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Elle était l'un des arts libéraux majeurs de la société médiévale. De la musique sacrée des chantres à la musique profane des troubadours, l'harmonie s'est invitée partout où elle le pouvait jusqu'à l'église abbatiale de Saint-Antoine, là où l'exposition Ars musica, l'harmonie du monde, trouve sa source.

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00:00 [Musique]
00:23 [Musique]
00:35 Bonjour, bienvenue au musée de Saint-Antoine-de-l'Abbaye,
00:38 l'un des onze musées du département de l'ISER.
00:40 Je suis Géraldine Mosselin, directrice du musée,
00:42 et aujourd'hui je vous convie donc à visiter l'exposition temporaire
00:47 "Ars Musica, l'harmonie du monde".
00:49 Alors le musée de Saint-Antoine-de-l'Abbaye, c'est un musée de sites
00:52 qui raconte une histoire bientôt millénaire,
00:54 celle des hospitaliers de Saint-Antoine,
00:56 celle du site abbatial et de la très belle église abbatiale,
01:00 qui en est le point focal.
01:02 C'est un musée aussi qui accueille de très nombreux visiteurs
01:05 tout au long de l'année, à travers des actions de médiation plurielle
01:09 en lien avec cette histoire,
01:11 que ce soit à travers les parfums dits thérapeutiques
01:15 ou encore à travers les arts et la musique.
01:18 [Musique]
01:29 Alors nous sommes ici sur le parvis de l'église abbatiale de Saint-Antoine,
01:32 devant ce magnifique portail gothique,
01:35 puisque c'est en effet ici, devant et dans l'église abbatiale,
01:39 que l'exposition "Ars Musica" trouve sa source.
01:43 En effet, les anges choristes que l'on aperçoit sur le grand portail,
01:47 comme les anges musiciens du Triforium,
01:49 sont une source d'inspiration indéniable pour l'exposition.
01:53 Et c'est ainsi que l'on peut dire que cette façade est à la fois programmatique,
01:58 elle annonce ce que l'on va découvrir à l'intérieur,
02:00 et surtout, elle rappelle que la musique fait corps et âme
02:04 avec la liturgie au Moyen-Âge.
02:06 [Musique]
02:20 La musique au Moyen-Âge n'est pas une discipline,
02:23 comme peuvent l'être par exemple les beaux-arts.
02:25 C'est une science à part entière, c'est une science du nombre,
02:29 comme aiment à le rappeler de très nombreux commentateurs,
02:34 de très nombreux penseurs de l'antiquité tardive, tels que Boës.
02:38 Alors Boës, lui, va définir trois branches essentielles
02:42 pour expliquer ce qu'est la musique.
02:44 Tout d'abord, la musique qui est la musique des sphères,
02:47 la musique qui régit l'harmonie du monde,
02:50 c'est la musique qui s'élève au plus près du divin,
02:52 par le prisme des anges, par exemple, et des sérafins.
02:55 Ensuite, la musica humana, c'est celle que l'on a au fond de soi-même,
02:59 elle est introspective, c'est la musique de l'homme.
03:01 Effectivement, il faut que tout en nous soit harmonisé,
03:04 donc tout soit équilibré, que ce soit aussi corps, âme, esprit,
03:07 comme les organes, pour rester en bonne santé.
03:09 Enfin, la musica instrumentalis, c'est la musique des instruments,
03:13 c'est la musique sonore, pas seulement des instruments de musique,
03:17 mais aussi de la voix, puisqu'il ne faut pas l'oublier,
03:20 la voix est le premier instrument.
03:22 Alors, une fois cette définition donnée,
03:25 il faut savoir aussi que la notation musicale
03:27 ne va apparaître qu'à partir du IXe siècle.
03:30 Elle est assez sibylline, dirais-je, c'est la notation nomatique,
03:34 par des signes simplement qui accompagnent le texte.
03:37 Il faudra attendre le XIe siècle, et notamment Guido d'Arezzo,
03:41 pour que cette notation soit vraiment destinée, on va dire,
03:45 et facilite l'apprentissage de la musique,
03:48 à travers notamment la portée, telle qu'elle ressemble aujourd'hui
03:51 dans tous nos manuels de solfège,
03:53 c'est-à-dire quatre lignes pour commencer, puis cinq,
03:56 et des notes qui, progressivement, de simples signes,
03:59 de simples accents, ponctuations, prendront la forme carrée.
04:04 Alors, on retrouve ces manuscrits notés dans la sphère,
04:08 on va dire, plutôt sacrée, que ce soit dans les antiphonaires,
04:12 par exemple, ce très bel antiphonaire dominicain
04:15 prêté par la Bibliothèque municipale de Lyon,
04:17 qui fourmille de détails dans ses marges,
04:20 comme la plupart des très beaux manuscrits médiévaux,
04:23 ou encore dans la sphère laïque, profane,
04:26 à travers, par exemple, cette peinture
04:29 que l'on doit à un maître anonyme.
04:31 Il s'agit ici d'une copie prêtée par le musée du château de Versailles,
04:35 d'après un original perdu de la première moitié,
04:38 vraisemblablement, du XVe siècle.
04:40 Alors ici, nous assistons à une fête, à une fête galante,
04:43 c'est un jardin d'amour à la cour du duc de Bourgogne,
04:46 Philippe Lebon.
04:47 Des protagonistes de la fête s'apprêtent à partir à la chasse,
04:50 pour certains, faucons au point.
04:53 D'autres entament une basse dense.
04:55 Ils sont tous vêtus à la mode bourguignonne de l'époque.
04:58 On retrouve des coiffes relativement volumineuses pour les femmes,
05:02 coiffes à cornes telles que celles-ci,
05:05 des chaperons pour les hommes.
05:06 Mais aussi, ce qu'il faut retenir, c'est que,
05:09 ici, sur le côté, mais également à côté du duc de Bourgogne,
05:14 un chanteur va entamer, on va dire, une prestation.
05:19 Il tient une partition à la main et à la bouche ouverte,
05:22 ce qui signifie qu'il chante.
05:24 Car le chant, la danse et la musique sont intimement liés et forment un tout.
05:29 De l'autre côté, des musiciens, eux, accompagnent cette basse dense,
05:33 accompagnent cette fête galante,
05:35 avec tout d'abord des joueurs de busines, de trompes,
05:37 de trompes recourbées, mais également de flûtes.
05:40 Et on a, à l'arrière-plan, un paysage qui peut être quelque peu fantaisiste,
05:45 mais qui reflète bien le goût de l'époque au sein des grandes courses européennes.
05:51 L'exposition Ars Musica met en lumière la musique à travers les arts,
05:56 mais aussi à travers l'architecture.
05:58 Nous nous trouvons ici devant le moulage de l'un des huit chapiteaux
06:03 qui ornaient jadis le cœur de l'église abbatiale de Cluny III, en Bourgogne.
06:08 Il s'agit de l'un des deux chapiteaux qui est entièrement composé
06:13 de deux chapiteaux, un de plus grand, un de plus petit.
06:16 Alors il s'agit de l'un des deux chapiteaux qui est entièrement consacré à la musique.
06:21 Celui-ci concerne les quatre premiers tons du plein chant,
06:24 entendons par là le chant grégorien.
06:27 Nous sommes accueillis par un joueur, chanteur également,
06:31 et qui tient dans ses mains la lyre.
06:33 C'est le premier ton de la musique qui est consacré à la modulation,
06:37 qui est extrêmement importante.
06:39 Il faut savoir que ce chapiteau, comme le deuxième chapiteau consacré au plein chant,
06:44 s'inspirait sans doute d'un tonnerre, un manuscrit en fait,
06:48 qui avait été rédigé au Xe siècle et qui expliquait aux chantres
06:53 la manière de chanter, où il fallait qu'ils placent leur voix.
06:57 Le deuxième ton nous montre une femme tenant des percussions
07:01 et le texte qui se trouve dans la mandorle explique tout simplement
07:05 que ce deuxième ton répond à la science du nombre et aux lois.
07:11 Pour rappeler bien évidemment que la musique est avant tout théorie,
07:14 elle fait partie des sept arts libéraux.
07:17 Le troisième ton explique qu'il s'agit du ton bondissant.
07:21 Je suis le ton qui bondit et qui célèbre en quelque sorte la résurrection du Christ.
07:26 Et là nous allons avoir un joueur de sitar lutte.
07:30 Enfin, le quatrième et dernier ton de ce premier chapiteau consacré à la musique
07:35 nous montre un personnage esquissant une danse
07:39 dans le cadre certainement de rites funéraires.
07:42 Il tient le tintinabulum sur ses épaules, c'est une perche de bois
07:46 à laquelle étaient suspendues des sonnailles.
07:49 Et le texte qui se trouve dans la mandorle explique que ce quatrième ton
07:53 est utilisé dans le cadre des lamentations.
07:56 L'ars musica célèbre l'harmonie du monde mais aussi la beauté.
08:08 C'est ce que semble susurrer Jacqueline de Bavière,
08:12 ici représentée sur ce délicat dessin prêté par le département des arts graphiques du Louvre.
08:18 En effet Jacqueline de Bavière faisait partie de cette aristocratie puissante au XVe siècle
08:24 et dont d'ailleurs Albert de Bavière, l'un des membres les plus éminents,
08:29 avait fondé en 1382 une confrérie pieuse d'hommes et de femmes,
08:34 tous issus de l'aristocratie et qui était entièrement dévouée au culte de Saint Antoine.
08:41 Cette confrérie des chevaliers de Saint Antoine avait été fondée à Barbefosse,
08:46 dans le nord et dans les anciens Pays-Bas bourguignons,
08:50 une ancienne commanderie antonine d'ailleurs.
08:53 Et on voit que la belle jeune femme arbore autour du cou le célèbre collier doté du tôt et de la clochette
09:02 qui pouvait être en or ou en argent.
09:05 Alors elle effleure de ses doigts graciles un organetto,
09:08 l'un des instruments qui fait vraiment partie de l'instrumentarium,
09:12 notamment des anges, des anges musiciens, mais pas seulement.
09:15 C'est une musique de cours, c'est une musique délicate
09:19 et cette délicatesse effectivement trouve un écho favorable à travers le vêtement.
09:25 Cette houppelande vraisemblablement à freppes, à déchiquetures,
09:29 qui complète le vêtement, mais aussi sa coiffe, ce rucher qu'elle a au-dessus de la tête
09:36 et qui bien évidemment est aussi un signe de la mode en Bourgogne.
09:52 Donc après la cosmologie, après l'espace et l'art,
09:56 nous voici dans une autre section de l'exposition "Musique et formes"
10:00 car il faut bien le savoir, il n'existe plus d'instrument de l'époque médiévale
10:05 à l'exception de quelques fragments qui nous soient parvenus
10:08 ou encore de précieux olifants conservés aujourd'hui dans des trésors d'églises
10:13 ou encore dans les collections publiques.
10:15 Donc ce qu'évoque cette exposition, c'est aussi la manière de rendre vivante toute cette histoire
10:21 à travers notamment des instruments qui sont restitués par les luthiers musiciens
10:26 lesquels travaillent avec le Centre international de musique médiévale de Montpellier
10:30 avec lequel nous avons conclu un très beau partenariat pour cette exposition.
10:34 Alors nous nous trouvons ici devant un très délicat psautier qui date du XIVe siècle.
10:39 C'est une merveille absolue prêtée par la bibliothèque Seccano d'Avignon.
10:43 Un psautier, c'est un livre de psaumes, les 150 psaumes de David
10:47 et nous voyons sur l'une des miniatures tout à fait séduisantes
10:52 le roi David tenant une vielle à archer alors qu'une reine lui fait face avec un organetto en main.
10:59 Nous voyons également des marges finement ouvragées, pleines d'oiseaux en l'occurrence
11:05 puisque les chants des oiseaux accompagnent l'harmonie, accompagnent la beauté
11:10 et font partie du monde justement des sphères.
11:14 Alors cette exposition aussi est on va dire originale
11:19 dans la mesure où elle met en correspondance les œuvres elles-mêmes,
11:24 les instruments et les instruments de musique d'aujourd'hui qui ont été restitués
11:30 et lesquels sont par ailleurs joués lors de concerts, lors d'ateliers,
11:34 lors d'académies proposées par le Centre international de musique médiévale.
11:39 [Musique]
11:59 Pour prolonger la visite je vous conseille la lecture du catalogue de l'exposition
12:03 donc Arts musicales harmonie du monde paru chez Silvana Editoriale
12:07 un parcours à destination des familles vous attend également
12:11 donc il est gratuit et il sera à votre disposition à l'accueil du musée
12:16 et petite cerise sur le gâteau, le livret jeu qui a été édité par le département de l'ISER
12:21 pour permettre aux familles durant tout l'été, accompagnées de leurs enfants,
12:25 de découvrir les 11 musées du département de l'ISER.
12:28 Lesquels musées sont gratuits pour tous, tous les jours
12:32 et vous pouvez retrouver l'intégralité de la programmation sur muséesaupluriel.iser.fr
12:38 Merci de m'avoir suivi dans l'exposition et à bientôt pour une prochaine visite guidée.
12:44 [Musique]

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