ai choisi.
12:16 - Voilà.
12:17 Quelquefois, ils sont blancs.
12:18 Quelquefois, il y a des extras.
12:19 Mais à l'époque, on fait des pianos qui sont en acajou,
12:23 qui sont des éléments de décoration également.
12:25 - Sculptés.
12:26 - Très, très beaux.
12:27 C'est le cas de celui-ci parce qu'il a des filets de cuivre.
12:29 Et on l'a remis dans un salon à dimensions, justement,
12:33 qui correspondent à ses capacités sonores,
12:36 qui est dans un château près de Paris, à Croatie-sur-Seine,
12:40 le château Chanorier.
12:41 C'est un ensemble culturel.
12:42 Et dans ce salon, nous avons plusieurs instruments,
12:44 dont celui-ci, Playel 1837,
12:47 qui est exactement contemporain de l'époque
12:51 où Chopin rencontre Georges Sand, d'ailleurs.
12:54 Et c'est un instrument qui a une spécificité
12:57 encore peut-être plus grande que les instruments de Playel
13:00 des années qui vont suivre, même pendant le vivant de Chopin,
13:03 parce qu'il a des sonorités différentes selon les registres.
13:07 Vous savez que le piano moderne, toutes les notes sont égales,
13:10 parce que c'était une performance à laquelle
13:12 on n'arrivait pas non plus franchement à l'époque,
13:14 d'arriver à donner autant de puissance à l'aigu qu'au grave.
13:17 C'était une recherche qui ne faisait que commencer.
13:19 - L'égalité, c'est le grand mot du XXe siècle.
13:23 - Voilà, alors là, on y est arrivé parfaitement.
13:25 Mais ce qui est intéressant, justement, avec le piano de l'époque,
13:27 et notamment celui-là, c'est que chaque registre a ses qualités sonores.
13:30 Et comme Chopin écrit dans les quatre registres,
13:34 ça donne un relief aussi à sa musique,
13:37 qui probablement était aussi celui qu'il recherchait.
13:40 C'est-à-dire d'avoir une façon d'entendre sa musique,
13:43 en trois dimensions, où les graves ne sonnent pas
13:46 de la même façon que le médium grave,
13:48 ou que le médium aigu, qui est l'endroit où on fait chanter l'instrument.
13:51 Et même que les parties hautes qui, elles, sont,
13:55 on disait, Chopin disait lui-même, d'ailleurs,
13:57 un son plutôt, comment on pourrait dire, cristallin,
14:02 dans le meilleur des cas, on disait cristallin, voilé.
14:04 Mais nous, aujourd'hui, on dirait surtout un peu faible,
14:08 parce que c'est la réalité aussi.
14:09 Simplement, il utilisait ça tel que ça existait.
14:12 Donc, aujourd'hui, avec nos instruments modernes,
14:14 on doit tenir compte, quand même, de la façon dont le piano sonnait à l'époque,
14:18 pour ne pas, justement, dénaturer la musique,
14:21 par exemple, en donnant des aigus qui soient excessivement riches.
14:25 Je trouve que cette démarche est assez fabuleuse,
14:29 parce que c'est une façon d'honorer le passé,
14:33 la façon d'honorer le travail de Chopin.
14:36 Et je sais qu'il y a beaucoup de débats sur les instruments anciens,
14:43 les instruments d'aujourd'hui, notamment dans le violon, le piazzelle.
14:48 – Oui, tous les instruments, même comme les clarinettes,
14:52 ici de l'époque romantique.
14:54 C'est un débat qui n'existait pas il y a 30 ans,
14:57 parce que ça existait pour la musique baroque,
14:59 mais maintenant, ça existe aussi pour la musique romantique.
15:01 – Oui, c'est ça.
15:02 – Et ce qui est très intéressant, c'est que moi,
15:06 je ne suis dans une démarche qui n'est pas récente,
15:09 parce que j'ai commencé justement…
15:11 – Cette comparaison il y a longtemps.
15:12 – Il y a très longtemps déjà, il y a plus de 25 ans.
15:14 Et donc, j'ai appris énormément, et mon crédo, c'est de dire,
15:19 on ne va pas choisir un instrument plus tôt qu'un autre,
15:21 parce qu'aujourd'hui, on a l'instrument moderne
15:23 qui nous permet de jouer justement tout le répertoire,
15:25 mais c'est de savoir et de comprendre
15:28 comment la musique de Chopin a été composée sur des instruments
15:31 qui ont une particularité sonore différente,
15:34 et comment en tirer parti sur nos instruments modernes,
15:37 qui ont aussi toutes ces capacités, si on sait les utiliser.
15:40 – Oui, enfin, vous faites preuve d'une adresse,
15:43 d'une finesse pour faire résonner un instrument moderne
15:51 avec les nuances qu'offrait le piano ancien.
15:56 J'avoue que c'est absolument époustouflant.
15:59 Est-ce que vous voulez que nous écoutions de la musique ?
16:02 – Oui, bien sûr.
16:03 – Parce que je connais mes téléspectateurs,
16:04 ils vont m'engueuler en disant "vous parlez, vous parlez, mais on veut entendre".
16:08 Donc, on va revenir à ces valses,
16:13 peut-être une première pour nous permettre de parler de la valse.
16:20 Vous écrivez dans la présentation que ces valses
16:24 donnent une image du public qui les écoute.
16:27 Comment expliquez-vous ça ?
16:29 – Oui, alors, les valses-là, en l'occurrence, vous savez,
16:31 moi j'en ai enregistré 19, mais n'ont été publiées que 7.
16:35 Et donc, les 12 autres sont des œuvres que l'on a retrouvées ensuite,
16:39 à la fois dans les archives de Chopin, son secrétaire en a édité aussi,
16:43 et puis on continue d'en retrouver de temps en temps,
16:46 qui sont dans les feuillets d'albums que Chopin offrait quelques fois à une personne.
16:52 Alors, ces valses ne sont pas, comme ces mazurkas,
16:56 une revendication de l'âme polonaise.
16:59 Elles sont plutôt des œuvres qu'il a utilisées pour se faire apprécier dans les salons,
17:07 parce que ce sont des œuvres, malgré qu'elles aient quelquefois de la profondeur,
17:11 bien sûr, parce que c'est Chopin tout de même,
17:13 mais elles ont toujours une petite couleur de légèreté, d'enchantement,
17:18 et dans un format assez court, elles ne sont jamais très longues,
17:22 il y en a 3 qui sont très développées, mais les autres sont en général assez courtes.
17:26 Elles sont surtout répétitives, c'est-à-dire qu'elles sont formées d'une manière très concise,
17:32 avec des idées qui se répètent, donc pour le public c'est quelque chose,
17:36 et pour le public des salons de l'époque, justement,
17:38 je pense que ça permettait aussi à Chopin de montrer son talent,
17:43 de se faire apprécier d'un public qui n'était pas forcément très attentif,
17:47 ni très connaisseur, et donc quelque part il se mettait aussi un petit peu...
17:51 - Au niveau de ses œuvres. - Au niveau de son public.
17:53 C'est pour ça que je pense que c'est un genre qu'il a utilisé,
17:57 mais en allant moins loin dans la recherche que ce qu'il a fait avec les mazurkas,
18:01 où là, on le sait, il l'a dit, j'écris ces mazurkas pour faire connaître ce qu'est l'âme polonaise,
18:07 et donc il s'est donné énormément de mal, et quand il a édité ces œuvres,
18:11 il les a vraiment édité avec énormément d'informations sur les partitions et tout ça,
18:15 ce qu'il n'y a pas tellement dans les waltzes, on sent que c'est plus léger...
18:18 - Et alors qu'est-ce qu'il a fait pour retrouver cette âme polonaise ?
18:20 Il s'est inspiré de chants... - Ah, bien sûr !
18:23 - De chants folkloriques ? - Oui, il s'est inspiré, pour les mazurkas,
18:27 il s'est inspiré de ce qu'il entendait quand il était enfant, adolescent,
18:30 qu'il allait en vacances dans les propriétés des riches parents des enfants
18:36 qui étaient chez son père, qui tenaient une pension, un internat.
18:40 Et donc il a utilisé ce matériau, et il en a fait quelque chose de sublime,
18:46 parce que c'est d'une sophistication extrême.
18:48 Les waltzes, c'est plus léger, c'est plus léger dans la construction,
18:51 c'est plus léger surtout dans la facture, il y a moins de sophistication, beaucoup moins,
18:55 et ce sont des œuvres qui sont aussi plus faciles pour se les approprier.
18:59 Il y a beaucoup de pianistes qui jouent pour leur plaisir,
19:02 ils ne sont pas du tout des professionnels, ils sont des amateurs,
19:04 ce que j'aime beaucoup, ils sont tout à fait capables,
19:08 ils adorent jouer ces waltzes parce qu'elles ne sont pas toutes accessibles,
19:11 mais quand même pas mal dans le entraînement.
19:13 - Elles sont souvent jouées en bis.
19:15 - Et on peut les jouer, on les joue en bis, parce qu'elles sont proches.
19:17 - Quand le pianiste est très fatigué, il nous offre une waltz.
19:20 - Oui, puis en quelques instants.
19:21 - On va tout de suite en choisir une.
19:24 - Alors peut-être celle en...
19:26 - Les premières que vous choisissez, pour illustrer ce que vous venez de dire
19:31 sur le côté enchanteur et simple.
19:34 - Alors le côté enchanteur et simple, il y en a une qui est très très bien,
19:37 qui n'est pas forcément très connue du grand public d'ailleurs,
19:40 qui est le +70 n°3 en Ré bémol majeur,
19:43 et qui est aussi, on connaît une petite anecdote sur sa réalisation,
19:48 car quand il a écrit cette œuvre, qui n'a pas été publiée de son vivant,
19:52 mais quand il a écrit cette œuvre, il y a une partie centrale
19:55 qui est assez chantante avec une sorte de violoncelle à la main gauche,
19:59 et il écrit à un de ses amis en disant "je l'ai composée cette waltz ce matin à 9h30
20:04 et tu reconnaîtras dans la partie centrale une personne à qui je pense beaucoup
20:08 en ce moment, qui est Constance Gladowska, qui était son premier amour".
20:11 - Son premier amour, oui absolument.
20:13 - Et c'est une jolie waltz parce qu'elle est dans cette tonalité de Ré bémol majeur
20:16 qui est assez rayonnante et elle est à plusieurs voix,
20:21 c'est-à-dire qu'elle est quand même assez sophistiquée malgré tout dans son écriture.
20:25 - Nous allons choisir la première version de cette waltz n°3 en Ré bémol majeur
20:31 sur le piano ancien et après nous écouterons la seconde version sur un piano moderne.
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23:29 Pouvez-vous commenter cette version sur piano ancien ?
23:36 Je rappelle, c'est tout de même le piano 1837.
23:42 Alors, il y a une première chose qui va sauter aux oreilles de vos auditeurs
23:46 quand ils vont entendre la deuxième version sur piano moderne,
23:49 c'est que celle-ci, on l'entend sur un diapason d'époque
23:51 qui est beaucoup plus bas que le diapason actuel.
23:53 Ça veut dire que ça lui donne une couleur un peu différente.
23:56 Donc là, on entend quelque chose qui est à la fois, on va dire,
24:00 ce n'est pas triste du tout, c'est assez serein comme musique.
24:03 Et je pense que la caractéristique de ce petit passage central
24:07 qui est un peu chantant à la main gauche ressort particulièrement bien sur ce piano.
24:11 Alors, on va voir comment ça va sonner sur le piano moderne
24:14 avec un diapason d'aujourd'hui, donc plus haut, et donc un son plus clair aussi.
24:19 Alors, si je vous dis que j'ai beaucoup plus reconnu la partie violoncelle,
24:25 comme vous l'appelez, sur la première version que sur la deuxième version.
24:28 Voilà, parce que...
24:29 Je me trompe ?
24:30 Non, vous avez tout à fait raison, parce que le piano ancien,
24:33 il a une caractéristique, c'est que ce son, sa sonorité n'est pas puissante,
24:38 mais le son dure plus longtemps.
24:40 Et sur le piano moderne, vous avez le marteau qui frappe,
24:43 comme sur le piano ancien, mais il frappe beaucoup plus,
24:46 et donc il va plus haut comme attaque, et il redescend plus vite aussi.
24:51 Ça veut dire qu'il favorise moins le son chantant.
24:54 Or, le violoncelle...
24:55 C'est du chant avant tout.
24:57 Les définitions du violoncelle, c'est le chant qui dure, absolument.
25:01 Bon, alors nous allons écouter la version moderne.
25:05 Je ne connaissais pas cette marque de piano.
25:09 Alors, les pianos Bechstein, car Bechstein, c'est une marque qui est justement symbolique,
25:14 comme Steinway d'ailleurs, du piano moderne,
25:17 puisqu'elle est née après 1850, elle est née en 1853, comme Steinway d'ailleurs.
25:21 Donc, c'est une marque qui est à Berlin, et Steinway est à New York et à Hambourg.
25:28 Et ce sont les grandes marques modernes qui ont émergé avec l'invention, justement,
25:33 du cadre en fond de plaine qui permettait d'avoir un piano beaucoup plus puissant
25:37 pour les grandes salles.
25:38 Pour les grandes salles, oui.
25:40 Alors, écoutons cette même valse, numéro 3, sur ce piano moderne.
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28:34 Alors, cette valse numéro 3, version piano moderne, en effet, est très différente.
28:51 Elle est très différente. Donc, déjà, pour la question du diapason,
28:54 ça donne une couleur un peu particulière par rapport au diapason ancien.
28:58 Mais il y a aussi une autre chose qui joue, c'est que les temps pi,
29:03 c'est-à-dire la vitesse à laquelle on joue, est différente selon qu'on joue
29:06 sur le piano ancien ou le piano moderne, parce que, justement, c'est lié aussi
29:09 à la sonorité. Et tout est relatif, c'est-à-dire un son qui dure plus longtemps,
29:14 on va jouer moins vite, et un son qui est plus court, on va probablement jouer
29:17 un peu plus vite.
29:18 Oui, c'est sûr.
29:19 Voilà. Donc, ce sont toutes sortes de paramètres qui permettent aussi
29:24 d'imaginer comment la musique respire naturellement sur un instrument
29:29 et ne respirera pas de la même façon sur un instrument qui est différent.
29:33 Nous allons évoquer la valse numéro 10, posthume, en mi mineur,
29:42 composée avant 1830. Alors, qu'est-ce que vous pouvez nous dire ?
29:48 C'est une très jolie valse, je l'aime beaucoup. Il y a une espèce de petite introduction,
29:52 justement, ça permet d'entendre toute la sonorité du clavier, parce que ça part
29:55 du bas, ça va jusque dans les aigus, et là, on entendra bien aussi la différence
29:59 entre les deux instruments. C'est une valse que Chopin compose quand il est encore
30:04 en Pologne, celle-ci.
30:05 Donc, il est très jeune.
30:06 Il est très jeune, mais il a quitté la Pologne à 20 ans. Il venait de terminer
30:10 son concerto en mi mineur, qui est un chef-d'oeuvre absolu, et il partait
30:17 simplement pour se faire connaître à Vienne, et c'est là où il va y avoir
30:21 cette rupture dans sa vie, puisque c'est à partir de là qu'il va partir,
30:28 et devenir un exilé pour toute sa vie.
30:30 Donc, c'est une musique, et on l'entend d'ailleurs, qui est très élégante,
30:34 très raffinée, dans sa partie initiale, qui revient à la fin, d'ailleurs,
30:38 c'est souvent comme ça dans les valses, et puis dans la partie centrale,
30:42 c'est quelque chose de beaucoup plus mystérieux, de beaucoup plus calme,
30:46 de très chantant, également, dans une autre couleur.
30:49 Donc, c'est intéressant de l'entendre là aussi, dans les deux versions,
30:52 parce que ça sonne complètement différemment.
30:54 J'essaye non pas d'accuser cette différence quand je joue, au contraire,
31:01 d'ailleurs, je cherche, sur le piano moderne, à retrouver ce que j'ai compris
31:06 sur le piano ancien.
31:07 Donc, c'est des versions qui sont relativement proches, quand même,
31:10 mais quand même par nature différente, parce que l'instrument autorise
31:14 d'autres choses.
31:15 Mais vous me semblez presque le seul à faire cet exercice de comparaison.
31:20 Oui, c'est sûr, c'est sûr, mais c'est né d'une chose très, très simple,
31:24 c'est que quand j'ai commencé à m'intéresser au piano de cette époque,
31:27 c'est quand je suis devenu aussi directeur artistique du Festival à Nohant,
31:30 et là, j'ai créé aussi des masterclass pour les jeunes solistes
31:34 qu'on avait en résidence, et je les ai mis devant le piano ancien
31:37 et devant le piano moderne.
31:38 Et finalement, on a découvert énormément de choses,
31:40 et je me suis rendu compte que les jeunes étaient,
31:42 à partir du moment où on leur mettait un instrument comme ça sous les doigts,
31:45 ça leur ouvrait toutes sortes de champs de perspectives.
31:48 On n'a pas l'occasion, quand on ne voit que des pianos contemporains,
31:52 on n'a pas l'occasion de découvrir la richesse de ces pianos.
31:55 Et donc, on est habitué à reproduire quelque chose qu'on a déjà entendu,
31:59 et on essaie de reproduire ça du mieux qu'on peut.
32:02 Mais est-ce que ce n'est pas aussi ce qui fait qu'il y a une certaine uniformité
32:06 dans certaines œuvres entre les pianistes ?
32:09 Oui, il y a une standardisation, c'est un peu inévitable,
32:13 parce que d'abord, il y a énormément de pianistes maintenant,
32:15 et puis...
32:16 Ah oui, il y en a plus que...
32:17 Oui, il y en a beaucoup, beaucoup, beaucoup.
32:19 Tous les pays asiatiques se sont ouverts à la musique,
32:22 déjà pendant les 30 dernières années, c'est incroyable tout ce qui...
32:25 Voilà, on joue, et notamment Chopin, on le joue sur la planète entière.
32:29 Oui, oui, oui, oui.
32:30 Moi, je suis membre du jury pour le concours Chopin à Varsovie en octobre prochain,
32:34 qui est une édition spéciale sur l'instrument d'époque.
32:36 Mais ce grand concours, qui bien sûr existe depuis plus de 60 ans sur Piano Moderne...
32:40 Maintenant, il est envahi par l'ambiance.
32:42 Il voit arriver énormément de talents, surtout.
32:46 Ce ne sont pas seulement aussi des merveilleux techniciens,
32:50 ce sont aussi des grands talents musicaux maintenant.
32:53 Vous allez rire, mais quand j'étais à Varsovie,
32:56 je suis allée au concert le soir, bien sûr, dans un appartement,
33:00 et c'était une japonaise.
33:02 Oui, bien sûr.
33:03 Très joliment, mais c'était une japonaise qui jouait.
33:06 Oui, Chopin est énormément apprécié au Japon,
33:09 comme d'ailleurs les compositeurs français, Debussy, Ravel,
33:12 qui sont aussi très très appréciés là-bas.
33:14 Oui, c'est étonnant, cette union des âmes.
33:19 Oui, mais je pense que c'est dû aussi au fait que la musique de Chopin,
33:24 parce qu'il y a un parallèle entre la musique de Chopin
33:27 et la musique de nos grands compositeurs français,
33:29 Fauré, Debussy, Ravel, c'est que Chopin a travaillé toute sa vie
33:33 autour du piano, a cherché comment rendre en musique la couleur.
33:38 Et il en parlait avec Delacroix, il avait des discussions à perte de vue,
33:41 Georges Sand en parle dans son célèbre texte sur la note bleue.
33:45 Et les conversations entre Chopin et Delacroix à propos de la couleur en peinture
33:49 et de la couleur en musique, c'est quelque chose qui est réel dans la musique de Chopin,
33:53 et il a inventé une façon d'écrire pour le piano et de faire sonner le piano
33:58 qui autorise ces changements de couleur.
34:00 Et c'est d'ailleurs pour ça qu'il indique tous les jeux de pédales,
34:03 et c'est prodigieux, mais c'est justement pour ça que c'est important
34:06 de connaître l'instrument dont il disposait pour composer,
34:09 puisque c'est là-dessus qu'il a imaginé comment ces couleurs pouvaient être rendues.
34:14 Donc sans doute que s'il avait eu le piano moderne, il serait allé encore plus loin.
34:18 Et donc Chopin a ouvert en quelque sorte la porte à Debussy,
34:23 qui a continué ça, qui a créé au piano des œuvres merveilleuses
34:28 qui justement tirent parti de l'instrument moderne,
34:30 mais avec cette même idée de la couleur.
34:33 - Debussy, élève de Chopin. - Oui, descendant...
34:36 - Ça c'est quelque chose que je n'avais jamais entendu.
34:38 - Et Debussy, qui était l'élève au tout début, quand il était enfant, d'une élève de Chopin,
34:44 a toujours entendu finalement cette sonorité, on lui a appris à jouer de la musique,
34:49 au travers de ce que Chopin enseignait.
34:51 Et il a, quand il était au conservatoire comme élève, au Conservatoire de Paris,
34:57 chaque épreuve qu'il a passée au piano, il y avait toujours du Chopin.
35:00 Et ensuite, plus tard dans sa vie, il a révisé toute l'œuvre de Chopin pour l'éditeur Durand.
35:04 Il connaissait Chopin sur le bout du doigt.
35:07 - Alors, nous allons entendre cette valse numéro 10,
35:12 un petit moment, sur piano ancien d'abord.
35:18 - Alors...
35:20 - Alors...
35:22 - Alors...
35:25 - Alors...
35:27 - Alors...
35:29 - Alors...
35:31 - Alors...
35:33 - Alors...
35:35 - Alors...
35:38 - Alors...
35:41 - Alors...
35:44 - Alors...
35:47 - Alors...
35:50 - Alors...
35:53 - Alors...
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36:02 - Alors...
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36:11 - Alors...
36:14 - Alors...
36:17 - Alors...
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38:25 Et nous allons reprendre
38:31 le même morceau
38:33 sur piano moderne
38:35 et vous allez vous rendre compte
38:37 chers amis
38:39 de ces différences
38:41 si finalement
38:43 marquées.
38:45 Très marquées.
38:47 Et comment est-ce que cette...
38:49 on va en discuter après.
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42:17 Donc deuxième version sur piano moderne.
42:26 Comment est-ce que vos confrères accueillent ce travail ?
42:31 Alors j'ai eu la chance justement récemment que Philippe Cassart qui est sur France Musique,
42:38 un immense pianiste mais qui est aussi sur France Musique,
42:41 m'invite pour une émission pendant deux heures pour parler justement de ces pianos.
42:45 Il est fasciné par ça et il a très bien compris que c'était pas une recherche,
42:51 comment dirais-je, ni technique, ni scientifique, non, c'est une approche véritablement...
42:57 - A mon connaissance.
42:58 - Oui, puis d'un interprète, moi je suis avant tout un interprète,
43:01 d'explorer finalement l'oeuvre d'un compositeur en allant au plus profond jusqu'à ce qu'elle était...
43:08 Alors il y a quand même une spécificité, pourquoi avec Chopin ?
43:11 C'est parce que Chopin quand il est en France à partir de 1831,
43:14 il ne jouera que sur les pianos de Pleyel.
43:17 Il va aimer les pianos de Pleyel, leur façon de sonner, et il va les adopter jusqu'à la fin de sa vie.
43:23 Il jouera de temps en temps sur Erard bien sûr, quand il est dans un concert invité par quelqu'un d'autre,
43:27 mais chez lui, pour donner ses sons, ou pour composer, ou même à Nohant,
43:31 il a toujours un piano que Pleyel lui fait venir.
43:34 - Alors quelles sont les qualités de ces pianos ?
43:37 - Alors c'est le côté chantant, c'est-à-dire ce son qui dure longtemps,
43:43 qui autorise à imiter la voix humaine, à imiter l'unancelle pour la main gauche,
43:47 mais à éviter la voix humaine.
43:48 - Tout en étant moderne ?
43:49 - Oui bien sûr.
43:50 - C'est des pianos déjà...
43:52 - Alors ils ne sont pas encore avec les cadres métalliques, tout est en bois,
43:58 mais ils ont surtout une caractéristique qui plaît énormément à Chopin,
44:02 c'est un toucher avec une mécanique extrêmement transparente,
44:07 c'est-à-dire qu'à la moindre sollicitation, vous obtenez un résultat différent.
44:11 C'est-à-dire que quelqu'un qui ne sait pas jouer actuellement sur ces instruments-là,
44:14 si vous le mettez directement en train de jouer, il ne peut pas jouer,
44:17 parce qu'il se rend compte que le piano réagit infiniment plus qu'un piano moderne.
44:22 C'est très sensible.
44:24 C'est comme si le doigt, au moment où il touche la touche, sentait la corde.
44:30 Vous voyez ?
44:31 Il y a un contact avec la corde pratiquement plus physique.
44:34 Sur nos pianos modernes, les touches sont très très longues à l'intérieur,
44:37 il y a énormément de pièces en mouvement, c'est assez lourd à manipuler,
44:42 il faut beaucoup de force.
44:43 Là, c'est extrêmement simple, si vous voyez une touche, elle n'est pas très longue,
44:48 et la mécanique qui lance le marteau, elle est toute simple,
44:51 il y a un seul ressort qui est un petit fil de fer.
44:54 Donc c'est très peu de choses, c'est très sensible.
44:57 Et c'est ça qui plaît à Chopin.
44:58 Et d'ailleurs, il disait à ses élèves,
45:00 ne prenez pas pour travailler un piano de Erard, car le son est très beau,
45:04 mais il est tout fait, prenez un piano de Pleyel,
45:07 parce que vous allez pouvoir développer votre propre son.
45:10 C'est-à-dire enrichir son toucher, mais arriver à une infinité de possibles,
45:15 et c'est ça qui est fascinant.
45:17 Nous allons laisser nos auditeurs en musique,
45:23 avec la dernière valse du disque,
45:33 nous avons dit que c'était la 19e.
45:37 Ah oui, c'est la 19e du disque,
45:39 mais ce n'est pas la 19e dans la composition,
45:43 puisque ils ne sont pas parents.
45:44 La 19e en Mi bémol majeur.
45:46 C'est la 3e plus grande valse.
45:49 Il y a la toute première, qui est très connue.
45:52 Celle-ci est moins connue, mais elle est extrêmement développée,
45:55 et elle reflète beaucoup de capacités.
46:00 Elle montre bien ce qui pouvait aussi être le jeu de Chopin,
46:02 parce qu'elle est à la fois brillante et à la fois chantante.
46:06 Avant de laisser les auditeurs dans le charme de votre jeu,
46:12 on va présenter vos autres disques sur instruments historiques.
46:18 Il y a eu le dernier concert de Chopin à Paris,
46:22 joué par vous, vous l'avez reconstitué, le programme.
46:27 Oui, en quelque sorte, c'est Chopin qui a choisi le programme du disque.
46:31 C'est très émouvant quand même.
46:33 Il a enregistré avec le même piano, d'ailleurs, Pleyel 1837,
46:36 mais à un endroit historique, qui est le salon de Chaumet,
46:42 qui était à l'époque l'endroit où Chopin est mort, au 12 Place Vendôme.
46:47 Et puis, un CD qui s'appelle "Dédicaces croisées"
46:51 avec des oeuvres que Liszt, Chauman et Chopin se sont mutuellement dédiées.
46:55 C'est une très jolie idée.
46:57 Et ça, c'est à la fois Pleyel et Erard.
46:59 Il y a deux disques, là aussi, chacun sur un piano différent.
47:01 Très joli. Puis, les intégrales des mazurkas sur piano Pleyel de 1837.
47:08 Et enfin, Chopin à Nohant, "La chambre enchantée".
47:14 Oui, ça, c'est quelque chose d'extraordinaire,
47:17 parce que ça a été enregistré dans la maison de Georges Sand,
47:20 à l'endroit exact, en dessous de la chambre où Chopin a écrit les pièces en question,
47:25 avec un Pleyel de 1839, identique à ceux qu'il avait quand il composait.
47:29 Donc, on est dans le lieu, dans les oeuvres et dans le piano de l'époque.
47:33 Là, on réunit tout.
47:34 Avant de mourir, il faut que j'aille à Nohant pour un concert.
47:37 Je suis allée à Nohant visiter la maison et voir cette table mise
47:42 avec les cartons et les noms des plus grands écrivains du moment.
47:46 C'était quelque chose...
47:48 Et j'ai beaucoup lu la correspondance de Georges Sand.
47:50 C'est fascinant, parce qu'elle raconte tellement bien,
47:52 elle décrit tellement bien.
47:53 Elle raconte tellement bien.
47:54 Et puis, cet homme, je ne sais plus son nom.
47:57 Cet homme qui a voué sa vie à cette correspondance.
48:00 - Ah, Monsieur Lubin. - Lubin, Georges Lubin.
48:02 - Georges Lubin, un travail considérable.
48:04 Mais vous voyez, il y a eu Georges Lubin pour,
48:08 justement, pour Georges Sand, pour sa correspondance.
48:10 Et les Polonais ont eu Jean Ekier, ou Ekier, comme on peut prononcer,
48:15 pour s'occuper de la republication de toutes les oeuvres de Chopin,
48:18 de les rééditer.
48:20 Donc, il a passé toute sa vie, lui, à se concentrer sur la musique de Chopin
48:24 et Lubin sur la correspondance de Georges Sand.
48:26 - L'artiste a besoin de quelqu'un qui porte le flambeau sur son oeuvre.
48:29 - Et puis, ce sont des personnages qui sont d'une telle richesse
48:32 qu'on peut passer une vie entière avec eux.
48:34 - Absolument.
48:35 Et puis, vous avez une discographie sur instruments modernes,
48:39 notamment un récital liste
48:42 des danses polonciennes du prince Igor de Borodin.
48:48 - Oui, ça, c'est tout un disque de transcription que j'ai fait avec la grande sorcière.
48:51 - C'est forcément sur instruments modernes.
48:53 - Voilà, absolument.
48:54 - Et puis, encore un autre, Chopin, les années Nohant.
48:58 Alors, vous dites que ce festival Chopin, à Nohant, c'est en ce moment.
49:04 - C'est en ce moment, c'est jusqu'à...
49:06 C'est tous les week-ends, chaque année c'est pareil,
49:08 c'est tous les week-ends de juin.
49:09 - Ah, tous les week-ends de juin.
49:10 - Et c'est en juillet, cette année, du 20 au 26.
49:13 Là, c'est un véritable, une immersion dans...
49:16 Il y a des masterclass le matin, des conférences l'après-midi,
49:19 des concerts le soir ou plusieurs dans la journée.
49:22 - Mais c'est ouvert au public ?
49:24 - Ah, mais bien sûr.
49:25 - Mais comment vous le faites ? Vous le faites en extérieur ?
49:28 Parce que les salles ne sont pas si grandes.
49:30 - Pas du tout.
49:31 - Alors, vous criez sur le volet les invités ?
49:33 - Non, non, non.
49:34 Parce que le domaine de Georges Sand, il y a bien sûr sa maison.
49:37 - Il y a un théâtre.
49:38 - Il y a un petit théâtre dans la maison,
49:39 mais il y a surtout l'ancienne bergerie,
49:41 qui a été équipée par le Centre des Monuments Nationaux
49:44 comme une salle de concert.
49:46 Et donc, il y a un véritable auditorium depuis 2010
49:48 qui existait déjà au Parlement, mais qui a été renommé.
49:50 - Pas trop grand, on ne va pas retomber.
49:51 - 400 places.
49:52 - On retombe dans la salle Playel alors ?
49:54 - Non, non, non.
49:55 La salle Playel est quand même plus grande.
49:57 On reste dans quelque chose de raisonnable.
49:58 À l'époque de Chopin, les grands facteurs comme Playel et Rar
50:02 avaient des salons qui contenaient à peu près 250-300 personnes.
50:05 - Oui, c'est vrai.
50:06 - On est dans le même univers.
50:07 - C'est vrai que nous ne sommes pas dans l'ameublement contemporain.
50:09 - Non, non, non.
50:10 [Rires]
50:12 - En tout cas, mille merci Yves-Henri de nous avoir introduits
50:17 dans ces merveilles de comparaison entre les pianos anciens
50:23 et les pianos contemporains, avec l'œuvre de Chopin
50:28 et avec ses valses si mélodieuses et ensorcelantes.
50:33 - Et si ça intéresse aux spectateurs, de voir et de,
50:38 j'allais dire de toucher, non, mais de voir et d'entendre ces instruments,
50:42 on a donc ce salon romantique à Croatie, c'est très proche de Paris,
50:45 c'est à 15 minutes de l'Étoile en hiver.
50:46 - Oui, oui.
50:47 - Et là, on a un salon avec cinq instruments d'époque,
50:50 donc on fait aussi des petits, on ne met pas plus que 40 personnes,
50:55 mais c'est extraordinaire.
50:56 - Et alors, on va sur Internet et on tape ?
50:59 - Croatie-sur-Seine, Salon romantique, Chopin.
51:01 - Très bien.
51:02 - Voilà, on trouve facilement.
51:03 - Bon, alors à très bientôt, Yves-Henri.
51:05 [Rires]
51:06 Et merci infiniment de nous avoir éclairés et invités à réécouter Chopin.
51:13 - Merci à vous.
51:14 - Et un prochain concert à Nohant, vos prochains concerts.
51:20 - Prochain concert à Nohant, c'est le week-end qui vient,
51:26 là c'est très très proche.
51:28 Moi d'ailleurs, j'aurai le plaisir d'accompagner une jeune violoniste formidable
51:32 qui s'appelle Raphaël Moreau, son frère s'appelle Edgar Moreau.
51:37 - Oui, je les ai entendus.
51:38 - Un autre frère s'appelle David Moreau.
51:39 - Oui, ils sont fantastiques.
51:40 - Et le dernier s'appelle Jérémy Moreau, ils sont tous formidables.
51:43 - Oui, ils sont tous, les parents étaient déjà musiciens.
51:45 - Voilà, et je joue avec elle dimanche matin,
51:48 on a une série qui s'appelle "Les tremplins découvertes"
51:51 pour justement favoriser ces jeunes formidables à 11h,
51:55 et on jouera Brahms, César Frank et Tchaïkovski.
51:58 - Et plus tard, en juillet ?
52:00 - Et plus tard, alors on reprendra en juillet, à partir du 20 juillet,
52:02 alors moi je serai en permanence sur place puisque j'anime les masterclass.
52:06 Alors je ne joue pas, mais je suis là partout.
52:09 - Vous animez les masterclass, c'est un rôle important.
52:11 - Et j'accueille et je discute beaucoup avec le public
52:13 parce que le public du festival adore justement échanger un peu sur Chopin.
52:18 - Bien sûr, surtout que vous le connaissez et l'aimez ce Chopin.
52:23 Merci beaucoup Yves-Henri d'être venu pour TV Liberté.
52:27 A bientôt à Nohant ou ailleurs.
52:30 Et faites-nous signe pour un prochain concert éventuellement à Paris.
52:34 - Avec plaisir.
52:35 - Et envoyez-nous le programme pour le festival de Nohant pour l'an prochain.
52:41 Déjà, je prends marre.
52:42 - Promis.
52:43 - Chers amis de TV Liberté, à très bientôt.
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58:09 Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org
58:12 [SILENCE]

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