Analyse politique

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00:00 Bienvenue sur Stratpol, nous sommes le lundi 5 juin 2023.
00:03 Nous recevons Youssef Indi aujourd'hui pour son livre "La guerre des Etats-Unis contre l'Europe".
00:10 C'est donc toute une série d'entretiens que nous faisons avec les auteurs qui ont quelque chose à dire,
00:15 qui souvent sont en auto-édition, comme c'est le cas de Youssef Indi.
00:18 Donc vous trouverez son livre sur notre page auto-éditeur sur le site de Stratpol.
00:24 Mais avant de commencer, je vous recommande toujours de vous procurer et de vous abonner à "Géopolitique Profonde".
00:30 Donc là, c'est le numéro du mois de mai que j'ai pu récupérer puisque je viens d'arriver à Paris.
00:34 Il existe en version papier ou en version numérique.
00:37 Et là, je retiens l'article extrêmement intéressant, toujours de Laurent Ozon sur l'intelligence artificielle.
00:43 Donc c'est quelque chose dont il faut se doter, s'abonner.
00:49 C'est toujours de très bonne qualité.
00:52 Revenons dans le livre du sujet.
00:54 Youssef Indi, bonjour.
00:55 Bonjour, Xavier Moreau.
00:56 Heureux de vous revoir.
00:58 En tout cas, merci pour l'invitation.
00:59 Ce n'est pas la première fois qu'on se voit.
01:01 La dernière fois qu'on s'était vus, c'était pendant le Covid.
01:03 Donc ça fait un petit moment.
01:05 Mais bien sûr, on se suit l'un à l'autre.
01:07 Je suis vos travaux.
01:08 Je l'ai déjà dit, j'ai beaucoup apprécié tout ce que vous avez écrit sur la Bible hébraïque.
01:13 Les explications qui répondent à des questions que se posent tous les chrétiens,
01:19 c'est-à-dire d'où vient cette violence de l'Ancien Testament.
01:21 Vous avez également écrit sur l'islam politique.
01:24 Donc ça aussi, c'est extrêmement important.
01:27 Comprendre effectivement qu'il y a une utilisation politique de l'islam.
01:30 Mais de la manière dont vous avez analysé l'islam politique,
01:34 j'en ai conclu qu'il y avait également un catholicisme politique,
01:37 comme par exemple en Pologne,
01:38 qui a utilisé dans son histoire le catholicisme comme un vecteur politique,
01:42 ce qui ne devrait pas être le cas, en fait.
01:45 Donc voilà.
01:46 Je vous recommande la totalité de vos travaux qui sont conséquents.
01:50 Là, c'est le dixième.
01:51 Donc ça, c'est le dixième.
01:52 Ça s'appelle "La guerre des États-Unis contre l'Europe et l'avenir de l'État".
01:57 Et donc c'est vraiment un nouveau chef-d'œuvre, on peut le dire, au sens étymologique du terme.
02:03 Je m'en tiens.
02:04 Merci.
02:05 Et donc on va en parler.
02:07 Déjà, pourquoi vous avez...
02:09 C'est une question banale, mais pourquoi est-ce que vous avez sorti ce livre en ce moment ?
02:13 Alors, en fait, avant le début de l'opération spéciale le 24 février,
02:18 je commençais à travailler sur un livre de géopolitique d'opposition entre les États-Unis et la Russie.
02:26 L'opération spéciale a démarré,
02:29 et la guerre opposant ce qu'appellent les Russes, l'Occident collectif,
02:35 et donc la Russie en Ukraine,
02:38 a pris beaucoup d'espace, effectivement,
02:41 mais a attiré l'attention des Occidentaux sur la Russie.
02:47 Or, ce livre, je l'ai écrit...
02:50 C'est un peu un contre-pied par rapport à tout ce qui s'écrit en ce moment
02:54 et le focal qu'on fait sur la Russie, sur cette guerre,
02:57 sur une autre guerre qui, elle, est invisible et beaucoup plus pernicieuse,
03:03 c'est la guerre des États-Unis contre l'Europe.
03:06 Et là, c'est comme si les États-Unis nous montraient la main gauche
03:12 et que les Occidentaux, les Européens ne voient pas ce que fait la main droite.
03:15 Et dans mon livre, j'explique ce que fait la main droite,
03:19 pourquoi elle le fait, et les conséquences,
03:22 les conséquences non seulement économiques, mais aussi politico-juridiques,
03:26 et je dirais même théologico-juridiques.
03:30 Alors, ça me plaît beaucoup parce que j'avais participé à un colloque il y a quelques années
03:35 qui avait été organisé par mon ami Fabrice Sorlin,
03:37 avec qui j'étais dans le Donbass il n'y a pas longtemps,
03:39 qui s'appelait "L'Occident contre l'Europe".
03:41 Donc j'ai trouvé une espèce d'écho, je ne sais pas si vous étiez au courant,
03:44 mais j'ai trouvé une espèce d'écho dans quelque chose qu'on a identifié,
03:46 je pense, il y a déjà depuis plusieurs années.
03:49 Et ce qui me plaît lui aussi, c'est que j'aime beaucoup l'histoire antique,
03:52 et vous démarrez par une comparaison avec la Ligue de Delos,
03:55 donc une ligue qui est apparue au Vème siècle avant Jésus-Christ.
03:58 Est-ce que vous pouvez nous parler un peu de ce parallèle ?
04:00 Alors, ce qu'il faut dire, c'est que dès le début de mon livre,
04:03 j'explique que les États-Unis ne sont pas un empire,
04:06 c'est par là qu'il faut commencer.
04:08 Et j'utilise deux archétypes antiques de domination géopolitique.
04:13 L'empire, Rome, qui est un empire, donc empire terrestre,
04:18 empire qui s'étend sur la terre ferme,
04:23 et qui intègre les populations qui sont dominées,
04:27 jusqu'à, dans un certain nombre de cas,
04:30 leur octroyer la citoyenneté romaine.
04:32 On a pu voir dans l'histoire, par exemple, des gens comme Septime Séver,
04:35 qui était un humide, devenu citoyen romain,
04:39 général romain, puis empereur romain.
04:42 Or, les États-Unis ne sont pas un empire,
04:45 puisqu'ils pratiquent ce que j'appelle une sorte de ségrégationnisme géopolitique,
04:50 un ségrégationnisme dans les relations internationales,
04:53 qui est la traduction d'un inégalitarisme anthropologique.
04:58 Il y a eux et les autres.
05:00 Et dans les archétypes de pouvoir dominant dans l'Antiquité,
05:06 j'ai vu, j'ai saisi que Athènes est celui qui correspond le mieux aux États-Unis.
05:14 On ne peut pas devenir athénien.
05:16 La domination qu'exerce Athènes sur les autres cités grecques,
05:22 marque une distinction nette et une hiérarchie entre Athènes et les autres cités grecques.
05:28 Ce n'est pas devenu un empire, c'est-à-dire que les autres cités grecques ne sont pas devenues des Athènes,
05:32 alors que Rome, c'est la cité de Rome, mais c'est aussi l'empire.
05:37 Et ce que j'explique aussi, c'est que j'ai été frappé par la ressemblance
05:44 qui existe entre l'OTAN et la Ligue de Délos.
05:49 La Ligue de Délos a été fondée à l'initiative des Athéniens pour combattre les Perses, pour repousser les Perses.
05:57 Au début, c'était une organisation relativement égalitaire,
06:01 mais après la défaite des Perses, comme après la disparition de l'Union soviétique,
06:06 les Athéniens n'ont pas dissous la Ligue de Délos,
06:10 tout comme les Américains n'ont pas dissous la Ligue de Délos.
06:13 Plus que cela, les Athéniens disaient quelle cité devait rentrer dans la Ligue de Délos,
06:17 et ils empêchaient la sortie de la Ligue de Délos.
06:21 Plus que cela...
06:23 - Oui, en fait, ils punissaient ceux qui ne voulaient pas rentrer dans la Ligue
06:27 et ceux qui voulaient en sortir.
06:29 - Exactement. Et Délos, c'est le nom de l'île grecque où se réunissait la Ligue annuellement,
06:34 et c'était là qu'étaient entreposés les trésors communs de la Ligue de Délos.
06:39 Ce trésor-là a été accaparé par Athènes,
06:44 donc c'était à Athènes qu'on déposait le trésor,
06:48 et Athènes a aussi cette spécificité.
06:51 Donc, comme je l'explique, l'OTAN ne s'est pas dissous après la disparition de l'Union soviétique,
06:58 tout comme la Ligue de Délos.
07:00 Et plus que cela, Athènes n'est pas un empire, comme je l'explique,
07:06 c'est un égémon, c'est le terme grec
07:09 pour désigner la puissance dominante et l'organisation hégémonique,
07:16 qui est une organisation, comme je l'ai dit, fondamentalement inégalitaire.
07:20 Mais c'est aussi une thalassocratie,
07:22 c'est une puissance maritime commerçante et commerciale,
07:26 et qui utilise le commerce, l'économie, comme une arme de guerre,
07:31 qui ne fait pas de distinction entre l'armée et les civils,
07:35 tout comme les guémones britanniques et les guémones états-uniens.
07:40 Je ne vais pas déflorer le sujet plus avant, mais voilà pour poser le décor.
07:44 On a compris pour la Ligue de Délos le parallèle,
07:48 que vous n'avez pas été le seul à faire, mais qui a l'avantage, c'est que vous l'écrivez.
07:51 L'autre question que vous traitez, c'est comment est-ce que Washington en est arrivé là ?
07:58 Quel est le parcours historique et idéologique de cet égémon ?
08:03 C'est une longue histoire que je retrace.
08:06 Il faut remonter à l'époque de la Réforme,
08:09 qui est en fait une révolution protestante qui a eu lieu sur le continent,
08:13 et la Réforme religieuse qui a eu lieu en Angleterre,
08:17 dans les années 1530, très peu de temps après la Révolution luthérienne,
08:22 qui a opéré une rupture avec Rome, une rupture avec le continent.
08:26 Et c'est le moment de la Réforme, donc émancipation de Rome,
08:31 et le moment où l'Angleterre se déclare empire.
08:35 C'est Thomas Cromwell en 1534.
08:38 Puis cet "empire" naissant adopte le calvinisme,
08:44 et il faut remonter à cette histoire-là pour comprendre la nature des États-Unis,
08:51 puisque au siècle suivant, les pères pèlerins,
08:55 qui se considèrent comme le nouveau peuple hébreu,
08:58 et qui se considèrent comme la nouvelle Amérique,
09:01 et qui se considèrent comme la nouvelle Jérusalem.
09:04 Ils considèrent aussi l'Atlantique comme la mer rouge,
09:07 qui sépare l'oppresseur et l'opprimé.
09:10 Également, l'Amérique est considérée par les pères pèlerins,
09:14 et aussi par leurs successeurs, comme la terre des origines.
09:18 C'est John Locke qui écrira au commencement "Le monde était l'Amérique".
09:22 C'est une façon de dire que l'Amérique est une sorte d'Éden paradisiaque,
09:28 d'Éden terrestre, où il n'y a pas encore eu le premier péché.
09:33 Et ça, c'est très très important, parce que ça va induire un rapport à la loi
09:38 qui a des conséquences énormes, que j'explique dans la deuxième partie de l'ouvrage.
09:42 Je reviens aux pères pèlerins, qui fondent en fait l'Amérique.
09:48 Cette Amérique va se considérer comme une sorte de nation messianique,
09:53 dans un premier temps, mais séparée de l'Ancien Monde.
09:56 L'Ancien Monde qui est en fait l'Europe qui est corrompue par le péché.
10:00 On est l'Adam, on est l'Homme, pardon, on est l'Éden terrestre.
10:05 Nous sommes dans le lieu qui est resté d'une certaine façon pur,
10:09 nous nous séparons du reste du monde.
10:11 Et ça va correspondre plus tard, sur le versant politique et géopolitique,
10:16 à la doctrine Monroe.
10:18 Donc c'est une séparation du bien et du mal.
10:21 Fondamentalement, c'est ça qu'il faut garder à l'esprit.
10:24 Or, il va y avoir une bascule radicale à la fin du XIXe siècle,
10:29 où la doctrine Monroe va s'étendre.
10:32 C'est-à-dire que la doctrine Monroe, c'est l'espace, l'hémisphère de sécurité des États-Unis,
10:40 donc l'Amérique du Nord et l'Amérique du Sud.
10:43 À la fin du XIXe siècle, cette doctrine Monroe va s'étendre à l'Asie et à l'Europe.
10:51 Et en même temps, avec Théodore Roosevelt, dans la même période,
10:56 cette bascule de la destinée manifeste qui était isolationniste
11:04 va devenir une sorte de messianisme véhément
11:08 qui va postuler que la nation messianique américaine ne se sépare plus du vieux monde,
11:15 mais cette nation, la messianique, vient, comme dira Wilson plus tard,
11:20 sauver le monde, apporter la rédemption au monde.
11:23 Donc si on ne comprend pas qu'il y a une dimension religieuse messianique
11:27 dans la géopolitique américaine, on ne peut pas comprendre cette attitude.
11:32 En fait, l'Amérique est à la fois un hégémone et une puissance vétérotestamentaire.
11:37 C'est ce que j'appellerais un hégémone vétérotestamentaire.
11:40 C'est les deux piles.
11:42 Donc la question qui se pose maintenant, c'est comment est-ce qu'ils s'y sont pris ?
11:45 Et vous avez un chapitre spécial sur l'Allemagne,
11:47 sur le rapport précisément entre les puissances anglo-saxonnes et l'Allemagne.
11:51 Est-ce que vous pouvez nous développer un peu cet aspect ?
11:54 Il faut revenir à la construction européenne.
11:57 J'y reviens, d'autres l'ont déjà fait, donc je ne m'y attarde pas particulièrement.
12:02 Légèrement en évidence que l'Union européenne a été construite à l'initiative surtout des Américains,
12:09 que la construction de l'euro aussi a été une initiative américaine,
12:14 mais les Américains avaient besoin d'une sorte de satrap, pour ne pas dire go-lighter, en Europe.
12:21 Les Allemands ont joué ce rôle de satrap.
12:24 Et on voit bien, si on regarde les balances commerciales de la France et de l'Allemagne
12:28 à partir de l'instauration de l'euro,
12:32 avant l'euro, la balance commerciale de la France était positive,
12:35 et la balance commerciale de l'Allemagne était négative.
12:38 Après l'instauration de l'euro, 2002, 2003, 2004,
12:41 à partir de 2004, on voit une montée en puissance des exportations de l'Allemagne
12:48 et une chute de la balance commerciale française.
12:52 Donc en fait, les Américains ont offert sur un plateau à l'Allemagne le marché européen.
12:58 Les Allemands, qui ont eu une monnaie, l'euro, adaptée à leur économie,
13:05 qui serait une sorte de "deutschmark" continentale,
13:08 ont laminé les industries françaises et italiennes.
13:12 Ça, ça a été la première phase.
13:14 Et en fait, on vient de sortir de cette phase.
13:17 Et parallèlement à cela, les États-Unis ont très rapidement considéré
13:23 et l'Allemagne et le Japon comme des puissances industrielles
13:27 dangereuses pour leur propre industrie, des concurrents.
13:30 Des concurrents, mais également des cibles, des proies.
13:35 Il faut voir aussi les États-Unis comme une bête de proie.
13:38 C'est pour ça que je parle dans mon livre de la...
13:43 comment dire... le terme... la prédation comme modèle économique.
13:49 Avec la destruction des gazoducs, on l'a vu,
13:52 mais aussi les sanctions économiques boomerangs,
13:55 qui étaient censées viser la Russie, mais qui touchent surtout l'Europe,
14:00 les Américains ont dans la foulée mis en place des subventions très très importantes.
14:08 Biden a débloqué 390 milliards de dollars,
14:12 non seulement pour soutenir l'industrie américaine,
14:15 mais pour faire un appel d'air des industries allemandes et européennes,
14:20 pour faire venir ces industries allemandes,
14:23 étouffées à cause des Américains qui ont détruit les gazoducs,
14:27 sur le territoire américain, puisqu'ils bénéficieront,
14:31 puisqu'un certain nombre d'entre elles vont s'y installer,
14:33 bénéficieront du coût de l'énergie plus faible en Amérique.
14:39 Donc on en revient à la notion d'empire,
14:42 les Etats-Unis ne sont pas un empire, notamment pour cela,
14:46 parce que l'empire, s'il veut se pérenniser,
14:48 il doit pacifier et apporter la prospérité économique grâce au commerce, etc.
14:55 Or, on ne peut pas faire entrer les Etats-Unis dans cette catégorie impériale,
15:00 puisqu'on se retrouve avec une puissance hégémonique
15:03 qui détruit ses propres "vassaux".
15:06 Difficile à comprendre, mais je pense que j'arrive à l'expliquer dans le livre.
15:10 Alors là, j'ai une question, parce que l'Union Européenne,
15:12 c'est une construction outre-Atlantique, on est bien conscient,
15:17 mais ma question, c'est que là, ils sont en train de la détruire,
15:19 parce que l'Union Européenne est venue sur deux promesses,
15:22 la paix et la prospérité.
15:23 Aujourd'hui, la prospérité, il n'y en a plus, et c'est la ruine.
15:27 Et la paix, l'Union Européenne fait la guerre,
15:29 Borrell se prend pour un chef de guerre au petit pied,
15:35 et le fait est qu'ils font la guerre,
15:37 ils sacrifient des budgets d'infrastructures
15:39 pour acheter désespérément des munitions pour l'Ukraine.
15:43 Ça veut dire que les Américains estiment aujourd'hui,
15:46 les Nord-Américains estiment aujourd'hui
15:48 que l'Union Européenne a rempli sa fonction,
15:50 et qu'on peut liquider l'affaire ?
15:51 Alors, c'est une question très intéressante et complexe.
15:55 Pour y répondre, il faut comprendre,
15:58 ce que j'explique dans le livre,
16:00 qu'il y a des guerres à deux niveaux.
16:03 En fait, il y a une guerre inter-étatique,
16:05 des États-Unis contre les nations européennes,
16:08 mais il y a une guerre qui est moins visible encore,
16:10 c'est celle de la haute finance contre l'économie réelle.
16:14 Or, cette guerre, elle a cours en Europe,
16:18 mais aussi aux États-Unis.
16:20 On voit la haute finance,
16:22 notamment, je parle de BlackRock dans mon ouvrage,
16:26 qui est un fonds d'investissement le plus important au monde,
16:30 qui s'est découvert une passion pour l'écologisme,
16:33 et qui, à partir du début 2020,
16:35 donc au début du Covidisme,
16:38 dans sa lettre aux investisseurs,
16:41 Larry Fink écrit qu'il faut se désinvestir des énergies carbone,
16:47 donc recherche et exploitation.
16:49 En deux ans, il y a eu une chute de l'investissement,
16:51 suite à cette initiative, de 1000 milliards de dollars.
16:55 Donc, il y a une volonté de la haute finance,
16:58 ce qui peut paraître étrange,
17:00 de détruire l'économie réelle.
17:03 Donc, en fait, on a un phénomène de rétractation de l'économie
17:07 à l'échelle occidentale générale,
17:10 en Europe, bien sûr, mais aussi aux États-Unis.
17:13 Et donc, dans ce contexte-là,
17:15 de rétractation et de guerre entre économie réelle et économie fictive,
17:19 finance et production,
17:21 l'hégémonisme américain revoit sa stratégie.
17:25 Et nécessairement, il est obligé d'aller chercher chez ses vassaux
17:30 les ressources qui lui manquent.
17:32 Donc, il va détruire les gazoducs,
17:34 aller piller l'industrie.
17:37 C'est une course au détriment de la périphérie.
17:39 Mais alors là, ça veut dire, parce que, en fait,
17:41 si dans le monde entier, vous êtes le seul à faire ça,
17:43 enfin là, on voit la Chine, aujourd'hui, et l'Inde,
17:46 se font concurrence pour acheter le pétrole russe.
17:50 La Chine ne renonce pas aux gaz, ni aux hydrocarbures.
17:54 Elle a même obtenu de l'Arabie Saoudite qu'elle vende son pétrole en yuans.
18:00 À côté de ça, la Russie, il y a six mois, a déclaré
18:03 qu'elle n'abandonnerait pas le charbon,
18:05 que simplement, elle mettrait des filtres, en gros,
18:07 pour ne pas que ça pollue l'atmosphère, etc.
18:09 Donc, malgré tout, s'interdire ces énergies
18:13 qui sont extrêmement compétitives et faciles d'utilisation,
18:17 qui, en plus, dans certains aspects, comme par exemple les pneus,
18:19 sont irremplaçables, c'est du suicide économique.
18:22 Expliquez-moi ça.
18:24 Oui, c'est un suicide, mais là encore,
18:26 ce sont les États-Unis qui sont en train de suicider l'Europe.
18:29 Parce que les États-Unis, quand même, ils ont le gaz de schiste,
18:32 ils ont une certaine indépendance énergétique.
18:36 Donc, ils peuvent faire fonctionner leur économie
18:39 sans avoir besoin de trop d'importations extérieures,
18:43 alors que l'Europe n'a pas de ressources énergétiques.
18:47 La ressource énergétique de l'Europe, en tout cas à bas coût,
18:51 se retrouve... est en Russie.
18:54 Donc, les États-Unis détruisent littéralement l'économie européenne,
19:01 remettent en place un rideau de fer entre l'Europe et la Russie
19:07 pour alimenter leur centre avec l'industrie...
19:10 Il y a une soixantaine d'entreprises, quand j'écrivais mon livre,
19:14 une soixantaine d'entreprises allemandes
19:16 qui avaient déjà pris leur décision de se délocaliser.
19:20 Oui, voilà, ce délai, une énorme entreprise allemande et européenne
19:25 qui décide de s'installer en Amérique.
19:28 Donc, il y a, comme je l'ai dit, une politique qui est tout à fait suicidaire
19:33 et il y a une dimension irrationnelle.
19:35 C'est pour ça que je disais tout à l'heure,
19:37 on ne peut pas comprendre la politique américaine,
19:39 la politique occidentale, si on ne retourne pas aux religieux.
19:44 Parce que même lorsqu'on a des dirigeants américains ou européens qui sont athées,
19:51 à leur propre insu, ils mènent une politique qui est religieuse
19:57 mais une version sécularisée, laïcisée de la religion.
20:02 Je ne vais pas rentrer ici dans le détail.
20:04 Mais on voit par exemple ce qui se passe dans la guerre contre la Russie.
20:07 C'est là qu'il y a une dimension irrationnelle.
20:09 C'est que la Russie à elle seule, mettons de côté les conséquences humaines
20:16 et voyons simplement les appareils militaro-industriels.
20:21 On est dans une situation où l'Europe entière et les États-Unis
20:24 sont en train de perdre une guerre industrielle
20:28 qui oppose l'appareil militaro-industriel occidental et l'appareil militaro-industriel russe.
20:35 Et ça, c'est la conséquence de décennies de politique,
20:39 de ce qu'on appelle le néolibéralisme, pour être plus concret, de libre-échangisme
20:44 qui a délocalisé toute une partie de l'industrie du monde occidental vers l'Asie.
20:50 Mais pas seulement.
20:51 En misant sur le tertiaire et sur l'économie fictive,
20:57 les Européens, les Occidentaux ont cessé de produire des ingénieurs.
21:01 Et ça, c'est ce qu'Emmanuel Todd a mis en évidence.
21:04 Pour une population à peu près deux fois inférieure à celle des États-Unis,
21:08 la Russie produit plus d'ingénieurs chaque année que les États-Unis.
21:12 Mais alors, cette guerre qu'ils ont lancée contre la Russie,
21:15 ils n'avaient pas vu nuire cet aspect des choses,
21:17 le fait qu'ils étaient incapables de produire des munitions ?
21:19 J'ai vu dans le Wall Street Journal, il n'y a plus de production de poudre noire aux États-Unis.
21:24 Il n'y en a plus en France, mais bon, nous on a l'habitude.
21:27 Donc on a été surpris en fait par l'état du complexe militaro-industriel américain
21:30 avec l'argent qui est dépensé.
21:32 Alors, en fait, d'abord, ils ont sous-estimé les capacités russes.
21:37 Le problème des États-Unis, c'est qu'ils sont touchés par le syndrome du membre manquant.
21:42 C'est-à-dire qu'ils ne sont plus une hyperpuissance,
21:46 mais ils ont l'impression que cette hyperpuissance existe toujours.
21:50 Et c'est un phénomène qui touche aussi,
21:54 qui a une influence sur leur vision qu'ils ont des autres pays, notamment de la Russie.
22:00 C'est-à-dire qu'ils ont une image d'eux-mêmes qui remonte aux années glorieuses des États-Unis,
22:07 et ils ont une vision de la Russie qui est celle des années 90 ou de la fin des années 80.
22:12 C'est-à-dire une Russie en décomposition ou qui se reconstruit modestement.
22:17 Je ne sais pas ce que font les services de renseignement états-uniens,
22:21 mais en tout cas, ils ont manifestement cru, moi c'est mon hypothèse,
22:25 qu'ils allaient embourber la Russie en Ukraine comme ils avaient embourbé l'Union soviétique en Afghanistan.
22:31 Moi c'est ce que j'ai pensé dès le départ.
22:33 Je me suis dit qu'ils essaient de faire durer le conflit,
22:36 déclencher le conflit et le faire durer pour épuiser la Russie et la faire s'effondrer de l'intérieur.
22:41 Or, ce à quoi on assiste, c'est le contraire.
22:45 C'est-à-dire que ce sont les Européens qui sont dans la situation de l'Union soviétique finissante,
22:53 et les Russes, eux, vous connaissez le sujet mieux que moi, vous en parlez souvent.
22:58 Ils sont dans une phase d'hyper-industrialisation, les usines ouvrent sans arrêt de tout.
23:03 Ils ont mis les Chinois à la place, notamment dans le domaine automobile, à la place des Européens,
23:08 et même des Américains, puisque je crois que Ford a fait ses bagages.
23:12 Mais ils ont exigé qu'il y ait une localisation, notamment des sous-ensembles.
23:17 Donc effectivement, je partage tout à fait cette année.
23:20 Donc il y a une abstraction, une vision abstraite du monde qui touche les dirigeants américains,
23:24 qui touche les dirigeants européens, et qui les sépare totalement de la réalité.
23:30 Alors, du point de vue russe, c'est un avantage, mais du point de vue européen, occidental en général,
23:37 c'est un suicide collectif, puisqu'ils essayent de remplacer leur déficit dans la réalité par du verbe.
23:46 Or, la chute risque d'être... En fait, au lieu d'aboutir à une chute du régime de Vladimir Poutine,
23:53 ce qui peut se passer, c'est plutôt la chute de plusieurs gouvernements européens.
23:56 Et c'est ça qu'ils ne voient pas.
23:58 – Et alors, là, vous nous décrivez une situation, malheureusement, de manière réaliste,
24:03 et que je partage votre analyse, mais à la fin de votre ouvrage,
24:06 il y a quand même une recette pour s'en sortir.
24:09 Alors, comme il faut quand même que les gens aillent acheter l'ouvrage,
24:11 vous n'allez pas tout nous dire, mais indiquez-nous la voie à laquelle vous pensez s'en sortir.
24:17 – Alors, sans rentrer dans le détail, parce que la fin du livre conclut le livre entier,
24:22 qui fait 392 pages, et il conclut la seconde partie, qui a elle seule fait 200 pages.
24:27 Mais pour revenir à mon propos tout à l'heure, je disais que les États-Unis menant cette politique...
24:32 l'Occident menant une politique suicidaire, les États-Unis qui suicident l'Europe,
24:40 sont en train de se rétracter.
24:43 Rétractation de l'économie, mais aussi un durcissement de l'emprise politique des États-Unis sur l'Europe.
24:51 Mais cette rétractation et cet affaiblissement des gouvernements européens
24:57 dans ce contexte de guerre contre la Russie, pourraient ouvrir une fenêtre d'opportunité.
25:03 C'est-à-dire que la rétractation pourrait aller jusqu'à des problèmes internes aux États-Unis.
25:09 Ce qui pourrait conduire, là c'est la prospective,
25:14 ce qui pourrait conduire à des déstabilisations de plusieurs gouvernements,
25:18 voire de plusieurs régimes en Europe, notamment en France.
25:22 Et on peut se diriger vers des bouleversements politiques extrêmement importants.
25:28 Aujourd'hui, l'Europe a l'air d'être, les peuples européens ont l'air d'être dans une sorte de prison à ciel ouvert.
25:35 Et l'Union Européenne, une sorte d'Union Soviétique bis, c'est ce que j'appelle un sovieto-capitalisme,
25:42 c'est-à-dire un système totalitaire piloté par une oligarchie qui défend des intérêts privés,
25:48 ça commence à se voir, et la cocotte minute pourrait exploser,
25:53 et permettre une libération de l'Europe, du moins d'un pays comme la France,
25:58 de cette domination à force de rétractation.
26:01 Mais pour ce faire, il faut que les élites, les futures élites françaises,
26:06 prennent le problème à bras-le-corps et commencent à y penser très sérieusement.
26:10 Et ce livre est une modeste contribution à cela.
26:16 - Ce sera le mot de la fin, merci beaucoup cher Youssef. - Merci à vous, vous êtes les moraux.
26:21 - C'est toujours agréable de voir qu'on est plusieurs, tout de même, à essayer de penser la politique,
26:28 et l'analyse politico-stratégique autrement, et puis finalement on se rejoint sur beaucoup de thèmes,
26:34 il ne faut pas dire sur tous.
26:36 Donc je recommande le livre "La guerre des Etats-Unis contre l'Europe et l'avenir de l'Etat",
26:41 c'est en auto-éditeur, mais c'est stratégika, je vous renvoie également sur ce site ami,
26:46 vous retrouvez le général de la VAR, Pierre-Antoine Plaquevent,
26:50 que des gens que nous apprécions particulièrement.
26:53 - Et c'est 25 euros. - Pour un livre de 392 pages.
26:58 - Pour un livre de 392 pages. Encore une fois, on mettra le lien en description de cette vidéo
27:03 pour vous le procurer, et le lien sera également sur la page auto-éditeur de notre site internet.
27:14 - Quelques petites annonces, une conférence avec Pierre-Antoine Plaquevent à Nice,
27:19 chez Culture Populaire, le 1er juillet.
27:23 - Voilà, ne manquez pas Youssef Enni, vous avez de la chance, lui vous pouvez le voir en chardonneuse,
27:28 toute l'année en France. Merci Youssef. - Merci encore, merci pour l'invitation.
27:32 - Merci d'avoir été des nôtres.

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