Lundi 10 juillet 2023, SMART JOB reçoit Alexandra Stocki (Avocate en droit du travail)
Category
🗞
NewsTranscription
00:00 [Musique]
00:02 [Bip]
00:02 BeSmart
00:04 Smart et réglo faire un éclairage sur des points de droit parfois un peu techniques ou des outils d'ailleurs très peu médiatisés et on parle aujourd'hui de l'accord de performance collective.
00:14 Vous en avez entendu parler sans trop d'ailleurs savoir à quoi cela correspondait.
00:18 On va être éclairé dans quelques instants avec Alexandra Stocky.
00:21 Bonjour Alexandra.
00:22 Bonjour Arnaud.
00:23 Ravi de vous accueillir.
00:24 Vous êtes avocate en droit du travail chez Proskauer Rosie.
00:26 Je l'ai prononcé à l'anglaise.
00:28 Spécialisé dans le droit du travail et le droit social depuis 25 ans.
00:33 Et vous avez choisi ce thème d'abord pour leur situer le contexte de création de cet accord de performance collective.
00:40 C'est assez récent, c'est 2018.
00:42 Il est assez récent.
00:43 Il est intervenu dans le cadre des ordonnances Macron et c'est un dispositif qui fait la synthèse d'anciens dispositifs qui existaient déjà par le passé.
00:51 Donc les ordonnances ont unifié et synthétisé le régime de ces anciens accords.
00:56 Alors on rassemble des accords pour en faire un qui est un accord de performance collective.
01:00 L'esprit, parce que quand on fait ce type de réforme c'est qu'on vise un objectif politique ou économique.
01:05 C'était quoi l'idée là ?
01:07 L'objectif c'est de proposer un outil de réorganisation un peu particulier qui est très différent des PSE et des RCC à deux titres.
01:17 Premièrement parce qu'il n'a pas vocation à supprimer des emplois.
01:20 Et deuxièmement parce qu'il n'y a aucune intervention de l'administration du travail dans la conclusion ou dans l'exécution.
01:26 Donc de gré à gré avec les partenaires sociaux et l'entreprise, ils se mettent d'accord.
01:32 C'est dans le cadre de quoi ?
01:34 De difficultés économiques de l'entreprise quand l'entreprise traverse un trou d'air et elle dit il faut revoir les contrats de travail parce qu'il y a quand même un enjeu là.
01:41 Tout à fait parce que c'est un outil comme vous venez de le signaler qui lui porte uniquement sur la modification des contrats de travail
01:48 et de manière très dérogatoire des autres dispositifs et des dispositifs habituels du code du travail.
01:54 Alors oui, ça modifie quoi concrètement quand on rentre dans le détail ?
01:58 Quand on rentre dans le détail, il y a trois sujets possibles. On peut d'ailleurs couvrir les trois sujets en même temps si on le souhaite.
02:04 Et ces sujets sont la durée du travail, la rémunération et la mobilité géographique ou professionnelle dans l'entreprise.
02:12 J'insiste sur le "dans" parce que ça n'a pas vocation à organiser une mobilité en dehors de l'entreprise et dans le groupe.
02:19 Oui, qui existe parfois dans d'autres dispositifs.
02:21 Exactement.
02:22 Je me souviens de la Faire Boche, on avait modifié les horaires de travail, 35, 39, on modifiait les...
02:28 Est-ce que ça rentrait dans cet accord de performance ?
02:31 Ça peut rentrer dedans.
02:33 Ça veut dire que de gré à gré, l'entreprise, le RH, le DAF ou le directeur indiquent qu'ils souhaitent baisser par exemple de 20% d'une manière unilatérale le montant des rémunérations.
02:45 On s'est bien là-dessus.
02:46 C'est tout à fait cela. Ça peut porter d'ailleurs sur le montant, la structure de la rémunération.
02:50 Et vous me demandiez dans quel contexte finalement on peut conclure ces accords.
02:54 Le contexte, il est défini très précisément par le code du travail.
02:58 En fait, il y a trois motifs possibles de recours à ces accords.
03:02 Le premier qui est très général, c'est que l'accord doit répondre aux nécessités de fonctionnement de l'entreprise.
03:09 Donc c'est très très vaste, ça peut inclure notamment la durée du travail.
03:12 Qui avait été critiqué d'ailleurs à l'époque.
03:13 Oui.
03:14 En tout cas...
03:15 Laissant libre cours aux interprétations de cet accord.
03:18 Sous réserve de futurs contentieux dont on parlera peut-être tout à l'heure.
03:21 Exactement.
03:22 En tout cas, c'est le premier motif que l'on peut invoquer.
03:24 Le second, c'est celui de préserver l'emploi.
03:27 Ça, c'est l'argument.
03:28 C'est ce qui existait déjà avant.
03:30 Et le dernier qui existait aussi avant, c'est de développer l'emploi.
03:33 Alors quand on regarde concrètement dans quel cas ce type d'accord qui a connu un vrai succès a été conclu,
03:41 il y a des statistiques de novembre 2021, c'est les dernières, de la Dares.
03:45 Il y a eu 380 accords à peu près entre le 1er juillet 2019 et fin 2020.
03:51 Ce qui est énorme, c'est plus que les PSA ou les RCC.
03:53 Bien sûr.
03:54 Et j'ai noté que seulement 5% des accords ont été conclus dans un contexte qui n'était pas un contexte de difficulté,
04:01 soit financière, soit d'adaptation au marché.
04:04 Donc ça veut dire qu'en pratique, c'est quand même un outil qui est utilisé d'abord et avant tout
04:08 pour des sujets d'adaptation ou d'anticipation de difficultés.
04:12 Et je m'autorise un amortisseur pour éviter le plan social coûteux
04:16 et qu'on va devoir licencier des collaborateurs parce que c'est ça le sujet.
04:20 Et sur une autre planète, quand on fait un PSA et un RCC, ne serait-ce que parce qu'il y a un contrôle de l'administration,
04:25 parce que le cadre est beaucoup plus réglementé.
04:28 La particularité de la PCOC, c'est que finalement d'abord il y a un seul article du Code du travail, ce qui est rare,
04:33 c'est l'article L2254-2, et qui offre une grande souplesse quand même.
04:38 Avant de nous quitter Alexandra, parce que là ce sujet est quand même assez intéressant,
04:41 il avait été très critiqué à l'époque en disant c'est l'entreprise qui fera ce qu'elle veut, qui va déréguler.
04:46 On voit dans l'effet que c'est plutôt un amortisseur au licenciement ou un contrepoids au licenciement.
04:51 Les contreparties et les contestations possibles, il y en a.
04:55 Au licenciement pour motif économique.
04:57 Pour motif économique, absolument.
04:58 Parce qu'en fait, en synthèse, l'intérêt pour l'entreprise c'est quoi ?
05:01 C'est qu'avec l'accord, sauf refus du salarié, on modifie directement le contrat de travail.
05:06 C'est complètement dérogatoire.
05:08 Mais la seconde sécurité la plus forte, c'est qu'en cas de refus du salarié,
05:12 on a un régime complètement dérogatoire du licenciement.
05:15 D'habitude, il faut une cause réelle et sérieuse.
05:18 On a soit du personnel, soit du motif économique.
05:21 Là, en fait, la loi a institué un motif, ce qu'on dit dans le jargon "sui generis",
05:26 une cause autonome de licenciement.
05:28 Et le Code du travail dit que cette cause autonome, elle constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement.
05:33 Donc ça veut dire quoi ?
05:34 Ça veut dire que si on fait bien les choses, le salarié ne peut pas prétendre à des dommages d'intérêt
05:39 pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
05:41 Donc c'est l'avantage essentiel du dispositif.
05:44 Pour l'entreprise, mais il faut le redire, c'est aussi l'avantage.
05:48 On ne se libère pas de collaborateurs, on ne perd pas de valeur et on ne perd pas de talent.
05:52 Lorsqu'on fait un PSE, on sait qu'on va perdre des talents et qu'il faudra les réintégrer si besoin.
05:57 Je pense notamment à Airbus, à des grandes entreprises qui ont dû se délester pour réintégrer.
06:02 Et ça a un coût énorme pour l'entreprise.
06:03 Oui, le coût du PSE est assez important.
06:06 Merci Alexandra de nous avoir éclairé.
06:08 Accords de performance collective avec ces chiffres de la Dares dont vous nous dites qu'ils ont été importants,
06:12 ces accords, et ont peut-être sauvé des emplois.
06:14 Merci de nous avoir rendu visite, c'est un vrai plaisir.
06:17 C'est votre premier passage d'ailleurs dans Smart et Reglo.
06:19 C'était un vrai plaisir de partager ce moment avec vous, Alexandra Astoky, avocate en droit du travail,
06:23 chez Proscower Rose.
06:25 Je l'ai bien dit ?
06:26 Sûrement merci. Oui, à l'américaine.
06:28 A la Rose, exactement, j'ai arrondi.
06:30 On fait une courte pause, on va s'intéresser à la raison d'être.
06:33 Est-ce qu'une entreprise est là uniquement pour créer de la valeur et de la richesse
06:36 ou est-ce qu'elle est toute autre chose ?
06:38 Elle est là aussi pour accompagner ses collaborateurs et leur créer un cadre idéal,
06:42 une qualité de vie au travail ?
06:44 C'est un débat.
06:45 Est-il réglé d'ailleurs ce débat ?
06:47 On va en parler avec nos experts, c'est le Cercle RH, c'est le débat de Smart Job,
06:50 juste après la pause.